| ÉBÈNE, subst. fém. A.− Bois fourni par le cœur de l'ébénier, connu pour sa dureté, son poli et sa couleur noire et employé surtout en marqueterie. Elle chercha une glace, et ne trouva qu'un miroir de Venise, terne dans sa large bordure d'ébène (France, Lys rouge,Paris, Calmann-Lévy, 1894, p. 308).On sait que dans un violon, la table et l'âme sont faites en Épicéa, les chevilles, la touche, le cordier et le bouton en Ébène (Plantefol, Bot. et biol. végét.,t. 1, 1931, p. 205): 1. La fille du commissaire-priseur utilisa dans sa salle à manger de ravissants tapis turcs en les y encadrant dans de vieux ébènes, d'un prix devenu exorbitant.
Balzac, Les Employés,1837, p. 41. − P. métaph. La pirogue circule sur une plaque d'ébène à travers les nymphéas blancs, puis s'enfonce sous les branches (Gide, Voy. Congo,1927, p. 705). − En emploi apposé avec valeur d'adj. Clarinette alto, 15 clés, 4 anneaux, bec ébène (Catal. Couesnon,1934, p. 59). SYNT. Cadre, canne, lit à colonnes d'ébène; meubles d'ébène et d'ivoire; ébène incrustée de cuivre, de nacre; ébène marquetée, polie. − P. ext. Ébène verte, jaune. ,,Bois jaune, verdâtre, peu dense du Bignonia leucoxylon (...) qui croît aux Antilles, au Brésil, à Cayenne`` (Privat-Foc. 1870). Ébène rouge. ,,Bois rouge provenant de l'Amérique méridionale`` (DG). Fausse ébène. ,,Bois du faux-ébénier`` (DG). B.− [P. anal. avec la couleur] D'ébène, noir, poli comme l'ébène. 1. [En parlant de pers. et notamment de la chevelure ou du teint] Le roi fit accroupir l'eunuque au front d'ébène (Hugo, Fin Satan,1885, p. 799).C'était un étranger à la figure quinquina aux cheveux d'ébène, huilés et frisés, à la tête de satrape (Morand, France-la-Doulce,1934, p. 108).Myriam m'embrassait. Sous ses cheveux d'ébène et d'argent elle semblait plus jeune et plus décidée que jamais (Beauvoir, Mandarins,1954, p. 533): 2. Les vierges aux seins d'ébène
Belles, comme les beaux soirs,
Riaient de se voir à peine
Dans le cuivre des miroirs
Hugo, Les Orientales,1829, p. 18. 3. Les plus belles petites filles d'Harlem paradaient sans se décoiffer, parmi les bébés d'ébène et de palissandre et des mères criardes, tôt alourdies...
Colette, La Jumelle noire,1938, p. 218. − En emploi apposé avec valeur d'adj. Courtial, il se teignait les tiffes en noir ébène et la moustache, la barbiche il la laissait grise (Céline, Mort à crédit,1936, p. 410). − [Ds la lang. des négriers] Bois d'ébène. Esclaves noirs. Marchand de bois d'ébène. [Nous] passions la nuit à bavarder et à parler du trafic des « bois d'ébène » qui est à l'origine des plus grosses fortunes de l'Angleterre (Cendrars, Bourlinguer,1948, p. 337). 2. Plus rare. [En parlant de la nature, d'un animal] Le vent s'éteint. La lumière tombe... je vois la coupole d'ébène, que raie une goutte de sang une étoile filante... (Rolland, Colas Breugnon,1919, p. 275).Ils [un oncle et sa femme] nous envoyaient chercher dans leur break, traîné par des chevaux d'ébène qui piaffaient en balayant le sol avec leurs queues démesurées (Jammes, Mém.,1921, p. 73). Rem. Quelques dict. du xixes. (Ac. Compl. 1842, Besch. 1845, Lar. 19e, Nouv. Lar. ill.) enregistrent le verbe ébéner. Donner à du bois la couleur de l'ébène. Le poirier s'ébène très bien (Nouv. Lar. ill.). Prononc. et Orth. : [ebεn]. Cette représentation d'ébène est celle de Barbeau-Rodhe 1930 (à titre de var.), Dub., Pt Rob., Pt Lar. 1968, Warn. 1968, Lar. Lang. fr. D'autres indications font apparaître des désaccords sur 1. la voyelle de la syllabe finale : [ebε:n] (Passy 1914; Barbeau-Rodhe 1930, à titre de var.); 2. la voyelle de la syllabe non finale : [εbεn], par harmonisation vocalique (Grammont Prononc. 1958, p. 41). Les indications concernant ébéniste (voir ce mot) font apparaître d'autres différences. 1. Dérivation sur le modèle abrège, abrégeons : ébéniste [ebenist], avec, de la part de Rouss.-Lacl. 1927, pp. 143-144, la précision suivante : à la deuxième syllabe, voyelle ,,moyenne``, c'est-à-dire intermédiaire entre [e] et [ε]. Rouss.-Lacl. 1927 considérant que dans la dérivation [ε:] devient [e] ou [ę] et que [ε] devient [ę], on ne sait pas si le mot de base fait, en ce qui concerne la syllabe finale, [ebεn] ou [ebε:n] (il fait [ebεn]). (En ce qui concerne la syllabe non finale, leur représentation d'ébéniste, [ebęnist], sans harmonie vocalique, ne fait pas apparaître comme probable l'harmonisation vocalique en ce qui concerne ébène). 2. Dérivation sur le modèle de lève, levons : ébeniste [eb(ə)nist] (cette graph. et cette prononc. ds Fér. Crit. t. 2 1787). Ces contradictions sont plus ou moins réelles. Les différences en ce qui concerne la durée, p. ex., peuvent résulter d'une sensibilité décroissante aux faits de durée, considérés plus ou moins confusément − et en l'occurrence tout à fait à tort, cf. la différence quant à la voyelle de syllabe finale entre, p. ex. domaine et garenne − comme des faits contextuels. Plus gén., il convient de faire la part des aléas d'une notation en termes de catégories. Dans la mesure où elles sont cependant réelles, il convient, pour en rendre compte, d'admettre, plus systématiquement que ne le font les dict. et les manuels (voir ci-dessus l'hésitation admise par Barbeau-Rodhe 1930), la variation, selon les circonstances chez un locuteur donné, et d'un locuteur à l'autre. Enq. : /eben/. Ds Ac. dep. 1694. Étymol. et Hist. 1. Ca 1160 ebenus « bois de l'ébénier » (Eneas, 6430 ds T.-L.); 2emoitié xiiies. [ms.] lit d'ebaine (Alexandre de Paris, éd. Michelant, p. 535, 28 [Elliott Monographs, vol. 2, br. IV, 1260 : Un lit de laine]); 1542 [éd.] masc. ébène noir (Rabelais, Pantagruel, éd. V.-L. Saulnier, chap. XIII, note 193), d'où 1794 ses cheveux d'ébène (Chénier, Bucoliques, p. 29); 2. 1833 « surnom donné aux noirs » trafiquants de bois d'ébène (Mérimée, Mosaïque, p. 48). Empr. au lat. impérialebenus, fém. « ébénier; bois de l'ébénier », lui-même empr. au gr. ε
́
ϐ
ε
ν
ο
ς empr. à l'égyptien hbnj peut-être d'orig. nubienne (Chantraine). Fréq. abs. littér. : 352. Fréq. rel. littér. : xixes. : a) 647, b) 841; xxes. : a) 374, b) 268. Bbg. André (P.). Le Vocab. des archetiers. Vie Lang. 1974, p. 668. − Rog. 1965, p. 180. |