| ÉCOPER, verbe trans. A.− Emploi trans. dir., MAR. Vider l'eau qui s'accumule au fond d'une embarcation non pontée, à l'aide d'une écope. Écoper un bateau, l'eau d'un bateau. Une méchante embarcation (...) où gicle par filets le flot qu'on écope lorsqu'on y songe quand on a les pieds trempés (Arnoux, Rhône,1944, p. 412). ♦ Absol. Lâche la barre, me dit Marius, il faut écoper (Mille, Barnavaux,1908, p. 64): 1. ... il [Arthur Cravan] trouva immédiatement de l'embauche comme matelot (...) à bord d'une barque danoise qui levait l'ancre pour se rendre « sur le banc », à la pêche à la morue, et Arthur eut à écoper dur, c'est certain (...) Le métier de matelot n'est pas rigolo et celui d'un terre-neuvas n'est fait que de misères. Cravan en bavait.
Cendrars, Le Lotissement du ciel,1949, p. 235. Rem. a) Certains dict. attestent écopage, subst. masc. mar. Action d'écoper (Rob., Lar. Lang. fr.). b) On rencontre ds la docum. écopeur, subst. masc., mar. Personne qui vide l'eau à l'aide d'une écope. Il [Anatole] écoutait s'éteindre la chanson d'un ivrogne sur un pont, mélancolique sifflement d'un écopeur de bateau (Goncourt, Man. Salomon, 1867, p. 373). − P. ext. Vider l'eau qui s'accumule dans un lieu à l'aide d'un récipient quelconque. Si l'eau arrive en petite quantité il pourra suffire d'écoper et d'assécher la fouille à l'aide de simples seaux (Degrand, Résal, Ponts en maçonnerie,1888, p. 138). ♦ Absol. Écoper avec sa boîte à singe, lutter contre la flotte qui glisse quand même (Dorgelès, Croix de bois,1919, p. 257). B.− Emploi trans. dir. ou indir., fam. 1. Subir (des dommages matériels), recevoir (des coups); être atteint ou touché (par quelque chose que l'on subit). Écoper un obus; écoper d'un ramponeau. Quand on écoppe une pareille raclée, on est ou un homme pas brave ou un homme pas fort (Huysmans, Sœurs Vatard,1879, p. 174): 2. Les paniquards tiraient comme des enragés et comme nous étions en pointe par rapport à l'ensemble de la position tenue par le régiment, c'est nous qui écopions de ces milliers et milliers de balles...
Cendrars, La Main coupée,1946, p. 64. Rem. On rencontre ds la docum. a) Des ex. où le compl. désigne quelque chose qui n'est pas désagréable. De deux heures du matin (...) jusqu'au moment où j'envoyai promener le drap (...) j'en écopai un, de sommeil! Et quand je dis un, je suis modeste; j'en écopai bien une quinzaine (Courteline, Ah! Jeun., 1894, p. 29). b) Un ex. où le compl. désigne une pers. Un petit gars (...) Il m'était tombé du ciel, j'en avais écopé (...) Il était de petit gabarit, mais bien charpenté (Genevoix, Avent. en nous, 1952, p. 62). − Absol. Ce sont toujours les déguenillés qui « écopent » (...); la faiblesse et la gueuserie attirent les coups (Frapié, Maternelle,1904, p. 231).J'ai tout dégueulé (...) mon père il a fait qu'un bond (...) il a pas tout esquivé (...) il avait en plein écopé sur son pantalon (Céline, Mort à crédit,1936, p. 130). ♦ Au fig. Pour en revenir au toast, les traditions religieuses de votre famille ont un peu écopé aussi (Toulet, Tendres mén.,1904, p. 19). 2. Subir quelque chose de fâcheux, de pénible a) [Le compl. désigne des propos, des écrits malveillants] Être l'objet de (réprimandes, critiques souvent imméritées). Son ressentiment filtrera à travers MmeZola, et votre femme écopera d'elle quelques mots désagréables! (Goncourt, Journal,1894, p. 529).Clemenceau écopait d'une page d'invectives (L. Daudet, Clemenceau,1942, p. 168). − Absol. Un nouveau journal illustré, (...) publie un long article, (...) où ce pauvre Baju « écoppe » mais « écoppe »! (Verlaine, Corresp.,t. 2, 1888, p. 133).Il paraît que je jouis du même privilège et que j'ai écopé en même temps que Barbey d'Aurevilly qualifié de sot (Bloy, Journal,1901, p. 52). b) [Le compl. désigne une sanction, une punition] Se voir infliger (une punition); être condamné à (une peine de prison). Le matin même, il avait écopé de deux jours sur le terrain de manœuvres (Courteline, Train 8 h 47, 1repart., p. 67).Le fils de ma concierge, (...) et un autre de ses camarades, également décoré, qui écopèrent chacun dix ans de prison (Cendrars, Main coupée,1946, p. 254).Je peux pas donner un copain, un copain qui, lui écoperait vingt ans car il a autre chose sur les épaules (Vialar, Débucher,1953, p. 95). − Arg. Écoper la centrouse. Être condamné à une peine de prison. Si tu es malade, va en cambrouse : tu n'écopperas peut-être pas la centrouse (Hogier-Grison, Monde où l'on vole,1887, p. 300). − Absol. J'avale mon émotion, v'lan, d'un coup. C'était un chic type, ce bougre-là, parce qu'il écopait salement si je m'faisais poisser (Barbusse, Feu,1916, p. 173).Si nous avions été pris à fumer, il écopait comme nous (Ambrière, Gdes vac.,1946, p. 111). Prononc. et Orth. : [ekɔpe], (j')écope [ekɔp]. La docum. atteste la var. graph. écopper (supra Huysmans, loc. cit. et Verlaine, loc. cit.) Étymol. et Hist. 1. 1837 trans. « vider (un bateau) avec une écope » (Balzac, Employés, p. 35); 1884 intrans. (A. Daudet, Sapho, p. 173); 2. 1867 « boire » (Delvau); 3. 1867 « recevoir des coups; être atteint, puni » (ibid.); 1879 trans. « recevoir (un coup) » (Huysmans, Sœurs Vatard, p. 174); 4. 1880 écoper de (Moniteur du bibliophile ds Larch. Suppl., 1883, p. 57). Dér. de écope*; dés. -er. Fréq. abs. littér. : 39. Bbg. Pauli 1921, p. 37. − Sain. Lang. par. 1920, p. 169, 428. |