| ÉCLAT, subst. masc. I.− Fragment violemment détaché d'un corps qui explose ou que l'on brise. Éclat d'obus, de bombe, de bois, de pierre; les verres ont volé en éclats. Quand la belle bûche de chêne fut réduite en éclats, Marc jeta son outil et s'épongea le front (Duhamel, Suzanne,1941, p. 285): 1. ... une effroyable détonation se fait entendre, nous sommes à l'instant couverts de débris, de flammes et de feu; le pont de la frégate est jonché de cadavres, d'éclats de mâts et de vergues; ...
Sue, Atar Gull,1831, p. 27. ♦ P. métaph. : 2. J'ai entendu ta voix heureuse
Ta voix déchirée et fragile
Enfantine et désolée
Venant de loin et qui m'appelait
Et j'ai mis ma main sur mon cœur
Où remuaient
Ensanglantés
Les sept éclats de glace de ton rire étoilé.
Prévert, Paroles,1946, p. 205. − [En parlant d'une armée] Voler en éclats. Être culbutée. La troisième guerre avait vu notre armée voler en éclats au premier choc (De Gaulle, Mém. guerre,1959, p. 45). − Spéc., HORTIC. Fragment de plante muni de racines et obtenu par le déchirement d'une touffe afin de donner naissance à une nouvelle plante. L'absinthe se multiplie par éclats de pied et par semis (Gressent, Potager mod.,1863, p. 580). II.− P. méton. A.− [Avec l'idée de frapper l'oreille] Bruit violent analogue à un éclatement (surtout en parlant du tonnerre). Éclat de la foudre. Parfois un éclair illuminait sa chambre [de madame Hélène], puis l'éclat sourd d'un tonnerre ébranlait la maison comme venant de dessous la terre (Giono, Joie demeure,1935, p. 372). ♦ P. métaph. L'éclat des orgues, des trompettes. La voix bruyante avait l'éclat des cymbales (Murger, Scènes vie boh.,1851, p. 122). − P. ext. [Concerne une pers.] Manifestation bruyante et soudaine d'un sentiment, d'un état. Éclat de voix, de gaieté, de mauvaise humeur, d'exaltation; éclat de rire général; rire aux éclats; partir d'un éclat de rire. Hortense n'acheva pas, elle mit son mouchoir sur sa bouche pour prévenir l'éclat d'un sanglot, elle pleurait (Balzac, Cous. Bette,1846, p. 162).Des rires, l'éclat des voix, (...) montaient jusqu'aux étages (Malègue, Augustin,t. 2, 1933, p. 475). ♦ Rare. [En parlant d'un chien] Aboiement. Des chiens hurlaient par éclats brefs et furieux (Arland, Ordre,1929, p. 527). − Au fig. . Bruit, tapage, fait autour de quelque chose. Faire éclat de qqc. (rare). S'il était possible de découvrir un endroit de l'Allemagne où me mettre, sans être poursuivi par cet éclat et cette publicité qui me font un mal inouï (Balzac, Lettres Étr.,t. 2, 1850, p. 96).Le Lion empereur, entendant le loup faire éclat de la séduction de sa femme, lui parla en homme de sens (Sainte-Beuve, Caus. lundi,t. 8, 1851-62, p. 285). ♦ Scandale, querelle. Faire un éclat. Elle [Thérèse] vit arriver chez elle une femme exaspérée qui réclamait ses droits et voulait faire un éclat (Sand, Elle et lui,1859, p. 71): 3. ... il faut traverser Clodius dans toute sa profondeur et personne ne s'y risque. Les uns, (...) par devoir et respect des bornes; les autres par crainte d'un éclat et de chicanes consécutives...
Bosco, Le Mas Théotime,1945, p. 60. Coup d'éclat : 4. ... lorsque tous les savants artifices de son compère Du Paty de Clam vinrent échouer contre les tranquilles réponses de Dreyfus, un coup d'éclat devint nécessaire pour forcer la main au ministre : ...
Clemenceau, Vers la réparation,1899, p. 531. B.− [Avec l'idée de frapper le regard] 1. [Par le caractère lumineux d'une chose] Intensité lumineuse d'une source. Éclat du foyer, du soleil, de l'éclair, d'une flamme, d'une lampe. J'écris ceci au bureau sous la lumière électrique dont l'éclat me fait mal aux yeux (Green, Journal,1940-43, p. 283). a) Spécialement − ASTRON. Éclat stellaire; éclat des étoiles. ,,Nombre caractérisant la sensation lumineuse fournie par une étoile et qui dépend de l'éclairement de la pupille de l'observateur`` (Chapman 1956). Un écart de dix magnitudes avec l'éclat de l'étoile principale avait, dans les deux cas, rendu l'observation difficile (Hist. gén. sc.,t. 3, vol. 1, 1961, p. 151). − AVIAT. et MAR. Phare à éclats, feu à éclats. ,,Apparition périodique d'un feu provoquée par la rotation de l'optique du phare devant la source lumineuse`` (Barber. 1969). Ce volcan brille, (...) on dirait, de plus, qu'il a des intermittences comme un phare à éclat (Verne, Enf. Cap. Grant,t. 3, 1868, p. 225). b) P. ext. Intensité de la lumière réfléchie par un corps brillant. − [En parlant d'un métal ou d'un minéral] Éclat métallique, vitreux, adamantin, nacré, soyeux, gras, résineux. L'éclat des armes d'un soldat (Chateaubr., Martyrs,t. 3, 1810, p. 85).Tout le feu de sa vie, (...) prend peu à peu la dureté, l'inflexible éclat du diamant (Bernanos, Mouchette,1937, p. 1283). − [En parlant de choses diverses] Il rase le sol : les prés, (...) les ruisseaux dont les éclats intermittents le guident (Pesquidoux, Chez nous,1923, p. 208).Ses yeux verts, d'un éclat minéral [de la Vouivre] avaient (...) la couleur des yeux de chat (Aymé, Vouivre,1943, p. 23): 5. ... les inflammations de la conjonctive, (...) et (...) la cécité (...) sont le produit de causes générales; telles sont, selon moi, l'éclat de la neige, qui couvre la surface de la terre pendant plus de la moitié de l'année...
Voyage de La Pérouse,t. 4, 1797, p. 85. 2. [Par le caractère coloré d'une chose] Intensité et vivacité du ton. Ce roux a perdu de son éclat. Des rouges, des bleus, des verts, des blancs, d'un éclat neuf, d'une fraîcheur virginale, d'une pureté inouïe, se détachaient de l'espèce de vernis d'or qui servait de fond aux figures et aux hiéroglyphes (Gautier, Rom. momie,1858, p. 175). 3. [Par le caractère coloré mais aussi beau et frais] a) [d'une chose] Elle [la fille] leva les yeux et fut éblouie par l'éclat des pommiers en fleur (Maupass., Contes et nouv.,t. 1, Hist. fille ferme, 1881, p. 24).La confidence écrite ne garde qu'un moment l'éclat du neuf (Bernanos, Enf. humil.,1948, p. 201). b) [d'une femme, avec l'idée de jeunesse] Éclat de la chair, du teint. Elle [Paloma] était belle, longue, mince, pleine d'éclat, brune et d'un esprit étourdissant (L. Daudet, Médée,1935, p. 7).Elle était d'une extraordinaire beauté et dans tout l'éclat de sa jeunesse en fleur (Brasillach, Corneille,1938, p. 397). 4. Au fig. [Par le caractère brillant, fastueux, luxueux d'une chose, d'une situation] Éclat des richesses, du règne de François Ier. Je n'ai jamais été, mon cher cousin, enivrée de l'éclat des titres et de la noblesse (Sénac de Meilhan, Émigré,1797, p. 1639).L'église ne veut pas toujours pour ses bénédictions nuptiales les pompes et l'éclat des cérémonies (France, Île ping.,1908, p. 351). ♦ Péj. François Ier, qui aimait l'éclat et les fêtes (Balzac, Cath. de Médicis,Introd., 1843, p. 28): 6. ... M. Chenu (...) persuadé que la richesse est ce qu'il y a de mieux au monde, et que l'éclat équivaut au bonheur.
Fiévée, La Dot de Suzette,1798, p. 144. C.− Au fig. [Avec l'idée de frapper l'esprit] 1. [En parlant d'un homme] a) Finesse de l'esprit, intelligence, capacités intellectuelles. Un tel homme, si renommé par l'éclat de son esprit, par la variété de ses talents (Nodier, J. Sbogar,1818, p. 142). b) Caractère glorieux d'une action; mérite dans le comportement : 7. M. de Chateaubriand, en poëte qu'il est, regrette la jeunesse, et il la veut remplacer du moins par quelque chose de grand, de sérieux, d'occupé, et qui en vaille la peine; il veut de l'éclat et de la gloire pour se rajeunir.
Sainte-Beuve, Causeries du lundi,t. 2, 1851-62, p. 542. 8. Il est un peu comme un militaire arrivé au plus haut grade qu'il puisse atteindre dans une arme particulière et qui continue à faire des actions d'éclat sans entraînement, mais tout simplement parce qu'il est brave.
Goncourt, Journal,1877, p. 1198. 2. [En parlant du style d'un écrivain, orateur, etc.] Caractère brillant. Fontanes a un style bronzé, un style poli sans éclat (Chênedollé, Journal,1807, p. 17). − Loc. Avec éclat. Brillamment; de façon manifeste, évidente. Après avoir professé la philosophie avec éclat à Bordeaux (France, Fille Lil.,1889, p. 76).L'existence de Spinoza dément avec éclat la vérité du spinozisme (Beauvoir, Pyrrhus,1944, p. 34). Prononc. et Orth. : [ekla]. Ds Ac. 1694-1932. Étymol. et Hist. 1. Ca 1165 esclat « fragment d'un corps qu'on brise ou qui éclate » (B. de Ste-Maure, Troie, 8454 ds T.-L.); 2. 2emoitié du xves. « bruit violent et soudain » (Chronique scandaleuse de Louis XI ds La Curne t. 7, p. 291 b, s.v. mars : esclas de tonnoire); 3. a) 1564 « intensité d'une lumière vive et brillante » (Thierry); b) 1643 « vivacité et fraîcheur (d'une couleur); couleur vive et fraîche » (Corneille, Polyeucte, IV, 5); 4. 1604 au fig. « caractère de ce qui est brillant, magnifique » (Montchrestien, Hector ds Tragédies, éd. L. Petit de Julleville, p. 30); 5. 1616 « manifestation soudaine et bruyante » (A. d'Aubigné, Tragiques, Fers, éd. E. Réaume et Caussade, t. 4, p. 222); 6. 1645 « scandale, bruit » (Corneille, Suite du Menteur, IV, 1). Déverbal d'éclater*. Fréq. abs. littér. : 6 058. Fréq. rel. littér. : xixes. : a) 10 265, b) 9 391; xxes. : a) 7 739, b) 7 317. Bbg. Duch. Beauté 1960, pp. 110-111; p. 116. − Gohin 1903, p. 335. |