| VOIR, verbe trans. 1reSection. Domaine des perceptions phys.; p. ext., domaine des perceptions phys. mettant en jeu un sens différent de celui de la vue. I. − Percevoir par le sens de la vue. A. − Voir + subst. compl. d'obj. 1. [Le subst. désigne un objet, une réalité du monde phys.] a)
α) Enregistrer l'image de ce qui se trouve dans le champ visuel, d'une manière passive, sans intention préalable; en percevoir la forme, la couleur, la position, le mouvement. Synon. apercevoir, découvrir, distinguer, remarquer.Voir un paysage; voir une forme, une silhouette; voir qqn sans être vu; regarder et ne pas voir qqc./qqn. La maison des Vallier, derrière les vignes, était silencieuse, mais on voyait de la lumière par les fentes des volets (Triolet, Prem. accroc, 1945, p. 260).V. découvrir ex. 4, lunette B 1 ex. de Dumas père,
œil ex. 11: 1. ... Suzanne et moi nous montions tout en haut [de l'arbre], et de la cime on criait à ceux des régions inférieures: « On voit la mer! On voit la mer! » − En effet, quand le temps était clair, on apercevait la petite ligne d'argent qu'elle faisait à quinze kilomètres de là.
Gide, Si le grain, 1924, p. 412. ♦ [Le suj. ou l'agent désigne l'organe de la vue] La nature nous a donné, comme aux animaux, des yeux pour voir les objets que la lumière éclaire (Cournot, Fond. connaiss., 1851, p. 151).Il croyait découvrir des choses inconnues et nouvelles, non point les choses que voyait son œil, mais des choses que pressentait son âme (Maupass., Contes et nouv., t. 2, M. Parent, 1886, p. 618).V. courrier I B 3 rem. ex. de Delille. ♦ [P. réf. à la vision du peintre] La peinture n'est pas plus la nature que la poésie n'est le dictionnaire. Elle est activité mentale et ce que le peintre montre est non ce qu'il voit mais ce qu'il pense de ce qu'il voit (Esprit, févr. 1992, p. 61). ♦ En partic. Percevoir quelque chose à travers quelque chose. Son regard venait de se poser sur une nuque rouge, ravinée (...); il voyait des épaules pointues dans une blouse d'un bleu de ciel, des jambes tordues en cep de vigne: Célestin! (Châteaubriant, Lourdines, 1911, p. 101).On voit tes/ses côtes. Tu es/il est trop maigre. Vous devez prendre trois kilos pour être présentable. Vous avez la joue creuse et on voit vos côtes (Sagan, Bonjour tristesse, 1954, p. 36). ♦ P. anal. [Le suj. désigne un lieu] Être situé face à. La douceur d'une terre qui voit le couchant (Senancour, Obermann, t. 2, 1840, p. 122).Pelvoux tout enivré de la senteur des sauges, Cenis qui voit l'Isère, Albis qui voit les Vosges (Hugo, Légende, t. 5, 1877, p. 1188). − Voir qqc./qqn + (loc.) adv., compl. prép. ou dans un énoncé exprimant les conditions, les modalités de la perception. ♦ [Exprimant la manière dont on perçoit, la qualité de la perception] Voir clairement, confusément, à demi, à peine qqc./qqn; voir du coin de l'œil, du premier coup d'œil qqc./qqn. Nous nous reposâmes à l'ombre d'un buisson de myrte, d'où nous pouvions voir d'un seul coup-d'œil l'océan, la ville, le Tage, un horizon illimité (Crèvecœur, Voyage, t. 2, 1801, p. 294).Plus la frégate approchait, plus on voyait distinctement ce petit canot: il était sale, presque démembré (Sue, Atar-Gull, 1831, p. 30).V. nettement B ex. de Rolland et ex. 1. ♦ [Exprimant la position, la situation de l'objet par rapport au sujet ou réciproquement] Voir à distance, au loin qqc./qqn; voir de loin, d'en-bas, d'un balcon, d'une fenêtre, du haut d'une tour qqc./qqn; voir à l'envers, de dos, en perspective qqc./qqn. La petite Constant... C'est la fille du père Constant, le coiffeur de la rue Vavin; tu vois d'ici sa boutique bleue, surmontée d'une boule d'or, d'où pend une queue de cheval (A. France, Vie fleur, 1922, p. 392).[La neige] se confondait avec la poussière. Elle n'était qu'une sorte de poussière de plâtre, versée avec le reste dans le tourbillon. Au delà de cinquante mètres, on ne voyait rien (Romains, Hommes bonne vol., 1938, p. 22).V. on II A 2 ex. de Giraudoux. ♦ Voir qqc./qqn de face*, de profil*. ♦ [Exprimant l'apparence] Nous avons beau savoir que le soleil est un globe immense, nous le voyons toujours sous l'aspect d'un disque de quelques pouces (Durkheim, Divis. trav., 1893, p. 69). ♦ [Exprimant le moyen utilisé] Voir au/avec un télescope; voir dans une lunette. Il faut le microscope pour voir le mouvement brownien (H. Poincaré, Valeur sc., 1905, p. 200).D'où nous étions, on voyait très bien les dîneurs, et ils attirèrent mon attention beaucoup plus que le spectacle. Avec ma lorgnette je les voyais admirablement (Gyp, Souv. pte fille, 1928, p. 261).Voir qqc./qqn à l'œil* nu. Loc. fig. Voir qqc. par le petit bout/par le gros bout* de la lorgnette*, par le petit bout/par le gros bout de la lunette*. − Voir qqc. à qqn/qqc.[Le compl. prép. désignant celui/ce qui porte la particularité désignée par le compl. d'obj.] Elle le poussa si rudement, qu'il tomba contre un meuble; et elle éclata d'un rire involontaire, en lui voyant une bosse au front (Zola, Nana, 1880, p. 1460).Les temps se font moins durs. On voit des pointes jaunes aux genêts... (Genevoix, Raboliot, 1925, p. 297).
β) Loc. et expr. métaph. ou fig. Voir la feuille* à l'envers. Voir/avoir vu le loup*, la lune*. Voir midi* à sa porte. Voir la paille* dans l'œil* du voisin et ne pas voir la poutre qui est dans le sien. En voir la farce* (v. farce2). N'y voir que du bleu*, que du feu (v. feu1). Quand on parle du loup*, on en voit la queue. − En partic. ♦ Voir le jour*. ♦ Voir le jour/la lumière/le soleil. Vivre. Mon enfant en moi, cet enfant intérieur en moi, cette chose en moi qui est appelée à voir le soleil à ma place, pour la première fois il a bougé (Claudel, Père humil., 1920, iv, 2, p. 560). ♦ Voir le jour/la lumière. Apparaître, se montrer. Une caissière parisienne ne pare que sa tête et son buste, le reste ne voit guère le jour (Colette, Sido, 1929, p. 8). ♦ Voir le jour à/au travers (d'une chose érodée, usée). C'est (...) une femme du monde qui t'a mis dans cet état-là? (...) Oh! te voilà comme une carcasse abandonnée par les corbeaux... on voit le jour à travers! (Balzac, Cous. Bette, 1846, p. 320).On m'a jeté cet os à ronger et je l'ai si bien travaillé que je vois le jour au travers (Sartre, Mots, 1964, p. 49).Absol. La femme de ménage avait jeté le morceau de savon de sa table de toilette. Elle prétendait qu'il n'y en avait presque plus, qu'on voyait au travers (Montherl., Célibataires, 1934, p. 858). ♦ Voir le bout/la sortie du tunnel. Arriver au bout d'une période difficile. Ah! la bonne, la magnifique nouvelle [Mussolini avait démissionné] (...) il lui semblait déjà qu'il voyait la sortie de ce tunnel de quatre ans (Triolet, Prem. accroc, 1945, p. 262). ♦ Voir le bout, la fin (d'un travail de longue haleine, d'une somme à dépenser). Venir à bout de. J'ai été depuis deux mois et demi absorbé par un travail dont j'ai vu la fin hier seulement (Flaub., Corresp., 1863, p. 110).À combien pensez-vous que s'élèveront les frais d'étude? Deux mille? − Oh non! (...) Je pense que vous en verrez le bout avec mille (Montherl., Célibataires, 1934, p. 792).V. fin1A 1 c ex. de Flaubert.Souvent p. iron. On n'en voit pas la fin. C'est d'une solidité à toute épreuve; cela dure interminablement. [Les lattes de la charpente] venaient de perches de châtaignier (...). Elles passaient pour inusables, on n'en voyait pas la fin (Pesquidoux, Livre raison, 1928, p. 137). ♦ Voir le fond de sa bourse. Évaluer ses ressourses. Je continuais à dépenser mon bonheur avec prodigalité et je ne voyais pas le fond de ma bourse (Duhamel, Confess. min., 1920, p. 61). Ne pas laisser voir le fond de sa bourse. V. bourse1I B 4.♦ Ne pas voir un liard/un sou; ne pas voir la couleur de l'argent de qqn. Ne pas entrer en possession, ne pas pouvoir recouvrer une somme d'argent qui est due. Une créance de quatorze mille francs (...) a été flibustée par un brave cousin chargé de nos affaires. (...) je crois que je n'en verrai jamais un liard (Flaub., Corresp., 1872, p. 34).Si au moins j'avais fini de vendre mes villas et mes terrains! (...) et comme de plus j'ai consenti pour les dernières que j'ai vendues des facilités de paiement, avec le moratorium je ne verrai plus un sou (Romains, Hommes bonne vol., 1938, p. 163).V. couleur I A 1 d ex. de Audiberti. b)
α) [Implique une prise de conscience de l'objet perçu, de ses caractéristiques] Remarquer, observer. Soudain, j'ai vu mes ongles usés, mes doigts imprégnés d'une crasse indélébile par le nettoyage du poêle, par le balayage, le lavage (Frapié, Maternelle, 1904, p. 103).V. différemment A ex., dire1ex. 1: 2. Il y a une immense différence entre voir une chose sans le crayon dans la main, et la voir en la dessinant. Ou plutôt, ce sont deux choses bien différentes que l'on voit. Même l'objet le plus familier à nos yeux devient tout autre si l'on s'applique à le dessiner: on s'aperçoit qu'on l'ignorait, qu'on ne l'avait jamais véritablement vu.
Valéry, Degas, 1949 [1936], p. 57. Savoir voir qqc.Ces vitraux (...) ont une manière à eux, violente et impérieuse, d'ordonner le poème de la couleur. Si les gens savaient voir, s'ils avaient su voir et comprendre ces verrières, (...) il n'aurait pas été nécessaire d'attendre le coup de poing des Ballets Russes, en 1909, pour affranchir notre œil et notre entendement d'une servitude plusieurs fois séculaire (J.-R. Bloch, Dest. du S., 1931, p. 34).♦ Ne pas/ne plus voir qqc.; ne rien voir. Ce jour-là, il faisait sec et froid. Léon, dans la forêt, littéralement ne voyait plus la nature: il était trop occupé de ses affaires. Il « tirait des plans » (Montherl., Célibataires,1934, p. 883).Il marcha à grands pas, sans rien voir sur son chemin, tout occupé à imaginer dans les moindres détails comment il s'y prendrait s'il lui échéait d'avoir à tuer Mathilde (Vailland, Drôle de jeu, 1945, p. 258).[Le compl. d'obj. désigne une pers.] Tu étais mère, tu n'étais que mère. Ton attention se détourna de moi. Tu ne me voyais plus (Mauriac, Nœud vip., 1932, p. 77).Michel: Sophie! tu me fais une scène, ma parole! Moi qui te connais par cœur. Yvonne: Il est possible que tu me connaisses par cœur. Mais tu ne me regardes pas. Tu ne me vois pas (Cocteau, Parents, 1938, i, 4, p. 203).[Le suj. désigne l'organe de la vue] Madame de Sannis souriante paraissait dormir en marchant; ses yeux passèrent sur moi sans me voir (Jouve, Scène capit., 1935, p. 203).[P. réf. à la loc. fam. circulez, il n'y a rien à voir] Enfermé dans son bunker, (...) [le général Schwarzkopf] synthétisait toutes les données. Dehors, les observateurs circulaient, car il n'y avait rien à voir (L'Express, 18 mars 1993, p. 63). − Faire voir qqc.Montrer. Elle l'a emmené en voiture, seule, deux heures dans Madrid, pour lui faire voir le clair de lune... (Goncourt, Journal, 1864, p. 21).Les choses vues et que le poète nous fait voir sont moins la vive prise de l'œil qu'elles n'émergent d'un souvenir de sensation, d'une ancienne vision (Durry, Nerval, 1956, p. 19).Absol. Tenez, regardez-la, la montre. Le Bœuf: Fais voir. Où as-tu trouvé ça? (Audiberti, Femmes Bœuf, 1948, p. 122). ♦ [Le suj. désigne une chose] Permettre de voir; laisser voir, donner à voir. Un rayon de lune fait voir l'escalier de pierre (Villiers de L'I.-A., Contes cruels, 1883, p. 114). ♦ P. ext. Permettre d'apprécier, de sentir. L'ornement doit être pris dans la matière même, comme s'il avait pour fin d'en mieux faire voir le grain et la dureté (Alain, Beaux-arts, 1920, p. 185). − Se faire voir ♦ Empl. pronom. réfl. S'exposer aux regards. Paraître, se montrer (en public); se faire admirer. Les bruits de coulisses en disaient un grand bien, et, même sans cela, cette représentation eût toujours été un prétexte de se parer et de se faire voir (Karr, Sous tilleuls, 1832, p. 173).Tu es bien belle, ma petite (...). Marguerite sourit, sans aucune gêne apparente, tourna sur elle-même pour se faire mieux voir (Aymé, Jument, 1933, p. 232).Au fig. Se faire bien voir. Se faire apprécier; se faire bien considérer. Mes fréquentations, je suis sûr qu'elles me donneraient aux bourres pour bien se faire voir, si elles savaient où je suis (R. Fallet, La Grande ceinture, Paris, Gallimard, 1982 [1956], p. 195).Pop. Aller se faire voir ailleurs. Aller s'installer ailleurs; déménager. Une fois la tourmente conjurée, on lèverait le camp par une belle nuit... On transborderait notre matériel et on irait se faire voir ailleurs!... Dans un autre quartier!... L'endroit était plus possible... (Céline, Mort à crédit, 1936, p. 534).Disparaître. Bon là, ils y étaient les autres. Du coup, lui, il est allé se faire voir ailleurs (Le Monde, 21 sept. 1987, p. 44, col. 5).Arg. [Pour se débarrasser de qqn] Va/allez te/vous faire voir (ailleurs). Allô, Avila? Comment ça va chez vous? Ici la gare. − Va te faire voir, salaud (Malraux, Espoir, 1937, p. 435).Un clergyman vint mettre son nez dans l'affaire et s'adressa à John: − Mon garçon, il est honteux de jurer comme vous venez de le faire! (...) − Vous, le pasteur, allez vous faire voir ailleurs! (Exbrayat, On se reverra petite, 1964, p. 52).Va/allez te/vous faire voir chez/par les Grecs. V. grec II A 3.[Marque la stupéfaction, la surprise gén.] Va te faire voir! Les nègres, vous vous en rendrez tout de suite compte, c'est tout crevés et tout pourris!... Dans la journée c'est accroupi (...) et puis aussitôt qu'il fait nuit, va te faire voir! Ça devient tout vicieux! tout nerfs! (Céline, Voyage, 1932, p. 208). ♦ Empl. pronom. indir. Se montrer quelque chose l'un à l'autre. Deux jeunes filles, rapprochant leurs fronts, se faisaient voir une bague (Flaub., Éduc. sent., t. 2, 1869, p. 48). − Laisser voir qqc. (à qqn).Montrer. Vous pourriez laisser voir seulement le bout du petit doigt (...) je vous reconnaîtrais encore (Duhamel, Suzanne, 1941, p. 143).Donner à voir, montrer. Le pauvre jeune séminariste (...) nous montrait ces gravures que jamais on ne lui avait laissé voir (Michelet, Journal, 1835, p. 169).Leurs manches retroussées laissaient voir les bras velus gonflés de veines (Adam, Enf. Aust., 1902, p. 182).Loc. adv., p. métaph. Laisser voir à nu. Emma ressemblait à toutes les maîtresses; et le charme de la nouveauté, peu à peu tombant comme un vêtement, laissait voir à nu l'éternelle monotonie de la passion (Flaub., MmeBovary, t. 2, 1857, p. 30). − Se laisser voir.Se montrer. Ma joue est hideuse, et mon miroir me fait horreur. L'accoutumance ne vient pas, et je n'ose me laisser voir dans la rue (Amiel, Journal, 1866, p. 304).Au fig. [Avec attribut] Être, paraître. Malgré le débraillé et le sans-gêne des professeurs, cet examen se laissait voir plus sérieux au fond que l'examen de droit auquel nous venions d'assister (A. France, Vie fleur, 1922, p. 435). − Être vu.Synon. de se faire voir (supra).Toute la mode anglaise de l'été est créée dans la perspective de Wimbledon où il est de bon ton d'être vu, et ce depuis 1877 (Jeux et sports, 1967, p. 1380). − Adj. ou loc. exprimant un sentiment ou un jugement, gén. dépréc. + à voir.Être curieux, effrayant, laid à voir; faire peine à voir; ce n'est pas beau à voir. Il y en avait un surtout, au fond de la cour, gros, grand, replet (...) mais vieux et sans dents (...). Ce chien était affreux à voir (Janin, Âne mort, 1829, p. 23).T'as bonne mine... ça fait plaisir à voir... (Dorgelès, Croix de bois, 1919, p. 305).
β) En partic. Se rendre compte de l'état d'esprit, des sentiments, de la compétence de quelqu'un en observant son comportement ou sa mimique. − [Le compl. d'obj. désigne une pers. et, p. méton., son visage, son attitude] Voir la figure, la gueule de qqn; voir la mine, l'air étonné, le sourire moqueur de qqn. Ce n'est pas la science qu'elle aime, c'est le savant! c'est aussi clair! Il n'y a qu'à la voir avec Lucy, d'ailleurs: elle en est jalouse (Pailleron, Monde ou l'on s'ennuie, 1869,i, 7, p. 29).Grisé par son amour, ou par son amour-propre, le baron ne vit pas ou feignit de ne pas voir la moue que fit le violoniste (Proust, Sodome, 1922, p. 1074).Elle lui a pris le menton en l'appelant: « Mon gros toutou ». Si tu avais vu sa bille! Elle n'a pas insisté! (Vercel, Cap. Conan, 1934, p. 99).Vous croyez que je ne voyais pas votre manège? Je n'ai pas les yeux dans ma poche, mon bonhomme (Sartre, Nausée, 1938, p. 208). − [le compl. d'obj. désigne ce que traduit l'expression du visage ou l'attitude de qqn] Voir l'embarras, la fatigue, la gêne, la honte, l'irritation de qqn. Rosenthal doit avoir des idées de derrière la tête. On lui voit cette satisfaction hypocrite des hommes qui font des plans (Nizan, Conspir., 1938, p. 56). ♦ Loc. Il fait beau voir. V. beau I A 2 a ex. 30 et 32. ♦ Laisser voir qqc.Ces femmes, gênées dans leurs toilettes, se savaient endimanchées et laissaient voir naïvement une joie qui prouvait que le bal était une rareté dans leur vie occupée (Balzac, C. Birotteau, 1837, p. 210).Je posai la question devant quelques amis, laissant voir une partie de mon désarroi (G. Bataille, Exp. int., 1943, p. 23). ♦ Qqc.1se laisse voir à, dans qqc.2[Avec compl. désignant une réalisation concr.]Un genre de dépit se laisse voir dans ce dessin intempérant, si profondément lié, de toutes façons, à l'envie (Alain, Beaux-arts, 1920, p. 294).L'écriture un peu grande et anguleuse du général − où l'on ne sait quoi aussi de féminin se laissait voir au mouvement de certaines lettres (Romains, Hommes bonne vol., 1938, p. 279). − [Le compl. d'obj. désigne une qualité ou une fonction de la pers.] En le contemplant sur une escabelle, les yeux hagards, la tête affaissée sur la poitrine (...) l'assassin disparaissait; je ne voyais plus que l'homme, et les sentimens d'horreur faisaient place à ceux de la pitié (Jouy, Hermite, t. 4, 1813, p. 295).Tout t'est possible, Ferdinand! Tout! L'enveloppe seule est humaine! Mais je vois le monstre! (Céline, Mort à crédit, 1936, p. 453). ♦ Expr. C'est à/sur... qu'on voit.C'est à ses outils qu'on voit le bon ouvrier. C'est sur la passerelle qu'on voit le marin (Peisson, Parti Liverpool, 1932, p. 14). c) [Implique une intention, de l'intérêt pour l'objet de l'action]
α) [Gén. avec verbe ou énoncé indiquant que le suj. se déplace pour accomplir l'action] Regarder, examiner, inspecter, visiter. J'irai demain à Anvers voir ma flotte, et ordonner des travaux (Napoléon Ier, Lettres Joséph., 1810, p. 204).Le matin est venu débarbouiller la fenêtre. Je me suis levé pour aller voir le temps. La pluie n'avait guère diminué (Barbusse, Feu, 1916, p. 118). − En partic. ♦ [Le compl. d'obj. désigne une œuvre d'art, une curiosité, le mode de présentation ou le lieu où elle est présentée] (Aller) voir une exposition, des dessins, des tableaux. Hier, il a été voir un tas de médailles à la Bibliothèque; aujourd'hui, il est allé voir le cabinet de minéralogie au Jardin des Plantes (Goncourt, Journal, 1860, p. 722).Un jour, elle alla voir le rhinocéros à la foire et demanda à un gros homme habillé en Turc, si c'était lui le rhinocéros (A. France, Pt Pierre, 1918, p. 241). ♦ [Le compl. d'obj. désigne un lieu] À propos, me dit Prudence, vous n'avez pas vu l'appartement; venez, que je vous le montre (Dumas fils, Dame Cam., 1848, p. 92).Le mieux ce serait de nous rencontrer vers les sept heures du soir. Comme ça, tu auras pu un peu te promener, voir Paris. Puisque tu y es... (Aragon, Beaux quart., 1936, p. 316).Voir du pays. V. pays1.Faire voir qqc.C'était le fils du garde qui nous faisait voir le château, − abandonné depuis longtemps (Nerval, Filles feu, Angélique, 1854, p. 569). ♦ [Le compl. d'obj. désigne un spectacle, une manifestation] Synon. assister à (v. assister1A 2).Le mois dernier, j'ai été en Angleterre, pour voir le match entre Oxford et Cambridge (Rolland, J.-Chr., Nouv. journée, 1912, p. 1499).Nous allâmes voir un examen à la Faculté de Médecine (...). Le candidat, déjà gros et chauve, ne paraissait plus très jeune. Il promenait avec hésitation son scalpel sur un cadavre étendu devant lui (A. France, Vie fleur, 1922, p. 434).P. anal. Voir un film. Assister à la projection d'un film. Au part. passé. Ils allaient chaque samedi au cinéma. Ils y allaient malgré le manque d'air dans la baraque sonore, malgré les vieux films presque toujours déjà vus (Triolet, Prem. accroc, 1945, p. 226).Voir un acteur dans... Voir jouer un acteur dans... Une dernière fois, Paris l'avait vue dans une féerie: Mélusine, au théâtre de la Gaîté (Zola, Nana, 1880, p. 1471). − (Être) à voir.(Être) digne d'intérêt. Mon Dieu! dit-il, on pourrait aller au musée (...). − Il y a des antiquités, des images, des tableaux, un tas de choses. C'est très instructif (...). Oh! c'est à voir, au moins une fois (Zola, Assommoir, 1877, p. 441).[L'objet du procès est une pers.] Jeanne Essler, dans la pièce nouvelle de d'Ennery et Brésil, et MlleBarthet sont, certes, à voir, celle-ci près de celle-là (Mallarmé, Dern. mode, 1874, p. 772). − À l'impér. [Pour montrer, présenter qqc.] Albert, montrant Antoinette. Chère amie, voyez cette enfant. Elle est phtisique jusqu'à la moelle des os, et n'ira pas jusqu'au printemps (Curel, Nouv. idole, 1899, i, 4, p. 174).[Pour s'inciter soi-même à examiner qqc.] Voyons. Voyons donc cette ressemblance tant vantée... Elle n'est pas mal, ma foi! (Nerval, Filles feu, Corilla, 1854, p. 679).
β) Prendre connaissance du contenu d'un texte, d'une liste de chiffres; découvrir en lisant. Voir le courrier, le cours de la Bourse; voir un article, un laissez-passer. Six mille, ils m'en ont donné!... Et Cristina l'avait payé dix-huit!... Je le sais, j'ai vu la facture! (Bourdet, Sexe faible, 1931, ii, p. 366).Il vous a prévenu de vive voix? − Non, par une lettre. (...) Si vous voulez voir la lettre... Maigret n'y jeta qu'un coup d'œil (Simenon, Vac. Maigret, 1948, p. 140). − [Avec un adv.] Il nous faut quand même régler une foule de petites choses, et voir de près, malgré tout, d'assez fâcheuses paperasses (Duhamel, Suzanne, 1941, p. 274).À l'impér. Roger, à la duchesse: Ah! ce sont ses cahiers. Donnez, Suzanne (...). La duchesse: Voyons un peu ces cahiers! (Pailleron, Monde où l'on s'ennuie, 1869, i, 15, p. 64).
γ) En partic. − Étudier, apprendre dans un cours, dans un exposé, dans un livre. Eugène a fait expliquer devant moi à Adolphe ce que nous avions vu le matin de l'auteur latin (Delécluze, Journal, 1828, p. 498). ♦ [Pour rappeler ce qui a été dit, introduire ce qui va être dit] (Comme) on l'a vu/on le verra. Le temps, − milieu et support du phénomène musical (nous l'avons vu au chapitre XIII), − est hors de portée de l'expérimentateur (Schaeffer, Rech. mus. concr., 1952, p. 144). − Prendre pour exemple, se reporter à. ♦ À l'impér. Vois le facteur aux huîtres! comme ils l'ont mis en pièces! Quel était son tort, à cet homme? Trop bon enfant, voilà tout... (Reybaud, J. Paturot, 1842, p. 168). ♦ À l'inf. Synon. de confer (abrév. cf, v. conférer1A spéc.).Voir page..., chapitre...; voir (dans tel ouvrage) l'article, l'histoire... Ceci [que ce soit le difficile qui vaille par définition] n'est pas chrétien, pas du tout, ceci est stoïcien − c'est-à-dire exactement le contraire, et moi-même l'ai noté, l'ai écrit vingt fois: voir mon Baudelaire, voir De l'Humilité féconde, voir dix journaux depuis quinze ans (Du Bos, Journal, 1927, p. 236).Absol. Déjeuner à Boda avec le sinistre Pacha (voir plus loin) et M. Blaud, administrateur de Carnot (Gide, Voy. Congo, 1927, p. 735). d) [Implique une disposition d'esprit qui met en jeu la subjectivité]
α) Percevoir les choses d'une certaine façon, sous un certain aspect. Sur le point de quitter Paris, je voudrais le voir en étranger. Par exemple, noter le calme et la tranquillité imprévus de la plupart des gens pendant les deux mois qui ont suivi le 6 février (Larbaud, Journal, 1934, p. 301): 3. ... il y avait de la contemplation dans la soumission de la Thénardier à son mari. Cette montagne de bruit et de chair se mouvait sous le petit doigt de ce despote frêle. C'était, vu par son côté nain et grotesque, cette grande chose universelle: l'adoration de la matière pour l'esprit...
Hugo, Misér., t. 1, 1862, p. 459. − En partic. Percevoir à travers/par les yeux de quelqu'un. Ce soir visité l'horrible énormité de Saint-Pierre. Je vois Rome à travers Stendhal, malgré moi (Gide, Journal, 1895, p. 65).Je laissai retomber le rideau. Qu'avais-je espéré? Voir un instant avec les yeux de Paule ce décor familier? saisir sur ce décor la couleur de ses jours? (Beauvoir, Mandarins, 1954, p. 176).
β) Ne percevoir qu'un élément d'un tout. Démétrios (...) restait égaré. Il ne voyait de la jeune reine que le sourire rouge de sa bouche et le coussin noir de ses cheveux (Louÿs, Aphrodite, 1896, p. 120).Ce pauvre Jean porte encore aujourd'hui cette moumoute cabalistique au milieu du front, sauf qu'il l'a décolorée et que cette mèche de mulâtre voltairien tire sur le rouge brique et que l'on ne voit plus qu'elle aujourd'hui (Cendrars, Bourlinguer, 1948, p. 187).
γ) Percevoir un objet virtuel dans une réalité. D'habitude notre imagination met des mots dans les bruits comme on joue paresseusement à voir des formes dans des fumées (S. Weil, Pesanteur, 1943, p. 115). 2. a) [Le compl. d'obj. désigne un fait, un événement souvent néfaste]
α) Être le témoin de, assister à. Voir la guerre, la révolution; voir un accident, une éruption volcanique. Dans le cours de ma longue vie (...), j'ai vu bien des événemens, bien des désastres, des calamités sans nombre, et d'effroyables infortunes (Cottin, Mathilde, t. 2, 1805, p. 208).V. naissance ex. 9. ♦ Voir le feu. Assister, participer à un combat. Je viens de recevoir des tas de pauvres petits de la classe 16... Ils n'ont jamais vu le feu (...) Pourvu que je n'aie pas à les faire marcher demain! (Romains, Hommes bonne vol., 1938, p. 273). ♦ Avoir vu bien des/trop de choses. On a beau être sceptique et avoir vu bien des choses, on aime cependant sentir qu'on n'est pas abandonné de sa famille (Miomandre, Écrit sur eau, 1908, p. 235).La police, remarque, il en faut... Je ne dis pas non, j'ai vu trop de choses... (Aragon, Beaux quart., 1936, p. 358).Absol. Avoir (beaucoup) vu, en avoir vu. Ô mon ami, j'ai beaucoup vécu et beaucoup vu, mais jamais je n'avais rencontré de femme aussi séduisante (Borel, Champavert, 1833, p. 18).[Le suj. désigne une chose] Depuis 1662 que cette maison a été fondée par Henri de Lorraine, les murs en ont vu (Hamp, Champagne, 1909, p. 106). ♦ En avoir assez vu pour. Déjà j'en avais assez vu pour me faire l'idée que cette jeune paysanne changerait notre tranquille demeure en une maison hantée (A. France, Pt Pierre, 1918, p. 203). − P. ext. Subir/faire subir des épreuves à quelqu'un. ♦ (En) voir/(en) faire voir de + adj. ou subst.En voir/en faire voir à qqn de belles, de pires, de rudes, d'autres/de bien des/de toutes les sortes. Paganisme, christianisme, muflisme. Telles sont les trois grandes évolutions de l'humanité. Il est désagréable de se trouver dans la dernière. Ah! Nous allons en voir de propres! (Flaub., Corresp., 1871, p. 201).Tous les deux, nous lui en ferons voir de joyeuses, à cette pécore... je t'en réponds!... (Mirbeau, Journal femme ch., 1900, p. 33).[Le suj. désigne une chose] C'est un jupon? Il est joliment dégoûtant, il a dû en voir de propres, ce jupon! (Zola, Assommoir, 1877, p. 392).Son mobilier (...) en avait déjà vu et devait encore en subir de bien drôles dans toute une série de déménagements (Cendrars, Bourlinguer, 1948, p. 112).En (faire) voir de cruelles. V. cruel A 1.En (faire) voir de drôles. V. drôle I A 2.En (faire) voir de dures. V. dur III B 3 b.En (faire) voir des vertes et des pas mûres. V. mûr I A 1 b.En (faire) voir de toutes les couleurs. V. couleur I A 1 d.Faire voir du pays à qqn. V. pays1A 2 a au fig. ♦ Absol. En voir, en avoir (tant) vu. « Voilà une vrai pitié... Une chose pareille... Le pauvre gars, il a dû en voir!... » Jamais il n'aurait cru qu'un homme pût pleurer de telle sorte (Genevoix, Raboliot, 1925, p. 325).Elle se mit à pleurer, effondrée d'en avoir tant vu déjà dans ces quelques heures, d'avoir souffert, usé ses forces, subi les insultes, les rires, le contact des filles de joie, d'une lie humaine, les brutalités de la soldatesque (Van der Meersch, Invas. 14,1935, p. 228).
β) Se rendre compte de; prévoir l'imminence de. Dans le carrefour du doute, j'ai pris la route gauche. Elle menait à des fondrières. J'ai vu le péril et j'ai pu m'arrêter (L. Ménard, Rêv. païen, 1876, p. 155).Et puis le taureau fonça droit devant lui (...). Et Alban fuyait, glissant, fuyait de travers, la tête tournée vers l'extérieur pour ne pas voir le danger (Montherl., Bestiaires, 1926, p. 542). ♦ Voir la mort (de près). V. mort1.Lui qui vingt fois avait vu la mort sans pâlir, il sentit son cœur défaillir (Sandeau, Mellede La Seiglière, 1848, p. 137). b) [Le compl. d'obj. désigne une époque ou un fait lié à cette époque] Vivre pendant une période, au cours d'une période. Je m'arrête un moment à ce 18esiècle, dont j'ai vu la plus grande moitié, et aux folies duquel je me souviens, avec un peu de honte, d'avoir contribué (Jouy, Hermite, t. 4, 1813, p. 271).J'ai vu le temps où il n'y avait pas d'autre mariage que le mariage religieux (Sand, Hist. vie, t. 2, 1855, p. 79). ♦ Vivre assez longtemps pour connaître quelque chose. Voir l'avenir. Le Juif ne croit pas que rien de ce qu'il entreprend soit pour lui. Il n'espère pas voir le fruit de l'arbre qu'il plante, ni reposer à son ombre (J.-R. Bloch, Dest. du S., 1931, p. 272).Puig enviait les camarades tués; et pourtant il avait envie de voir les jours prochains (Malraux, Espoir, 1937, p. 453). c) Voir qqn, qqc. à qqn.Il est un fluide magnétique entre les personnes qui s'aiment... Tu sais bien que jamais je ne pourrais te voir un amant; encore moins t'en offrir un (Napoléon Ier, Lettres Joséph., 1796, p. 41).Daudet voudrait voir à Huysmans un succès de vente, parce que le succès le ramènerait à quelque chose de plus sain (Goncourt, Journal, 1887, p. 674). 3. [Le compl. d'obj. désigne une pers.] a)
α) Rencontrer quelqu'un, se trouver par hasard en sa présence. Depuis qu'il existe, le Café de l'Univers a toujours été (...) le rendez-vous des auteurs dramatiques. J'ai vu là des hommes illustres dont on ne parle plus (Fargue, Piéton Paris, 1939, p. 92).V. différemment A ex. de Flaubert, jamais I B 1 ex. de Theuriet.[P. méton. du compl. d'obj.] Le maquis ne vous emmerde pas trop? demanda Nicolas. − On en entend beaucoup parler, mais on ne le voit jamais, c'est un mythe..., dans ma région du moins (Vailland, Drôle de jeu, 1945, p. 200). ♦ J'ai/tu as... déjà vu cette tête-là. Reconnaître quelqu'un. J'ai vu cette tête-là quelque part, pensa Laforgue. Cette bouche molle... (Nizan, Conspir., 1938, p. 60).
β) Expressions ♦ [Manifestant le désir de se débarrasser de qqn] Je t'ai assez vu. À présent, file, je t'ai assez vu. Tu repasseras après demain matin... (Nizan, Conspir., 1938, p. 213).Je voudrais le/la voir à cent lieues d'ici. Ah! Dieu!... je voudrais la voir à cent lieues d'ici, moi! (Feydeau, Dame Maxim's, 1914, ii, 12, p. 54). ♦ Ne pas/ne plus pouvoir voir qqn (en peinture). Ne pas/ne plus pouvoir supporter quelqu'un, détester quelqu'un. Tu n'aurais pas pu choisir un autre intermédiaire? Tu sais bien que je ne peux pas voir cette vieille poule... (Vailland, Drôle de jeu, 1945, p. 48).V. peinture II B 2 a α ex. de Dumas fils et de Céline.P. anal. [Le compl. d'obj. désigne une chose] Autrefois, avec sa mère, elle buvait de l'anisette, à Plassans. Mais elle avait failli en mourir un jour, et ça l'avait dégoûtée; elle ne pouvait plus voir les liqueurs (Zola, Assommoir, 1877, p. 410).Nous parlerons tout à l'heure, dit Magnin. − Inutile. Merci. Je ne peux plus voir un avion. Faites-moi incorporer aux milices. Je vous prie (Malraux, Espoir, 1937, p. 494). b) Fréquenter quelqu'un; le rencontrer lors d'une visite, dans le cadre de relations familiales ou sociales. Voir qqn longuement, souvent, chaque jour, rarement; avoir à voir/demander à voir qqn; être content/avoir besoin de voir qqn; ce n'est pas qqn à voir. « Plus je vois le marquis de Londonderry », disais-je à M. de Montmorency, « plus je lui trouve de finesse (...) » (Chateaubr., Mém., t. 3, 1848, p. 105).« On voudrait être à Paris, mais peut-on? Le bon Pierre Hepp vous dira. Le voyez-vous? » Je ne le voyais plus et il ne m'aurait rien dit (Blanche, Modèles, 1928, p. 67).V. désir II A 2 c ex. de Balzac, devant2ex. 2, moment I A ex. de Labiche.En partic. Rencontrer quelqu'un lors de relations amoureuses. Plus tard, j'appris un absurde mariage d'amour qu'elle fit avec un jeune homme qu'elle devait déjà voir à ce moment-là (Proust, Guermantes 2, 1921, p. 393). ♦ Voir du monde, des gens. Avoir des contacts sociaux; ne pas rester seul. Elle voulait être lingère, pour voir du monde et quitter la forêt (R. Bazin, Blé, 1907, p. 74).Tu devrais tout de même sortir un peu, dit-il. − Sortir? dit-elle avec l'air de tomber des nues. − Oui; mettre le nez dehors, voir des gens (Beauvoir, Mandarins, 1954, p. 283). ♦ Aller voir qqn. Aller rendre visite à quelqu'un. Dans quelques jours, je vais aller voir les Charles Gide à Noirmoutier (Gide, Corresp.[avec Valéry], 1895, p. 244). − Expr. Je te verrai ce soir/demain... Je te reverrai, je reviendrai ou je rentrerai ce soir/demain. V. déjà I A 2 a ex. de Zola. c) Rencontrer quelqu'un dans un but particulier; consulter, s'adresser à quelqu'un. Voir un médecin, un spécialiste; aller voir une cartomancienne, sa couturière; demander à voir un prêtre; (pour un médecin) voir un malade, un blessé. À huit heures, j'étais à mes malades (...). À onze heures, j'avais vu tout mon monde; y compris notre opéré d'hier (Feydeau, Dame Maxim's, 1914, i, 2, p. 6).C'est pour Burette, mon copain (...), qu'a une balle dans l'ventre, et m'faut une voiture! − Une voiture! Voyez donc les brancardiers, et foutez-nous la paix! (Benjamin, Gaspard, 1915, p. 70).[P. méton. du compl. d'obj.] Il avait vu tous les bureaux, fait toutes les démarches, les issues de ce côté-là étaient pour le moment bouchées (Camus, Peste, 1947, p. 1306). − Aller voir des/les filles, des/les femmes. Avoir des relations sexuelles avec des femmes faciles, des prostituées. Il y en a joliment, lorsqu'ils ont bu, qui vont voir les femmes... Lui, rentre tout droit ici. Il plaisante bien avec les ouvrières, mais ça ne va pas plus loin (Zola, Assommoir, 1877, p. 515).Quand elles ont passé trois mois dans le bois (...) [les jeunesses d'à présent] se dépêchent de redescendre et d'acheter des bottines jaunes, des chapeaux durs et des cigarettes pour aller voir les filles (Hémon, M. Chapdelaine, 1916, p. 74). 4. Dans le domaine relig. a) Voir Dieu. Percevoir (la présence de) Dieu; rencontrer Dieu. [Jésus] est venu parmi nous, mais il ne nous a pas convertis. Des hommes ont vu le tombeau de Lazare ouvert, et ils ne sont pas rendus. Des hommes ont vu Dieu, et ils n'ont pas cru (Psichari, Voy. centur., 1914, p. 204).Je ne crains pas les tourments du feu. J'ai peur de l'Enfer, seulement parce qu'on n'y voit pas Dieu (Salacrou, Terre ronde, 1938, II, 3, p. 210). ♦ Voir Dieu face à face. Ce n'est pas la recherche du plaisir et l'aversion de l'effort qui produisent le péché, mais la peur de Dieu. On sait qu'on ne peut pas le voir face à face sans mourir, et on ne veut pas mourir (S. Weil, Pesanteur, 1943, p. 65). b) [Le suj. est Dieu] Être le témoin de toutes les actions des hommes. Je le déclare devant Dieu qui voit mon âme! dit Courteline. Les hommes de ma génération, moi, Renard, nous avons compris qu'il fallait enfin oser faire des pièces sans amour (Renard, Journal, 1900, p. 619).Le bon Dieu est au ciel; le bon Dieu te connaît, c'est lui qui t'a créé; le bon Dieu t'aime, le bon Dieu te voit, te juge (Martin du G., Thib., Mort père, 1929, p. 1382). B. − [Le compl. d'obj. est (ou corresp. à) une prop.; l'objet est perçu dans une manière d'être, une situation ou une action partic.] Constater un fait, un état; être le témoin direct (ou indirect) d'un événement. 1. Voir qqc./qqn + part. passé, (loc.) adj., (loc) adv. ou compl. prép. en empl. attributif.Je le vois un peu pâle de l'émotion de ma piqûre, lui qui se pique toute la journée (Goncourt, Journal, 1894, p. 614).Vous voyez vos allumettes épuisées, la chandelle éteinte. Renoncerez-vous à poursuivre vos explorations? (Blanche, Modèles, 1928, p. 234).Elle lisait beaucoup? − Je l'ai presque toujours vue avec un livre... (Simenon, Vac. Maigret, 1948, p. 79).P. métaph. Mais toutes [ces bulles], arrivant près du miroir blafard, Où leur illusion voyait une fenêtre Ouverte à l'infini, sur l'infini peut-être, Y sentent éclater leur cristal plein de fard... (Rodenbach, Règne sil., 1891, p. 20). SYNT. Voir qqn actif, courageux, gai, confus, indécis, jaloux, troublé; voir qqn saoul; voir qqn à l'œuvre; voir qqn dans la peine, dans un état anormal, en colère, hors de lui; voir qqn en costume d'académicien; avoir toujours/n'avoir jamais vu qqn sans chapeau; voir tous ses amis mariés; voir une affaire manquée, une offre agréée, une opinion tournée en ridicule; voir des regards fixés sur soi. ♦ Voir qqn/qqc. tel(le) qu'il (elle) est. Et, vrai, je ne voyais plus mon mari tel qu'il est, mais bien tel qu'il était autrefois! (Maupass., Contes et nouv., t. 1, Bois, 1886, p. 557).Jamais encore la friponne ne m'avait paru si belle (...); je la voyais enfin telle que la nature l'avait créée; je ne doutais plus de l'ingénuité de ses amours (Milosz, Amour. init., 1910, p. 237). ♦ Voir qqn ainsi. Qu'avez-vous, mon père? (...). Vous semblez bien joyeux, et je ne vous ai jamais vu ainsi (Gobineau, Pléiades, 1874, p. 138). ♦ Avoir vu qqn enfant, tout petit. Combien y en avait-il là que j'avais connues autrefois, et qui m'eussent vu garçonnet (Barb. d'Aurev., Memor. pour l'A... B..., 1864, p. 420).Francis de Béhaine vient déjeuner, et c'est pour moi un plaisir de revoir ce grand diable que j'ai vu tout petit garçon (Goncourt, Journal, 1888, p. 749). − Loc. fam. ♦ Je voudrais bien te voir à ma place. Lélia se releva sur un coude et, le regardant avec ses yeux éteints par la souffrance, elle trouva encore la force de sourire avec ironie. « Pauvre docteur, lui dit-elle, je voudrais te voir à ma place! − Merci, pensa le docteur (...) » (Sand, Lélia, 1833, p. 64). Je voudrais (bien) vous y voir. [Pour l'expression d'un défi] Tu as encore un certain crédit commercial et tu es député, deux moyens infaillibles pour faire et défaire, dévorer et recommencer dix fortunes, et tu n'en uses pas. − Je voudrais t'y voir, Oscar! (Reybaud, J. Paturot, 1842, p. 400).Le sous-chef prenant la nuit, arrivait dans toute la fureur de son activité fraîche et gourmandait le personnel: − Rien de prêt! On n'aura pas un train à l'heure. Le chef des expéditions se mit en boule: − J'aurais voulu vous y voir! (Hamp, Marée, 1908, p. 47).− [Tournure plus expr. que je suis + (loc.) adj., pouvant servir de réponse polie] Tu/vous me/m'en vois/voyez tout(e) ému(e), tout(e) interdit(e), épouvanté(e), navré(e). Nous eûmes, chacune, deux maris. Mais, tandis que les deux miens sont − vous m'en voyez aise − bien vivants, ma mère fut deux fois veuve (Colette, Naiss. jour, 1928, p. 16).Elle se ferait un plaisir de recevoir M. Barbentane chez elle, un de ces jours, s'il voulait accompagner M. Schoelzer. Mais comment donc, mais c'est-à-dire, vous me voyez confus, avec plaisir, bien entendu (Aragon, Beaux quart., 1936, p. 275).Notre chef est l'un des meilleurs du moment. Amédée: − Vous m'en voyez ravi. Je suis gourmand comme un petit chat (Audiberti, Quoat, 1946, 1ertabl., p. 15). − En partic. Percevoir par une vision subjective. Mon pauvre père, avec ses yeux de père, me voyait plus beau et plus élégant que le lieutenant Reynauld (About, Roi mont., 1857, p. 10).Nous nous sentons sortir de l'immense tristesse (...) qui nous faisait voir tout gris, ennuyeux et vieux (Goncourt, Journal, 1864, p. 75). 2. Voir qqn + part. prés.Elle m'avait vu disant « Hé! » la bouche béante, l'œil ahuri, de l'air d'un idiot qui voit choir son chapeau dans la rivière (Toepffer, Nouv. genev., 1839, p. 144).Chaque fois que de loin j'apercevais une femme, je croyais voir Nanine m'apportant une réponse (Dumas fils, Dame Cam., 1848, p. 152). 3. Voir qqn/qqc. + qui/que.Quand j'entends de la musique traînant péniblement après elle de pénibles paroles (...) je crois voir un oiseau que des enfants forcent à traîner des chariots de carton (Karr, Sous tilleuls, 1832, p. 168).Quand je vois la foule des gens qui arrivent à s'abstraire des événements, je ne comprends pas comment ils font (Triolet, Prem. accroc, 1945, p. 248). 4. a) Voir qqn/qqc. + prop. inf.Voir qqn arriver, partir, sortir, venir; voir qqn avoir raison/réaliser un projet/s'abîmer la santé; voir débuter/jouer un acteur. Que font-ils de méchant ou de bête, à la Chambre? Je pensais vivre assez pour voir crouler la baraque. Je me suis trompé (Vogüé, Morts, 1899, p. 390).Dans le soleil, Darras ne voyait pas les bombes descendre, mais il les voyait éclater, en chapelets maintenant, toujours dans les champs (Malraux, Espoir, 1937, p. 517).V. bombe1ex. 1, jamais ex. 2, mourir I A 1 a ex. de Noailles. ♦ Voir passer qqn. V. passer1.Voir arriver* qqc. ♦ (Ne rien) voir venir. [P. allus. au conte de Ch. Perrault, La Barbe-Bleue et à la question: Anne, ma sœur Anne, ne vois-tu rien venir?] Midi et demi... Annie, ma sœur Annie, ne vois-tu rien venir? − Vous êtes complètement fou! (Vailland, Drôle de jeu, 1945, p. 226).Chaque matin nous allions rejoindre l'animal et (...) nous demandions tristement à la pauvre bête qui regardait par la fenêtre: − Sir âne, sir âne, ne vois-tu rien venir? (Prévert, Paroles, 1946, p. 42).Au fig., fam. Voir venir qqn (avec ses gros sabots (v. sabot)). Prévoir les réactions de quelqu'un. Petite bégueule! En voilà une pimbêche! Je la vois venir, la demoiselle, elle veut me faire marcher, me tenir la dragée haute! (Van der Meersch, Invas. 14,1935, p. 307). ♦ Avoir vu naître qqn. V. naître I A 2.P. métaph. Je m'ébattais dans un minuscule sanctuaire, entouré de monuments trapus, antiques, qui m'avaient vu naître, qui me verraient mourir (Sartre, Mots, 1964, p. 30). ♦ Avoir vu faire qqc. à qqn. Elle se poudra, écrasa sur ses lèvres un bâton de rouge comme elle l'avait vu faire à Denise (Dabit, Hôtel Nord, 1929, p. 210).V. faire4A 2 rem. ex. de Nodier. − [Avec compl. prép. désignant un texte] Vous m'avez vu au début de cette lettre parler comme un idéaliste (J. Bousquet, Trad. du sil., 1936, p. 250). b) [Le suj. de l'inf., de valeur gén. ou indéterm., n'est pas exprimé] − [L'inf. est suivi d'un compl. d'obj.] Voir jouer une pièce de théâtre. Cette école-Militaire, que vous avez vu bâtir (Jouy, Hermite, t. 4, 1813, p. 353).La Grande-Bretagne désirait voir sauvegarder l'intégrité de la Chine (De Gaulle, Mém. guerre, 1954, p. 514). ♦ Comme je l'ai vu faire. Il faut donc dans les colonies, que l'on ne puisse pas employer (...) la raison des baïonnettes pour forcer un citoyen, comme je l'ai vu faire, à donner sa maison ou son terrain (Baudry des Loz., Voy. Louisiane, 1802, p. 307). − [L'inf. est empl. absol.] J'ai revu aujourd'hui avec délices tous les travaux de la moisson; j'ai vu scier, j'ai vu lier, j'ai vu charrier (Chênedollé, Journal, 1823, p. 125).Rien ne vous donne faim comme de voir manger (Ponchon, Muse cabaret, 1920, p. 141). 5. Voir + prop. complét.Voir que qqn est content, fatigué; voir qu'il s'est fait beau, qu'il a mauvaise mine, qu'il va mourir; voir qu'il fait beau, que le temps passe. Il suffit de vous regarder pour voir que ce voyage vous répugne, que vous venez à contre-cœur (Musset, Confess. enf. s., 1836, p. 335).Vous pouvez voir dans le ciel que les étoiles ne clignent plus de la même façon (Claudel, Soulier, 1944, 1repart., 2ejournée, 6, p. 1017). ♦ [Avec (loc.) adv.] On voyait tout de suite qu'on entrait chez des gens riches: les bahuts et les lits avaient des fermoirs d'acier découpé qui reluisaient comme des armures (Loti, Mon frère Yves, 1883, p. 98).Je pensais bien, je voyais bien que ma toilette me seyait, que mes cheveux et ma couronne me faisaient une petite figure pas méprisable du tout (Colette, Cl. école, 1900, p. 307).[Pour rappeler ce qui a déjà été dit] Nous avons déjà vu que. V. objet I A ex. de Merleau-Ponty. ♦ [Avec compl. prép. exprimant un sentiment] Je voyais avec une affreuse angoisse qu'il allait faire un saut et m'aboyer au nez (Toepffer, Nouv. genev., 1839, p. 29).Oh! mais, je vois avec plaisir que vous faites bon ménage, les deux cousines! (Feydeau, Dame Maxim's, 1914, ii, 2, p. 34). ♦ [Avec compl. prép. exprimant les indices sur lesquels on se fonde] Voir à l'air, à la tête, sur la figure de qqn. Dans cette auberge était un bon germain de l'ancien temps (...) l'on voyait à son maintien qu'il avait servi (Sénac de Meilhan, Émigré, 1797, p. 1643).Par la fenêtre large ouverte, j'admirais le Bosphore et les collines d'Asie (...). − Colonel, me dit-il tout à coup, je vois dans vos yeux que vous aimez déjà cette Turquie (Farrère, Homme qui assass., 1907, p. 40).En partic. Constater, comprendre en lisant un texte. J'ai reçu ta lettre du 12, j'y vois que ta santé est bonne (Napoléon Ier, Lettres Joséph., 1807, p. 144).J'ai vu dans les journaux que j'avais été absent de Guernesey deux mois, c'est trois mois qu'il faut dire et je ne suis pas encore rentré (Hugo, Corresp., 1864, p. 479). − [Au fut., pour affirmer à qqn la quasi-certitude d'un fait à venir] Carle: Il y a, en effet, grande foule aux alentours de la place (...). Le Capitaine: Vous verrez que la journée ne se passera pas sans émeute! (Sardou, Rabagas, 1872, iii, 1, p. 106).Vous croyez que c'est bon d'être debout le matin à jeun (...)? Vous n'êtes seulement pas couvertes. Vous allez voir que vous allez encore prendre mal (Anouilh, Antig., 1946, p. 143). − [Avec le pron. neutre le annonçant la prop.] Les hommes, il faudrait sortir. J'ai quelque chose à vous dire; c'est sérieux. On le voit que c'est sérieux à la tête de Jaume (Giono, Colline, 1929, p. 173). − Faire voir, laisser voir.Notre professeur de français lui reprochait en outre l'abus qu'il faisait de ses lectures et l'habilité avec laquelle il s'appropriait les idées et le style des autres. Et il laissait voir que le procédé, venant de Silbermann, ne le surprenait pas (Lacretelle, Silbermann, 1922, p. 83). 6. Voir + prop. interr. ou exclam. ind. introd. par un pron. ou un adv.Il la suit de l'œil en mangeant (...), abandonnant à tout moment sa place, pour voir si dans la cuisine, elle n'est pas assise trop près du domestique (Goncourt, Journal, 1860, p. 758).Quand on commença à tailler les ceps, il (...) prit la queue de l'équipe comme un apprenti qui a besoin de voir comment on fait (Pesquidoux, Livre raison, 1928, p. 101).Je fus étonné de voir jusqu'où allait la bonté de Monsieur de Sannis pour son neveu (Jouve, Scène capit., 1935, p. 227). − Faire voir, laisser voir.Faire voir comment on s'y prend, comment cela fonctionne. Autrefois (...), mettant en moi des espérances qui depuis n'avaient pas été réalisées, elle ne voulait pas me laisser voir combien elle m'aimait (Proust, Fugit., 1922, p. 624).Au fig. Démontrer. Il est aisé de faire voir combien la manière dont Hippocrate dirigeait et exécutait ses travaux, est parfaitement appropriée à leur nature et à leur but (Cabanis, Rapp. phys. et mor., t. 1, 1808, p. 21). ♦ [Exprime une menace] Marius: Moi, je tombe au milieu de tout ça et malgré que j'aie tous les droits et que j'aie raison, je me fais l'effet d'un imbécile. César: C'est peut-être que tu en es un. Marius, violent: Je vais te faire voir si j'en suis un (Pagnol, Fanny, 1932, iii, 15, p. 212). − Aller, venir voir.Je suis allé voir de quelle couleur est la neige dans l'été, si le granit des Alpes est dur, si l'eau descend vite en tombant de haut (Senancour, Obermann, t. 2, 1840, p. 142).On venait voir si vous n'aviez pas besoin d'un coup de main (Sartre, Mains sales, 1948, 3etabl., 2, p. 76). ♦ Pop. (Va) voir là-bas si j'y suis. Et il la reprit, et il la serra, par bravade, lui écrasant sur la bouche ses moustaches rouges, continuant: − Fiche-nous la paix, hein! Fais-nous le plaisir de voir là-bas si nous y sommes (Zola, Germinal, 1885, p. 1571). − [En s'adressant à qqn, à l'impér., au fut., ou à la forme interr. pour souligner ses propos] Les cinq doigts du gant de Gérard [étaient] imprimés en noir sur son corsage blanc. − Ah! monsieur de Seigneulles, s'écria la grisette courroucée, vous êtes gentil! Voyez dans quel état vous avez mis ma robe! (Theuriet, Mariage Gérard, 1875, p. 14).Il pérorait, le vieux dégoûtant: « Vous avez vu comment ils sont habillés? Et le matériel qu'ils ont? Et quelle discipline!... » (Triolet, Prem. accroc, 1945, p. 67). − [Avec reprise du suj. de la prop., dans une lang. pop.] Tu as vu qqn/qqc. comment il.../si il... Piveteau, bon Dieu, t'as vu comment qu'il a pris le traindevay [le tramway]? (Genevoix, Raboliot, 1925, p. 270).T'as vu le lit s'il est grand... Il y en a pour trois (Sartre, Mains sales, 1948, 3etabl., 2, p. 82). 7. Voir (accompagné ou non d'un compl. prép., d'un adv.) + prop. juxtaposée.Il ne faisait pas encore grand jour, et comme la porte du cachot restait ouverte, je pouvais voir au delà la petite cour pavée: l'air était épais et sombre, et il tombait une pluie lente (Janin, Âne mort, 1829, p. 181). a) [Dans un dialogue, pour introd. la prop., souligner une évidence] Qu'est-ce que vous faites donc là, ma tante? La Duchesse: J'arrête le jet d'eau, tu vois bien! (Pailleron, Monde où l'on s'ennuie, 1869, iii, 1, p. 128).Eh bien, vous avez vu, ma chère! La jupe est plate par derrière avec l'ouverture sur le côté! (Feydeau, Dame Maxim's, 1914, ii, 1, p. 32). − [Avec reprise du suj. ou du compl. d'obj. de la prop.] Je sais bien, je t'avais juré que ça ne recommencerait jamais. Mais tu as vu Edmond, il est si brave, et il est si joli! (Zola, Débacle, 1892, p. 561).Tu vois, les bourins, dit Paradis, non seulement on les fait tuer, mais on les emmerde (Barbusse, Feu, 1916, p. 103). b) [La prop. est reprise par un pron. neutre] ♦ [Avec le] Entre donc, Sûzel, tu n'as pas besoin de te gêner. − Oh! je ne me gêne pas. − Si, si... tu te gênes, je le vois bien, sans cela tu serais entrée tout de suite (Erckm.-Chatr., Ami Fritz, 1864, p. 94).Thomas Pollock Nageoire: Qu'est-ce que vous faites là? Marthe: Vous le voyez, je racommode (Claudel, Échange, 1954, i, p. 742). ♦ [Avec cela, ça] De nouveau, il regarda sa montre. Le coup d'œil n'échappa pas à M. Élie. − Je vois ça, tu me fous dehors (Montherl., Célibataires, 1934, p. 780). − Loc. [En incise ou en déb. de phrase] ♦ À ce que je vois, à ce que j'ai vu. Je tenais encore le reste de mon morceau de pain noir. − Vous n'avez pas fait bien bonne chère, à ce que je vois, me dit le vieillard (Toepffer, Nouv. genev., 1839, p. 128).Il vous avait joliment bien nippée, à ce que j'ai vu le jour où je vous ai rencontrée (Murger, Scènes vie boh., 1851, p. 290). ♦ Ce que voyant. [Il] essaya de (...) mouvoir [le rocher] pour se faire un passage, et il se fatigua beaucoup à ce travail, et tous ses efforts furent vains. Ce que voyant, il s'assit plein de tristesse (Lamennais, Paroles croyant, 1834, p. 111).Philippe, avec dévotion, faisait des portraits de Suzanne et jamais la jeune femme ne refusait de poser. Ce que voyant, Marc hissa sur ses épaules, tout le long de l'escalier, une énorme bûche de chêne et se prit à la dégrossir, puis à sculpter une image de la jeune femme (Duhamel, Suzanne, 1941, p. 229). − [Avec compl. prép. précisant les signes sur lesquels on se fonde] Une lutte se passait sous les eaux (...), lutte qui devait être terrible, on le voyait aux bouillonnements de la surface (Verne, Île myst., 1874, p. 150).Je parie qu'il est porté sur la chose, lui... J'ai vu cela, tout de suite, à son nez mobile, flaireur, sensuel, à ses yeux extrêmement brillants (Mirbeau, Journal femme ch., 1900, p. 29).Var. Comme on (le) voit à. C'est une élégante, comme on voit à son aumônière (Genevoix, Raboliot, 1925, p. 126). 8. En partic. a) [Voir, relais synt., évite la présence de deux que, l'un introduisant une prop. complét., l'autre un second terme de compar.] J'aimerais mieux te voir épouser un épicier millionnaire qu'un grand homme indigent (Flaub., Corresp., 1863, p. 124). b) [Voir, auxil., avec suj. désignant une chose]
α) [Le sens est celui d'une phrase dans laquelle le suj. de voir deviendrait compl. circ. de temps ou de lieu du verbe à l'inf. empl. à un mode pers.] ♦ [Le suj. désigne une fraction du temps] Chaque année voyait se multiplier le peuple et croître l'avidité des colons (Proudhon, Propriété, 1840, p. 184).[Équivalent à une phrase à verbe être] Le mercredi, nous nous rencontrons tous chez Olivier, le jeudi nous voit tous ici, le vendredi nous allons tous prendre le thé chez Esmont (Miomandre, Écrit sur eau, 1908, p. 158). ♦ [Le suj. désigne un lieu] Je m'étais toujours demandé Pourquoi tel trottoir d'une rue Voit se presser la foule drue, Tandis l'autre est moins fréquenté? (Ponchon, Muse cabaret, 1920, p. 31).[Le suj. est compl. du nom, lui-même compl. de lieu du verbe à l'inf.] L'Oder, la Vistule et le Dniepr ont vu sur leurs bords s'établir, en rapports les unes avec les autres, des rangées de villes (Vidal de La Bl., Princ. géogr. hum., 1921, p. 73).
β) [Le compl. d'obj. de voir a trait à un élém. qui appartient au suj. ou qui le concerne; le sens est celui d'une phrase dans laquelle le suj. de voir deviendrait compl. du subst. précédant l'inf. (ou le part. passif), devenu lui-même suj. de ce verbe conjugué à un mode pers.] Le septième volume du Journal des Goncourt (...) voit ses annonces et ses échos arrêtés par l'assassinat du Président de la République (Goncourt, Journal, 1894, p. 600).La fugue voit ses éléments s'appeler, se répondre, se devancer, se poursuivre, se dépasser, revenir sur leurs pas (Faure, Espr. formes, 1927, p. 59). C. − Empl. abs. 1. Percevoir les objets du monde extérieur par l'intermédiaire des organes de la vue. Un enfant n'est pas plus capable d'acquérir de la morale en spéculation, qu'il ne le serait de développer sa faculté de voir par la théorie de la vision (Bern. de St-P., Harm. nature, 1814, p. 282).V. assister1ex. 1: 4. ... la plupart des hommes sont des sourds, des aveugles-nés; un poète survient, recueille un peu de boue pure au fond de la source, nous touche les paupières, les oreilles, et nous voyons tout à coup, et nous entendons. Ainsi Francis Jammes, jadis, m'a ouvert les yeux sur la beauté du monde.
Mauriac, Journal 2, 1937, p. 176. P. métaph. La lampe est le signe d'une grande attente. Par la lumière de la maison lointaine, la maison voit, veille, surveille, attend (Bachelard, Poét. espace, 1957, p. 48).♦ [P. méton du suj.] Au fig. En nous, après tout, la plus absolue différence de tempéraments, de goûts, de caractères, − et absolument les mêmes idées (...), la même optique intellectuelle. Notre cerveau voit de même et avec les mêmes yeux (Goncourt, Journal, 1865, p. 195). − [Avec compl. prép. désignant] ♦ [l'organe de la vue] L'homme, forcé de se servir du moyen ou du ministère de ses organes pour les opérations de son intelligence, pense par le ministère du cerveau, parle par le ministère de l'organe vocal, voit par le moyen de ses yeux (Bonald, Législ. primit., t. 1, 1802, p. 70).Louise: Aveugle, moi, de l'œil droit? Denis: Oui, du moins à l'état normal, car, pendant les crises, vous y voyez des deux yeux (Curel, Nouv. idole, 1899, ii, 1, p. 192). ♦ [le moyen utilisé pour améliorer la vue] Il n'y a que ces affreuses lunettes... Pourquoi donc portez-vous des infamies pareilles? Lucy: Parce que je n'y vois pas sans cela, madame (Pailleron, Monde ou l'on s'ennuie, 1869, i, 8, p. 32). ♦ [les circonstances] Ils avancèrent silencieusement, le comte guidant Franz comme s'il avait eu cette singulière faculté de voir dans les ténèbres (Dumas père, Monte-Cristo, t. 1, 1846, p. 545).Tu es heureux, Christophe! Tu ne vois pas la nuit. − Je vois dans la nuit, dit Christophe. J'y ai assez vécu. Je suis un vieux hibou (Rolland, J.-Chr., Nouv. journée, 1912, p. 1577). − [Avec (loc.) adv. exprimant la qualité de la vue] Voir bien/mal, de loin/de près; voir nettement; voir trouble. Nous voyons mal, quand l'un des yeux, mieux constitué, plus fort que l'autre, est plus vivement affecté, et transmet au cerveau une plus forte image (Bichat, Rech. physiol. vie et mort, 1822, p. 27).Il s'approche, le bras tendu, son bulletin à la main, comme à tâtons, parce qu'il ne voit pas bien clair, dépose son bulletin et s'assied, la tête sur son bâton (Renard, Journal, 1900, p. 580).V. clair I A 1 a ex. de Duhamel. ♦ Loc. fig. Ne pas voir clair en plein midi*. − Ne pas/n'y pas voir, ne plus voir. Avoir perdu/perdre la vue; être devenu/devenir aveugle. On ne va pourtant pas me mettre en sentinelle tout seul?... Je n'y vois presque pas, surtout la nuit (Dorgelès, Croix de bois, 1919, p. 278).On me fit m'essuyer les yeux avant que j'allasse embrasser ma grand'mère. − Mais je croyais qu'elle ne voyait plus, dit mon père. − On ne peut jamais savoir, répondit le docteur (Proust, Guermantes 2, 1921, p. 344). ♦ Rare. Non voir. Être aveugle. Les handicapés sont moteurs, les sourds « malentendent ». Les vieux sautent du troisième au « quatrième âge », ils ont le sentiment de progresser. Les aveugles « non voient ». Les armements « non prolifèrent ». Sans parler du non-dit, par définition (Le Nouvel Observateur, 30 oct. 1982, p. 80, col. 1). ♦ [Le suj. désigne l'organe de la vue] Le réflexe [pupillaire] disparaît si l'œil ne voit pas (Brion, Jurispr. vétér., 1943, p. 265). 2. a)
α) Faire usage du sens de la vue. Abîmé dans l'état de torpeur, de somnolence que lui avait procuré sa dose d'opium (...), il avait suivi machinalement ses guides à moitié endormi, appuyé sur eux, les yeux ouverts, sans voir (Sue, Atar-Gull, 1831, p. 34).Les nombreux détours de cette route, ses courbes accentuées me permettaient de voir sans être vu (G. Leroux, Parfum, 1908, p. 66).[Avec cont. déf.] Voir, voir! Éprouver par la vue, jouir par la vue, apprendre par la vue, est-il rien de plus pressant pour l'homme d'aujourd'hui? (Huyghe, Dialog. avec visible, 1955, p. 19). ♦ Savoir voir. Ceux qui ne savent point voir cherchent des spectacles rares et bientôt s'y ennuient; au lieu que celui qui a appris à voir finit par saisir la beauté partout (Alain, Beaux-arts, 1920, p. 269). ♦ Manière de voir. La main [en peinture] dépend de l'esprit; la technique répond à la manière de regarder et de voir (Séailles, E. Carrière, 1911, p. 67). − [Avec compl. prép. désignant] ♦ [compl. désignant l'organe de la vue] Voir avec/de/par ses yeux. La route bougeait. Tout à coup, Darras comprit. Et, comme s'il se fût mis à voir avec sa pensée, et non avec ses yeux, il distingua les formes: la route était couverte de camions aux bâches jaunes de poussière (Malraux, Espoir, 1937, p. 517).L'écrivain qui compte est celui qui voit de ses yeux, entend de ses oreilles, touche de sa main, sent de tout son corps − et ne peut enfin que son œuvre ne trahisse ce qu'il est en lui d'unique et d'irremplaçable (Paulhan, Fleurs Tarbes, 1941, p. 43). ♦ [compl. désignant la manière] Les vues excellentes se doutent à peine du bonheur que donne (...) une lunette, et du battement de cœur qu'on ressent à découvrir les détails de l'immensité (...). On renaît soi-même et l'on voit avec l'ivresse des yeux de quinze ans (Amiel, Journal, 1866, p. 213). − [Avec (loc.) adv. ou compl. prép. désignant les modalités de l'action] Ma mère porte lunettes, à cause de l'âge (...). Quand elle veut voir bien en face, elle relève la tête pour mieux utiliser ses verres (Duhamel, Confess. minuit, 1920, p. 44).[Le suj. désigne l'organe de la vue] Pourquoi l'œil n'a-t-il pas un langage qui peigne d'un seul mot, comme il voit d'un seul regard? (Lamart., Voy. Orient, t. 2, 1835, p. 256). ♦ P. métaph. Comprit-elle tout ce qu'il y avait dans ce regard? − Elle ne le vit pas. Le bonheur ne voit pas autour de lui (Vogüé, Morts, 1899, p. 437). − Voir sans voir. Constater un fait sans qu'il y paraisse, discrètement. Il n'y aurait que le jeu. Mais le jeu et les affaires: alors, quelquefois, ça déraille un peu. Nous sommes là pour remettre les choses discrètement en place. Oh discrètement! Il faut savoir voir sans voir, quoi. Pas de scandale, c'est la consigne (Aragon, Beaux quart., 1936, p. 234). − [P. oppos. à regarder] V. regarder A 1 c. ♦ Regarder sans voir. V. regarder A 1 c.
β) Expr. Avoir des yeux pour ne pas voir. V. entendre ex. 10.Il n'est pire aveugle que celui qui ne veut pas voir. Ce sont les malheureuses revanches du débiteur et de la mauvaise foi. Il n'est pire aveugle que celui qui ne veut pas voir: s'accrocher à la moindre équivoque, saisir avec empressement toutes les occasions imaginaires ou véritables, de manquer à sa parole (Jankél., Je-ne-sais-quoi, 1957, p. 144).Je suis venu, j'ai vu, j'ai vaincu. [P. allus. aux paroles de César] Eh! bien, mon cher, dit Lucien à Petit-Claud à deux heures du matin en revenant à pied: je suis venu, j'ai vu, j'ai vaincu! (Balzac, Illus. perdues, 1843, p. 691).
γ) Spécialement − JEUX DE CARTES Aller, jouer, mettre sans voir. Jouer, miser sans avoir vu son jeu (d'apr. Lar. Lang. fr.). ♦ [Au poker] Payer pour voir. ,,Tenir l'enjeu proposé par un adversaire, pour l'obliger à abattre son jeu`` (Lar. Lang. fr.). Les Américains vont dépenser 50 millions de dollars (...). Ce n'est pas une plaisanterie. Si les autorités de Washington « payent pour voir », comme on dit au poker, c'est qu'elles sont intriguées (...) par une toute nouvelle théorie: celle de l'hiver nucléaire (Le Mondeaujourd'hui, 16-17 sept. 1984, p. vi, col. 1). ♦ À voir. Un instant, dit Ingelby, montrant son paquet de cartes. Je suis à vous. Je dis cinquante à voir... Et il acheva la partie (Van der Meersch, Invas. 14, 1935, p. 317). − MÉD., vieilli. Voir. Avoir ses règles (d'apr. Carabelli, [Lang. pop.], s.d.). b) Voir + (loc.) adv. (ou cont.) précisant les conditions extérieures de la perception.Dans une heure, il fera noir. Hâtons-nous pour voir encore clair (Jarry, Ubu, 1895, iv, 4, p. 79).Le soldat Joseph regardait par le carreau; il ne savait comment faire pour voir le plus possible. Mais les remous de la foule (...) lui cachaient à tous moments la scène (Jouve, Scène capit., 1935, p. 16). ♦ Voir noir. Avoir une vision, une vue sombre. Il faut à l'homme de la clarté. Quiconque s'enfonce dans le contraire du jour se sent le cœur serré. Quand l'œil voit noir, l'esprit voit trouble. Dans l'éclipse, dans la nuit, dans l'opacité fuligineuse, il y a de l'anxiété (Hugo, Misér., t. 1, 1862, p. 469).Au fig. C'est au même général dont on a dit parfois qu'il voyait noir, qu'il inclinait à présager le pire, qu'il fut unanimement demandé de restaurer l'espoir et de ranimer l'ardeur dans nos rangs (Valéry, Variété IV, 1938, p. 84).Voir rouge. V. rouge II B 2. − Y voir. Y voir à peine, suffisamment; n'y voir pas assez pour lire. Esprels placé tout contre la table, essaye d'y voir clair pour lire un journal (Hermant, M. de Courpière, 1907, iii, 1, p. 21).« Tu n'y vois rien. Tu veux que je t'éclaire? » lui cria le vieux, et il posa sa lampe sur la table du palier (Montherl., Célibataires, 1934, p. 749). ♦ N'y voir goutte. V. goutte1.Au fig. V. goutte1A 1 d ex. de Valéry et ex. 4. c) Voir + adv. ou compl. prép. indiquant le lieu ou la limite de la perception.Voir dans une pièce. Par-dessus le parapet, on ne voit pas à dix pas (Dorgelès, Croix de bois, 1919, p. 92).Dans le moment, il (...) penchait [sa tête] à gauche pour mieux voir dans son sac (Aymé, Jument, 1933, p. 256). − Expr. Voir loin. Les berges basses lui permettaient de voir loin au-dessus des chaumes et, l'oreille aux aguets, habile à démêler les sons, il écoutait (Guèvremont, Survenant, 1945, p. 251).Au fig. V. loin I B 2 b β ex. 6.Ne pas voir plus loin que (le bout de) son nez. On a remonté ensemble vers l'étang, pas moyen d'y voir plus loin que son nez, la pluie nous roulait dans la figure comme un tambour (Bernanos, M. Ouine, 1943, p. 1456).Au fig. V. bout ex. 21, loin I B 2 b β ex. de Drieu La Rochelle et ex. 7. II. − [La perception d'un objet ou d'une caractéristique qui appartient ou semble appartenir au domaine du visible ne passe pas par le sens de la vue] A. − Percevoir sous l'effet d'un trouble physique ou psychique, ou dans une circonstance particulière, une image qui ne correspond pas à la réalité. 1. a) [Le suj. du procès, éveillé, est plus ou moins conscient de l'illusion] Il y avait trop de soleil sur la plage et dans la ville. (...) quand on pénétrait soudain dans un trou d'ombre, on était un bon moment à ne rien voir que du rouge (Simenon, Vac. Maigret, 1948, p. 20). ♦ Voir trente-six (mille) chandelles. V. chandelle.Maxence connut le supplice des heures. Il sut que chaque minute pouvait souffleter un homme, à droite, à gauche, jusqu'à crier merci, aveuglé et voyant les trente-six chandelles du soleil (Psichari, Voy. centur., 1914, p. 50).Voir des anges violets (vx). V. ange.Faire voir des étoiles en plein midi (vx, fam.). V. étoile.Voir mille soleils. Avoir, provoquer un éblouissement. J'ai sommeil. Quelqu'un m'a donné du gourdin sur la nuque. J'ai vu mille soleils. (...) Ah! c'était beau. Des violons volaient à l'entour des soleils. Les soleils ruisselaient (Audiberti, Mal court, 1947, i, p. 148). ♦ Voir qqc. double. Je voyais souvent les objets doubles, circonstance qu'il m'est impossible d'expliquer (...). C'est surtout la flamme des bougies qui prenait cet aspect devant mes yeux, et je me rendais compte de l'illusion sans pouvoir m'y soustraire (Sand, Hist. vie, t. 2, 1855, p. 153). b) [Le suj. croit à la réalité de l'image] L'œil ivre de l'homme pris de haschisch verra des formes étranges; mais, avant d'être étranges et monstrueuses, ces formes étaient simples et naturelles (Baudel., Paradis artif., 1860, p. 366).Un autre schizophrène (...) disait voir dans le jardin un homme arrêté sous sa fenêtre et indiquait l'endroit, le vêtement, l'attitude (Merleau-Ponty, Phénoménol. perception, 1945, p. 385).V. fantôme A 1 ex. de Montherlant, hallucination A ex. de Green. − Absol. Voir double*. 2. [Le suj. est endormi] Aurelle, qui s'était endormi, voyait défiler sous ses paupières closes de monstrueuses fourmis kaki, que commandait le petit docteur (Maurois, Sil. Bramble, 1918, p. 175). ♦ Voir en rêve. Écoute, j'ai vu cette nuit en rêve le corbeau noir. Il m'a dit que l'ombre des arbres de Gâo serait fatale la nuit qui vient à votre chef (Benoit, Atlant., 1919, p. 245). B. − Former mentalement l'image d'une chose non présente. Synon. imaginer, se représenter. 1. [Par une contention d'esprit pour obtenir la concentration] Fermer les yeux et s'isoler de l'extérieur (...) appeler ensuite la pensée sur laquelle on veut se concentrer, par une formule très courte et très simple qui aura été préparée à l'avance. Répéter mentalement cette formule plusieurs fois de suite, en s'en formant une image de plus en plus nette par l'inspection des détails qui composent son objet. Quand l'image est tellement nette qu'on se rend compte qu'on la voit mentalement, la concentration est obtenue (Lallement, Dyn. instrum. archet, 1925, p. 164). 2. [Par l'effet du souvenir] Je vois toujours ce bois avant qu'on y eût porté la cognée, et, dans la réalité, je n'en ai jamais vu d'aussi beau (Sand, Hist. vie, t. 2, 1855, p. 161). − [Le suj. désigne l'agent du procès] Cependant ma mémoire voit l'objet comme s'il était sous mes yeux. Telle est dans les choses matérielles, l'impuissance de la parole et la puissance du souvenir (Chateaubr., Mém., t. 1, 1848, p. 554). 3. a) [Par l'effet de l'imagination] Je me représentais l'Alsace et la Lorraine envahies par les Autrichiens et les Prussiens (...). Je voyais l'exécution des menaces de Valentin: les Baraques en feu (...) tous les amis forcés de se cacher dans les bois (Erckm.-Chatr., Hist. paysan, t. 2, 1870, p. 271).Quand enfin un journal de Paris (...) m'a nommé correspondant aux Sables, tu ne te tenais plus de joie. « Tu me voyais marié dans notre ville. Tu me voyais acheter un jour une petite maison rose dans les nouveaux quartiers » (Simenon, Vac. Maigret, 1948, p. 132). ♦ Voir l'invisible. J'ai aimé le cinéma jusque dans la géométrie plane. Du noir et du blanc, je faisais des couleurs éminentes qui résumaient en elles toutes les autres et ne les révélaient qu'à l'initié; je m'enchantais de voir l'invisible (Sartre, Mots, 1964, p. 101).Voir en pensée. Il fit effort pour se débarrasser de toute idée préconçue (...). Mais comment orienter ses propres questions, comment les formuler même, sans voir quelque chose en pensée: des lieux, des actions, des êtres? (Romains, Hommes bonne vol., 1932, p. 224). − [Le suj. désigne l'agent du procès] Une pierre, une plante, Un insecte qui vole, une fleur qui sourit, Tout vous plaît, tout vous charme, et déjà votre esprit Voit le rang, le gradin, la tablette fidèle, Tout prêts à recevoir leur richesse nouvelle (Delille, Homme des champs, 1800, p. 121).C'est un jeu pour (...) [l']imagination [des petites filles] de voir à travers la terre tous les détails de l'autre calotte du firmanent. Oui, nous sommes en pleine nuit australe (Giraudoux, Intermezzo, 1933, ii, 1, p. 86). b) En partic. − [Le compl. d'obj. désigne un concept math.] V. imaginer I A 1 ex. de H. Poincaré.Absol. Les uns aiment mieux traiter leurs problèmes « par l'analyse », les autres « par la géométrie ». Les premiers sont incapables de « voir dans l'espace », les autres se lasseraient promptement des longs calculs (H. Poincaré, Valeur sc., 1905, p. 15). − [Le compl. d'obj. désigne une réminiscence littér.] Le lecteur ne voit point Grandet comme il verrait un homme représenté sur une toile, quoique le bonhomme soit décrit des souliers jusqu'au chapeau (Alain, Beaux-arts, 1920, p. 317). c) P. ext. Voir un endroit sur une carte. Déterminer un endroit en lisant une carte. Vous voyez bien l'endroit? Je marque une croix [sur la carte]. Vous n'avez qu'à klaxonner ou à appeler, elle est dans le petit bois à droite de la route (Beauvoir, Mandarins, 1954, p. 196). C. − Percevoir quelque chose grâce à un sens paranormal (seconde vue, sixième sens, don de prophétie). Voir dans les cartes. Elle me dit encore: « Je vois chez vous. Votre femme. Brune, naturellement. Petite. Jolie. Tiens, il y a près d'elle un chien. Peut-être aussi, mais ailleurs, un chat (exact). Pour l'instant, je ne vois rien d'autre. » (Breton, Nadja, 1928, p. 73).Voir dans le marc de café. V. marc2. ♦ Voir dans l'avenir (absol.). J'ai vu tout à coup dans l'avenir, et vous n'y étiez pas, comme toujours, la face brillante et les yeux sur moi; vous me tourniez le dos (Balzac, Lys, 1836, p. 188).Placé par son esprit pour voir dans l'avenir, il veut que son être de chair expie la bassesse de ceux qui sont incapables de porter leurs regards aussi loin et se condamne à partager comme homme l'exil de la pensée (J. Bousquet, Trad. du sil., 1936, p. 191). D. − Prévoir, pressentir quelque chose. Je te prie de partir tout de suite pour te rendre à Vérone; j'ai besoin de toi, car je vois que je vais être bien malade. Je te donne mille baisers. Je suis au lit. Bonaparte (Napoléon Ier, Lettres Joséph., 1796, p. 44).Tu sais, il ne va pas fort, mon Philibert, je le vois sur la fin (Aymé, Jument, 1933, p. 83). ♦ Voir à l'avance, d'avance. On voyait d'avance que le père Chauvel serait envoyé à la Convention; tout le pays le voulait; il était déjà sorti le premier avec un grand nombre de voix, pour être éligible (Erckm.-Chatr., Hist. paysan, t. 2, 1870, p. 21).Le regard blanc vole comme une mite, sur le ciel, où il devine le temps, les feuillages, où il voit la maladie à l'avance (Giono, Colline, 1929, p. 18). III. − [La perception passe par un autre sens que celui de la vue] A. − [Suppléant la vue] Vous n'avez pu voir que son visage! et moi, ces mains, ces mains seules qui me servent à voir, ha, si elles avaient été là, elles auraient été jusqu'à son âme pour l'empêcher de me quitter! (Claudel, Père humil., 1920, iv, 2, p. 557). B. − 1. [La chose ou la caractéristique perçue ne sont pas du domaine du visible] Voir une odeur. Quand je dis que je vois un son, je veux dire qu'à la vibration du son, je fais écho par tout mon être sensoriel et en particulier par ce secteur de moi-même qui est capable des couleurs (Merleau-Ponty, Phénoménol. perception, 1945, p. 271).Alain doit anticiper. Joindre le geste à la parole. « Pique! » annonce Guillaume, alias Philéas Fogg. La carte tombe. « L'auditeur doit voir avec ses oreilles. » Pas de droit à l'erreur (L'Express, 30 janv. 1992, p. 112, col. 1). 2. Cour. [Voir est utilisé par suite de la primauté de la vue sur les autres sens dans l'expérience hum.] a) Constater que.
α) [D'après le son émis, les paroles prononcées] Voir qqn approuver, dire, plaisanter, se vanter; voir le ton condescendant de qqn. [Des cris] m'ont réveillée en sursaut, madame. Je me suis promptement habillée, accourant chez vous où j'ai cru voir que le tumulte se dirigeait... (Lemercier, Pinto, 1800, v, 1, p. 143).Je voudrais lui voir dire du Baudelaire, ou des scènes de Monnier comme L'Exécution (Goncourt, Journal, 1894, p. 603).Voir qqc. à qqn.Ce n'est point un caractère à la Louis XI. D'un autre côté, je lui vois les maximes les plus antigénéreuses... Je m'y perds... Se répéterait-il ces maximes, pour servir de digue à ses passions? (Stendhal, Rouge et Noir, 1830, p. 442). ♦ Voir + compl. prép. évoquant un phénomène auditif.Je vous remercie, ma bonne amie, lui répondis-je, des soins que vous avez pris pour moi (...); mais je vois par ce que vous dites que vous êtes seule oubliée dans nos communs malheurs (Nodier, Fée Miettes, 1831, p. 93). ♦ [Le compl. ou la prop. complét. expriment l'absence de sons] De lui voir la langue muette, la colère de Bibiche en croissait (Benjamin, Gaspard, 1915, p. 149).À dix heures et quart quand j'ai vu que monsieur ne m'avait pas sonné, je suis monté sans bruit avec le plateau (Simenon, Vac. Maigret, 1948, p. 80). − À l'impér. Voyons l'histoire, dit Franz à son tour en tirant un fauteuil et en faisant signe à maître Pastrini de s'asseoir (Dumas père, Monte-Cristo, t. 1, 1846, p. 432).
β) [D'après la saveur, l'odeur ou la senteur] Voir si qqc. est bon, si qqc. a du goût/sent bon. Ils goûtaient ensemble la chair crue des saucisses, du bout de la langue, pour voir si elle était convenablement épicée (Zola, Ventre Paris, 1873, p. 649).Vous verrez la tisane que je sais faire avec certaines herbes que je connais et les fleurs du citronnier (Claudel, Soulier, 1944, 1repart., 2ejournée, 8, p. 1021). − À l'impér. Il déboucha une bouteille, remplit son verre et ceux de ses voisins. − Voyons ce vin clairet, s'écria-t-il; j'ai (...) un de ces gosiers ardents que rien ne désaltère (Theuriet, Mariage Gérard, 1875, p. 141).
γ) [D'après le toucher, par le contact] Asseyez-vous à ma place; vous verrez comme le banc est dur (Larbaud, F. Marquez, 1911, p. 105).J'ai envie de toucher (...) [ces seins], par curiosité, vous savez, pour voir comment c'est fait, si ça résiste, comment c'est attaché (H. Bazin, Vipère, 1948, p. 204). b) Éprouver une sensation physique; sentir. Quand le gigot paraît au milieu de la table (...) L'on se sent beaucoup mieux, un charme vous pénètre. Tout un chacun voyant son appétit renaître, Aiguise ses chicots (Ponchon, Muse cabaret, 1920, p. 149).Tout d'un coup ça y est: la Nausée. Une belle crise: ça me secoue du haut en bas. Il y a une heure que je la voyais venir, seulement je ne voulais pas me l'avouer (Sartre, Nausée, 1938, p. 156). 2eSection. Domaine de la pensée.Percevoir par l'esprit, se représenter en esprit. I. − Voir + compl. A. − Avoir conscience de; constater; se faire une idée, se rendre compte de quelque chose. 1. a) Voir + subst.L'honneur parle, j'ai vu le devoir, il faut le suivre, et à l'instant (Stendhal, Rouge et Noir, 1830, p. 431).Peut-être serais-je tombé malade de chagrin dans cet affreux collège si un don, que j'ai gardé toute ma vie, ne m'avait sauvé, le don de voir le comique des choses (A. France, Vie fleur, 1922, p. 413).V. absurdité ex. 8, importance ex. 2. SYNT. Voir le bien, le mal; voir l'évidence, la vérité; voir le danger; voir son erreur, sa faiblesse; voir le côté plaisant, les avantages, les inconvénients de qqc.; voir la nécessité de qqc.; voir la cause, la conséquence de qqc.; voir une réponse à faire; voir le but de la manœuvre, le moyen de faire qqc; ne pas voir le rapport/la différence (entre...). − [Le suj. ou le compl. d'agent désigne un attribut de la pers.] Penses-tu donc, insensé, que parce que ta pauvre tête ne voit plus d'issue, il n'y en ait plus véritablement? (Staël, Allemagne, t. 3, 1810, p. 108).Sentant que toute chose est en Dieu, il se perd lui-même dans cet infini (...): ce que d'ordinaire on ne peut voir que par l'esprit devient accessible, presque à l'œil physique (Béguin, Âme romant., 1939, p. 127). b) Voir qqc./qqn + (loc.) adv. ou compl. prép.
α) [Évoquant la manière plus ou moins exacte de percevoir] Il s'était bien rendu compte que dans les boulots réguliers je me démerdais franchement mal. Il voyait les choses assez juste (Céline, Mort à crédit, 1936, p. 410). ♦ Voir les choses comme il faut; voir les choses comme/telles qu'elles/autrement qu'elles ne sont. Il y a quelque chose de vraiment comique dans cette mauvaise humeur qui s'est tout à coup révélée contre les libres penseurs (...), comme s'il eût dépendu d'eux de voir les choses autrement qu'elles ne sont (Renan, Avenir sc., 1890, p. 430).Marthe: Comment? est-ce qu'il n'est pas marié déjà? Louis Laine: Marié! marié! Tu ne vois pas les choses comme il faut. Le mariage est un contrat et il se dissout par le consentement des parties (Claudel, Échange, 1954, ii, p. 760). − Faire voir.[Le suj. désigne une chose] Deux textes vous feront voir très clairement ce que j'entends par là et complèteront fort bien notre portrait psychologique (Du Bos, Journal, 1924, p. 83). − P. ext. [Dans une œuvre artist. ou littér.] Bien/mal voir qqn/qqc. Rendre un personnage, un objet avec exactitude ou non; donner une impression juste ou fausse de ses traits caractéristiques. Caractère d'Agamennon, admirablement vu par Racine (Gide, Voy. Congo, 1927, p. 821).
β) [Évoquant un point de vue, un état d'esprit] Je dois me conformer à ma position, voir bourgeoisement la vie, et la chiffrer au plus vrai. Donc je dois penser au mariage (Balzac, E. Grandet, 1834, p. 152).Il avait un esprit terre à terre. Il voyait les hommes et les choses non pas en philosophe, mais en administrateur (A. France, Vie fleur, 1922, p. 342). ♦ Voir d'un bon, d'un mauvais œil. Les écrivains anarchistes qui demeurèrent fidèles à leur ancienne littérature révolutionnaire, ne semblent pas avoir vu de très bon œil le passage de leurs amis dans les syndicats (Sorel, Réflex. violence, 1908, p. 56).V.
œil II B 2 ex. de Guèvremont. ♦ Voir en beau. V. beau ex. 148 et infra ex. de Mirbeau.Voir en noir. V. noir II B 1 ex. de Nerval.Voir en rose. V. rose2II C ex. de Murger et Fromentin. ♦ Au part. passé. Le paysage n'est pas tout à fait le même vu du côté de MmeValéry que du tien (Gide, Corresp. [avec Valéry], 1898, p. 305). Le matérialisme (...) est le seul pouvoir spirituel qui ait opposé au torrent du monde napoléonien un obstacle qui ne fût pas enfantin (...). Vu sous ce jour, il apparaît comme l'épisode principal de la lutte engagée pour arracher l'humanité aux conséquences mortelles du système napoléonien (J.-R. Bloch, Dest. du S., 1931, p. 290). − Faire voir.[Le suj. désigne un attribut de la pers.] Mon imagination excessive, grossissante et romanesque (...) me fait voir les choses et les gens en trop beau ou en trop laid (Mirbeau, Journal femme ch., 1900, p. 35).
γ) [Faisant état de la perspicacité de celui qui voit] Le psychologue (...) voit sous les options techniques et peut-être derrière les aptitudes même des poussées profondes de la personnalité globale (Mounier, Traité caract., 1946, p. 91).Absol. V. chose1ex. 12. ♦ Savoir voir.Jacques de Meillan n'était pas le dernier des hommes. Il savait voir, derrière les apparences sociales, les réalités vraies qui font du monde une vaste féerie (Miomandre, Écrit sur eau, 1908, p. 19). 2. Voir + prop. a) Voir + prop. inf.Discussions animées mais décentes sur la politique et les circonstances. Je vois prédominer partout les passions personnelles et l'esprit de parti (Maine de Biran, Journal, 1816, p. 215).Depuis quelque quarante-cinq ans, j'ai vu la Poésie subir bien des entreprises, être soumise à des expériences d'une extrême diversité, essayer des voies tout inconnues, revenir parfois à certaines traditions (Valéry, Variété III, 1936, p. 33).V. conséquence ex. 1. b) Voir + prop. complét.Jimmy: Bon, eh bien, pars, puisque tu ne veux rien comprendre! Nicole: Mais comprendre quoi? Jimmy: Tu ne vois pas que tu peux m'aider en ce moment? (Bourdet, Sexe faible, 1931, II, p. 346).V. regarder B 3 c ex. de Senancour. ♦ [Avec (loc.) adv.] On ne voit pas bien que la langue qui avait émouvoir ait fait, en acceptant émotionner, une acquisition très importante ni très belle (Gourmont, Esthét. lang. fr., 1899, p. 17).Ils se prosternent encore au nom d'un roi, mort depuis vingt ans; ils salueraient un chapeau sur un bâton, comme dans Guillaume Tell, et encore avec effusion et remerciement à eux-mêmes. Je vois clairement que notre civilisation prolétarienne méprise tout à fait ces vertus (Alain, Propos, 1914, p. 183).V. plaisir1I A 1 b β ex. de Stendhal. ♦ [Avec compl. de moyen] Par ce qui précède, on peut voir que je ne reconnais pas dans la science de la vie deux sciences distinctes, l'une, science de la maladie, qu'on appellerait la médecine, l'autre, science de la santé, qu'on appellerait la physiologie (Cl. Bernard, Princ. méd. exp., 1878, p. 299). c) Voir + prop. interr. ou exclam. indir.Je (ne) vois (pas) comment on peut faire, de quoi vous voulez parler, en quoi je peux vous être utile, pourquoi on se gênerait; je vois combien tu as raison; vois/voyez comme il est gentil/intelligent. Ma chère amie, dit Mimi piquée, je vois où vous en voulez venir, à me faire croire que Rodolphe est amoureux de vous, et qu'il ne pense plus à moi (Murger, Scènes vie boh., 1851, p. 167).Le commissaire (...) est venu exprès hier au soir... pour raconter ta pourriture!... Il avait tout ton signalement et même ta photo!... Tu vois si t'es bien connu! (Céline, Mort à crédit, 1936, p. 491).V. regarder B 1 a α ex. de H. Poincaré.P. ell. Vous avez quelque chose à me dire. Vous savez de quoi je veux parler. − Je ne vois pas vraiment. Non, je ne vois pas (Benoit, Atlant., 1919, p. 20). − Voir ce qui/ce que. Je (ne) vois (pas) ce que vous voulez dire/ce qu'il faut faire. Je ne vois pas ce qui pourrait m'empêcher de dénoncer les ravages qu'a déjà causés, dans les classes populaires, l'enseignement laïque (Coppée, Bonne souffr., 1898, p. 174). ♦ [Avec compl. de moyen] Assurément par ces remarques on ne voit pas assez ce que c'est que le roman; mais il me semble qu'on voit assez ce que c'est que l'anecdote (Alain, Beaux-arts, 1920, p. 293). 3. Voir + pron. neutre.Vous le voyez, mon cher enfant, vous aviez tort de m'en vouloir (Audiberti, Quoat, 1946, 2etabl., p. 72).V. avantage ex. 3.[Avec compl. de moyen] « Voilà mon fonds (...). Quand je ne le dis pas en propres termes, je le dis en allégories, comme vous le verrez par les Histoires désobligeantes qui vont paraître... » (Bloy, Journal, 1894, p. 127). − Savoir voir.À l'état sauvage, seuls les êtres robustes prospèrent; tout le reste, déchet, sert d'engrais. Mais on ne sait pas voir cela; on ne veut pas le reconnaître (Gide, Faux-monn., 1925, p. 1197). − Faire voir.Cet homme Olivier [Cromwell] était un excellent colonel de cavalerie, mais il ne comprenait rien aux sentiments du peuple anglais; on le lui fit bien voir au moment de la Restauration (Maurois, Sil. Bramble, 1918, p. 37). B. − Porter son attention sur quelque chose. 1. a) Examiner, étudier. Frédé peut faire mieux qu'un courrier. Il a été responsable politique à Toulouse. − Je verrai cela avec Caracalla (Vailland, Drôle de jeu, 1945, p. 10). ♦ À l'impér. [Pour circonscrire, résumer une question] Voyons si tu as compris, si nous sommes d'accord. Sans s'arrêter à ces suppositions (...), voyons du moins ce que notre activité prépare pour des tems accessibles à nos conceptions (Senancour, Rêveries, 1799, p. 235).Fam. Allons, laissons cela. Nous en reparlerons une autre fois. Et voyons cette petite santé (Montherl., Célibataires, 1934, p. 891). ♦ À voir. Il faudra y revenir; à vérifier. En mettant tous les animaux à une alimentation identique, c'est-à-dire à jeun, les urines deviennent identiques chez les chiens et chez les lapins. Cependant les urines de ces animaux doivent présenter quelques différences qui représentent alors les différences du sang lui-même (à voir) (Cl. Bernard, Princ. méd. exp., 1878, p. 233). − Expr. C'est à vous de voir si... C'est à vous de décider, après examen, si... Maintenant, c'est à vous de voir si vous êtes pour la justice et pour le travail (Zola, Germinal, 1885, p. 1321). b) [Dans le lang. du dr.] Cette Chambre pouvait voir et connaître de toutes plaintes et clameurs, recevoir toutes requêtes et y pourvoir, connaître de tous cas criminels et civils (Barante, Hist. ducs Bourg., t. 4, 1821-24, p. 374). 2. Prendre en compte. Objectivement, vous ne pouvez pas séparer ces deux termes homme et humanité; j'entends que quand vous considérez un homme, vous voyez réellement tous les hommes, et que vous ne pouvez pas voir l'individu sans voir l'espèce (P. Leroux, Humanité, 1840, p. 250). ♦ Ne voir que... Ne penser qu'à..., ne tenir compte que de... Ne voir que son intérêt; ne voir que le résultat, les avantages, les inconvénients, les risques de qqc. Teissier: Voilà quelque temps déjà que je viens ici (...). Vous avez dû penser quelque chose. Marie: Mon attention était ailleurs. Teissier: Où était-elle? Marie: Je ne vois que ma famille. Je ne vois que le sort qui l'attend après celui qu'elle a perdu (Becque, Corbeaux, 1882, iii, 8, p. 191).Ce jeune artiste ne voit qu'une chose, lui, gagner de l'argent!... Les femmes, il s'en fiche (Guitry, Veilleur, 1911, ii, p. 17). C. − Porter un jugement sur quelque chose/quelqu'un. 1. Trouver; estimer/juger qu'il y a... Ce qui m'a rendue le plus malheureuse, c'est que j'ai vu une coïncidence entre la mort de ma mère... et le meurtre du petit furet. J'ai pensé que c'était là une punition du ciel (Mirbeau, Journal femme ch., 1900, p. 94). a) Voir qqc.1à qqc.2Voir une objection, une raison à. Sénécal demanda si quelqu'un voyait un empêchement à cette candidature. − « Non! non! » Mais lui, il en voyait (Flaub., Éduc. sent., t. 2, 1869, p. 135).Il fit la tournée de ses voisins futurs pour les prier de l'aider à déménager (...) il voyait un double avantage à cette corvée: aller plus vite, et trouver l'occasion de remercier ces voisins par un plantureux repas de tous les coups de main déjà donnés (Pesquidoux, Livre raison, 1928, p. 152). ♦ Voir beaucoup/rien à + inf. (à qqc.).Mon cher ami, votre projet de traité me semble aussi bien que possible et je n'y vois rien à redire (Flaub., Corresp., 1862, p. 42).Ferdinand voyait beaucoup à gagner à l'amitié du député. Mise à part toute ambition personnelle, le vétérinaire songeait à la carrière de son fils aîné Frédéric (Aymé, Jument, 1933, p. 61). ♦ Voir qqc. à + (prop.) inf.Je vois un inconvénient à faire coïncider la publication de l'ouvrage de M. de Lamartine avec la publication du mien (Hugo, Corresp., 1864, p. 464). ♦ Voir qqc. à ce que + verbe.Je ne vois pas d'inconvénient à ce que tu diriges à ton gré les rapports de ta littérature avec moi. Mais la question change quand il s'agit des rapports de toi à moi (Valéry, Corresp.[avec Gide], 1898, p. 321). b) Ne voir que + subst. (+ où/si...).Il ne me paraît pas qu'il y ait l'accent de la piété, même dans l'hymne de Cléanthe à Jupiter, dans l'invocation de Lucrèce à Vénus (...) ou dans les chœurs des tragiques. Je ne vois guère que les Bacchantes et l'Hippolyte d'Euripide où sonne un peu cet accent (Lemaitre, Contemp., 1885, p. 145).Les choses étant ce qu'elles sont, je ne vois que deux solutions (Sartre, Mains sales, 1948, 3etabl., 4, p. 106). 2. a)
α) Voir qqc.1/qqn1dans/en qqc.2/qqn2.Attribuer une qualité, un statut, une fonction à quelque chose /quelqu'un; considérer quelque chose/quelqu'un en tant que (support de). Dans l'homme il [Zola] voit la brute, dans l'amour l'accouplement, dans la maternité l'accouchement (Lemaitre, Contemp., 1885, p. 265).J'ai cru que, tout en me comblant, l'amour pouvait m'aider à sortir d'une très grande difficulté morale. J'ai vu dans l'amour la fin de ma solitude (J. Bousquet, Trad. du sil., 1936, p. 218). ♦ [À propos d'un personnage] Je n'avais jamais pensé à Anne comme à une femme, mais comme à une entité: j'avais vu en elle l'assurance, l'élégance, l'intelligence, mais jamais la sensualité, la faiblesse (Sagan, Bonjour tristesse, 1954, p. 68).V. lorsque B 1 ex. de Bernardin de Saint-Pierre.[Le suj. est du domaine de la philos.] La vieille morale empirique voyait à tort dans l'hypersexuel l'homme dangereux, l'homme de désordre (Bernanos, Joie, 1929, p. 648).Faire voir.[Le suj. désigne une faculté, une sensation] Rachète ta lâche inertie, Tes votes honteux, la torpeur Qui te faisait voir un messie Dans l'épouvantable trompeur, Dans cet immonde Bonaparte (Glatigny, Fer rouge, 1870, p. 61). − [Le compl. prép. est remplacé par] ♦ [un pron. rel. ou adv.] [Avec où] Qu'est-ce qui fait sa condamnation certaine aujourd'hui? C'est qu'il a dénoncé les faux d'Esterhazy, où l'état-major infaillible a besoin de voir les preuves de la culpabilité de Dreyfus (Clemenceau, Vers réparation, 1899, p. 107).Le Supérieur général de la Compagnie avait observé dans l'allure du séminaire une bonhomie où il ne pouvait voir que du laisser-aller (Billy, Introïbo, 1939, p. 41).[Avec y] Je suis sur la brèche pour vous défendre envers et contre tous, mais je ne voudrais pas que l'on pût y voir le moindre calcul (Reybaud, J. Paturot, 1842, p. 347).Une espèce de lueur douce traînait dans son regard, et le malheureux Clergerie, à bout de forces, y crut voir un présage sinistre (Bernanos, Joie, 1929, p. 709).[Avec un adv.] Un orage, n'est-ce pas? − Oui, un orage. − Et vous voyez là un motif de vous inquiéter? (Benoit, Atlant., 1919, p. 78).Si nous pouvions hésiter encore à voir ici la première ébauche du mythe romantique, une phrase (...) suffirait à lever nos doutes (Béguin, Âme romant., 1939, p. 53).[Le suj. désigne un attribut de la pers.] Il y en a qui prétendent qu'on l'a flétri d'un surnom dans sa jeunesse; qu'il en est resté inconsolable le reste de son existence, parce que sa dignité blessée voyait là une preuve flagrante de la méchanceté des hommes (Lautréam., Chants Maldoror, 1869, p. 146).
β) Voir qqc./qqn + attribut du compl. d'obj.Vous savez, il a eu deux vertiges aujourd'hui (...), fait-elle. (...) Je ne sais pas... Il y a quelque chose que je ne comprends pas... Je ne vois pas ça tout physique... N'y aurait-il pas un ennui moral? Il est si triste (Goncourt, Journal, 1888, p. 792).V. regarder B 1 a α ex. de Alain. − [L'attribut est introd. par comme] Un mari qui n'aime plus sa femme ne voit cette femme que comme l'instrument de son malheur, et ne songe pas au malheur affreux qu'il lui cause (Chênedollé, Journal, 1815, p. 79).Il voyait vaguement tous les pauvres comme des envoyés de Dieu (Montherl., Bestiaires, 1926, p. 457). b) Voir toujours/ne jamais voir de/en qqn (que) qqc./qqn. Ne considérer quelqu'un que sous l'un de ses aspects. J'ai toujours vu le père en vous (Balzac, Illus. perdues, 1843, p. 633).Jusqu'à ce jour, je n'avais vu de lui que le magistrat; l'homme enfin écartait la toge (Gide, Faux-monn., 1925, p. 1113). D. − 1. Connaître d'avance; prévoir; envisager. a) Voir + subst.On partirait de Paris... C'est rigoureux... On irait lentement. Je vois trois journées jusqu'aux Vieux Garçons... Tout d'abord (Goncourt, Journal, 1888, p. 832): 5. Étant d'humeur, ce soir-là, à ne pouvoir se passer de Morel, il avait inventé qu'on lui avait rapporté que deux officiers du régiment avaient mal parlé de lui à propos du violoniste et qu'il allait leur envoyer des témoins. Morel avait vu le scandale, sa vie au régiment impossible, il était accouru.
Proust, Sodome, 1922, p. 1067. ♦ Voir qqc. dans l'avenir; ne voir dans l'avenir aucune espérance. De toutes parts, dans cet avenir, Julien voyait le manque de succès (Stendhal, Rouge et Noir, 1830, p. 390). b) Voir + prop. inf.Commandant et décoré, je voyais un nouvel horizon s'ouvrir devant moi (Reybaud, J. Paturot, 1842, p. 221). − Voir approcher, voir arriver, voir poindre qqc., ou cour., voir venir qqc.; voir venir la catastrophe, le danger; voir venir les événements. Prouvez-moi donc que vous êtes réellement en mesure de vous marier (...) Que gagnez-vous, monsieur, année commune? Cette épouvantable question, que je voyais poindre depuis un moment, m'écrasa comme un coup de foudre (Toepffer, Nouv. genev., 1839, p. 234).Il m'a dit son désir de l'épouser; sa résolution... − C'était à prévoir, murmura-t-elle (...). − Alors tu t'en doutais? fis-je un peu nerveusement. − On voyait venir cela depuis longtemps. Mais c'est un genre de choses que les hommes ne savent pas remarquer (Gide, Symph. pastor., 1919, p. 906). ♦ [Le suj. de l'inf. désigne une fraction du temps] Savez-vous que je vois venir l'instant où le tribunal d'écoute-s'il-pleut, exclusivement occupé à venger vos petits griefs, ne pourra plus suffire à tant d'obligations? (Courteline, Gend. sans pitié, 1899, 1, p. 145).Il voyait venir le moment où, d'un commun accord, on enseignerait que deux et deux font cinq, que le tout est plus petit que la partie et la nuit, plus lumineuse que le jour (Bremond, Hist. sent. relig., t. 4, 1920, p. 473). 2. Voir venir.Attendre la suite des événements avant d'agir, d'entreprendre quelque chose. Ayant écrit deux lettres, de quatre pages chacune, il pensa qu'il en avait assez fait pour le moment, et qu'il n'y avait plus qu'à voir venir (Montherl., Célibataires, 1934, p. 812). ♦ Attendre et voir venir. Neutraliser peu à peu l'abbé Traquet en lui suscitant des difficultés avec Folcoche (...). Entreprendre, moi aussi, M. Rezeau. Pour l'instant, attendre et voir venir. J'étais en train d'apprendre que l'hypocrisie est sœur de la patience (H. Bazin, Vipère, 1948, p. 168). ♦ Avoir/donner le temps de voir venir. J'approuve fort que vous preniez le portefeuille des Affaires Étrangères, comme vous l'aviez, par intérim. Cela vous donnera le temps de voir venir et d'arranger les affaires (Chateaubr., Mém., t. 3, 1848, p. 173).[P. ell. de venir] « Comme ça » dit l'un d'eux en sortant de la pièce où avait eu lieu la discussion, « nous aurons le temps de voir; et les agités se calmeront (...) » (Romains, Hommes bonne vol., 1938, p. 33). − En partic. Pouvoir voir venir. Avoir suffisamment de moyens pour vivre un moment sans souci. J'ai déjà mis de côté (...) un certain nombre d'obligations qui vous assurent une centaine de mille francs de rente. Avec cela vous pourrez voir venir (Mauriac, Nœud vip., 1932, p. 225). II. − Empl. trans. indir. Voir à A. − Voir à + subst.S'occuper de, prendre soin de. Sacristi!... fit-il, ennuyé... je devrais aller voir aux châssis... Les mulots ne me laissent pas une salade, ces vermines-là (Mirbeau, Journal femme ch., 1900, p. 183).Le matin de ce dimanche de décembre, pendant que Didace voyait au train de l'étable, Venant apporta le bois au bûcher (Guèvremont, Survenant, 1945, p. 88). B. − Voir à + inf.Veiller à, songer à; faire en sorte de. Si vous ne tenez pas à cette fille, pourquoi exposer ainsi votre vie? − Parce que je tiens encore moins à ma vie qu'à elle; mais brisons là-dessus. Je vais voir à finir gaiement la journée (Karr, Sous tilleuls, 1832, p. 182).Il est effectif, monsieur, que je suis très susceptible de confondre Arbois de Carthage avec Proclès de Jubainville. Je verrai plus tard à combler ces lacunes. Pour le moment, je désirerais savoir où nous sommes (Benoit, Atlant., 1919, p. 131). − Pop. Faudrait voir à. Faudrait voir à ne pas rater le train, fit Croquebol (Courteline,Train 8 h. 47,1888,p. 82).D'abord, interdiction d'employer les mots mecs et nanas (...). Ensuite, faudrait voir à réviser ma grammaire et à employer l'imparfait du subjonctif si nécessaire (Le Monde, 7 févr. 1986, p. 30).V. moment I E 3 c ex. de Barbusse. III. − Empl. abs. A. − 1. Voir +(loc.) adv.Avoir une certaine conception des choses; se faire une certaine idée d'elles. Elle avait, autant que je puis me rappeler les choses qu'elle me disait et dont mon cœur d'enfant était remué, une âme magnanime de pauvre femme. Elle voyait gros et simple (Maupass., Contes et nouv., t. 2, Cloch., 1886, p. 662).Jamais encore je n'avais vu si clair dans ma nature et dans mon destin d'écrivain (J. Bousquet, Trad. du sil., 1936, p. 127).V. clairement B ex. de Renan. ♦ Voir faux. V. faux2. Voir juste*. Voir grand*. Voir loin*. 2. Façon, manière de voir. Opinion, conception. Quand je te donne une opinion sur tes écrits, d'abord ce n'est qu'une opinion et puis tu dois maintenant me savoir assez par cœur pour connaître que j'ai une manière de voir très spéciale et pas pratique en ces matières (Valéry, Corresp.[avec Gide], 1898, p. 321).Brotonneau: (...) Nous battre? Et non! Oh! ce n'est pas seulement parce que ça peut être tout de même dangereux. C'est surtout parce que ça n'arrangerait rien. De Berville: Vous me permettrez, monsieur, de ne pas partager cette façon de voir (Flers, Caillavet, M. Brotonneau, 1923, i, 13, p. 8).V. positif ex. 5. B. − Synon. de comprendre. 1. Interj. [Dans un dialogue fam.] Je vois. V. comprendre II A 1.− Une cigarette... offre Marat. − Je ne fume pas. − Il ne boit pas non plus, dit Rodrigue, pas même de vin. − Je vois... Continue (Vailland, Drôle de jeu, 1945, p. 11). 2. [À la suite d'un effort de réflexion] V. comprendre II A 2 a.Le livre a de l'allure, mais, par endroits, il tient du libelle. Plus tumultueux d'ailleurs que limpide. Fréquente communion, ou infréquente ? On ne voit pas trop. Confusion voulue et perfide, comme on l'a dit? (Bremond, Hist. sent. relig., t. 4, 1920, p. 422). C. − P. ext. [Exprime une relation, un rapport; constr. le plus souvent avec ne... rien] − Avoir à voir avec... ♦ [Le suj. et le compl. désignent des pers.] Avoir un lien; avoir quelque chose de commun avec. Le comte de Méséglise n'avait rien à voir avec les Guermantes et ne faisait même pas part du côté Guermantes, mais du côté Cambremer (Proust, Fugit., 1922, p. 672). ♦ [Le suj. et le compl. désignent des choses] Être du même ordre que; aller dans le même sens que. La plupart des lecteurs de Proust l'ont aimé et l'aiment encore pour des raisons qui ont peu de chose à voir avec ce qui fait sa valeur (Sarraute, Ère soupçon, 1956, p. 139). ♦ [Le suj. est un pron. neutre] Cela n'a rien à voir avec nous. Cela ne nous concerne pas. Il ne faut pas oublier, reprenait Villard, qu'en Belgique les industriels travaillent. − Non! − Si! − On ne sait pas... − Ça n'a rien à voir avec nous (Van der Meersch, Invas. 14, 1935, p. 134). − Avoir à voir dans... ♦ [Le suj. désigne une pers.] Être concerné par. Bourdon: Bonjour, Teissier. J'étais en train d'expliquer à MmeVigneron et à sa fille l'impossibilité où elles se trouvent de conserver leurs terrains. Teissier: Je n'ai rien à voir là dedans. Ces dames ne peuvent pas trouver un meilleur conseiller que vous (Becque, Corbeaux, 1882, ii, 8, p. 130).Avoir à redire à. Tout est à ton nom, à la Westminster, ta dot initiale et les bénéfices... Les enfants n'auront rien à y voir... Tu peux être tranquille. Je suis le maître de mon argent et de ce que mon argent a produit, mais ce qui vient de toi est à toi (Mauriac, Nœud vip., 1932, p. 197). ♦ [Le suj. désigne une chose] Être en cause. Entend-on par bonheur un état non défini de sensations et de sentiments agréables, indépendamment d'une conception philosophique de notre nature et de notre destinée, la philosophie n'a rien à voir là (P. Leroux, Humanité, 1840, p. 118).Tu ne t'es pas remis à ton roman? − Non; mais la pièce n'a rien à y voir (Beauvoir, Mandarins, 1954, p. 245). 3eSection. Expr. et tournures diverses (appartenant le plus souvent à la lang. parlée) I. − [Pour marquer l'idée de présence, d'existence, de réalité de qqc.] A. − 1. [Équivaut à il y a, il existe] Partout où vous verrez un autel, là se trouve la civilisation (J. de Maistre, Soirées St-Petersb., t. 1, 1821, p. 106).Vas-tu me la regarder, tout de même! éclata Haudouin. Tu n'en vois pas des pareilles à Épinal (...)! Ernest regarda la fille déjà tout près du bois, et dit en hochant la tête: − Ce n'est pas mal tourné, bien sûr (Aymé, Jument, 1933, p. 206). − [Le suj. est on] Leurs valets me semblent comme à vous les plus méchants drôles qu'on ait vus depuis bien du temps (Courier, Pamphlets pol., Lettres partic., 1820, p. 55).La ville était empoisonnée d'enfants... Une abomination!... Ça grouillait dans les rues (...) On ne voyait que ça, quoi!... Eh bien, je ne sais si vous l'avez remarqué... Aujourd'hui on n'en voit plus (Mirbeau, Journal femme ch., 1900, p. 168). ♦ On ne voit ça que...; il n'y a que... qu'on voit cela. Où te garder? Crois-tu que je dispose ici d'une oubliette à jolies filles? On ne voit ça que dans les romans, finaude! (Bernanos, Soleil Satan, 1926, p. 77).Les hommes avaient à la pochette un stylo, et quelquefois, en plus, un porte-mine; il n'y a qu'à Paris qu'on voit cela (Montherl., Célibataires, 1934, p. 837).On ne voit pas cela, même... Au fond, ce n'est pas sa femme qu'il déteste le plus, c'est nous. Quelle chose inimaginable! On ne voit pas ça, même dans les livres (Mauriac, Nœud vip., 1932, p. 183). ♦ Loc., en appos. Comme on en voit à/chez/dans. Une magnifique porte à deux battants, d'un vert profond (...), aux deux marteaux de cuivre bien astiqués comme on n'en voit que chez des avoués de province ou dans les couvents (Simenon, Vac. Maigret, 1948, p. 7).J'aimerais habiter une maison comme on en voit dans les estampes (Bachelard, Poét. espace, 1957, p. 60).Comme on (n') en voit guère/pas/peu. Je n'étais pas fâchée non plus de connaître le capitaine Mauger... Un vrai type de loufoque, celui-là, et comme on en voit peu, je vous assure (Mirbeau, Journal femme ch., 1900, p. 87).Se ceignant la taille du vague assemblage de feuilles et d'herbes qui lui sert de pagne (...), muni d'une besace comme on n'en voit pas, Kolikongbo part à l'aventure (Maran, Batouala, 1921, p. 147).Tel qu'on (n') en voit (plus). C'était une de ces grosses bonnes bouillottes ventripotentes, goitreuses, ou cabossées par un long usage (...), telles enfin que l'on n'en voit plus aujourd'hui que tout devient dur, étriqué, anguleux et chagrin (Boylesve, Leçon d'amour, 1902, p. 214).Il montrait la plaine, une de ces plaines comme aimait en peindre Van Der Meulen, avec un village tel qu'on en voit dans le coin de ses tableaux (Benjamin, Gaspard, 1915, p. 63). 2. a) (Tant que je vivrai), je ne verrai pas cela. Cela ne sera pas, cela n'arrivera pas. Césaire avait beau lui crier dans l'oreille, dans celle qui entendait encore quelques sons: « J' vous soignerons ben, mon pé (...). » Le vieux répétait: « Tant que j' vivrai, j' verrai point ça » (Maupass., Contes et nouv., t. 1, Père Amable, 1886, p. 214).Père, le boulanger nous refuse crédit... Nous sommes en retard pour les fermages. Le propriétaire de l'Épine va nous saisir!... Saisir la fille de Gilbert Cloquet! Non, je ne verrai pas ça... (R. Bazin, Blé, 1907, p. 41). b) Je voudrais bien voir cela/que... Que l'on essaye de... Raton, à Jean, à mi-voix: La Cour et le Ministère sont furieux contre moi; on veut m'arrêter, m'incarcérer, m'emprisonner, peut-être pire... Jean: Ah bien, par exemple! je voudrais bien voir cela! Il y aurait un fameux bruit dans le quartier, et vous m'y verriez, notre maître (Scribe, Bertrand, 1833, ii, 3, p. 153).Les deux femmes se cramponnent à ses bras: « Charles! y songes-tu? Ils nous expulseront et tu seras bien avancé! » Mon grand-père hausse le ton: « Je voudrais bien voir qu'ils m'expulsent: je suis chez moi! » On me pousse dans ses jambes, je le regarde d'un air suppliant, il se calme: « C'est bien pour le petit » (Sartre, Mots, 1964, p. 26). B. − [Pour souligner le caractère exceptionnel de qqc./qqn] ♦ Avoir vu, n'avoir (jamais) vu + subst./pron. indéf./inf.Elle a ri, et m'a assuré qu'elle n'avait jamais rien vu d'aussi drôle que vous (Dumas fils, Dame Cam., 1848, p. 68).Ma parole d'honneur, je n'ai jamais vu un polichinelle pareil! (Becque, Corbeaux, 1882, ii, 9, p. 139).Il a dîné chez les dames Millet, et jamais elles n'avaient vu tant manger (Renard, Journal, 1901, p. 685).Je n'ai vu de ma vie vieille femme plus grave, plus tranquille, plus blanche et plus silencieuse (A. France, Vie fleur, 1922, p. 456) ♦ On ne voit pas/jamais on ne verra deux fois... Leur figure se grave profondément dans la mémoire, parce qu'on ne voit pas deux fois des figures de ce caractère (Lamart., Voy. Orient, t. 2, 1835, p. 90).Les raisons qui, de plus en plus nombreuses, m'ont été données de vouer à cette femme une espèce de culte et de vénérer en elle ce que jamais on ne verra deux fois (J. Bousquet, Trad. du sil., 1936, p. 234). ♦ N'avoir jamais vu ça; c'est la première fois que je vois ça. Bien sûr que je veux qu'on me les frise [mes cheveux] ! Pas frisée, un jour de Prix, un jour de Ministre? On n'aurait jamais vu ça ! (Colette, Cl. école, 1900, p. 269).Fridel, Honoré et Louise sont aux trois téléphones. Louise: M. Brotonneau n'est pas encore arrivé. Honoré: M. Brotonneau n'est pas encore là. Fridel: M. Brotonneau n'est pas encore paru. Honoré: C'est la première fois que je vois ça (Flers, Caillavet, M. Brotonneau, 1923, i, 2, p. 3). ♦ Peut-on voir? où a-t-on vu? il est impossible de voir. Se pouvait-il voir un pareil mépris, que de ne jamais se lever, s'avancer à lui, quand il entrait? (Bourges, Crépusc. dieux, 1884, p. 245).Depuis le commencement du monde, où a-t-on vu un seul exemple de ce miracle: l'incrédulité menteuse et hypocrite faisant des croyants (Renan, Avenir sc., 1890, p. 331).Il était impossible de voir deux sœurs plus dissemblables que mes cousines (Gyp, Souv. pte fille, 1928, p. 113). ♦ On* aura tout vu! − Absol. A-t-on vu, a-t-on jamais vu. C'est stupide à la fin, un enfant comme ça!... Le voilà qui se tue maintenant! et chez moi! A-t-on jamais vu! Il lui faisait peur (Zola, Nana, 1880, p. 1444).Il fit tourner sur place la première paire de bœufs. − A-t-on vu! grommelait-il! Pas un compliment pour des bêtes comme les miennes! (R. Bazin, Blé, 1907, p. 275). II. A. − [Pour marquer nettement l'affirmation ou la mise en doute de la réalité ou de la véracité de qqc.] Voir (par) soi-même; voir de/avec/par ses (propres) yeux. Maintenant que j'avais vu Larsan, de mes propres yeux, oui, oui, de mes propres yeux vu, je sentais bien que notre grand voyage était devenu impossible (G. Leroux, Parfum, 1908, p. 31).J'entends dire par-ci, par-là, et je le vois aussi par moi-même, car je n'ai pas les yeux dans ma poche (...) j'entends répéter, dis-je, et je vois, que tu continues − discrètement − à faire la cour à la petite (Pagnol, Fanny, 1932, ii, 7, p. 142). ♦ [Avec répétition du verbe] J'ai vu, ce qu'on appelle vu, quinze hommes qui montent à cheval et vont battre la campagne pour faire arriver ce soir ou demain avant midi cent cinquante électeurs légitimistes (Stendhal, L. Leuwen, t. 3, 1835, p. 179).J'ai vu ce que j'ai vu. Ici, des personnes disent qu'il y a pas à manger dans l'Alcazar. Croyez pas ça, monsieur le commandant. C'est du cheval et du mauvais pain, mais y a à manger. J'ai vu ce que j'ai vu (...)! y a à manger (Malraux, Espoir, 1937, p. 557).J'ai vu comme je vous vois. J'ai vu, comme je vous vois, j'ai vu clairement, sans erreur possible, trois lumières... Je vous dis que je les ai vues, Prévot! (Saint-Exup., Terre hommes, 1939, p. 235).Var. J'ai vu tel que je vous parle. Je les ai vus tel que je vous parle, s'en retourner après victoire dans leur village, chargés de plus de cent paniers de viande humaine bien saignante pour s'en foutre plein la lampe! (Céline, Voyage, 1932, p. 176). ♦ Tout comme tu me vois; tel que vous me voyez. Mais tu sauras que j'ai fait des classes, moi! Je suis de bonne famille, tout comme tu me vois! Je n'en parle pas parce que ça ne sert à rien (Feydeau, Dame Maxim's, 1914, i, 6, p. 10).Tel que vous me voyez, cher ami, je n'ai pas pris un jour de vacances depuis la mobilisation. Je suis à bout (Martin du G., Thib., épil., p. 802). ♦ [En relation avec croire] Il se jetait en avant quand un garde national l'arrêta. − « C'est inutile! Le Roi vient de partir. Ah! si vous ne me croyez pas, allez-y voir! » une pareille assertion calma Frédéric (Flaub., Éduc. sent., t. 2, 1869, p. 110).Il faut avoir vu une telle transformation pour y pouvoir croire (Benoit, Atlant., 1919, p. 258). − [Marque la surprise] Michel, se reculant, et sur un ton de farce: Mais... Sophie... Que vois-je! Vous avez du rouge aux lèvres! Yvonne: Moi! Michel: Oui, toi! et de la poudre. En voilà des manières (Cocteau, Parents, 1938, i, 4, p. 203). B. − 1. [Pour souligner l'aspect bénéfique ou non d'une hypothèse] Je vois bien/mal. Je ne vois pas bien une petite Française s'allant promener chez les Mandingues (Vogüé, Morts, 1899, p. 275).Tiens, j'vois très bien Madeleine Vandaërt épousant un autre gars. Elle est veuve (Barbusse, Feu, 1916, p. 177). 2. [Pour souligner le caractère absurde, ridicule ou tragique d'une hypothèse] Où avez-vous vu (que); vois-tu que...? Et votre démarche à vous, est-elle régulière? Où avez-vous vu que ce soit l'offenseur qui envoie des témoins à l'offensé?... Où? (Feydeau, Dame Maxim's, 1914, i, 21, p. 24).Il ne faut pas que je meure avant lui. Il ne faut absolument pas! Vois-tu que je me laisse mourir, et qu'il se tue, et qu'il se manque? Je le connais (Colette, Sido, 1929, p. 108). ♦ Tu me/nous vois d'ici. Au fond, il n'y a que le bourgogne, ou alors le café très bien soigné. Mais tu nous vois d'ici demander du bourgogne dans cette boîte! (Miomandre, Écrit sur eau, 1908, p. 82). − [Pour marquer le doute] Va-t-en voir, allez-y voir (si)... Synon. allez savoir (v. savoir1).Et c'est moi qui suis venu; c'est bien moi, moi, Raboliot; mais va-t-en voir demain si je reviens, Volat! (Genevoix, Raboliot, 1925, p. 79).Absol. Il rêvait au fond de la voiture près de la comtesse Kamenskaia, qui n'était peut-être pas comtesse, se disait-il, allez donc y voir (Nizan, Conspir., 1938, p. 150).Louis Kervern, qui songeait à ses dix gosses, déclarait bien par devant qu'il n'accepterait jamais la parcelle, mais, par derrière, va-t'en voir! (Queffélec, Recteur, 1944, p. 184). C. − [Pour illustrer un raisonnement par un ex. concr.] ♦ Il n'y a qu'à/on n'a qu'à voir. Tout péterait un jour, grâce à l'instruction. On n'avait qu'à voir dans le coron même: les grands-pères n'auraient pu signer leur nom, les pères le signaient déjà, et quant aux fils, ils lisaient et écrivaient comme des professeurs (Zola, Germinal, 1885, p. 1277).La bataille ne va pas se stabiliser comme ça. Il n'y a qu'à voir la dépense d'obus qu'ils font pour bouleverser notre arrière (Romains, Hommes bonne vol., 1938, p. 149). ♦ Voyez ce que c'est que. L'homme le plus surpris de la ville, en apprenant qu'il allait partir pour l'Afrique, ce fut Tartarin. Mais voyez ce que c'est que la vanité! Au lieu de répondre simplement qu'il ne partait pas du tout (...) le pauvre Tartarin − la première fois qu'on lui parla de ce voyage − fit d'un petit air évasif « Hé!... hé!... Peut-être... Je ne dis pas » (A. Daudet, Tartarin de T., 1872, p. 33). − Comme on (le) voit par. Comme on le voit par cette anecdote, la bienveillance tient une assez grande place dans les sensations causées par le haschisch (Baudel., Paradis artif., 1860, p. 359).Or tout déroulement mécanique, comme on voit par le bavardage intempérant, tombe aussitôt dans l'incohérent et l'absurde (Alain, Propos, 1921, p. 242). D. − 1. [Pour souligner une évidence] Tu vois/vous voyez (bien). Son excellent frère, continua Rocambole, a une assez belle idée, celle de le tuer, d'épouser sa femme après, et d'hériter ainsi de sa fortune. Baccarat et le jeune Russe se regardèrent. − Vous voyez, dit la jeune femme, j'avais deviné (Ponson du Terr., Rocambole, t. 3, 1859, p. 472).Hugo? Crois-tu que tu m'aimais? (Il ne répond pas.) Tu vois bien (Sartre, Mains sales, 1948, 5etabl., 2, p. 195). ♦ Comme tu vois/vous voyez. Je te dis tout, comme tu vois,... ou bien veux-tu que j'abrège? (Toepffer, Nouv. genev., 1839, p. 242).Je vous envoie les corrections de deux feuilles, très chargées, comme vous verrez, et je ferme bien vite cette lettre, pour qu'elle parte à temps (Hugo, Corresp., 1862, p. 376). ♦ [En incise] Vois-tu, tu vois, voyez-vous. Nous autres femmes, vois-tu, il n'y a qu'une seule chose qui ne nous ennuie jamais, c'est d'aimer et d'être aimées! (Pailleron, Monde où l'on s'ennuie, 1869, i, 7, p. 29).Escartefigue, sentencieux: Au fond, voyez-vous, le chagrin, c'est comme le ver solitaire: le tout, c'est de le faire sortir (Pagnol, Fanny, 1932, i, 1ertabl., 8, p. 25).V. on I B 2 c ex. de Bernanos. 2. [Pour susciter l'adhésion de l'interlocuteur] Tu vois le genre. Et ce ton sec qu'il prend dans les grandes occasions, à vous geler le sang (...). « Vous êtes un gamin sans cervelle, incapable de mesurer la portée de ses actes... » Tu vois le genre (Gracq, Syrtes, 1951, p. 66). E. − [Pour attirer l'attention d'un interlocuteur sur un fait gén. péj.] Tu as vu, voyez, voyez-vous, a-t-on vu. Ils filaient, allégés, vers le pont déjà proche (...). Alors Sarcelotte eut un rire étouffé: − T'as vu c' te pagaille? − On passera sûrement avant eux... (Genevoix, Raboliot, 1925, p. 269).Son ménage, tu as vu ça? La boîte à ordures en plein milieu de la cuisine. Et la couleur de l'essuie-verres sur le comptoir (Dabit, Hôtel Nord, 1929, p. 16). − En partic. [Pour insister sur la nature d'un comportement] On (...) accuse [la nation] de se laisser mener par les préfets, et ceux-ci de mener la nation. Quelle insigne fausseté! Voyez la médisance! (Courier, Pamphlets pol., Procès, 1821, p. 103).Vous êtes le meilleur ; mais il y a des choses que vous ne savez pas. − Et que tu sais, petite fille? Voyez la grande sagesse! − Ne vous moquez pas (Rolland, J.-Chr., Nouv. journée, 1912, p. 1572). ♦ [Le compl. désigne une qualité de la pers.] − Cela ne te regarde pas. − Va vite retrouver ton Raoul, misérable! m'écriai-je, furieux. − A-t-on vu l'impertinente? (Villiers de L'I.-A., Contes cruels, 1883, p. 342).Laissez-la, dit le curé, je veux que ce soit à moi qu'elle cède... Les garçons plaisantèrent: − Cédera... cédera pas... voyez la sainte nitouche, la mijaurée (Vailland, Drôle de jeu, 1945, p. 150). ♦ Voyez-vous ça/voyez-moi ça. Eh! mais, crie Barque en riant, c'est qu'i'(...), c'débris. Il est belliqueux, voyez-vous ça, et i' s'rait malfaisant s'il avait seulement soixante ans de moins (Barbusse, Feu, 1916, p. 51).Dans une boutique de musique, c'était pour trimballer des pianos, ils se sont payés ma gueule, une grosse femme qui gloussait: « Le petit gringalet, non, mais voyez-moi ça! » (Aragon, Beaux quart., 1936, p. 370). F. − [Pour souligner ou pour rappeler le caractère remarquable, en bien ou en mal, de qqc. ou de qqn] − Si tu voyais/si tu avais vu ♦ + subst.L'appétit je ne sais pas ce que c'est. Si tu avais vu les phosphatines de mon enfance, j'en laissais la moitié: quel gaspillage! (Sartre, Mains sales, 1948, 3etabl., 3, p. 97). ♦ + prop. inf.Heureusement pour Vieublé qu'il s'est fait évacuer, ce qu'il en aurait roté. − C'est celui-là qui a eu le vrai filon, tiens... Si tu l'avais vu se barrer avec sa patte amochée, je te jure qu'il était marrant (Dorgelès, Croix de bois, 1919, p. 218). ♦ + prop. exclam.Si tu avais vu l'abbé, comme il cherchait à me faire avouer! Son air mielleux! (Martin du G., Thib., Cah. gr., 1922, p. 633).En rentrant à l'hôtel, elle confiait à son mari: « Si tu voyais comme elle est maigrie, Émile. Y en a plus d'elle... Elle passera pas l'hiver » (Dabit, Hôtel Nord, 1929, p. 189). ♦ + pron. neutre.Ah! dame, papa n'était guère raisonnable... Aussi, quelle dégringolade! Si tu avais vu ça, un plongeon, une dèche!... Je peux dire que j'en ai supporté de toutes les couleurs (Zola, Nana, 1880, p. 1366).Ma tête a passé, j' peux dire, entre les éclats, mais tout juste, rasibus, et les esgourdes ont pris. −Si tu voyais ça, dit Fouillade, c'est dégueulasse, ces deux oreilles qui pend (Barbusse, Feu, 1916, p. 62). − Tu aurais dû voir. C'est rien, ça: t'aurais dû voir les chasses d'autrefois quand on rapportait les canards à plein canot (Guèvremont, Survenant, 1945, p. 75). − Il faut/il fallait voir/avoir vu ♦ + subst.La jeune fille soupira, en le regardant avec un air de compassion touchant et sincère. Mais il fallait voir quels yeux!... et comme les soupirs allaient bien à cette gorge de vierge! (Sue, Atar-Gull, 1831, p. 11). ♦ + prop. inf.Je l'ai eu, allez, votre âge. Fallait me voir danser (Aragon, Beaux quart., 1936, p. 251).Il faut l'avoir vu assommer un taureau d'une gifle (Audiberti, Femmes Bœuf, 1948, p. 113). ♦ + prop. exclam.Le Cygne de Cambrai, il me met en fureur! On n'est pas bête comme ça! Et il faut voir comme il traduit l'Iliade et l'Odyssée ! Et des répétitions de mots! (Goncourt, Journal, 1861, p. 888).L'étage se compliquait un peu, à peine, avec trois chambres et un débarras, la salle de bains. En haut, la domesticité. Il fallait voir comment tout cela était meublé (Aragon, Beaux quart., 1936, p. 305).P. ell. Il avait écarté tout le monde, il s'était enfermé là-dedans, avec du pétrole... Et ça brûlait, fallait voir! (Zola, Nana, 1880, p. 1409).Nous plastronnions, il fallait voir comme!... Et le triste individu qui aurait fait perdre la face à ses supérieurs n'y couperait pas du maximum! (Vercel, Cap. Conan, 1934, p. 83). ♦ Il faut voir ça! Il en a une famille, et une propre!... Des tas de nièces et de cousines... des fainéants, des sans le sou, des traîne-misère... et qui le grugeaient... et qui le volaient... fallait voir ça!... C'était une abomination (Mirbeau, Journal femme ch., 1900, p. 61).Et la foule essayait de dérober le secret de cette beauté [exposition de peintres italiens]. Elle ne cédait pas au snobisme. Évidemment la plupart avaient dépassé le stade: « Il faut avoir vu ça... » Que de ferveur dans ces pauvres yeux écarquillés! (Mauriac, Journal 2, 1937, p. 161). III. A. − [Pour exprimer un reproche] Tu vois le résultat/ce que tu as fait. Tu vois Clémence!... (...) Tu vois encore ce que tu as fait... Avec ton incurie crétine! ton imbécile aveuglement (...) Tu vas lui remettre de l'argent!... Lui confier ta bourse à lui? (Céline, Mort à crédit, 1936, p. 385). ♦ Tu vois comme tu es. Tu vois comme tu es: tu me dis de lui demander un service et tu ne peux même pas faire l'effort d'être un peu aimable! (Bourdet, Sexe faible, 1931, i, p. 260). B. − [Pour exprimer une menace] Il va/nous allons voir (ça)! Me foutre à la porte?... Eh ben, nous allons voir ça... Et la bonne sort en faisant claquer la porte (Guitry,Veilleur,1911,ii, p. 11). ♦ On verra qui je suis. Toutes ces femmes, toutes ces filles, je vois bien qu'elles se sont foutues de moi. Pas une, pas une seule ici, ne pourrait me reprocher quoi que ce soit... Rien... Pas un mot... Pas un geste... Et lui, pendant ce temps. Mais on verra qui je suis (Audiberti, Femmes Bœuf, 1948, p. 124). ♦ On va/on allait voir ce qu'on va/allait voir. Rien ne pouvait mieux mettre en lumière la collusion de Poincaré avec la réaction. L'ancien dreyfusard achetait les voix de droite peut-être, mais on allait voir ce qu'on allait voir (Aragon, Beaux quart., 1936, p. 221).On va voir ce qu'on va voir! si l'opposition l'emporte en 1986, on privatisera à vive allure (Le Monde aujourd'hui, 25-26 août 1985, p. V). IV. − [Pour marquer la nécessité d'un temps de réflexion ou d'attente] ♦ C'est/c'était/ce serait à voir. Mais tu sais à quoi ça engage? Boris ne savait pas, mais il voulait savoir. Alors l'autre lui expliqua. « L'homme fort ne tenait pas à la vie. » C'était à voir. Boris sentit un grand chavirement dans sa tête (Gide, Faux-Monn., 1925, p. 1240).En admettant que j'aie eu des torts − ce qui n'est pas certain, cela serait à voir, il faudrait reprendre tout dans le détail, −à quoi bon me tourmenter? Là où il est, il ne juge plus (Montherl., Célibataires, 1934, p. 907). ♦ Il faut/il fallait/il faudrait voir. Connaissant les hommes, [il] ne songeait (...) plus qu'à tirer le meilleur parti possible de la situation. Il fallait voir. Et il attendait (Zola, Nana, 1880, p. 1330).Ce qui compte, c'est l'opinion de Jaume. Pour l'instant il ne parle guère. Il ne dit pas: « Ce n'est pas possible. » C'est cependant ce qu'ils attendent de lui, mais il ne le dit pas; il hoche la tête, il souffle dans la longue moustache. − Faudrait voir, se décide-t-il à dire enfin. − Tu crois donc que c'est possible? − Faudrait voir (Giono, Colline, 1929, p. 56). Faudrait voir à voir (fam.). Madame Blanchard songeait par-devers soi: la petite est bien jeune [pour se marier], presque une enfant, mais un Américain... Et riche avec ça, faudrait voir à voir!... Et le père, après un long soupir, avait appuyé ses vœux intimes: « Hé bé... faudra voir avec le temps... Faudra voir à voir » (Y. Queffélec, Les Noces barbares, 1988 [1985], p. 16).♦ On verra bien. Vous pensez que cette campagne peut vraiment avoir de l'influence? demanda Henri. Dubreuilh haussa les épaules: « On verra bien. (...) » (Beauvoir, Mandarins, 1954, p. 258). ♦ Qui vivra verra. Qu'on pense de moi ce qu'on voudra, je m'en fiche! En somme les tribunaux ne sont pas faits pour les chiens, si le cœur vous en dit... Bien le bonjour! − Qui vivra verra! répondit noblement le brasseur (Bernanos, Soleil Satan, 1926, p. 66). − [Comme demi-promesse, pour apaiser l'interlocuteur] Nous allons voir. Laisse-moi disparaître avec toi, nous irons à l'étranger, dit-elle. − Eh bien, nous allons voir, répondit-il (Balzac, Cous. Bette, 1846, p. 319).Hugo: Et tu me ferais vraiment confiance? Louis: Ça dépend de toi. Hugo: Louis, je ferai n'importe quoi. Louis: Nous allons voir. Assieds-toi (Sartre, Mains sales, 1948, 2etabl., 4, p. 49). V. − En partic. A. − Voyons 1. [Pour exhorter, encourager] Je te dis que tu es changée, poursuivit-il, on ne fait pas une mine comme celle-là sans motif. Voyons mon enfant, ne sois pas dissimulée, et conte-moi tes petites peines (Theuriet, Mariage Gérard, 1875, p. 200).Auguste! Auguste! Écoute-moi, voyons! Écoute-moi! je t'en supplie! Voyons Auguste! Tu vas te remettre sur le flanc! Songe à moi Auguste! Songe à nous! Tu vas te rendre tout à fait malade! (Céline, Mort à crédit, 1936, p. 386). 2. [Pour exprimer son agacement, son impatience] « Mais on ne prend pas de glaces au citron à midi moins le quart, voyons Maxime! » disait Armande. En ce seul mot « voyons », que de réprimandes! « Voyons, Maxime, ne restez pas toujours debout devant la fenêtre, vous barrez le jour... Maxime, voyons! vous avez encore repris une balle qui était out ! » (Colette, Képi, Armande, 1943, p. 186). 3. [Pour exprimer son étonnement] V. courrier ex. 8. ♦ [Pour marquer son désaccord d'une façon ironique] Pop., fam. Ben voyons! Synon. tu parles!− Vous en faites pas, c'est pas bien grave pour vous, quand ils sauront que vous n'êtes pas juifs, ils vont vous relâcher. − Ben voyons, murmure Maurice (J. Joffo, Un Sac de billes, Paris, Le Livre de poche, 1987 [1973], p. 249). B. − Pour voir. [Le plus souvent après un verbe à l'impér.] Pour que l'on se fasse une opinion, que l'on apprécie, que l'on juge. Personne, pas même moi, n'osera aller jusqu'au bout et mettre toute une population au lit, pour voir, pour voir! (Romains, Knock, 1923, iii, 6, p. 18). − [Exprime une mise au défi] Hein! Avance un peu, pour voir, que je te fasse ton affaire! (Zola, Assommoir, 1877, p. 395). C. − [En empl. adv., directement après un verbe à l'impér. qu'il sert à accentuer] Pop., fam. 1. [Exprimant une assertion, une demande] Dis voir, donne voir, écoute voir. Moi... C'qui m'soucie, tiens voir, c'est ma maison (Benjamin, Gaspard, 1915, p. 140).Je dis en mon for: « Voyons voir » Si je jouis du moindre atome D'intelligence (Ponchon, Muse cabaret, 1920, p. 207).Pour l'affaire? Tiens donc, quelle affaire? Raconte-moi voir ça (Aymé, Jument, 1933, p. 232). 2. [Exprimant une menace, une mise au défi] Tu es sûr que je suis si bon que ça? Eh bien tâche-moi voir un peu de rentrer saoul après-demain ou de ne pas être là pour l'appel (Courteline, Train 8 h. 47, 1888, p. 59).Il voyait son propre hammerless (...) entre les mains de sa maîtresse. − Essaie voir! disait-il en avançant toujours et comme on menace un chien dangereux (Bernanos, Soleil Satan, 1926, p. 92). 4eSection. Empl. pronom. I. − empl. pronom. réfléchi A. − 1. Percevoir sa propre image sur une surface réfléchissante. Jean Péloueyre (...) se déshabillait à tâtons pour ne pas se voir dans la glace (Mauriac, Baiser Lépreux, 1922, p. 183). ♦ Se voir + inf.Une autre merveille pour moi, ce fut une glace psyché, où je me voyais marcher sur les tapis, et où je ne me reconnus pas d'abord (Sand, Hist. vie, t. 2, 1855, p. 196). 2. S'observer; porter les yeux vers sa propre image. Quand je te regarde et quand je me vois, je ne sais plus pourquoi tu m'aimes en retour. Tes cheveux sont blonds comme des épis de blé; les miens sont noirs comme des poils de bouc (Louÿs, Aphrodite, 1896, p. 60). 3. Avoir conscience de son aspect physique. − (...) De toute façon, comme je retourne au journal, je ne voyagerai plus. − Tu dis ça... Si tu te voyais! Tu es blême! Tu me fais peur, tu vas tomber malade (Triolet, Premier accroc, 1945, p. 72). ♦ Se voir + part. prés.Tais-toi! Si tu te voyais criant ces mots, tu es laide (Anouilh, Antig., 1946, p. 193). ♦ Se voir + adj.J'étais ravie de me voir, pour la première fois de ma vie, bien habillée (Gyp, Souv. pte fille, 1928, p. 162). − [Dans une prop. inf.] Vu, je me voyais: je me voyais lire comme on s'écoute parler (Sartre, Mots, 1964, p. 56). B. − Former mentalement sa propre image 1. Former mentalement sa propre image telle qu'elle était dans le passé, telle que l'on s'en souvient. Synon. se revoir.Ma mère me les apprit [des vers de Racine], lorsque je ne savois point encore lire; et je me vois toujours sur ses genoux répétant cette belle tirade (J. de Maistre, Soirées St-Pétersb., t. 1, 1821, p. 210).Comment ne pas rire quand je me vois, un petit bonhomme assis tout nu dans sa couverture, sur une terrasse, au bord de la mer, à Alexandrie (Cendrars, Bourlinguer, 1948, p. 189). 2. Former mentalement sa propre image dans une situation imaginaire. Se voir + subst; se voir en + subst.Dans leurs conversations, dans leurs souhaits, dans leurs rêves, Vampa se voyait toujours capitaine de vaisseau, général d'armée ou gouverneur d'une province; Teresa se voyait riche, vêtue des plus belles robes (Dumas père, Monte-Cristo, t. 1, 1846, p. 435).En passant devant le château, Nadja s'est vue en Madame de Chevreuse; avec quelle grâce elle dérobait son visage derrière la lourde plume inexistante de son chapeau! (Breton, Nadja, 1928, p. 108). 3. Former mentalement sa propre image dans une situation ou une circonstance plausible. L'histoire avait deux conclusions; je choisissais l'une ou l'autre suivant mon humeur. Dans mes jours maussades, je me voyais mourir sur un lit de fer, haï de tous, désespéré, à l'heure même où la gloire embouchait sa trompette (Sartre, Mots, 1964, p. 156). ♦ Ne pas se voir, se voir mal. S'imaginer difficilement (dans une situation donnée). Sais-tu que si on m'offrait de reprendre demain mes cours à Orléans, je sauterais de joie, oui, mais surtout par raison... Et pour ma femme. Mais je ne me vois pas corrigeant des copies (Romains, Hommes bonne vol., 1938, p. 209).Je me voyais si mal enceinte avec le corps mince et dur que j'avais (Sagan, Bonjour tristesse, 1954, p. 138). C. − Au fig. 1. a) Avoir une perception de soi-même, se juger. Il est intelligent, il se voit très bien tel qu'il est (Guitry, Veilleur, 1911, iii, p. 22).Ma vérité, mon caractère et mon nom étaient aux mains des adultes; j'avais appris à me voir par leurs yeux (Sartre, Mots, 1964, p. 66). b) Avoir une vue subjective de soi-même; estimer ce que l'on est. ♦ Se voir + subst.Dans la grande cause dont je me voyais le chef et l'arbitre, deux systèmes se présentaient à suivre (Las Cases, Mémor. Ste-Hélène, t. 1, 1823, p. 419). ♦ Se voir + adj.Libre et sans tache sous le ciel, je me vois trop pauvre pour me passer d'honnêteté et de renom (Banville, Gringoire, 1866, v, p. 40).Mirza d'ailleurs entendait mal sa propre poésie. Il se voyait pratique et d'une précision tout américaine (Radiguet, Bal, 1923, p. 119). − Se voir comme.(Ne) se considérer (que) sous un aspect; se comporter conformément à cette image que l'on a de soi. Désespérément, elle (...) se voit comme la fille d'un officier supérieur et enfermée dans un certain ordre social par les relations que son mariage ajoute à celles de ses parents. Au lieu de l'exalter, mon amour l'a humiliée (J. Bousquet, Trad. du sil., 1936, p. 232). 2. S'apercevoir, se rendre compte de l'état ou de la situation dans lequel/laquelle on se trouve. ♦ Se voir + compl. prép.Ma mère, se voyant près de son terme, voulut revenir à Paris (Sand, Hist. vie, t. 2, 1855, p. 69). ♦ Se voir + part. passé.Je ne pêche jamais le brochet, dit le major, ce n'est pas un gentleman. Quand il se voit pris, tout est fini; le saumon combat jusqu'au bout (Maurois, Sil. Bramble, 1918, p. 61).V. écouter A 2 a ex. de Balzac. ♦ Se voir + prop. inf.Il s'est vu mourir sans aucune illusion sur sa fin très prochaine (Goncourt, Journal, 1894, p. 640).Je n'ai pas d'enfant: je ne me vois pas vieillir (Nizan, Conspir., 1938, p. 105). 3. P. ext. a) Être, se trouver dans un certain état, dans une certaine situation. − Se voir + subst.J'ai eu le plaisir d'être votre vis-à-vis à un bal donné par monsieur le baron de Nucingen, et... − Parfaitement, monsieur, parfaitement, répondit Charles, surpris de se voir l'objet des attentions de tout le monde (Balzac, E. Grandet, 1834, p. 61).Aujourd'hui il serait ivre de bonheur de se voir maître des requêtes, préfet, secrétaire général (Stendhal, L. Leuwen, t. 3, 1835, p. 366). ♦ [Le suj. désigne une chose] Mardi, notre petite cité d'Yonville s'est vue le théâtre d'une expérience chirurgicale (Flaub., MmeBovary, t. 2, 1857, p. 15). − Se voir + compl. prép.Nous ne sommes point encore arrivés à cette partie de notre récit, et je me vois dans l'obligation de fermer ma bouche, parce que je ne puis pas tout dire à la fois (Lautréam., Chants Maldoror, 1869, p. 346).Je me laisse aller à soupirer que je ne me vois pas au bout de mes peines (Billy, Introïbo, 1939, p. 208). − Se voir + compl. circ. ou adv.[Le suj. désigne une chose] Le véritable amour est éternel, infini, toujours semblable à lui-même; il est égal et pur, sans démonstrations violentes; il se voit en cheveux blancs, toujours jeune de cœur (Balzac, Lys, 1836, p. 167).Une macédoine d'idées, d'images, de noms propres étonnés de se voir ensemble (Lemaitre, Contemp., 1885, p. 12). b) En partic. [Se voir auxil. de la forme passive d'un verbe]
α) [Se voir équivaut à être, se étant compl. d'obj. dir. de voir] − Se voir + part. passé.À peine arrivé, je me vois obligé de repartir (Villers de L'I.-A., Contes cruels, 1883, p. 301).[Avec compl. d'agent] J'en ai assez de me voir conspué par des lâches sans nom, qui m'accablent d'injures (Musset, Lorenzaccio, 1834, iii, 3, p. 194). ♦ [Le suj. désigne une chose] Ce double courant de possessivité intense, exclusive et jalouse entre la mère et le fils se heurte à la barrière des convenances morales, et comme la mère reste enveloppée d'un nimbe d'idéale pureté, la sexualité se voit disloquée (Mounier, Traité caract., 1946, p. 151). − Se voir + prop. inf.Sur ce banc où vous m'amenez, et où tant d'autres se sont vu condamner à des peines infâmes, sur ce banc même, je vous le dis, ma morale est au-dessus de la vôtre(Courier, Pamphlets pol., Procès, 1821, p. 133).Le Président de la République s'est vu dépouiller, sans avoir donné sa démission, des droits et prérogatives de ses fonctions (De Gaulle, Mém. guerre, 1954, p. 314).[Avec compl. d'agent] À la première observation qu'il avait faite, Ferdinand s'était vu rabrouer par son frère (Aymé, Jument, 1933, p. 159).
β) Se voir + prop. inf.[Se étant compl. d'obj. indir. de l'inf.] Rien n'enchante l'homme comme de se voir fournir des motifs inédits de rester fidèle à d'anciennes pratiques (J.-R. Bloch, Dest. du S., 1931, p. 242). II. − empl. pronom. réciproque A. − 1. a) S'apercevoir l'un l'autre. Je me rappelle (...) cette route, où l'on ne se voyait pas l'un l'autre, où l'on ne pouvait pas allumer une pipe de tabac, à cause de la pluie et du vent (Erckm.-Chatr., Hist. paysan, t. 2, 1870, p. 27): 6. Florent gardait sa défroque noire, s'oubliait sur les devoirs de ses élèves, tandis que Quenu, pour se mettre à l'aise, reprenait son tablier, sa veste blanche et son bonnet blanc de marmiton (...). Et parfois ils souriaient de se voir ainsi, l'un tout blanc, l'autre tout noir.
Zola, Ventre Paris, 1873, p. 644. ♦ Se voir + part. prés.Nous sortons, Yves et moi, pour aller faire dans le village plusieurs démarches que nécessite la solennité de demain. Nous trouvons drôle de nous voir tous deux faisant acte de citoyens comme tout le monde (Loti, Mon frère Yves, 1883, p. 186). − [Avec un compl. désignant une partie du corps] Apercevoir chacun quelque chose de l'autre. Se voir la figure. V. amatelotté II B ex. b) Loc. fig. Ne pas pouvoir se voir. Ne pas se supporter l'un, l'autre, se détester. Dans ce temps-là, j'ignorais tout ce qui s'était passé entre mes parents. Je ne comprenais qu'une chose, c'est qu'ils ne pouvaient pas se voir. Mais je devinais très bien que Grand-père aimait assez, au fond, ce beau grand gars que Grand'mère détestait carrément (Gyp, Souv. pte fille, 1928, p. 6). 2. Porter le regard l'un vers l'autre, s'observer. Se voir, se toucher, parler, entendre l'autre qui parle. (...) il paraît que cela suffit pour être l'un à l'autre (Claudel, Père humil., 1920, iii, 2, p. 538). ♦ Se voir le blanc des yeux. Synon. se regarder* dans le blanc des yeux.Le misérable entendit une voix, oh! une voix de tonnerre qui hurlait: « (...) eh bien! qu'il entre... et nous allons nous voir le blanc des yeux! » (Sue, Atar-Gull, 1831, p. 10). B. − Se rencontrer. La petite femme et son mari restaient à se regarder comme s'ils ne s'étaient jamais vus (Vigny, Serv. et grand. milit., 1835, p. 39).Ils auraient pu fair' connaissance Mais ils ne s'étaient jamais vus (Éluard, Donner, 1939, p. 168). − Se voir + loc. adj. en fonction attributive/loc. adv. de temps.Lady Falkland et Cernuwicz se sont vus, seule à seul lundi soir (Farrère, Homme qui assass., 1907, p. 342).J'aurais bien aimé prendre un café avec vous, dit-elle, mais je suis attendue. Est-ce qu'on pourrait se voir un autre jour? (Triolet, Prem. accroc, 1945, p. 130). III. − empl. pronom. passif A. − Être susceptible d'être perçu par l'œil. Le jour paraît, la brume est déchirée, et la forêt se voit pourpre et dorée (Cros, Coffret Santal, 1873, p. 18).V. apparence ex. 6. − Se voir + adv. de compar./de lieu.Il avait continué la route vers la vallée de l'Aron où le château de la Vaucreuse se voit de loin, tout blanc parmi les prés (R. Bazin, Blé, 1907, p. 54).La réelle ressemblance qui ne suppose point la comparaison avec le modèle (...) se voit mieux, si l'on ose dire, sur le portrait que sur le modèle (Alain, Beaux-arts, 1920, p. 229). B. − 1. a) Être remarqué, attirer l'attention. Sa femme boit de l'eau, se tue de travail dans son atelier de couturière (...) mais il dit: − Elle est bien heureuse, elle, de faire un travail qui se voit. Moi, je travaille plus qu'elle, et ça ne se voit pas (Renard, Journal, 1901, p. 711). ♦ Se voir + adv.Moi, ca ne me plaît pas. La poussière se voit tout de suite. Faut frotter tout le temps (Flers, Caillavet, M. Brotonneau, 1923, i, 1, p. 3). − [Le suj. est un pron. neutre] J'étais au comble de la fureur; mais ça ne se voyait certainement pas (Duhamel, Confess. min., 1920, p. 10).V. regarder A 1 a α ex. de Guèvremont.[Dans un dialogue; comme répartie] Ça se voit! V. regarder A 1 a α ex. de Mirbeau. ♦ Expr. Ça se voit du premier coup d'œil; ça se voit à l'œil nu. C'est très apparent. Il ne savait pas encore quelle était cette réputation. « Buveur? Non. Ça se voit du premier coup d'œil. Il a le regard clair, bonne haleine, des gestes précis (...) » (Peisson, Parti Liverpool, 1932, p. 181). b) P. ext. Synon. de y avoir.Dans l'endroit le plus apparent de ce salon se voyait aussi un portrait; c'était celui d'un homme de trente-cinq à trente-huit ans, vêtu d'un uniforme d'officier-général (Dumas père, Monte-Cristo, t. 1, 1846, p. 607). 2. Se voir à.Être discerné par l'esprit, être déduit d'après une caractéristique physique ou mentale. Pencroff n'eut pas besoin de demander si ces bêtes-là étaient comestibles. Cela se voyait bien, à leur ressemblance avec le cochon d'Amérique ou d'Europe (Verne, Île myst., 1874, p. 198).− Méfie-toi de lui: c'est un sauvage. Joinville protesta: − (...). Quoi c'est qui vous fait dire ça? − Rien qu'à son parler, ça se voit (Guèvremont, Survenant, 1945, p. 55). C. − [Souvent avec un pron. neutre pour suj.] Exister, se produire. 1. [Le suj. réel est une/des pers.] Leur général c'était Wimpfen, un noble, un royaliste! On a souvent parlé de traîtres, mais je crois que jamais il ne s'en est vu de pareils (Erckm.-Chatr., Hist. paysan, t. 2, 1870, p. 148).Un peu rétive, la demoiselle à David Desmarais. Pas commode à fréquenter. (...) Mais travaillante et ménagère, comme il s'en voit rarement (Guèvremont, Survenant, 1945, p. 19). 2. [Le suj. réel est une chose ou un processus] Il est permis de profiter des idées et des images exprimées dans une langue étrangère, pour en enrichir la sienne: cela s'est vu dans tous les siècles (Chateaubr., Mém., t. 1, 1848, p. 515).Actium, ce fut peut-être la plus grande bataille qui se soit jamais vue (Mille, Barnavaux, 1908, p. 310).V. ailleurs ex. 6. REM. 1. Voir, subst. masc.Fait de voir, de faire voir. Ce haut intellectuel [Gœthe] était, déjà, un visuel. « Je tiens beaucoup au voir, a-t-il proclamé. Dans le reflet nous possédons la vie. » (Huyghe, Dialog. avec visible, 1955, p. 62).Si Garcia s'est imposé si vite comme génie de la mise en scène, si les festivals internationaux se l'arrachent, c'est qu'il a su trouver une communication au-delà des mots. Il ne cherche jamais à faire « comprendre » mais à faire « sentir », à investir le spectateur par un « ouïr » et un « voir » entêtants (Le Point, 23 févr. 1976, p. 99, col. 1). 2. Mal-voir, subst. masc.,en compos. Fait de mal voir, d'avoir une mauvaise vue. Seulement, à force de me complaire dans le mal-voir, de m'y vautrer et d'enlever sans arrêt mes lunettes pour faire comme si de rien n'était et d'écarquiller les yeux, le résultat n'a pas tardé. Subitement, ma vue a empiré (Le Nouvel Observateur, 6 mai 1983, p. 25, col. 1). Prononc. et Orth.: [vwa:ʀ], (il) voit [vwa]. Fér. 1768, Littré attestent une forme voyent [vwaj]. Homon. de formes conjuguées (vissent, vois, voit, voient, voir) : vice, vis, voie, voix, voire. Att. ds Ac. dep. 1694. Étymol. et Hist. A. Verbe trans. 1. a) 2emoit. xes. « percevoir par les yeux » (St Léger, éd. J. Linskill, 201); 1552 voir le jour, voir la lumière « être vivant » (Ronsard, Les Amours, éd. P. Laumonier, t. 4, p. 47 et p. 88); 1585 voir le jour en parlant d'une production de l'esprit (N. Du Fail, Contes et Discours d'Eutrapel, éd. J. Assézat, t. 1, p. 205);
α) 1547 se faire voir en parlant d'une chose « se présenter à la vue » (M. de Navarre, Nativité de Jésus Christ, éd. Schneegans, vers 50); 1580 en parlant d'une personne (Montaigne, Essais, I, 23, éd. P. Villey et V.-L. Saulnier, p. 111); 1550 faire voir « permettre de constater » (Ronsard, Odes, éd. P. Laumonier, t. 2, p. 1); 1560 faire voir qqc. à qqn « montrer » (Bible Rebul, Exod 33, 18 d'apr. FEW t. 14, p. 461b);
β) 1551 à voir (précédé d'un subst. avec son attribut) (Ronsard, Tombeau de Marguerite de Valois, 138, éd. P. Laumonier, t. 3, p. 61);
γ) 1610 laisser voir « permettre qu'on voie » (H. d'Urfé, L'Astrée, t. 2, p. 74); 1627 « dévoiler, montrer » (B. Baro, Conclusion Dern. partie Astree, p. 116: laissant voir sur son visage plus d'assurance qu'elle n'en avoit); b) α) ca 1050 dans le lang. relig. « contempler Dieu » (Alexis, éd. Chr. Storey, 615); 1174-78 (Etienne de Fougères, Le Livre des Manières, 85, 338, éd. R. A. Lodge, p. 73: veor Dé en la face);
β) fin xes. « examiner et apprécier les actes des hommes » (Passion, éd. D'Arco Silvio Avalle, 309); c) α) 1100 « être témoin d'un fait » (Roland, éd. J. Bédier, 2124); 1623 loc. fig. je te vois venir (N. Coëffeteau, Histoire romaine, p. 325);
β) 1100 voir + attribut « trouver » (Roland, 1219); d) 1100 « regarder quelque chose d'écrit, lire » (ibid., 487); e) ca 1140 « regarder attentivement, avec intérêt » (Voyage de Charlemagne à Jérusalem, éd. G. Favati, 442); 1357 (Guillaume de Machaut, Le Confort d'Ami, 1043, éd. E. Hoepffner, t. 3, p. 38: si virent par une fenestre qu'il aouroit le Dieu celestre); f) α) mil. xiiies. « faire surgir une image en pensée » (Chanson XVI, 4 ds Chansons attribuées au Chastelain de Couci, éd. A. Lerond, p. 132);
β) 1361 « se représenter en songe » (Guillaume de Machaut, La Fonteinne Amoureuse, 2539, éd. E. Hoepffner, t. 3, p. 233);
γ) 1673, 27 nov. « se représenter des choses comme si on les avait sous les yeux; imaginer » (Mmede Sévigné, Corresp., éd. R. Duchêne, t. 1, p. 628: vous avez raison de voir d'où vous êtes les choses comme vous les voyez; et nous avons raison aussi de les voir d'ici comme nous les voyons); 2. a) fin xes. « être spectateur de quelque chose, assister à » (Passion, 168: sua fin veder voldrat); b) 1100 « découvrir un pays » (Roland, 819); c) ca 1165 « vivre un événement » (Benoit, Roman de Troie, éd. L. Constans, 56); 1590 en parlant d'une chose personnifiée « être le lieu où se passe un événement marquant » (Montaigne, op. cit., I, 31, p. 211); d) 1370 vu d'experiences (Oresme, Ethiques, éd. A. D. Menut, I, 3, p. 107, note 5); 1409 plus avoir vu (Jehan Le Maingre dit Bouciquaut, Le Livre des Fais, éd. D. Lalande, I, 32, 110); 1547 en avoir bien veu d'autres (N. Du Fail, Propos rustiques, éd. J. Assézat, t. 1, p. 97); 1607 à voir ce que (H. d'Urfé, op. cit., t. 1, p. 440); 1668 n'avoir encore rien vu « être inexpérimenté » (La Fontaine, Fable, VIII, éd. H. Régnier, t. 1, p. 81); 1698 fam. allez voir là bas si j'y suis (Regnard, Le Distrait, I, 4); 3. 1100 « rencontrer une personne, être mis en sa présence » (Roland, 2746: Mun seignur dites qu'il me vienge veeir); 1165 des ieux veeir (qqn) (Benoit, op. cit., 17603); 1560 voir des deux yeux (qqn) (J. Grévin, Les Esbahis, III, 2, éd. E. Lapeyre, 1227); a) 1640 spéc. voir une femme « avoir des relations charnelles » (Oudin Curiositez); b) 1665 « examiner en consultation » (Molière, Amour médecin, II, 3); c) 1675, 10 juin « rencontrer quelqu'un pour une affaire » (Mmede Sévigné, op. cit., t. 1, p. 269); d) 1679, 24 nov. « fréquenter, rendre des visites régulières à quelqu'un » (Id., ibid., t. 2, p. 744); e) 1689, 4 févr. voir du monde (Id., ibid., t. 3, p. 496); 4. a) ca 1050 « concevoir, saisir par la pensée » (Alexis, 8); b) id. « constater un fait en portant un jugement » (ibid., 617); 1660 voir une personne en qqn « établir un rapport d'équivalence » (G. de Brebeuf, Entretiens solitaires, p. 200); c) α) 1233, déc. « examiner avec soin » (Chaumont, S. Fergeux, H 96, A. Ardennes ds Gdf. Compl.);
β) 1668 « considérer quelque chose en vue d'une fin précise » (Molière, Misanthrope, V, 2); d) fin xiiies. « imaginer comme solution à un problème » (La Bible au Seigneur de Berze, éd. F. Lecoy, 152);
α) 1614 voir de + inf. « prendre les dispositions nécessaires pour qu'une chose se réalise » (H. d'Urfé, op. cit., t. 1, p. 169); 1672 voir à + inf. (Molière, Femmes savantes, II, 4);
β) 1666 je verrai formule par laquelle on diffère une réponse (Mmede Maintenon, Lettre à MmeChantalou, 28 avr. ds Littré); 1724 chacun a sa façon de voir (Marivaux, Le Spectateur français, p. 197); e) 1498-1515 voir + prop. interr. « s'informer » (Gringore, Vie Monseigneur Sainct Loys, éd. Ch. d'Héricault et A. de Montaiglon, t. 2, p. 226); 1553 voir si (Ronsard, De Folastries, VII, éd. P. Laumonier, t. 5, p. 43). B. Empl. abs. 1. 1100 « percevoir par le sens de la vue » (Roland, 1104); 2. spéc. id. « exercer le sens de la vue d'une certaine manière » (ibid., 1992: Ne loinz ne près ne poet vedeir si cler que); 3. 1486 « être en mesure d'exercer la vue sur un lieu déterminé » (Les Cent Nouvelles Nouvelles, 49, éd. F. P. Sweetser, p. 319: et veoit de la dicte chambre sur la rue, sur la court); 4. 1662 terme de renvoi (Pascal, Pensées, Papiers classés, éd. L. Lafuma, p. 545: voyez Perpetuité). C. Se voir 1. ca 1165 empl. réciproque « se trouver ensemble, se rencontrer » (Benoit, op. cit., 13553); p. ext. 1675 « se fréquenter » (P. Nicole, Essais de Morale, t. 3, p. 10); 2. a) 1316-28 empl. réfl. se voir + inf. « être, se trouver en telle situation » (Ovide Moralisé, éd. C. de Boer, V, 2070); 1349 se voir + adj. (Guillaume de Machaut, Le Dit de l'Alerion, 863, éd. E. Hoepffner, t. 2, p. 269); b) 1671, 19 juill. se voir dans un miroir « voir sa propre image » (Mmede Sévigné, Corresp., t. 1, p. 300); 3. 1341 empl. comme semi-auxil. (Guillaume de Machaut, Remede de Fortune, 1277, éd. E. Hoepffner, t. 2, p. 46: Et la mervilleuse clarté De son viaire Dont je me vi enluminé); 4. 1559 empl. passif « être vu, remarqué » (Amyot, Thémistocle, 58 ds Littré). Du lat. videre « percevoir par la vue, être témoin de, remarquer, constater, voir par la pensée ou l'imagination, juger, examiner, déterminer, prendre garde que ». Fréq. abs. littér.: 149 662. Fréq. rel. littér.: xixes.: a) 217 947, b) 228 335; xxes.; a) 213 503, b) 199 766. Bbg. Bat-Zeev Shydkrot (H.). À propos de la forme « se voir + V inf. ». Folia ling. 1981, t. 15, no3/4, pp. 389-407. − Chaurand (J.). Connexion et verbe. Fr. mod. 1987, t. 55, pp. 216-232. − Chocheyras (J.). Un nouv. outil gramm. en fr. mod.: le verbe voir. Fr. mod. 1968, t. 36, pp. 219-225. − Collinot (A.). B. jeunes Rom. 1966, no14, pp. 5-13. − Cristea (T.). Modalité et perception: rem. sur les valeurs du verbe voir en fr. contemp. R. roum. Ling. 1986, t. 31, no3, pp. 245-254; Parasynon. et constitution de classes lexico-grammaticales... R. roum. Ling. 1987, t. 32, no3, pp. 225-230. − Danell (K. J.). Rem. sur la constr. dite causative... Stockholm, 1979, 123 p. − Floch (J.-M.). L'Iconocité: enjeu d'une énonciation manipulatoire... Actes sémiot. B. 1982, t. 5, no23, pp. 17-38. − Gaatone (D.). Le Rôle de voir dans les procédures de retournement de la phrase. Linguistics. La Haye. 1970, no58, pp. 18-29. − Gardes-Madray (Fr.). Les Empl. par mode, temps et personne de cent verbes les plus fréquents... Linguistique et lexicologie. Paris, 1981, pp. 241-258. − Gohin 1903, p. 231, 305. − Goug. Mots. t. 1. 1962, pp. 257-258. − Hatcher (A. G.). Voir as a modern novelistic device. Philol. Quart. 1944, t. 23, pp. 354-374. − Holmér (G.). Voir « percevoir par l'ouïe ». St. neophilol. 1970, t. 42, no1, pp. 90-104. − Hosch (S.). Französische Flickwörter. Darmstadt, 1983, pp. 64-67. − Klein (Fr.-J.). Lexematische Untersuchungen zum frz. Verbalwortschatz... Genève, 1981, pp. 86-155. − Lanly (A.). Morphol. hist. des verbes fr. Paris, 1977, pp. 170-173. − Muller (Ch.). Les Verbes les plus fréquents du fr. Fr. Monde. 1974, no103, pp. 14-17. − Olsson (K.). La Construct.: verbe = objet direct + compl. prédicatif en fr. Stockholm, 1976, pp. 119-128. − Picoche (J.). Voir la lumière et les couleurs... Trav. Ling. Litt. Strasbourg. 1979, t. 17, no1, pp. 207-231. − Quem. DDL t. 6, 9, 14, 19, 21, 28, 31,32, 38. − Schepping (M.-Th.). Kontrastive semantische Analyse von Verben des Visuellen im Französischen und Deutschen. Tübingen, 1982, pp. 97-132. − Sirdar-Iskandar (Ch.). Voyons! Cah. Ling. Fr. Genève. 1983, no5, pp. 111-130. − Staaff (E.). « Voyons voir! Montre voir! » Essai étymol. Studier i modern Språkvetenskap 1924, t. 9, pp. 227-242. − Willems (D.). « Regarde voir »: les verbes de perception visuelle... Mél. Mourin (L.). Gand, 1983, pp. 147-158. − Wind 1928, p. 193. |