| ZÈLE, subst. masc. A. − 1. Ardeur, empressement, dévouement mis au service d'une cause ou d'une personne, ou à l'accomplissement d'une tâche. Avec quel enthousiasme je me mis à étudier! Un tel zèle me soulevait, que les plus rebutants exercices devinrent mes préférés (Gide, Si le grain, 1924, p. 516). 2. En partic. [En matière relig.] Foi active, ferveur, dévotion. Port-Royal voulait l'étincelle, mais il la voulait dans les cœurs plutôt encore que dans les esprits. Il voulait des esprits réglés, et des cœurs brûlants de zèle (Sainte-Beuve, Port-Royal, t. 3, 1848, p. 422). − De zèle, loc. adj. Synon. de zélé.Pour être l'homme, le ministre de la paix, il faut que l'évêque soit: un homme d'autorité, un homme de zèle et de prières, un homme de vérité, s'il le faut, un homme de miracles (Dupanloup, Journal, 1851-76, p. 103). B. − [Dans des syntagmes] 1. Zèle + adj. a) exprimant une qualité. Zèle actif, admirable, ardent, enthousiaste, exalté, généreux, infatigable, touchant; zèle juvénile; zèle âpre, dur, excessif, fanatique, haineux, imbécile, indiscret, intempestif, irréfléchi, opiniâtre. On avait vu s'étaler chez certains détenteurs de l'autorité publique un zèle odieux au service de l'envahisseur (De Gaulle, Mém. guerre, 1959, p. 108). ♦ Zèle aveugle; faux zèle. Si le zèle aveugle, fièvre ou délire, porte avec lui une espèce d'excuse, il n'en est pas de même du faux zèle qui n'est que l'hypocrisie; c'est le vice qui s'arme d'une vertu pour frapper (Boucher1835). b) exprimant une relation. Zèle amical, amoureux; zèle bonapartiste, civique, patriotique, révolutionnaire; zèle pédagogique. Les chefs responsables de la commune d'Acre s'efforçaient de calmer le zèle belliciste de la croisade populaire (Grousset, Croisades, 1939, p. 379). − [En matière relig.] Zèle chrétien, apostolique; saint zèle. Quand le soir fut venu, le digne apôtre du Christ, plein d'un zèle évangélique, sortit des portes de la ville et prit la route de Césarée (Cottin, Mathilde, t. 2, 1805, p. 98).Il passait pour le meilleur paroissien de l'église Saint-Expédit où son zèle dévôt l'avait élevé au rang de marguillier (Bernanos, Crime, 1935, p. 798). 2. Zèle + compl. prép. a) Zèle de
α) + subst. − exprimant une qualité. Il était clair qu'il déploierait un jour pour Jésus ce même zèle de feu qu'il avait mis à le persécuter (Renan, Apôtres, 1866, p. 183). − désignant une qualité de l'agent de l'action. Zèle de converti, d'apprenti. Je pensais bien avoir abandonné pour toujours ce labeur exténuant. Je m'y suis remis sur la demande de Jean-Louis Barrault, avec un zèle d'adolescent et une patiente équanimité de vieillard (Gide, Journal, 1942, p. 130). − désignant l'objet de l'action (vieilli ou littér.). Zèle d'amour, d'apostolat, de conviction, de prosélytisme; zèle de l'autorité, de la vérité, du bien public. Si parfois (...) [l'homme] se récrie contre l'inégalité dont il souffre, c'est moins encore par zèle de justice que par rivalité de concupiscence (Proudhon, Syst. contrad. écon., t. 1, 1846, p. 334).Il ne faut (...) pas s'étonner de voir, en ce siècle, qu'on accorde couramment les desseins les plus criminels avec le zèle du service de Dieu (Montherl., Port-Royal, 1954, p. 1011).
β) + inf.M. de Brécé ferma les armoires avec le zèle de bien faire, la certitude heureuse d'emprisonner la luxure, le doute, l'impiété, les mauvaises pensées (A. France, Anneau améth., 1899, p. 76). b) Zèle à + inf.Zèle à exécuter des ordres, à visiter des malades. Le sire Regnier Pot, que le duc venait de faire gouverneur de Dauphiné, déploya un grand zèle à rassembler des hommes d'armes et à les amener à son maître (Barante, Hist. ducs Bourg., t. 3, 1821-24, p. 166). c) Zèle pour
α) + subst.Zèle pour la foi, la justice, la liberté, l'ordre, la religion, la vérité; zèle pour son pays, pour la personne du roi, pour les intérêts, pour le salut du peuple, pour l'humanité. Peu à peu, la bonne foi, le zèle de M. Karl pour la paix, qu'il appuyait de divers témoignages, avaient paru évidents (Romains, Hommes bonne vol., 1939, p. 165).
β) + inf.Courses pour Hinüber. Je me suis senti mon ancien zèle pour servir (Constant, Journaux, 1813, p. 385). 3. Verbe + zèle.Montrer du zèle; mettre du zèle à; affaiblir, animer, récompenser, exciter le zèle de qqn; manquer, redoubler, rivaliser de zèle pour qqc. Certainement, il croyait; mais non pas de la même façon qu'elle. Alors, elle comprit que son devoir était de réchauffer le zèle de ce chrétien si tiède (Larbaud, F. Marquez, 1911, p. 110). − Cour., souvent avec connotation péj. Faire du zèle. En faire plus qu'il n'est nécessaire, déployer ostensiblement un zèle inhabituel ou excessif. On faisait du zèle devant ma grand'mère parce qu'on la croyait bien lancée dans le monde et influente (Sand, Hist. vie, t. 2, 1855, p. 472).M. Lebrun faisait du zèle. Dans les études des petits, il avait attendu qu'on le provoquât; ici, il pensait se faire respecter en prenant l'offensive (Larbaud, F. Marquez, 1911, p. 65). 4. Subst. + zèle.Démonstration, marque de zèle. Dix personnes s'empressaient auprès de M. le Procureur du roi à demi écrasé sur son siège, et lui offraient des consolations, des encouragements, des protestations de zèle et de sympathie (Dumas père, Monte-Cristo, t. 2, 1846, p. 674). ♦ Excès de zèle. Nous ne sommes pas en mesure de conclure une paix séparée, mais je puis vous garantir que les opérations militaires seront conduites sans excès de zèle (Sartre, Mains sales, 1948, 4etabl., 4, p. 150). − En partic. Grève du zèle. Application rigoureuse des règlements et consignes de travail afin d'en paralyser totalement le déroulement. À l'heure où le vent souffle − timidement d'ailleurs − en faveur de l'amélioration des transports en commun, l'automobile n'a pas bonne presse. Témoin, la « grève du zèle de la circulation » organisée mercredi dernier dans le treizième arrondissement par les écologistes (Le Point, 1ermai 1978, p. 58, col. 3).Gréviste du zèle. Dans leur action, les « grévistes du zèle » ne font qu'appliquer le règlement à la lettre (Le Nouvel Observateur, 12 août 1978, p. 27, col. 1). 5. Loc. adv. Avec..., sans..., par ...zèle. Voyant au milieu des camarades de son âge cette petite fille ombrageuse et isolée, sans zèle même pour jouer, la bonne sœur comprit qu'il y avait déjà une blessure (...) au fond de cette enfant (Goncourt, Sœur Philom., 1861, p. 26).Je pense bien que par pur zèle ou par amitié pour moi vous ne refuseriez pas à notre revue (...) ce que vous accordiez naguère à l'Ermitage (Gide, Corresp.[avec Claudel], 1909, p. 94). 6. Expr. (dont l'origine est attribuée à Talleyrand s'adressant à ses subordonnés). Pas de zèle! Ne prenez pas d'initiative intempestive! Il est sage de ne pas impatienter ceux qui nous aiment et de ne pas leur prêcher l'adage de Talleyrand: surtout pas de zèle! (Amiel, Journal, 1866, p. 376). Prononc. et Orth.: [zε:l]. Voy. longue ds Fér. 1768, Littré, Passy 1914, Grammont Prononc. 1938, p. 38. Martinet-Walter 1973 [zε:l], [zεl] (3/14). Ac. 1694, 1718: zele; dep. 1740: zèle. Étymol. et Hist. 1. 2emoit. xives. zel « vive ardeur en matière de religion » (Philippe de Mezières, Songe du vieil pelerin, 1erlivre, 100 r, éd. G. W. Coopland, t. 1, p. 354); 2. 1512 p. ext. « ardeur, empressement pour quelque chose » (J. Lemaire de Belges, Illustrations, éd. A. J. Stecher, t. 2, p. 52: Et à fin que tu cognoisses de quel zele monseigneur quiert et desire ton amitié); 3. 1553 « ferveur amoureuse » (O. de Magny, Amours, éd. Courbet, p. 53), noté comme sens qui ,,vieillit`` ds Fur. 1690. Empr. au lat.zelus « esprit d'émulation, jalousie » empl. par les aut. chrét. pour désigner la colère divine, la ferveur, le zèle vengeur et fanatique (v. Blaise Lat. chrét.), du gr. ζ
η
̃
λ
ο
ς « jalousie, ferveur ». Fréq. abs. littér.: 1 796. Fréq. rel. littér.: xixes.: a) 3 941, b) 2 413; xxes.: a) 1 646, b) 1 991. Bbg. Quem. DDL t. 3, 20 (s.v. grève du zèle). |