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VIOLER, verbe trans.
A. − Violer qqn.Avoir par la force un rapport sexuel avec quelqu'un, sans son consentement. Synon. forcer, outrager, violenter.Un citoyen vient d'être condamné par la cour de Quimper aux travaux forcés pour avoir violé ses trois filles et son fils âgé de seize ans (Flaub., Corresp., 1875, p. 223).Les adolescents qui trouvent du plaisir à violer les cadavres de belles femmes mortes depuis peu (Lautréam., Chants Maldoror, 1869, p. 151).Le bruit se répandit que M. de Charlus avait été mis à la porte de chez les Verdurin au moment où il cherchait à violer un jeune musicien (Proust, Prisonn., 1922, p. 319).
Empl. abs. L'armée impériale, forte de cent mille hommes, fut détruite devant Prague (...). On brûle, on pille, on viole (Du Camp, Hollande, 1859, p. 236).
Empl. adj. et subst. (Femmes) violées. Cette toute jeune femme venait témoigner pour des milliers d'autres: toutes celles que le viol a marquées à jamais. Deux cents à trois cents victimes chaque année qui comparaissent devant les assises − un chiffre qu'il faut multiplier par cent pour avoir le nombre réel des violées (Le Nouvel Observateur, 24 oct. 1977, p. 61, col. 4).
B. − Violer qqc.
1. [Le compl. d'obj. désigne un inanimé abstr.]
a) Agir en opposition à une loi, à une règle. Synon. contrevenir à, enfreindre, manquer à, transgresser.Violer les commandements, la constitution, la grammaire. Assassins, sacrilèges, Vous violez les loix dans leurs saints privilèges! (Laya, Ami loix, 1793, V, 3, p. 107).Rien à vous reprocher, mon petit? Si. Réfléchissez un peu. D'abord, vous avez violé la règle du jeu (Duhamel, Combat ombres, 1939, p. 257).
b) Agir à l'encontre de quelque chose que l'on doit respecter. Violer la neutralité, la paix; violer un engagement, les principes, un secret, un serment, un traité, des vœux. Là se trouvaient des choses qu'il y avait jetées, les confiant à la discrétion de son tiroir, mais qu'il n'aurait voulu rendre publiques à aucun prix; ce n'est pas moi, certainement, qui violerai cette réserve en révélant leur contenu (Warcollier, Télépathie, 1921, p. 336).
2. [Le compl. d'obj. désigne un lieu]
a) Ne pas respecter le caractère sacré de quelque chose. Synon. profaner, souiller.Violer une sépulture. Le bonheur n'est pas fait pour nous: téméraire, tu as violé le temple du Seigneur (Cottin, Mathilde, t. 2, 1805, p. 278).Chez nous, en 1793, on viole le tombeau du roi Dagobert, après avoir brisé sa statue (Morand, Londres, 1933, p. 217).
Littér. [Le compl. d'obj. désigne un espace vierge, un sanctuaire naturel] Existe-t-il des admirateurs de Guérin, parmi ces hommes dont les moteurs violent le silence des espaces infinis? En descendant d'un avion, qu'aurait pensé Maurice? (Mauriac, Journal 3, 1940, p. 240).
En partic. Pénétrer militairement de manière illégale dans un pays. Si mon pays avait attaqué l'Allemagne, surpris sa frontière, violé la Belgique... (Giraudoux, Suzanne, 1921, p. 161).
[P. méton. du compl. d'obj.] La nouvelle que les Allemands avaient violé la frontière, avait commencé de courir (Joffre, Mém., t. 1, 1931, p. 237).
b) Ouvrir, pénétrer avec effraction. Ouvrez, ou j'enfonce la porte.En voilà une sévère: nous sommes en plein Congo. Qu'on vienne encore vanter les autorités! voilà de leurs coups; on viole les domiciles des citoyens à une heure après minuit. Es-tu mort, Jérôme?Non, Malvina, mais peu s'en faut, lui dis-je. (...) j'avais à peine prononcé ces mots, que les panneaux de la porte volèrent en éclats (Reybaud, J. Paturot, 1842, p. 143).
P. métaph. À cause de la vaste surface vitrée, l'appartement était littéralement violé par la lumière: il n'y avait pas de persiennes (Camus, Exil et Roy., 1957, p. 1632).
Prononc. et Orth.: [vjɔle], (il) viole [vjɔl]. Att. ds Ac. dep. 1694. Étymol. et Hist. 1. 1100 « ouvrir, pénétrer dans un lieu sacré ou protégé par la loi » (Roland, éd. J. Bédier, 1524); 1623 violer les tombeaux (J. Auvray, Le Banquet des muses, 271); 1739 violer l'asyle d'un couvent (Marquise Du Tencin, Le Siège de Calais, 28); 1837 violer le domicile (Balzac, Corresp., p. 326); 2. ca 1155 « agir en opposition à quelque chose; transgresser » (Wace, Brut, éd. I. Arnold, 10063: la trive eüssent violee); 1558 violer la loy (Du Bellay, Les Regrets, 134, éd. J. Jolliffe, p. 209); 1580 violer des preceptes (R. Garnier, Antigone, 1822 ds IGLF); 1671 violer le secret de (Le Père D. Bouhours, Entretiens Aristide et Eugene, 94); 3. ca 1170 « abuser d'une femme » (Quatre Livres des Rois, éd. E. R. Curtius, p. 82). Empr. au lat.violare « traiter avec violence », « violer », « profaner, outrager », dér. de vis « force, violence ». Fréq. abs. littér.: 1 236. Fréq. rel. littér.: xixes.: a) 2 340, b) 1 355; xxes.: a) 2 260, b) 1 169.
DÉR. 1.
Violable, adj.,rare. Qui peut être violé. a) [Corresp. à supra A] Je restais donc avec lui, Madeleine et trois bonnes, dont une Alsacienne qui ne parle pas un mot de français, et deux jeunes filles du pays, violables à merci (Gide, Corresp.[avec Valéry], 1914, p. 443).b) [Corresp. à supra B] Cette sépulture des marins n'est plus violable par aucune main humaine (Loti, Mon frère Yves, 1883, p. 369). [vjɔlabl̥]. 1reattest. 1380 (Roques t. 2, no13268); de violer, suff. -able*.
2.
Violement, subst. masc.,vx. a) Synon. de viol (v. ce mot A ). (Dict. xixeet xxes.).b) Synon. de violation (ibid.). [vjɔlmɑ ̃]. Att. ds Ac. 1694-1878. 1resattest. a) 1316-28 « violation » (Ovide Moralisé, V, 1554, éd. C. De Boer, t. 2, p. 221), b) 1559 « viol » (Marguerite de Navarre, Heptameron, 44 ds Hug.), 1704 Trév. note ,,En ce sens on dit plutôt viol``; de violer, suff. -ment2*.
3.
Violeur, -euse, subst.Personne qui commet ou a commis un viol. a) [Corresp. à supra A] Comment d'homme pieux, il devint soudain satanique, d'homme érudit et placide, violeur de petits enfants, égorgeur de garçons et de filles (Huysmans, Là-bas, t. 1, 1891, p. 82).b) [Corresp. à supra B] Sortez d'ici... voleurs d'âmes... Sortez d'ici, violeurs de consciences... Sortez d'ici, crocheteurs de portes des moribonds! (Maupass., Contes et nouv., t. 2, Marquis de F., 1886, p. 70). [vjɔlœ:ʀ], [-ø:z]. 1resattest. a) 2emoit. xiies. violeres « qui fait violence; bourreau » (Adgar, Le Gracial, éd. P. Kunstmann, p. 252, vers 151), b) ca 1350 id. « qui fait violence à une femme » (Jehan d'Arkel, Li Ars d'Amour, II, 95, Petit ds Gdf.), c) 1361 « celui qui transgresse quelque chose » (Ordonnances des Rois de France, t. 3, p. 562: violeurs ou trespasseurs de nostre presente sauve-garde), d) fin xives. violeur de moustiers (Eustache Deschamps, Balade de Moralité, éd. De Queux de St Hilaire, t. 1, p. 76); de violer, suff. -eur2*.