| ÉCHAUFFER, verbe trans. A.− Domaine physique.Procurer de la chaleur. 1. Rendre chaud; procurer graduellement une certaine quantité de chaleur. Éclairer et échauffer. Comme un fruit échauffé par le soleil de septembre (Coppée, Bonne souffr.,1898, p. 23). − Emploi pronom. à sens passif. Devenir chaud peu à peu. Sous l'action de la chaleur, l'eau du réservoir s'échauffe et se vaporise lentement (Lar. mén.1926). ♦ S'échauffer à qqc.Les couloirs s'échauffaient au feu du foyer (Verne, Île myst.,1874, p. 83). 2. Spécialement a) [Le compl. désigne une pers. ou une partie du corps] Procurer une certaine chaleur ou une impression de chaleur intérieure, pouvant se manifester extérieurement. Sa voix avait une chaleur contagieuse qui m'échauffait les entrailles (Balzac, Séraphita,1835, p. 250). − Emploi pronom. à sens passif. Lise Darembert sentait son cœur battre plus fort et ses joues s'échauffer (Lacretelle, Hts ponts,t. 3, 1935, p. 14). b) [Le compl. désigne un animé ou une partie du corps] Faire faire des exercices qui apportent de la chaleur en vue d'un bon fonctionnement, en particulier avant une épreuve sportive ou des mouvements de gymnastique. S'échauffer les muscles (Montherl., Olymp.,1924, p. 319).Après l'avoir un peu échauffée [une jument], l'homme la mit à un trot fort rapide (Giono, Bonh. fou,1957, p. 152). − Emploi pronom. à sens réfl. Pour s'échauffer, mouvements d'assouplissement (Elle,12 avr. 1976, p. 80). c) PATHOL. Causer un malaise général ou localisé s'accompagnant d'un excès de chaleur, d'une inflammation. Cette diète rigoureuse, jointe au travail, échauffait ma poitrine malade (Chateaubr., Mém.,t. 1, 1848, p. 443). − En partic. Constiper : 1. L'orge sèche les échauffe abominablement [les chevaux]. Au mois d'avril on les lâche dans un champ d'orge [verte] pour vingt ou vingt-cinq jours; ils en sortent maigres et purgés.
About, La Grèce contemporaine,1854, p. 147. − Emploi pronom. à sens passif. Félicité tomba malade, son sang s'était échauffé, la poitrine paraissait menacée d'inflammation (Balzac, Béatrix,1839-45, p. 67). d) [Le compl. désigne une substance] Provoquer une certaine altération, de la fermentation : 2. Les blés à bas, on laissait les herbes se sécher un jour, se consumer au soleil, car, vertes, elles fermentent et peuvent échauffer la paille...
Pesquidoux, Le Livre de raison,1925, p. 48. − Emploi pronom. à sens passif. Le vin qui nous restoit à bord, s'étoit aigri; nos farines s'étoient échauffées (Dentrecasteaux, Voy. rech. La Pérouse,1808, p. 439). B.− Au fig. 1. [Le compl. désigne un mode d'expression en partic. littér. ou artistique, une chose exerçant un effet partic. sur les sens] Donner une certaine intensité, une certaine chaleur. Chère Sylvie, rude Sylvie dont l'accent (...) échauffe les mots, éclaire le sens du texte (Colette, Jumelle,1938, p. 111). − Emploi pronom. à sens passif. Laurent dont la voix, petit à petit, s'échauffait et s'altérait (Duhamel, Combat ombres,1939, p. 94). ♦ S'échauffer de qqc.Un corps (...) dont l'argent s'avive et s'échauffe de tons fauves (Séailles, E. Carrière,1911, p. 72). 2. [Le compl., gén. exprimé, désigne une pers., une collectivité ou un de leurs attributs] a) Donner de l'animation, de l'intérêt, passionner, conduire à des sentiments d'amour ou de haine. Échauffer l'âme, le cœur, l'imagination de qqn; échauffer les esprits. L'histoire d'Alfieri (...) intéresse, échauffe, agite (Sand, Lettres voy.,1837, p. 119). − Échauffer qqn à qqc., à + inf., contre qqn, de qqc.Une sorte de zèle évangélique l'échauffait à ramener la concorde (Duranty, Malh. H. Gérard,1860, p. 169). b) Emploi pronom. à sens réfl. S'échauffer en parlant; les têtes s'échauffent; s'échauffer dans une discussion. Croyant qu'elle s'échauffait, il s'animait aussi (Zola, Pot-Bouille,1882, p. 184). − S'échauffer à + inf., pour qqc. ou qqn, pour + inf., sur qqc.Pourquoi tant s'échauffer sur une réforme qu'il sait chimérique? (Bremond, Hist. sent. relig.,1920, p. 423). ♦ P. ell. Dire en s'échauffant. Valentin, « s'échauffant ». − Oui, monsieur, j'irois (Guilbert de Pixér., Victor,1798, I, 4, p. 10). − P. anal., VÉN. [Le suj. désigne un chien] S'échauffer sur la voie. La suivre avec un excès d'ardeur (d'après Ac. 1835-1932). c) Emploi pronom. réciproque, rare. Ils s'échauffent ou se modèrent l'un l'autre (Sainte-Beuve, Nouv. lundis, t. 3, 1863-69, p. 266). d) Loc. diverses − Échauffer la bile, le sang, les oreilles à qqn ou de qqn. Irriter, mettre en colère. De la foule partaient des : Vive le roi! qui nous échauffaient les oreilles (Pourrat, Gaspard,1925, p. 178). ♦ Emploi pronom réfl. Si mon sang s'échauffe, je le laisserai se calmer avant de reprendre la plume (Chateaubr., Essai Révol.,t. 1, 1797, p. 16). − Vieilli. S'échauffer en son harnois. Parler de quelque chose avec passion : 3. − Oh! je l'aime déjà tout plein. J'en suis féru; il me la faut et je l'aurai, dussè-je pour y parvenir user des inventions les plus subtiles, vider mes coffres et pourfendre cent rivaux.− Là, là, ne vous échauffez pas ainsi dans votre harnois, dit Pylade...
Gautier, Le Capitaine Fracasse,1863, p. 187. 3. [Le compl. désigne un fait, une affaire, un événement] Encourager, animer de façon favorable ou, plus souvent, défavorable. Les parlements échauffent la querelle, animent le monarque (Lamennais, Religion,1826, p. 100). − Emploi pronom. à sens passif. La discussion s'échauffe. La dispute allait s'échauffant (Jouy, Hermite,t. 3, 1813, p. 150). Rem. 1. On rencontre chez Couffignal le néol. échauffabilité, subst. fém. Propriété qu'a un corps de devenir chaud. Compressibilité, échauffabilité [d'un gaz] (Mach. penser, 1964, p. 86). 2. La plupart des dict. gén. enregistrent le subst. fém. déverbal échauffe. Procédé d'épilage de certaines peaux par fermentation. Épilage à l'échauffe (Bérard, Gobilliard, Cuirs et peaux, 1947, p. 38). Prononc. et Orth. : [eʃofe], (je m')échauffe [eʃo:f]. Enq. : /eʃof, D/ (il) échauffe. Ds Ac. 1694-1932. Étymol. et Hist. Fin xies. eschalfer « échauffer, enflammer [l'œil] » (Raschi, Gl., éd. A. Darmesteter et D.S. Blondheim, t. 1, p. 49); 1121-34 pronom. si se vunt eschalfant (Philippe de Thaon, Bestiaire, 2863 ds T.-L.); ca 1175 d'ire eschaufé (Chrétien de Troyes, Le Chevalier au Lion, éd. M. Roques, 1132). Du lat. vulg. *excalefare, lat. impérial excalfacere « chauffer, échauffer ». Fréq. abs. littér. : 566. Fréq. rel. littér. : xixes. : a) 1 071, b) 777; xxes. : a) 763, b) 616. Bbg. Gottsch. Redens. 1930, p. 133, 144, 214, 312. |