| ÂTRE1, subst. masc. A.− Partie de la cheminée où l'on fait le feu. Les carreaux d'un âtre, ôter les cendres de l'âtre (Ac. 1798-1932), balai d'âtre (Quillet 1965) : 1. ... le souper fini, quand chacun s'était retiré (...) l'on débarrassait la grande cheminée. Plus de broches ni de chaudières; un bel âtre rouge, avec de hauts chenets.
Nerval, Nouvelles et fantaisies,1855, p. 162. 2. Tout était à reconstituer aussi dans les autres pièces qui ne gardaient plus que leurs murs et de hautes cheminées à hottes, des âtres spacieux, sans landiers, encore calcinés par d'anciens feux; ...
Huysmans, Là-bas,t. 1, 1891, p. 184. 3. ... des servantes vont et viennent, le teint rouge et la face allumée autour de l'âtre où tourne une broche gigantesque.
Moselly, Terres lorraines,1907, p. 82. 4. Les pans du large manteau abritent aussi, dans la partie supérieure, les viandes suspendues, qu'on a mises à sécher et à fumer. C'est là, sous ce dais d'une espèce particulière, que le cuisinier ou la cuisinière ont leur siège. C'est là aussi que, de chaque côté du foyer, deux bancs, établis contre les parois latérales qui encadrent l'âtre, accueillent, aux jours froids, après les repas, les convives qui veulent se chauffer et deviser au tiède.
Faral, La Vie quotidienne au temps de st Louis,1942, p. 157. − Spécialement 1. L'âtre d'un four (Lar. 19e-Lar. encyclop., DG, Ac. 1932). Partie plane d'un four au-dessous de la voûte où l'on cuit le pain. 2. Partie du foyer qui jouxte le combustible dans les fours et hauts fourneaux : 5. Le poêle [de construction] est construit sur un âtre creux composé d'une plaque de fonte supportée (...) par des tasseaux en briques, et en communication avec la ventouse assurant l'air extérieur; ...
E. Robinot, Vérification, métré et pratique des travaux du bâtiment,t. 2, 1928, p. 29. − P. méton. La cheminée elle-même. S'asseoir au coin de l'âtre, sous le manteau de l'âtre (Lar. 19e, Nouv. Lar. ill.) : 6. ... on se représente les anciennes familles grossières sans doute, mais assises dans une sainte union à l'âtre domestique avec toute la simplicité de l'âge d'or. Rien de plus contraire à la vérité.
Chateaubriand, Études historiques,1831, p. 418. 7. Elle aurait surpris Gérard, pensif au coin de l'âtre de la cuisine; ...
Theuriet, Le Mariage de Gérard,1875, p. 167. 8. Là, (...) vivait une bonne aïeule à la voix chevrotante et qui, le long des mornes journées d'hiver, (...) racontait des légendes à deux petits enfants accroupis à ses pieds devant l'âtre...
J. Lorrain, Sensations et souvenirs,1895, p. 236. B.− Au fig. L'indispensable, l'essentiel, l'âme d'un foyer : 9. Et toi, Muskanéhong, donne-moi la main! Si jeune! Avoir perdu le père de tes enfants, le gardien de tes nuits, l'âtre de ton feu, l'appui de la wigwham, ...
Crèvecœur, Voyage dans la Haute Pensylvanie,t. 1, 1801, p. 128. − Expr. proverbiales. Il n'y a rien de si froid, de plus froid que l'âtre (Ac. 1798-1878); dans cette maison il n'y a rien de plus froid que l'âtre (Besch. 1845); il n'y a rien de si froid que cet âtre (Lar. 19e, Littré, Nouv. Lar. ill.). C'est une maison où l'on fait très maigre chère (cf. Lar. 19e). PRONONC. : [ɑ:tʀ
̥]. ÉTYMOL. ET HIST. − xiies. astre, atre « partie de la cheminée où on fait le feu » (Gloss. Tours, éd. L. Delisle, 327 ds T.-L. : ignitabulum : astre); début xiiies. (Bible, B.N. 763, fo236b ds Gdf. Compl. : Or est Joseph plus nuz que folz qui siest en astre); 1359-77 « sole d'un four » (Gace de La Buigne, Déduits ds Ménagier de Paris, éd. Soc. des bibliophiles, II, 1847 [réimpr.], p. 186 : Ou four bien à point chaut le [le pasté] met, Qui de cendre ait l'atre bien net). Mot considéré au xvies. comme partic. à la région parisienne : 1579 (H. Estienne, Precellence, p. 174 ds Hug. : On appelle en ceste ville de Paris et en quelques autres lieux circonvoisins. Un atre ce qu'ailleurs est nommé Un foyer).
Du lat. vulg. astracum « dalle » puis « pavement », vies., Oribase Latin, Euporiston, éd. Molinier,
Œuvres, VI, p. 409 ds Nierm. Le lat. est empr. au gr. ο
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ν « vaisselle, vase en terre cuite » et aussi « tesson », v. ostracisme; cf. b. lat. ostracus, Isidore, 15, Orig., 8 ds Forc. Le changement o- > a- s'explique soit par agglutination suivie de déglutination à partir du plur. τ
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(REW3), soit par assimilation régr. Le recours (FEW, t. 7, p. 441a), à l'intermédiaire du verbe ostracare « construire en brique » (anno 955, Monumenta ad Neapolitani ducatus historiam pertinentia, 68, 20 ds F. Arnaldi, Latinitatis Italicae medii aevi Lexicon imperfectum, p. 448b, part. passé ostracatus) > *astracare, dér. du gr., ne semble pas nécessaire. La forme a. fr. aistre (T.-L. s.v. aistre, lignes 36 à 50) est prob. due à une contamination de l'a. fr. estre (lat. extera), v. aîtres. STAT. − Fréq. abs. littér. : 453. Fréq. rel. littér. : xixes. : a) 323, b) 968; xxes. : a) 890, b) 595. BBG. − Ac.-Gastr. 1962. − Bach.-Dez. 1882. − Barb.-Cad. 1963. − Chabat 1881. − Chesn. 1857. − Encyclop. méthod. Mécan. t. 1 1782. − Jossier 1881. − Le Roux 1752. − Mont. 1967. − Noël 1968. − Timm. 1892. |