| ÉCRITURE, subst. fém. I.− [Correspond à écrire I] A.− Représentation graphique d'une langue. Pour le moment, je m'en tiens à l'idée fondamentale. Celle de l'écriture proprement dite, est de copier les sons; et celle de l'écriture hiéroglyphique, est de représenter les idées (Destutt de Tr., Idéol.,2, 1803, p. 282): 1. Puisqu'il y a des troubles électifs, qui atteignent le langage parlé à l'exclusion du langage écrit, ou l'écriture à l'exclusion de la parole, et que le langage peut se désagréger par fragments, c'est qu'il se constitue par une série d'apports indépendants et que la parole au sens général est un être de raison.
Merleau-Ponty, Phénoménologie de la perception,1945, p. 204. 1. Écriture + adj. déterminatif a) Système de représentation graphique. Écriture hiéroglyphique, idéographique, phonétique : 2. Dans l'alphabet grec primitif, on ne trouve pas de graphies complexes comme notre « ch » pour š, ni de représentations doubles d'un son unique comme « c » et « s » pour s, pas non plus de signe simple pour un son double, comme « x » pour ks. Ce principe, nécessaire et suffisant pour une bonne écriture phonologique, les Grecs l'ont réalisé presque intégralement. Les autres peuples n'ont pas aperçu ce principe, et leurs alphabets n'analysent pas la chaîne parlée en ses phases acoustiques homogènes.
Saussure, Cours de ling. gén.,1916, p. 64. b) Ensemble des caractères d'un système de représentation graphique. Écriture cunéiforme, cyrillique, arabe, romaine, chinoise : 3. De grandes plaques sont historiées du haut en bas d'inscriptions cunéiformes, une écriture dont le principe est le coin ou clou groupé et disposé de diverses manières.
Gautier, Guide de l'amateur au Musée du Louvre,1872, p. 190. c) Ensemble des formes particulières de chacun des caractères dans un système de représentation graphique. Écriture anglaise, bâtarde, gothique, ronde, script. L'idée de variété soutenue a fait également adopter la ronde, la bâtarde − et jusqu'à l'imitation de l'écriture courante − naturellement accommodées suivant l'habituelle « esthetic » (E. Leclerc, Nouv. manuel typogr.,1932, p. 376). 2. P. anal. Enfin, au treizième siècle, un Allemand, Franco de Cologne, inventa l'écriture des sons par carrés, cercles et points, sur et entre les lignes (Kastner, Gramm. mus.,1837, p. 10). 3. Au fig. Mes yeux te disent que je t'aime. Regarde-moi donc dans les yeux, ça y est écrit, et toute fille sait lire dans cette écriture-là (Sand, Mare au diable,1846, p. 157). B.− En partic. 1. Manière personnelle de tracer les caractères. Belle, grande, grosse, jolie écriture. Je prends cette lettre avec émotion; mais, grand Dieu! que devins-je en reconnoissant l'écriture de Maria (Genlis, Chev. Cygne,t. 2, 1795, p. 71). ♦ Expert en écritures. Graphologue assermenté : 4. Les experts en écritures ont déclaré que le bordereau, qui n'était pas de Dreyfus, était de Dreyfus. Les experts en écritures ont déclaré que le bordereau, qui est d'Esterhazy, n'était pas d'Esterhazy.
Clemenceau, Vers la réparation,1899, p. 398. 2. Façon d'orthographier : 5. ... rien n'est plus facile que de constater la conformité de l'écriture d'un texte, ou sa non-conformité, avec l'orthographe légale, aux dépens de la véritable connaissance, c'est-à-dire de la sensation poétique.
Valéry, Variété III,1936, p. 281. II.− [Correspond à écrire II] Action d'écrire; ce qui est écrit. A.− Action de rédiger de la correspondance; résultat de cette action : 6. Je hais tant les lettres que je ne puis en écrire qu'en leur donnant le style et l'écriture de lettres d'affaires et forcées.
Mallarmé, Corresp.,1867, p. 254. B.− Domaine de la litt. 1. Action de composer un ouvrage littéraire; résultat de cette action. Je tiens le plan de « Nana » (...) Je ne pourrai me mettre à l'écriture que dans une quinzaine de jours (Zola, Corresp.,1902, p. 505). − En partic. Écriture automatique (cf. automatique A 1 a spéc.). 2. Manière de s'exprimer par écrit. J'en arrivai à Flaubert et à Baudelaire, je découvris alors le style, l'art abstrait de l'écriture (Valéry, Lettres à qq.-uns,1945, p. 14): 7. Dès la première lecture, j'ai été ravi. Comme c'est admirablement cela! Comme la délicatesse d'écriture convient exactement à la délicatesse de pensée!
Rivière, Corresp.[avec Alain-Fournier], 1907, p. 280. − En partic. Pratique du langage envisagée du point de vue de sa production et de sa destination sociales : 8. L'écriture (...) est la langue littéraire transformée par sa destination sociale. (...) L'écriture est donc essentiellement la morale de la forme, c'est le choix de l'aire sociale au sein de laquelle l'écrivain décide de situer la nature de son langage.
R. Barthes, Le degré 0 de l'écriture,p. 24, 26 ds Foulq. 1971. − P. anal., ARTS. Action de signifier une réalité matérielle ou spirituelle au moyen de structures artistiques : 9. Le gothique, le roman même connurent toujours deux écritures : la première est celle du style monumental, depuis la colonne jusqu'à la pureté; la seconde est l'écriture à volutes de maintes miniatures, tapisseries et figures de vitraux...
Malraux, Les Voix du silence,1951, p. 249. C.− DROIT 1. Preuve écrite : 10. Les parties seront entendues devant le juge-de-paix, sans qu'elles puissent fournir d'écritures, ni employer le ministère d'aucun homme de loi et de pratique.
Le Moniteur,t. 2, 1789, p. 447. 2. Au plur. Actes de procédure, conclusions, mémoires effectués à l'occasion d'un procès. Anton. plaidoirie. Rem. Attesté ds la plupart des dict. gén., excepté Ac. 1932. ♦ Écritures privées. ,,Écritures qui émanent des particuliers dans le cas où l'on peut se passer du ministère d'officiers publics, livres de commerce, et, surtout, actes ou billets sous seings privés, promesses, reconnaissance, registres et papiers domestiques`` (Cap. 1936). ♦ Écritures publiques. ,,Écritures qui émanent d'officiers publics et qui reçoivent par là l'authenticité`` (Cap. 1936). D.− ADMIN., COMM., au plur. Ensemble des registres, comptes et correspondances : 11. Faute d'avoir pu m'arrêter à temps, le désordre s'était introduit dans mes écritures, et ma liquidation se présentait sous l'aspect le plus déplorable.
Reybaud, Jérôme Paturot,1842, p. 445. − P. méton. La comptabilité : 12. Trois mois plus tard la compagnie de paquebots était mise en faillite et le directeur poursuivi pour irrégularités dans les écritures commerciales.
Maupassant, Une Vie,1883, p. 220. ♦ Commis aux écritures. Commis chargé des comptes et des correspondances. ♦ Jeu d'écritures. Il avait inscrit l'ingénieur, et s'était inscrit lui-même, chacun pour cinq cents actions, qu'il devait payer par un jeu d'écritures (Zola, Argent,1891, p. 138). ♦ Tenir les écritures. Être chargé des comptes et des correspondances. À travailler douze heures par jour pour tenir les écritures d'un boutiquier (Ponson du Terr., Rocambole,t. 2, 1859, p. 48). E.− RELIG. [Dans le lang. chrét. avec une majuscule et l'art. déf.] L'ensemble des textes de l'Ancien et du Nouveau Testament; la Bible. L'Écriture, l'Écriture sainte, la Sainte Écriture, les Écritures, les Saintes Écritures. L'Écriture a dit que le commencement de la sagesse était la crainte de Dieu (Chamfort, Max. et pens.,1794, p. 29): 13. Pour lui, toutes les Écritures, anciennes et modernes, religieuses et laïques, de Moïse à Berthelot, étaient certaines, étaient divines, étaient l'expression de Dieu. L'Écriture sainte en était seulement l'exemplaire le plus riche...
Rolland, Jean-Christophe,Dans la maison, 1909, p. 1033. Rem. On rencontre ds la docum. a) Le néol. écriturement, adv. Du point de vue de l'écriture. Génie incontestable, éclatant fréquemment surtout vers le milieu de l'œuvre, des pages (...) comme l'« Expiation » [bien qu'inférieure écriturement parlant au « Feu du Ciel » (« Orientales »), prototype] (Verlaine,
Œuvres posth., t. 2, Critiques et conférences, 1896, p. 343). b) Écriturier, subst. masc. Synon. écrivailleur (s.v. écrivailler rem. b). Un écriturier millionnaire et lyonnais, auteur innommable d'une « Vie d'Ernest Hello » (Bloy, Journal, 1894, p. 137). Prononc. et Orth. : [ekʀity:ʀ]. Enq. : /ekʀityʀ/. Ds Ac. 1694-1932. Étymol. et Hist. 1. a) Ca 1050 Sainte escriture (Alexis, éd. Ch. Storey, 258); b) 1121-34 « ce qui est écrit, les livres » si cum dit escripture (Ph. de Thaon, Bestiaire, éd. E. Walberg, 82); 2. 1remoitié xiies. ms. « représentation de la parole et de la pensée par des signes » (Traduction de St Grégoire ds Alexis, éd. W. Fœrster et E. Koschwitz, p. 164 : Lascripture); 3. 1311 « type de caractères employés dans tel ou tel système d'écriture » (Arch. JJ 145, pièce 1321 ds Gdf.); 4. 1465 « style, art d'écrire » (Robertet, Renvoy à Mrde Montferrant ds G. Chastellain,
Œuvres, éd. K. de Lettenhove, t. VII, p. 181); 5. 1549 dr. (Est.); 1723 compt. les écritures (J. Savary des Bruslons, Dict. universel de comm.); 6. a) 1837 « tout système de représentation graphique » l'écriture des sons (Kastner, Gramm. mus., p. 10); b) 1920 écriture automatique « technique surréaliste » (Marcel, Journal, 1920, p. 235). Du lat. class. scriptura « écriture, écrit, ouvrage », la forme du mot s'expliquant par le contact qu'il a toujours gardé avec la langue écrite. Fréq. abs. littér. : 3 248. Fréq. rel. littér. : xixes. : a) 4 928, b) 4 731; xxes. : a) 4 827, b) 4 169. Bbg. Gohin 1903, p. 244 (s.v. écriturier). − Litt. (La) et son double. Actual. terminol. 1974, t. 7, no10, p. 2. − Pamart (P.), Riverain (J.). Mots ds le vent. Vie Lang. 1969, p. 526. |