| ÉCORCE, subst. fém. A.− Enveloppe d'un végétal. 1. Enveloppe protectrice du tronc d'un arbre et de ses branches que l'on peut détacher du bois. Écorce argentée du bouleau, du peuplier; décoller, enlever, inciser, gratter, flamber l'écorce d'un arbre; graver un nom, une date, des initiales sur l'écorce d'un arbre. Les écorces des pins luisaient comme des écailles (Mauriac, Myst. Frontenac,1933, p. 54).Nous apercevions comme au fond nous étions, sous l'écorce, pareils de nature et de sentiments (Ambrière, Gdes vac.,1946, p. 86): 1. [Il] riait tout haut, taillait dans le bois vert un quinet pour ses garçons, dans l'écorce un sifflet, riait encore, tirait droit son sillon et s'émerveillait qu'il fît aussi bon vivre.
Aymé, La Jument verte,1933, p. 65. SYNT. Cylindres, morceaux, lambeaux, débris d'écorce; écorce de platane, de pin, de chêne, de saule; crevasses, craquelures, fentes de l'écorce; écorce lisse, rugueuse, couverte de mousse, frisée, couturée, craquante, sèche, jaunie, morte, enroulée. Rem. Certaines écorces sont utilisées dans différents domaines (industr., artisanat, chim., méd.). Écorce du chêne-liège, du prunier, du quinquina, du quercitron, du grenadier, du cannellier, etc.; tanin des écorces. Aux pieds il a [le paysan] des sandales d'écorce (Stravinsky, Chron. vie, 1931, p. 10). Bien des produits fort utiles à la santé : ainsi la dyacaparis, où entre l'écorce du câprier, si bon pour éclaircir la voix (Faral, Vie temps St Louis, 1942, p. 74). − Spéc., BOT. Enveloppe de la tige et des racines formée de grandes cellules aux parois épaissies et fortifiées par l'âge. L'écorce [d'un arbre est] composée d'une partie externe morte et d'une partie interne vivante appelée « liber » (Guillemin, Constr., calcul et essai avions,1929, p. 4). − Loc. proverbiales, au fig. ,,Il ne faut pas juger de l'arbre par l'écorce. Il ne faut pas juger sur les apparences`` (Ac. 1878-1932). Entre l'arbre* et l'écorce, il ne faut pas mettre le doigt. Dutocq, vous avez mis le doigt entre l'écorce et l'arbre, répondit sèchement le Secrétaire-général (Balzac, Employés,1837, p. 149). − P. méton., le plus souvent au plur. Fragment, morceau d'écorce. Jeter des écorces dans le feu; feu d'écorces; tas de fagots et d'écorces; tapis d'écorces. Il y avait par terre des écorces de bambou (du moins je les nomme telles), blanches, lisses, polies (Montherl., Démon bien,1937, p. 1240). 2. Enveloppe plus ou moins dure ou coriace de certains fruits et grains. Écorce d'oranges, de citron, de grenade, de melon, de pastèque, du blé, du maïs; dépouiller un fruit de son écorce. (Quasi-)synon. peau, pelure, écale.Ainsi s'envole du blé que l'on bat! (Saint-Exupéry, Pilote guerre,1942, p. 343).Avec son teint vermeil, ses yeux dorés, ses cheveux brillants comme l'écorce d'un marron d'Inde, c'était un très joli petit garçon (Beauvoir, Mém. j. fille,1958, p. 62): 2. Si les soleils par vous subis,
Ô grenades entrebaillées,
Vous ont fait d'orgueil travaillées
Craquer les cloisons de rubis,
Et que si l'or sec de l'écorce
À la demande d'une force
Crève en gommes rouges de jus
(...).
Valéry, Charmes,1922, p. 146. − Loc. fig. ♦ Le fruit vaut mieux que l'écorce. L'apparence est moins favorable que la réalité. ♦ Proverbe, fam. Quand on a pressé l'orange on jette l'écorce. ,,On dédaigne souvent l'homme de qui on a tiré tous les services qu'il pouvait rendre`` (Ac. 1878). − P. méton., le plus souvent au plur. Morceau(x) de cette écorce. Parquet jonché d'écorces de châtaigne, d'orange. Synon. pelure.Sur le pavé chaud où fermentent des écorces de banane (Colette, La Vagabonde,1910, p. 273). B.− P. anal. 1. GÉOL. Écorce terrestre. Partie superficielle du globe. Nous voyons maintenant que, observée sur une grande profondeur de durée, l'écorce terrestre va se modifiant sans cesse sous nos pieds... (Teilhard de Ch., Phénom. hum.,1955, p. 51).Milliards d'années écoulées depuis la formation de l'écorce terrestre (Goldschmidt, Avent. atom.,1962, p. 16). 2. MAR. Écorce de glace. Croûte (mince) de glace formée sur une surface de mer tranquille. L'écorce de glace produit un certain bruit cristallin au passage d'un navire (Villen.1974). 3. MÉD. Écorce cérébrale (vieilli). Synon. cortex cérébral, écorce grise.Une coordination qui ne peut se comprendre que par l'intervention de l'écorce cérébrale (Janet, Obsess. et psychasth.,1903, p. 158).Écorce cérébelleuse. Substance périphérique du cervelet. Synon. cortex cérébelleux, cortex cerebelli (d'apr. Méd. Biol. t. 2 1971).Si l'on veut parler un langage physiologique, il n'y a pas de raison que les liaisons de l'écorce aux centres sous-corticaux, cérébelleux et bulbaires soient à sens unique (Mounier, Traité caract.,1946, p. 223). C.− Au fig. Aspect visible (de quelque chose). Synon. apparence, surface, enveloppe, extérieur.Anton. cœur.L'écorce périssable du phénomène (Marcel, Journal,1933, p. 294).Et je me disais : « Ce que je vois là n'est qu'une écorce. Le plus important est invisible... » (Saint-Exupéry, Pt Prince,1943, p. 480): 3. [La peinture] permet de remettre à sa place l'homme éminent peu estimé du sot public passager, qui ne s'attaque qu'au clinquant et à l'écorce du vrai.
Delacroix, Journal,1847, p. 173. − En partic. [En parlant de pers.] Aspect visible du comportement (de quelqu'un). Synon. façade, dehors, apparence; anton. fond(s).De ses yeux vifs [de Lange] sortait enfin en clairs sourires l'infinie bonté, cachée sous la rude écorce (Zola, Travail,t. 2, 1901, p. 273).On est conduit par là à se demander si l'intimité ne consiste pas toujours à briser l'écorce personnelle, si elle n'est pas une participation (Marcel, Journal,1933, p. 294). − Loc. S'arrêter, s'en tenir à l'écorce, à la première, la seconde écorce. Dans le Jansénisme il ne faut s'arrêter ni à la première ni à la seconde écorce; il y a presque toujours des doubles et triples fonds (Sainte-Beuve, Port-Royal,t. 5, 1859, p. 174). 4. Charlet n'a pas vu de discussions s'élever sur ses naïfs chefs-d'œuvre. Le public qui s'arrêtait à l'écorce, comme toujours, lui accorda son estime comme à beaucoup de caricaturistes qui le divertissent...
Delacroix, Journal,1857, p. 140. Prononc. et Orth. : [ekɔ
ʀs]. Ds Ac. 1694-1932. Étymol. et Hist. 1. 1176 « partie protectrice qui recouvre la tige et les branches des arbres » (Chr. de Troyes, Cligés, éd. A. Micha, 2748); 2. xiiies. « enveloppe de certains fruits [ici d'une graine] » (Ysopet Lyon, éd. J. Bastin, XXXVIII, 153); p. anal. écorce de la terre (Buffon ds Lar. 19e); 3. 1265 « enveloppe, extérieur de quelque chose » [oppos. à la moële] (J. de Meun, Rose, éd. F. Lecoy, 11828). Du lat. impérial scŏrtea « manteau de peau », fém. subst. de scorteus « de cuir, de peau ». Fréq. abs. littér. : 1 102. Fréq. rel. littér. : xixes. : a) 1 828, b) 1 524; xxes. : a) 1 484, b) 1 416. Bbg. Gottsch. Redens. 1930, pp. 164-165; p. 248. − Rog. 1965, p. 54. |