| VOYAGE, subst. masc. I. − [À propos d'un animé] A. − Déplacement que l'on fait, généralement sur une longue distance, hors de son domicile habituel. Le premier [l'Espagnol] veut de grands voyages, le second [l'Anglais] des voyages importants, le troisième [l'Allemand] des voyages utiles, le quatrième [le Hollandais] des voyages lucratifs, et le cinquième [le Français] des voyages rapides (Joubert, Pensées, t. 1, 1824, p. 393). 1. Déplacement considéré en fonction de la nécessité que l'on a de se rendre dans un lieu déterminé. Synon. parcours, route, trajet.Quand il était secrétaire à Rome (...), il avait à Paris une maîtresse dont il était éperdu et il trouvait le moyen de faire le voyage deux fois par semaine pour la voir deux heures (Proust, J. filles en fleurs, 1918, p. 563).Il souffrait d'un point douloureux entre les omoplates. Pourtant, ce long voyage en chemin de fer ne l'avait pas fatigué outre mesure; il avait pu s'allonger, une partie de la nuit (Martin du G., Thib., Épil., 1940, p. 774). SYNT. Voyage aller, retour, aller retour; voyage en autocar, en diligence, en voiture; voyage par avion, par mer, par terre; court, long voyage; voyage fatigant, harassant; pendant le voyage; fatigue du voyage; coût, frais, prix du voyage; voyage à Paris, dans la capitale; voyage Paris-Lyon; voyage de deux cents kilomètres; être à un jour de voyage de...; cheval, voiture de voyage. − Fam. Valoir le voyage. Valoir le déplacement, le détour. À côté du ksar, il y a un bordj ressemblant à un château-fort du Moyen-Âge qui borde une magnifique palmeraie (...): vous verrez, ça vaut le voyage! (B. Biehler, Véto sans frontières, Dijon, éd. des Grands Ducs, 1988, p. 548). − Spécialement ♦ MAR. Voyage au long cours*. Voyage au cabotage. Parcours effectué sans s'écarter des côtes. (Dict. xixeet xxes.). ♦ TRANSP. V. circulaire1. 2. Déplacement que l'on fait dans un but précis (généralement politique, économique, scientifique, religieux...). a) Long périple effectué jadis par les grands voyageurs qui se déplaçaient par terre ou par mer pour aller à la découverte et à la conquête de contrées nouvelles. Synon. expédition, pérégrination.Les voyages de Cook, de Magellan; un grand, long, lointain voyage; voyage d'exploration, de découverte(s). En rédigeant un plan de navigation pour le voyage de découvertes dont la conduite est confiée à M. de La Pérouse, on a eu pour objet de lui faire suivre, dans les différentes mers, des routes qui n'ayent été suivies par aucun des navigateurs qui l'ont précédé (Voy. La Pérouse, t. 1, 1797, p. 58).Christophe Colomb (...) découvrait l'Amérique en quatre voyages successifs. Il apportait ainsi aux hommes de science un vaste champ de recherches (Hist. sc., 1957, p. 1450). ♦ Voyage de circumnavigation*. b) Déplacement fait par des savants dans le cadre de leur spécialité (écrivains, géographes, ethnologues, etc.) dans un but d'études, d'observation et de recherche. Voyage scientifique; carnet, journal, littérature, notes, récit, relation de voyage. Les voyages d'Hérodote sont certains et racontés par lui-même. La tradition nous a transmis le souvenir de ceux de Platon, de Pythagore et de Démocrite (Berthelot, Orig. alchim., 1885, p. 147). − P. méton., vieilli. Relation d'un voyage important et intéressant le public. Je crois que j'écrirai un voyage. Je veux que ceux qui le liront parcourent avec moi tout le monde soumis à l'homme (Senancour, Obermann, t. 2, 1840, p. 170).Je lis le voyage d'un voltairien en Orient. C'est affreux. Oh, la vilaine chose que l'esprit dans un pays de soleil! (Goncourt, Journal, 1864, p. 41). c) Vx. Déplacement à des fins religieuses. Synon. pèlerinage.Au Moyen âge (...) les foires, les réunions d'affaires (...) sont des fêtes religieuses (...); les voyages sont des pèlerinages; les guerres sont des croisades (Renan, Avenir sc., 1890, p. 471). d) Déplacement effectué dans le cadre d'une activité institutionnelle, rémunérée ou non. Voyage d'études, d'inspection, d'information; frais de voyage. Ses absences se firent de plus en plus fréquentes au repas du soir (...), et sous prétexte de voyages d'affaires, Ricordi (...) était le plus souvent absent (Cendrars, Bourlinguer, 1948, p. 126). ♦ Voyage de stimulation. ,,Voyage offert par une entreprise commerciale ou tout autre organisme pour récompenser ou stimuler un salarié ou un distributeur. Synon. voyage-récompense`` (Tourisme Loisirs 1982). − En partic. Activité d'un voyageur de commerce. J'ai pour ami d'enfance Andoche Finot, le fils du chapelier de la rue du Coq, le vieux qui m'a lancé dans le voyage pour la chapellerie (Balzac, C. Birotteau, 1837, p. 155). e) Déplacement d'un personnage officiel dans l'exercice de ses fonctions. Voyage officiel? demanda l'ami de Clemenceau. Vous venez inaugurer une statue, créer une loge ou décorer un peintre mort? − Pas du tout, je viens faire une démarche auprès d'un indigène qui ne se dérange pas (Fargue, Piéton Paris, 1939, p. 36). f) Exploration de l'espace par des savants. Voyage dans l'espace; voyage orbital, spatial; voyage sur/vers la lune; voyage cosmique. L'homme ne s'est déplacé dans l'atmosphère qu'après avoir trouvé le moteur à explosion, et le moteur à réaction lui ouvre la possibilité de voyages interplanétaires (Ruyer, Cybern., 1954, p. 122). 3. Déplacement fait par des particuliers dans un but d'agrément, de loisirs, de dépaysement, de découverte. Synon. circuit, périple. a) Parcours organisé par un/des particulier(s) et prévoyant des étapes de repos et de découverte (culturelle, géographique, etc.). Nous quittons la France, et peut-être même l'Europe (...); nous allons faire un voyage d'agrément! (Dumas père, Demois. St-Cyr, 1843, II, 10, p. 138).Il faisait en compagnie de son père un voyage en automobile à travers la France. Ses lettres, fort détaillées, me décrivaient les régions qu'il visitait (Lacretelle, Silbermann, 1922, p. 104). SYNT. Voyage autogéré, individuel, en famille; voyage touristique, de tourisme; voyage pour se distraire; voyage en France, en Europe, en Italie; compagnon de voyage; préparatifs de voyage; faire voyage (vieilli); achever, ajourner, continuer, entreprendre, interrompre, poursuivre, remettre, retarder un/son voyage; souhaiter bon voyage (à qqn); faire un (bon) voyage; être du voyage; partir en voyage; raconter son voyage. ♦ Voyage en mer (maritime), en bateau. Synon. croisière.Me voici à New-Haven, d'où, conformément à ma promesse, je vous envoie les détails de ce petit voyage maritime, ainsi que ceux du séjour que j'ai fait dans cette ville (Crèvecœur, Voyage, t. 2, 1801, p. 310). ♦ Voyage de noces. Voyage qu'effectuent généralement les jeunes mariés juste après la célébration du mariage. Les fiançailles arrangeraient les choses, distrairaient le couple; ensuite, un voyage de noces balayerait cette gêne définitivement (Cocteau, Enfants,1929, p. 154). b) P. méton. Ensemble de services et de prestations assurés par un organisme spécialisé qui permettent aux clients de voyager pour leur agrément et sans soucis, le plus souvent en groupe, sur un parcours établi à l'avance. La formule des voyages collectifs qui, à l'origine, avait surtout un but de pèlerinage, s'est largement étendue et a permis de toucher une clientèle de plus en plus vaste, surtout parmi les jeunes (M. Benoist, Pettier, Transp. mar., 1961, p. 32). SYNT. Agence, bureau, club, marchand, organisateur de voyage(s); vendre des voyages ; voyage organisé, en (de) groupe(s), à forfait; voyage à thème. c) ÉDUC. NAT. Voyage (scolaire, de fin d'année). Voyage proposé aux élèves de l'enseignement général pour clôturer une année d'étude. Le grand rêve des enfants, c'est de partir en voyage avec le professeur (MmeSéjournant, Cahiers pédag., 15 avr. 1955, p. 542 ds Foulq. 1971). ♦ Voyage échange. Voyage effectué par une classe dans le but de rencontrer une autre classe généralement éloignée et qui permet des échanges entre les élèves et leurs correspondants (d'apr. Éduc. 1979). d) Loc. adj. De voyage. Propre au voyage; nécessaire à la personne qui voyage. Argent, articles, carte, couverture, guide, habit, jeu, malle, manteau, montre, nécessaire, trousse, toilette de voyage. Je vis (...) un jeune homme blond, grand, pâle, vêtu d'un costume de voyage qu'il semblait ne pas avoir quitté depuis quelques jours (Dumas fils, Dame Cam., 1848, p. 29).C'est Zéléda, dit-il. J'ai vu son sac de voyage dans le couloir du premier (Bernanos, Soleil Satan, 1926, p. 106). − BANQUE. Chèque* de voyage. Synon. traveller's* chèque. 4. En voyage a) Loc. adv. Pendant le voyage, lorsqu'on voyage. Il faut avoir (...) une lime, des pinces, une boussole et trois marteaux, passés dans une ceinture qui se dissimule sous la redingote et « vous préserve ainsi de cette apparence originale, que l'on doit éviter en voyage » (Flaub., Bouvard, t. 1, 1880, p. 88).En voyage, mon plaisir est de regarder et de ne rien voir (Renard, Journal, 1901, p. 680). b) Loc. verb. Être, partir en voyage. Être absent de, quitter son domicile pour un certain temps. Elle partit pour Rouen (...), afin d'aller chez tous les banquiers dont elle connaissait le nom. Ils étaient à la campagne ou en voyage (Flaub., MmeBovary, t. 2, 1857, p. 149).Se mettre en voyage (vieilli). Se mettre en route. Une soif d'existence brûlante, une curiosité de notre merveilleux enfer, avait pris et enfiévré, tout à coup, ce chasseur, là-bas!... Il s'était mis en voyage: et il était là, tout simplement (Villiers de L'I.-A., Contes cruels, 1883, p. 312). c) Loc. adj. Une espèce de paysan à cheval (...), en costume complet de brigand de mélodrame ou de bourgeois corse en voyage (Mérimée, Colomba, 1840, p. 33). 5. En partic. Séjour hors de sa résidence habituelle. Cette tentative vint à la suite d'une gageure qu'avait faite à Fontainebleau, pendant un voyage de la cour, un gentilhomme anglais (Jouy, Hermite, t. 4, 1813, p. 202). 6. Au plur. ou au sing. coll. [Corresp. à supra 2 et 3] Agrément, amour, dépaysement, joie du/des voyage(s); avoir le goût, la passion du/des voyage(s); adorer, aimer les voyages. Les voyages donnent à la jeunesse et à l'âge mûr le sens de la tolérance, par la conscience de l'infinie variété de la terre et du comportement des êtres vivants (Fourastié, Gd espoir du XXes., 1969, p. 354): ... le tourisme (...) impose le déracinement du voyage. On a beaucoup écrit sur le voyage, car les voyageurs les plus conscients ont été de tout temps les écrivains. Il y a une philosophie du voyage. Mais on a peu écrit sur la philosophie du séjour, une fois celui-ci arrêté dans un certain lieu, après un temps de voyage qui peut être de quelques heures ou de quelques jours...
Defert, Pol. tour. en Fr., 1960, p. 43. ♦ Invitation au voyage. [Avec ou sans réf. à Baudelaire] Incitation à l'évasion par le voyage et au fig., par le rêve, l'imagination. Voix de la matinée, parole dite sous l'ombrage, invitation délicieuse au voyage entre les aulnes (Alain-Fournier, Meaulnes, 1913, p. 186).Une très belle invitation au voyage [l'album « African Rhythms »] (L'Express, 16 nov. 1970, p. 53, col. 1). − Proverbe. Les voyages forment la jeunesse. V. former B 2 a. B. − Déplacement de personnes sans domicile fixe ou migration d'animaux. 1. Les gens du voyage. Personnel d'un cirque ambulant; p. ext., forains, comédiens ambulants, saltimbanques, tziganes, nomades se déplaçant de ville en ville sans jamais se fixer. Cela aussi, ils [les banquistes] l'ont légué aux gens du voyage qui promènent leurs cirques sur les routes du monde entier (Hist. spect., 1965, p. 1522). ♦ Enfant du voyage. Synon. enfant* de la balle.Dupont l'Anguille [le lutteur forain] était un enfant du « Voyage » (Méténier, Lutte pour amour, 1891, p. 8). 2. Migration de certaines espèces d'oiseaux à des époques bien définies. Il sortait chercher d'autres fagots quand il entendit le cri des oies, leur cri de voyage, si différent de leur cri en temps normal (Montherl., Célibataires, 1934, p. 902).[Les cailles] sont des migratrices en plein voyage vers le sud qui se laissent (...) moins facilement approcher (Vidron, Chasse, 1945, p. 8). C. − 1. Déplacement, généralement répétitif, sur de courtes distances, qu'un particulier ou un spécialiste effectue pour transporter, livrer, voiturer quelque chose d'un endroit à un autre. Synon. va-et-vient, aller-retour (v. aller2), allée* et venue, navette.(Au) premier, second voyage; à chaque voyage. Cent voyages par jour, de la maison à l'étable et aux bâtiments ne parvenaient pas à tromper son ennui (Guèvremont, Survenant, 1945, p. 271). − P. méton., vieilli ou région. (domaine fr.-prov.). Quantité de marchandise transportée en une seule fois. Un voyage de bois, de charbon. J'ai rapporté un voyage de pierres (TuaillonRégion.1978). − Vx. Faire voyage. [Le suj. désigne un messager, un coursier] Effectuer une course, une livraison. Aux autres [messagers] (...) était véritablement confiée la mission de « faire voyage à jours réglés aux villes, bourgs, bourgades et villages, avec pouvoir de porter et rapporter lettres, paquets, or et argent (...) » (P. Rousseau, Hist. transp., 1961, p. 76). 2. P. anal. Parcours effectué sur une courte distance mais assimilé à un déplacement au loin (avec ses difficultés, ses fatigues et ses risques). Aucun voisin n'ayant pu ou voulu faire pour elle cette course, elle avait entrepris, elle, ce voyage horrible, de sa mansarde au boulanger (Maupass., Contes et nouv., t. 2, Mis. hum., 1886, p. 647).Ses voyages [de Marcel Proust] dans les bibliothèques auront été les seuls qu'ait faits ce sédentaire, qui courait la prétentaine avec les prosateurs, les poètes, les hommes de science (Blanche, Modèles, 1928, p. 139). II. − [À propos d'un inanimé] A. − [À propos d'un moyen de transport] 1. Chemin, distance parcourue. Voyage d'un bateau, d'un train. Je l'ai placé [l'or] dans un commerce qui doit rapporter cent mille pour un à chaque voyage du grand vaisseau sur lequel tu te proposais de t'embarquer hier (Nodier, Fée Miettes, 1831, p. 154).Les bateaux sont classés en cinq catégories par la marine marchande, en fonction des voyages qu'ils accomplissent: voyage lointain; voyage de moins de six cents milles et à moins de deux cents milles d'un lieu de refuge; voyage à moins de trente milles des côtes; voyage dans les estuaires... (Jeux et sports, 1967, p. 1554). 2. Allée et venue, va-et-vient. Quand les voyages de l'ambulance étaient terminés, on amenait les brancards en cortège (Camus, Peste, 1947, p. 1360). B. − [À propos des produits transportés] Transport de denrées. Voyage des marchandises; affrètement au voyage. Des produits (...) élaborés, qui économiquement supportent mieux les voyages que les produits bruts (Industr. fr. engrais chim., 1956, p. 22). − En partic. Changement d'affectation, transfert. S'il s'agit de rentes au porteur ou d'actions, le mieux ou le plus sûr est de se rendre à Paris pour ne pas courir de chance fâcheuse (...) dans le voyage des fonds (Boyard, Bourse et spécul., 1853, p. 173). C. − P. anal. [À propos d'un astre] Révolution, mouvement réel ou apparent dans l'espace. Les voyages du soleil. Tandis que la terre tourne librement sur elle-même pendant son voyage annuel autour du soleil, la lune nous reste attachée comme par un lien (Flammarion, Astron. pop., 1880, p. 120).[À propos d'un cours d'eau] On devinait (...) le cours d'une grande rivière, son lent voyage millénaire (Genevoix, Raboliot, 1925, p. 290). III. − Au fig. ou p. métaph. [À propos d'une pers. et, p. méton., de ses attributs ou de ses activités] A. − [Par substitution du temps à l'espace] 1. Déplacement imaginaire ou rétrospectif dans le temps (par retour ou anticipation). Voyage dans le temps, dans la quatrième dimension. Ce sont vos généalogies (...) c'est le voyage que vous venez de faire dans les siècles passés, qui ont réveillé en moi le souvenir de ces quinze moines pendus aux branches du chêne (Sand, Consuelo, t. 1, 1842-43, p. 241).Voyage à travers le temps. Bien des choses ont déjà été dites sur l'espace à quatre dimensions, considéré en tant qu'espace dont nous ne connaîtrions qu'une petite partie: l'espace à trois dimensions où nous vivons (Gds cour. pensée math., 1948, p. 142). 2. [P. réf. au temps qui s'écoule] Avance dans le temps comparable à un long voyage jalonné d'étapes. Le dur voyage de la vie; voyage terrestre. Ce n'est que d'après les leçons de nos pères que nous pouvons naviguer dans ce voyage de la vie (Bern. de St-P., Harm. nat., 1814, p. 284).C'est alors qu'approchant du point culminant de son voyage ici-bas, prêt à redescendre la pente obscure de la colline dont il a gravi jusque-là le côté lumineux, l'homme s'arrête, se retourne et contemple le passé (Monod, Sermons, 1911, p. 166). ♦ La vie est un voyage. Le prêtre sait que notre vie n'est qu'un voyage, et que notre perfection ne se peut réaliser ici-bas (Proudhon, Syst. contrad. écon., t. 1, 1846, p. 124). B. − [Expérience comparable à un voyage] 1. [Dans l'au-delà, l'imaginaire] Les voyages de la pensée. Après ses longues heures de rêverie, d'espérances, après les voyages de son imagination, la femme (...) le tuerait, tant le bonheur serait complet (Balzac, Lettres Étr., t. 1, 1833, p. 13). ♦ Partir en voyage. [Le suj. désigne la pensée, l'imagination] Errer, vagabonder. Moi je restais dans mon coin (...) comprenant tout à demi et laissant à propos d'un rien ma pensée partir en voyage (Arène, J. des Figues, 1870, p. 19). − En partic. Le sommeil, le rêve. Voyage au pays des songes. Son sommeil (...) n'était plus ce voyage de dix heures au pays des rêves que les enfants accomplissent (A. Daudet, Rois en exil, 1879, p. 27).Le voyage hasardeux du sommeil (Aragon, Beaux quart., 1936, p. 377). ♦ Le (grand) voyage. La mort. Avant d'abandonner à tout jamais ce globe Pour aller voir là-haut ce que Dieu nous dérobe, Et de faire à mon tour au pays inconnu Ce voyage dont nul n'est encor revenu (Gautier, Poés., 1872, p. 256).Faire (partir pour) le grand, le dernier voyage, le voyage de l'autre monde. Mourir. − « Ah! ça va mieux! Mais j'ai manqué faire le grand voyage! » − « Pas sans moi! » s'écria MmeDambreuse, notifiant par ce mot qu'elle n'aurait pu lui survivre (Flaub., Éduc. sent., t. 2, 1869, p. 221). ♦ OCCULT., PARAPSYCHOL., PSYCHOL. Expérience réelle ou imaginaire à valeur initiatique ou curative. Les anciens magnétiseurs observèrent fréquemment des phénomènes de voyance à grande distance que les sujets prétendaient attribuables à des « voyages » (Amadou, Parapsychol., 1954, p. 99).Puisque l'expérience psychotique ne représente pour les antipsychiatres qu'un « processus de guérison naturelle », la seule attitude psychothérapique conséquente sera d'aider les sujets à effectuer leur « voyage », voire même de les accompagner (La Nef, janv. 1971, p. 236). ♦ Voyage (chamanique ou du chamane). ,,Ascension céleste ou descente infernale ou voyage spatial dans un but pratique (guérir en récupérant l'âme d'un malade, voir les ancêtres pour être initié, par ex.)`` (Riffard Ésotérisme 1983, s.v. extase). Le dieu montre logiquement qu'il est un dieu du fait qu'il doit descendre du ciel avant d'y remonter alors que la séquence inverse, monter puis descendre, comme dans le voyage du chamane, situe logiquement l'homme, le définit à sa place (Philos., Relig., 1957, p. 38-3). − État d'hallucination provoqué par l'usage de la drogue, notamment du L.S.D. Synon. trip.Voyage narcotique; voyage à l'acide. Les « voyages » auxquels la drogue nous invite risquent d'être de plus en plus pauvres et solitaires. Mais ce qui demeure, et qui est essentiel, c'est que ces « voyages » sont une manière de refuser une société invivable et de s'en évader (R. Garaudy, L'Altération, Paris, R. Laffont, 1972, p. 40).Faire/tenter le voyage. Se droguer. Localisé d'abord en Nouvelle-Angleterre, en Californie et au Mexique, le culte du LSD ne cesse de se répandre. Aux États-Unis, il touche maintenant les lycéens, qui tentent le « voyage »: ainsi désigne-t-on l'expérience délirante (L'Express, 25 avr. 1966, p. 89, col. 2). − FR.-MAÇONN. Suite d'épreuves initiatiques; passage à un degré supérieur. (Dict. xixeet xxes.). 2. [À travers une expérience vécue (pers., culturelle, soc., etc.)] Voyage intellectuel, intérieur, sentimental. Quel voyage est au fond tout travail créateur! (Du Bos, Journal, 1927, p. 250).Ce voyage au royaume des sciences a conduit parfois le lecteur près des frontières d'où se découvrent (...) les masses imprécises d'édifices que l'on devine néanmoins puissants et somptueux (Couffignal, Mach. penser, 1964, p. 132). ♦ Accomplir (faire, s'embarquer pour) un voyage. Tenter une expérience dans un domaine précis. La jeune fille faisait aussi son premier voyage dans les pays enchantés de l'extase amoureuse (Balzac, Enf. maudit, 1836, p. 427).Je puis aussi à travers cette seule destinée d'Ève Lavallière, accomplir un voyage immense, de la plus grande misère au plus pur amour (Mauriac, Journal 2, 1937, p. 118). ♦ Voyage en soi. Expérience introspective. Le voyage dans Gide m'était plus facile que ne lui eût été facile le voyage en moi (Cocteau, Poés. crit. I, 1959, p. 228). C. − Propagation, diffusion d'un grand courant d'idées (littérature philosophique etc.). Tel a été le voyage du romantisme à travers le monde. Parti du nord-ouest de l'Europe où son foyer est éteint depuis longtemps, il était encore récemment en pleine combustion d'une part en Grèce, d'autre part en Amérique du Sud (Arts et litt., 1936, p. 40-7). D. − 1. Expr. Y aller de son voyage. Fam. Faire une démarche inutile. Nous y avons été de notre voyage. Nous voyons aujourd'hui où cela nous a menés (J.-R. Bloch, Dest. du S., 1931, p. 53).Arg. Prendre du plaisir. [La fille: Mon amant] a bien vu que (...) quand vous m'avez sucé la pomme, j'y ai été de mon voyage (Richepin, Aimé, 1893, p. 182). 2. [Allus. littér.] a) [P. réf. à Céline, Voyage au bout de la nuit, 1932 (expr. en vogue dans les années 1960)] J'appelle expérience un voyage au bout du possible de l'homme (G. Bataille, Exp. int., 1943, p. 22).Ç'avait été un voyage dans la folie et la désespérance, mais aussi un voyage au bout de la bêtise (L'Express, 26 juin 1967, p. 108, col. 3). b) [P. réf. à X. de Maistre, Voyage autour de ma chambre, 1794] L'expérience n'est pour la plupart des hommes, au soir d'une longue vie, que le terme d'un long voyage autour de leur propre néant (Bernanos, Soleil Satan, 1926, p. 197).Ce n'est plus à ce voyage autour de nous-même que nous sommes conviés (Mauriac, Mém. intér., 1959, p. 8). REM. Voyage-éclair, subst. masc.Séjour, visite de courte durée dans un endroit précis. En définitive, les voyages-éclairs des émissaires américains peuvent impressionner l'opinion américaine, mais beaucoup moins l'opinion asiatique (Le Monde, 2-3 janv. 1966, p. 1, col. 1). Prononc. et Orth.: [vwaja:ʒ]. Littré: ,,vo-ia-j'; quelques-uns disent voi-ia-j'``; Barbeau-Rodhe 1930: [vwaja:ʒ], [vɔja:ʒ]. Même rem. pour les mots de la famille. V. aboyer. Att. ds Ac. dep. 1694. Étymol. et Hist. 1. a) Ca 1100 entrer en sun veiage « se mettre en chemin » (Roland, éd. J. Bédier, 660), en a. et m. fr., avec ou sans déterm., le mot s'emploie surtout pour désigner un pèlerinage, une croisade ou une expédition militaire (v. FEW t. 14, p. 381); b) 1400 loc. en voyage (Christine de Pisan, Mutacion de fortune, éd. S. Solente, 14176); c) 1518 bon voyage! (J. Parmentier,
Œuvres poétiques, 17 ds Quem. DDL t. 19); 2. a) mil. xves. voyage sans retour « le trépas » (Jean Régnier, Fortunes et adversitez, éd. E. Droz, 3691); b) 1676 (Foigny, De la terre australe, p. 66: ce que doit faire un chrétien pour se préparer au grand voyage de l'éternité); 3. a) ca 1470 « vie » (Georges Chastellain, Chron., V, 143 ds Heilemann Chastellain, p. 11); b) 1671 voyage de la vie (Nicole, Essais, t. 2, p. 18); 4. 1445 « course que l'on fait pour transporter une charge d'un lieu dans un autre; contenu d'un chargement » (Lettre ds Du Cange, s.v. voiagium); 5. 1512 « récit de voyage » (J. Thénaud, Voyage et itinéraire de oultre mer... [titre]). Du lat. viaticum (neutre de viaticus « de voyage », dér. de via « route ») d'abord « provisions de voyage, argent pour le voyage » puis au fig. « ressources, provisions », et à basse époque « voyage », v. aussi viatique. Fréq. abs. littér.: 10 932. Fréq. rel. littér.: xixes.: a) 19 325, b) 19 195; xxes.: a) 12 771, b) 12 035. DÉR. Voyagiste, subst. masc.,tour. Professionnel (personne ou entreprise) qui organise et vend des voyages à forfait. Synon. tour-opérator, tour-opérateur.L'automne est, traditionnellement, la période où (...) les catalogues des voyagistes nous font découvrir ce que vont être les produits touristiques de l'hiver et du printemps (Le Figaro, 26 sept. 1987, p. 21, col. 1).− [vwajaʒist]. − 1reattest. 1982 (Arrêté du J.O., 17 mars ds Néol. off. 1989, no2285); de voyage, suff. -iste*. BBG. − Blochw.-Runk. 1971, p. 194, 201, 208, 460. − Gohin 1903, p. 271 (s.v. voyagiste). − Quem. DDL t. 19, 38. |