| ÉLOGE, subst. masc. A.− Discours prononcé ou écrit vantant les mérites, les qualités de quelqu'un ou de quelque chose. 1. [Avec un compl. déterminatif introd. par de et désignant une pers. ou ses actes, ses qualités, etc.] Faire, écrire l'éloge de qqn; prononcer un éloge. Dans « Attila », Pierre Corneille fera l'éloge de Louis XIV, et l'éloge même du dauphin (Brasillach, Corneille,1938, p. 296).L'éloge que D'Alembert venait de publier de MmeGeoffrin (Guéhenno, Jean-Jacques,1952, p. 326).Jean-Paul Richter écrit de son héros : « il lisait les éloges des grands hommes avec autant de plaisir que s'il eût été l'objet de ces panégyriques » (Bachelard, Poét. espace,1957, p. 9). − En partic. ♦ Éloge académique, ou p. ell. du déterm., éloge. Discours fait par le secrétaire d'une académie ou un membre récipiendaire pour évoquer la vie, les vertus et mérites d'un académicien décédé. J'étais fort loin de penser qu'après un peu de temps, il m'appartiendrait de rendre à votre confrère l'hommage d'un éloge (Valéry, Variété IV,1938, p. 40): 1. ... en le voyant se lever et saluer aux plats compliments de quelques renards d'administration, je me disais : « jeune homme, écoute-moi bien; tu ne te lèveras jamais comme cela; tu ne salueras jamais comme cela. Il faut faire maintenant un grand serment. » Voilà comment on se prive de toute espèce de décoration et de toute espèce d'éloge académique.
Alain, Propos,1914, p. 183. ♦ Éloge funèbre. Discours louant les mérites, les vertus d'un défunt. Il ne s'agit pas (...) de mon éloge funèbre écrit d'avance par moi-même (Mauriac, Nœud vip.,1932, p. 19). Rem. La docum. atteste la forme éloge funéraire. L'Académie qui se démène pour acquérir ses membres indispensables à sa fonction, appliquée à l'éloge funéraire (Arnoux, Rêv. policier amat., 1945, p. 208). 2. [Avec un compl. déterminatif introd. par de et désignant la chose louée] Éloge du travail manuel, de la vertu. Ce sont des rhéteurs grecs qui ont fait l'éloge de la peste, de la fièvre (Taine, Philos. art.,t. 2, 1865, p. 103).Je voudrais écrire, ne fût-ce que par reconnaissance, l'éloge des œuvres qui m'ont appris à me connaître, qui m'ont formé (Gide, Journal,1940, p. 50): 2. ... un poète plein d'humour, Mandeville, avait, dans une fable paradoxale, osé dire la nouvelle espérance. C'était un petit livre aigu, cynique, à l'aurore de nos temps, le premier éloge sans doute de ce qu'on a depuis appelé le capitalisme.
Guéhenno, Jean-Jacques,1948, p. 90. 3. Spéc., LITT. Genre littéraire en honneur surtout au xviiiesiècle. Le numéro [de la revue] paraît avec les « Éloges » de Saint-Léger (Gide, Journal,1911, p. 334). B.− Jugement relevant très favorablement en parole ou par écrit les mérites ou la réussite de quelqu'un ou de quelque chose. 1. [Ce qui est loué est une pers.] Louange, témoignage d'estime adressé à quelqu'un pour quelque chose. Combler, couvrir qqn d'éloges; être digne d'éloges; un mot d'éloge; un concert d'éloges. Faire l'éloge de qqn.En dire du bien. Maman, ça lui arrivait de faire les éloges de son frère, de raconter devant tout le monde, ses entreprises, ses réussites, ses astuces (Céline, Mort à crédit,1936, p. 351).Il avait fait d'elle cet éloge, considérable mais dont on voit les limites : « je ne lui ai jamais entendu dire ni une bêtise ni une vulgarité » (Montherl., Pitié femmes,1936, p. 1115).Le premier devoir des pauvres filles qui nous enseignaient, c'était de répartir également les éloges et les bons points à notre académie de prodiges (Sartre, Mots,1964, p. 65): 3. Il [Jonas] comprit rapidement que ses disciples ne lui demandaient pas des critiques, dont ils n'avaient que faire, mais seulement des encouragements et, s'il se pouvait, des éloges. Il fallait seulement que les éloges fussent différents.
Camus, L'Exil et le Royaume,1957, p. 1637. − Loc. Être (tout) à l'éloge de qqn. [Le suj. désigne une action, une manière d'être ou de faire de la pers. qui reçoit l'éloge] Porter témoignage de la valeur, du mérite de quelqu'un. Ce résultat est à l'éloge de vos élèves (Bonn.-Leis.1970). 2.− Plus rare. [Ce qui est loué est l'œuvre d'une pers. ou d'une collectivité] Vive marque d'appréciation, opinion très favorable portée sur quelque chose. Faire l'éloge de qqc.Il lui arrivait parfois de faire le plus grand éloge d'une pièce nouvellement découverte (Duhamel, Suzanne,1941, p. 30).Il [Gide] m'expose à nouveau ses idées, fait l'éloge de ce qu'il appelle « l'amour grec » (Martin du G., Notes Gide,1951, p. 1399): 4. ... Marx justifie l'ordre qui s'établit en son temps. L'éloge le plus éloquent du capitalisme a été fait par son plus grand ennemi. Marx n'est anticapitaliste que dans la mesure où le capitalisme est périmé.
Camus, L'Homme révolté,1951, p. 238. − Loc. (Être) au-dessus de tout éloge. [En parlant d'une conduite, d'une action, etc.] Si exceptionnel, remarquable que la louange n'en peut décrire la valeur, la qualité. [Faire] preuve d'une intrépidité et d'un sang-froid au-dessus de tout éloge (Vercel, Cap. Conan,1934, p. 135). SYNT. Adresser, décerner des éloges à qqn; se répandre en éloges sur qqn ou qqc.; ne pas tarir d'éloges; parler avec éloge de qqn ou de qqc.; mériter, recevoir des éloges; un concert d'éloges; un éloge enthousiaste, exagéré, exalté, flatteur, hyperbolique, mérité, outré, pompeux; un bel, grand, magnifique éloge. Rem. La docum. atteste élogier, verbe trans. Faire l'éloge de quelqu'un ou de quelque chose. Tout Élogier, est presque aussi ridicule que de tout censurer (S. Mercier, Néol., t. 1, 1801, p. 209). Il s'en va partout colportant, pesant, balançant, élogiant les avantages athéniens, romains, américains (Balzac,
Œuvres div., t. 2, 1830-35, p. 393). Prononc. et Orth. : [elɔ:ʒ]. Enq. : /eloʒ/. Ds Ac. dep. 1694. Étymol. et Hist. Fin xvies. ou début xviies. elogue (Pasquier, Lettres, éd. 1619, t. 1, p. 558); 1605 eloge (Montchrestien, Hector, éd. Petit de Julleville, p. 32 ds IGLF); 1611 euloge au sens de « paroles de louange en l'honneur de quelqu'un » mais aussi « bénédiction, épitaphe, testament » (Cotgr.); 1656 plus gén. « expression de l'admiration, ton de la louange » rapporter avec éloge (Pascal, Provinciales, XIIelettre, éd. L. Lafuma, p. 425). Empr. au lat.ēlogium (empr. au gr. ε
̓
λ
ε
γ
ε
ι
̃
ο
ν « mètre élégiaque; distique », avec attraction de λ
ο
́
γ
ο
ς et de ēloqui) « épitaphe, courte formule, clause d'un testament » qui, par rapprochement avec le gr. ε
υ
̓
λ
ο
γ
ι
́
α « beau langage, belles paroles » d'où « éloge » et « bénédiction », a pris en b. lat. (cf. Tertullien ds Blaise, s.v.) le sens de « éloge » et même parfois la forme eulogium qui est à l'orig. de la forme fr. euloge. Le gr. ε
υ
̓
λ
ο
γ
ι
́
α est encore à l'orig. du lat. chrét. eulogia au sens de « bénédiction » (v. eulogie), d'où la confusion entre eulogia et elogium. Fréq. abs. littér. : 2 130. Fréq. rel. littér. : xixes. : a) 4 405, b) 3 342; xxes. : a) 2 678, b) 1 897. Bbg. Gohin 1903, p. 244 (s.v. élogier). − Quem. 2es. t. 1 1970 (s.v. élogier). |