| ÉLARGIR, verbe trans. I.− Emploi trans. A.− Rendre plus large, augmenter l'étendue dans le sens de la largeur. Élargir un chemin, une route; élargir une blessure, une brèche, une ouverture, une plaie; élargir une robe, un vêtement. La couturière de la duchesse [de Malakoff] a reçu l'ordre, dit-on, d'élargir sensiblement la taille de ses robes (Mérimée, Lettres à la ctesse de Montijo,t. 2, 1870, p. 135).Il s'agissait (...) d'allées à élargir dans la futaie (Châteaubriant, Lourdines,1911, p. 11): 1. Dans le sud [de la Chine], un élément paréen a assombri la peau, élargi la tête et le nez, et raccourci la taille.
Haddon, Les Races hum.,1930, p. 203. − En partic. 1. Faire paraître plus large. Des favoris rouges élargissaient son visage surmonté d'un toupet (Flaub., Bouvard,t. 1, 1880, p. 6).Les gelées venaient, mais la limpidité élargissait tous les vallons (La Varende, Amours,1944, p. 210). 2. Écarter largement ou augmenter l'écart entre deux choses. Il [Bobi] élargit les bras pour imiter le large horizon (Giono, Que ma joie demeure,1935, p. 191). 3. Déployer, étendre quelque chose de large. Les sapins démesurés élargissaient sur nos têtes une voûte gémissante (Maupass., Contes et nouv.,t. 1, Bandit corse, 1882, p. 55). B.− Rendre plus vaste, plus étendu. 1. Domaine phys.Agrandir, augmenter la surface, l'étendue (d'un espace, d'un terrain, d'une propriété). Le paysan élargit la terre qu'il laissera derrière lui (Faure, Espr. formes,1927, p. 140).Quel repos d'avoir élargi sur la carte les espaces où l'on n'a plus souci d'aller voir! (Gide, Journal,1939-49, p. 416). − P. méton. [Le compl. désigne une pers.; l'idée est celle de mettre dans un espace plus grand] Mettre en liberté, relâcher. Selon la tournure que prendront les affaires, on élargira la prison ou les prisonniers (Courier, Pamphlets pol.,1823, p. 178). 2. Au fig. Rendre plus vaste le domaine d'une activité, d'un phénomène ou d'un ensemble de phénomènes; accroître son étendue ou sa portée, lui faire embrasser un plus grand nombre de choses. a) [En parlant d'un phénomène social] Élargir le cercle de ses amis, de ses lecteurs, de la famille. C'est une raison pour élargir la société au delà de la famille (Alain, Propos,1910, p. 84).M. Paul Reynaud, dans son désir d'élargir son infime majorité (De Gaulle, Mém. guerre,1954, p. 26). b) [En parlant d'un phénomène propre à la vie individuelle] Élargir le champ de l'imagination, de la sensibilité; élargir ses connaissances, son horizon, ses vues; élargir le cœur, l'esprit, la vie; élargir le débat. On peut avoir le désir d'élargir sa vie morale en dehors de Dieu (Psichari, Voy. centur.,1914, p. 176).Cet altruisme objectif (...) qui est le goût d'élargir et d'intensifier son action sur autrui (Mounier, Traité caract.,1946, p. 245): 2. ... j'ai peine à monter, à étendre l'amour, à élargir mon cœur pour y comprendre l'amour universel. Eux, ils sont garrottés, les uns de formules, les autres de légendes.
Michelet, Journal,1850, p. 128. 3. Il lui semblait que la plupart pensaient d'une façon sommaire, étroite, complaisamment intolérante et haineuse; que leur intelligence s'appliquait systématiquement à renforcer leurs conceptions, non à les élargir, à les renouveler; ...
Martin du Gard, Les Thibault,L'Été 1914, 1936, p. 71. Rem. On rencontre ds la docum. l'emploi adj. du part. prés. Qui élargit, rend plus large, plus vaste. Dans l'attitude si optimiste, si élargissante, dont nous venons d'esquisser les traits, un véritable et profond renoncement est partout dissimulé (Teilhard de Ch., Milieu divin, 1955, p. 63). c) [En parlant d'un phénomène extérieur à l'individu] Élargir un concept, une notion. Elle cherchait l'écho de la parole consolatrice dont elle élargissait le sens à l'infini (Mauriac, Th. Desqueyroux,1927, p. 210).Le parti qu'il a su tirer de la fugue, pour élargir, sans la modifier dans son essence, la forme du développement de la sonate (Rolland, Beethoven,t. 1, 1937, p. 136). − [En parlant d'une contrainte morale] Rendre plus lâche, moins rigoureuse. − Aussi est-on, parfois, obligé d'élargir un peu la règle et lorsqu'un moine tombe en faiblesse, on ne lui refuse pas un morceau de pain (Huysmans, En route,t. 2, 1895, p. 103). II.− Emploi pronom. A.− Devenir plus large; augmenter dans le sens de la largeur. 1. [Le suj. désigne une chose] Rivière qui s'élargit en fleuve. La ville s'élargit et s'étend dans toutes les directions, et semble se multiplier (Larbaud, Barnabooth,1913, p. 331): 4. Cependant, inexpérimentée et timide à son début, elle [l'ogive] s'évase, s'élargit, se contient, et n'ose s'élancer encore en flèches et en lancettes comme elle l'a fait plus tard dans tant de merveilleuses cathédrales.
Hugo, Notre-Dame de Paris,1832, p. 131. 2. [Le suj. désigne une pers.] Le fils (...) s'était élargi, carré sur les jambes, avec ses mâchoires qui avançaient davantage, dans sa tête de dogue (Zola, Terre,1887, p. 316). Rem. Dans ce sens, on rencontre parfois le verbe employé intransitivement. À la lettre, je ressuscitai. J'élargis, je me fortifiai (Mauriac, Nœud vip., 1932, p. 30). B.− Devenir plus étendu, plus vaste. 1. Domaine phys. : 5. L'espace scénique est alors restauré dans sa dignité première, rendu à sa liberté, à ses vraies dimensions, à sa fonction. Délivré de sa rigide enveloppe, l'espace n'est plus momie inerte, mais substance vivante, élastique. Il peut s'élargir ou se rétrécir, se resserrer ou se dilater, respirer au rythme du drame.
Serrière, Le T.N.P. et nous,1959, p. 72. − P. méton., vieilli. [Le pronom réfl. désigne une pers.] Agrandir ses propriétés, s'installer dans un domaine plus grand. Ils finissaient par s'élargir aux dépens des voisins (Reybaud, J. Paturot,1842, p. 351).Les Coantré, voulant s'élargir, déménagèrent (Montherl., Célibataires,1934, p. 761). 2. Au fig. a) [En parlant d'un phénomène social] Le public se transformait, s'étendait, s'élargissait (Guéhenno, Jean-Jacques,1948, p. 225). b) [En parlant d'un phénomène de la vie individuelle] À force de s'élargir pour la souffrance, l'âme en arrive à des capacités prodigieuses (Flaub., Corresp.,1846, p. 202): 6 ... il apercevait son être augmenté soudain en tous sens. Étroit, à l'ordinaire, creusé en profondeur, il s'élargissait brusquement, avec des facultés inconnues de joie, avec des puissances de lutte, avec des faims de mouvement, avec des besoins de plaisir; ...
Ramuz, Aimé Pache, peintre vaudois,1911, p. 166. c) [En parlant d'un phénomène extérieur à l'individu] Les cadres ne se sont donc pas brisés parce qu'ils étaient élastiques; mais ils se sont élargis (Poincaré, Valeur sc.,1905, p. 179). Prononc. et Orth. : [elaʀ
ʒi:ʀ], (j')élargis [elaʀ
ʒi]. Ds Ac. 1718. Étymol. et Hist. 1. Ca 1160 « rendre plus large » (Enéas, éd. J. Salverda de Grave, 9301); 2. ca 1240 « rendre libre (ici pronom.) » (Mort Aymeri de Narbonne, 1825 ds T.-L.). Dér. de large*; préf. é-*; dés. -ir. Fréq. abs. littér. : 1 098. Fréq. rel. littér. : xixes. : a) 1 086, b) 1 595; xxes. : a) 2 240, b) 1 540. DÉR. Élargissure, subst. fém.,vx. Ce qu'on ajoute à un vêtement, à un meuble, etc. pour le rendre plus large. L'élargissure d'un corset, d'une robe, d'un tapis (Ac. 1835, 1878). Attesté ds tous les dict. du xixes. ainsi que dans Quillet 1965 et Lar. Lang. fr.− [elaʀ
ʒisy:ʀ]. Ds Ac. 1718-1878. − 1reattest. 1690 (Fur.); du rad. du part. prés. de élargir, suff. -ure*. |