| VIOLET, -ETTE, adj. et subst. masc. I. − Adj. D'une couleur qui parmi les couleurs fondamentales du spectre, en constitue l'une des limites visibles et rappelle la couleur de la fleur nommée violette. A. − [Violet est inhérent à la qualité, à la nature, à la fonction du qualifié] 1. Qui est tout ou partie de cette couleur. Lueur, nuance, teinte violette. Peu à peu le jour tombait; ses couleurs violettes et orangées se perdaient insensiblement dans la blancheur du ciel, qui commençait à s'éclairer de la lune levante (Flaub., 1reÉduc. sent., 1845, p. 228).V. améthyste ex. 4, bleu ex. 1. − [En parlant d'une couleur] Qui tire sur le violet. Gris, rose violet. Au loin, un fouillis et une confusion de ramures maigres, qui se perdent dans un rouge violet (Goncourt, Journal, 1867, p. 390).Les bleus violets de l'iris et des profondes eaux (Lhote, Peint. d'abord, 1942, p. 70). a) [En parlant d'un élément naturel] Des joyaux de couronnes royales: l'améthyste violette et la pâle turquoise (Courteline, Train 8 h. 47, 1888, p. 166). − En partic. [En parlant d'une fleur, d'un fruit ou d'un légume, p. oppos. à d'autres variétés voisines mais d'une autre couleur] Agaric, artichaut, chou, iris, navet, trèfle violet; fleur, pêche, prune violette. Les tristes et charmantes fleurs de l'automne, les colchiques violets (Barrès, Colline insp., 1913, p. 162). b) [En parlant d'un objet fabriqué, d'un élément de décoration] Velours violet. Jean Negroni sauva la situation en apportant au dernier moment les rideaux violets de sa grand-mère! (Serrière, T.N.P., 1959, p. 111). − [P. méton.; en parlant d'un lieu où cette couleur domine] Salon violet; chambre, pièce violette. Il lui avait dit le secret du boudoir violet, et quelle absence de vanité, quel dédain de l'orgueil, que de bonhomie dans la puissance! (Péladan, Vice supr., 1884, p. 204). 2. En partic. [Le violet comme couleur caractéristique] a) [dans la liturg. cath. (notamment Avent, Carême, funérailles), de l'habit de chœur des évêques et des prélats] Camail, chapeau, manteau violet d'évêque, de prélat; robe, soutane violette d'évêque. Des mollets d'évêque à bas violets bien tendus (Mussetds Le Temps, 1831, p. 86).Jadis les gants violets des Révérendissimes De la Théologie en conciles cités, Et l'évêque d'Hippone attelant ses victimes Au char du Jaggernaut Œcuménicité (Laforgue, Imit. Lune, 1886, p. 268).V. étole ex. 1.[Comme nom de couleur] Ce printemps et cet été la mode est aux imprimés (...). Les couleurs s'appellent blanc écru, rouge framboise, bleu delft, violet évêque, vert menthe (Le Point, 15 mars 1976, p. 81). − Loc. verb. fig., rare. Chausser, porter les bas violets. Être (nommé) évêque. − C'est un excellent prêtre. Soldat, il aurait fait un excellent soldat. Mais le général demanda brusquement: − Eh bien! que puis-je faire pour lui? − L'aider à chausser les bas violets, qu'il a bien mérités, mon général. Sa candidature à l'évêché vacant de Tourcoing est posée (A. France, Orme, 1897, p. 60). − P. ell. Les dimanches violets où l'on n'entend plus le Gloria in excelsis (Huysmans, En route, t. 2, 1895, p. 251). − [P. méton.; en parlant d'un membre du clergé, en partic., d'un évêque, qui porte des vêtements violets] Évêque, prélat violet. Moi, j'écoutais, pensif, un profane couplet Que fredonnait dans l'ombre un abbé violet (Hugo, Contempl., t. 1, 1856, p. 140).Mgr Labouré, tout violet, passa, en compagnie du curé de Saint-Michel (Guéhenno, Journal homme 40 ans, 1934, p. 43). ♦ Bas violet. Membre du clergé; évêque, prélat. Puisque tu acceptes jusqu'à nouvel ordre le parti des bas violets, le comte, qui connaît bien l'Italie actuelle, m'a chargé d'une idée pour toi (Stendhal, Chartreuse, 1839, p. 117). − P. méton. [En parlant d'un groupe de pers.] Qui a rapport au clergé, à l'Église. L'événement: le deuxième symposium des évêques européens, ce que certains ont déjà appelé « l'Europe violette » (Le Nouvel Observateur, 14 juill. 1969, p. 12, col. 1). b) [de diverses décorations de l'ordre des Palmes académiques] Un homme très bien, ce Dupont-Vernon, décoré des palmes violettes, professeur dans un collège, un homme du monde, enfin (Renard, Journal, 1890, p. 61).Le petit professeur était ce soir particulièrement de bonne humeur. Il avait une rosette violette neuve (Benoit, Atlant., 1919, p. 192).V. ruban ex. de Gourmont. B. − [Violet n'est pas inhérent à la qualité, à la nature, à la fonction du qualifié] Synon. violacé. 1. [En parlant de la couleur de la peau congestionnée par défaut d'oxygénation du sang] a) [sous l'effet d'une cause phys. ou physiol.: froid, alcool, coups] Cernes violets; joues, lèvres violettes. Les élèves se plaignaient du froid (...). La classe se passa ainsi. M. Delteil rentra chez lui avec le nez violet et les yeux rouges (Champfl., Souffr. profess. Delteil, 1853, p. 134).Quand il dort, le bout de son nez, ses pommettes et ses ongles deviennent violets. Le sang n'y va plus (Renard, Journal, 1897, p. 415).V. livide ex. 1. ♦ Violet de + compl. indiquant la cause de cet aspect.Ses pieds nus, (...) tout violets de froid, frissonnaient sur les dalles (Lamart., Jocelyn, 1836, p. 672). − PATHOL. [Sous l'effet de certaines maladies ou en état de mort] Plaques violettes. Et j'aurais cru qu'il dormait, si son visage n'eût été violet, violet affreusement, de ce violet sinistre qu'ont les aubergines (Mirbeau, Journal femme ch., 1900, p. 20).Tu es violet, congestionné, apoplectique et l'on dirait que ton ventre va crever. Je ne t'en donne pas pour un mois si tu restes plus longtemps ici (Cendrars, Bourlinguer, 1948, p. 43). ♦ P. méton. [En parlant d'une affection] Qui se caractérise par une coloration plus ou moins violette de la peau. C'était là [ces taches bleutées] le stigmate suprême et sûr du mal, et d'où on lui avait donné son nom de peste violette (Richepin, Contes décad. romaine, 1898, p. 32). b) [sous l'effet d'une cause psychol., d'une vive émotion, en partic., la colère] Être tout violet. Papa ne se contrôlait plus. Ce lymphatique devint violet. − Je dis que tu nous casses les oreilles. Laisse ces enfants tranquilles et fous-moi le camp dans ta chambre (H. Bazin, Vipère, 1948, p. 70). ♦ Violet de + compl. indiquant la cause de cet aspect.Être violet de honte, de peur, de rage. − Oui!... − me criait, violette de colère, en brandissant son parapluie, Mademoiselle Marie, (...) j'avertirai Madame Garabis... je lui répéterai toutes vos insolences, toutes! (Gyp, Souv. pte fille, 1928, p. 331). − Fam. [En parlant d'une émotion, d'un sentiment; souvent dans un cont. métaph.] Qui est très vif, intense et se traduit par une coloration violette du visage. Sachez attendre, (...) une gaîté violette teindra vos propos et vos pas (Butor, Passage Milan, 1954, p. 214). 2. Littér. Violet de + subst. indiquant la cause de cet aspect.Dont la teinte violette est donnée par la présence d'éléments naturels ayant cette couleur. Montagnes stériles, quelques-unes boisées, d'autres toutes violettes de thym (Michelet, Journal, 1843, p. 531).Les fins d'étés surtout étaient délicieuses là-bas, quand les plaines devenaient toutes violettes de crocus, au pied des bois déjà jaunis (Loti, Rom. enf., 1890, p. 275). C. − Loc. et expr., vx. Voir des anges violets. V. ange II C.Contes violets. ,,Des contes qui n'ont pas de vraisemblance, des choses qu'on n'a vues que dans les éblouissements`` (Littré). Synon. contes bleus (v. conte).Faire (du) feu violet. ,,Faire quelque chose qui éclate d'abord, où il paraît de la vivacité, et qui se dément bientôt`` (Ac. 1878, 1935). II. − Subst. masc. A. − La couleur violette. 1. Caractère de ce qui est violet. Aimer le violet. Le violet d'un gros nuage de pluie (Goncourt, MmeGervaisais, 1869, p. 109).Un grand lac d'un violet intense, à se demander si ce n'était pas là un vaste parterre de violettes (Montherl., Lépreuses, 1939, p. 1475).V. aubergine ex. 1, 5. − Au plur. Nuances de violet. Les violets de l'aube. De vastes horizons pleins de tous les violets du soir (Malègue, Augustin, t. 2, 1933, p. 244). Rem. Une nuance partic. de la couleur peut être précisée (dans tous ces cas violet est inv.). a) [Par un adj.]
α) Violet clair, foncé, pâle, passé, sombre, vineux. La mode de croisière en ce printemps frileux est aux grands carreaux sans aucun doute: jaunes sur lie de vin, bleu électrique sur vert pistache, cyclamen sur violet épiscopal (Réalités, avr. 1975, p. 86, col. 1).
β) [Par un adj. de couleur précédé parfois d'un trait d'union] Violet(-)bleu, gris, rouge, pourpre, noir. b) [Par un subst. apposé précédé parfois d'un trait d'union] Violet(-)aubergine, cyclamen, évêque, lilas. c) [Par un subst. complét.] Violet d'agathe, de figue, d'évêque. 2. Matière colorante servant à teindre ou à peindre en violet. Violet animal, minéral, végétal; violet d'alizarine, d'aniline, de campêche, de garance. Violet de cobalt. ,,Nom donné à plusieurs pigments obtenus: 1) par calcination d'un mélange d'un sel de cobalt et de phosphate de sodium ou de phosphate de zinc; 2) par calcination du produit obtenu en précipitant par un arséniate alcalin une solution d'un sel de cobalt. Pigment pour celluloïd, très solide`` (Delorme 1962). Violet d'outremer. ,,Bleu d'outremer traité par le chlore; pigment pour peintures`` (Delorme 1962). 3. En partic. a) [Le violet comme couleur caractéristique]
α) [de la liturg. cath., de l'habit de chœur des évêques et des prélats, du demi-deuil] Naguère, ô jour pensif qui pour mes yeux d'enfance Apparaissait sous la forme d'une nuance: Je le voyais d'un pâle et triste violet, Le violet du demi-deuil et des évêques, Le violet des chasubles du temps pascal (Rodenbach, Règne sil., 1891, p. 114).V. avent ex. 3.
β) [de diverses décorations de l'ordre des Palmes académiques] Le violet n'est pas seulement la couleur des évêques, il est aussi la couleur de l'enseignement primaire. Un gilet noir. Une longue redingote noire, bien droite, bien tombante, mais deux croisements de palmes violettes aux revers (Péguy, Argent, 1913, p. 1115). b) [En parlant de la couleur de la peau provoquée par une cause phys., physiol. ou psychique due à une mauvaise oxygénation du sang] − Tante Félicia, à l'hospice? Elle avait réussi à le mettre hors de lui. Les couperoses de ses joues passèrent du rouge au violet. − Moi vivant − cria-t-il d'une voix aiguë − tante Félicia ne quittera pas la maison de famille (Mauriac, Myst. Frontenac, 1933, p. 29). c) CH. DE FER. ,,Le violet est la couleur caractéristique des signaux d'arrêt sur les voies de service des chemins de fer`` (Lexis 1975). B. − P. méton. 1. Vêtements de couleur violette; ornements violets. Être tout en violet; pièce tendue de violet. La robe rouge que porte l'Archevêque de Meurtre dans la Cathédrale a toute une histoire. Gischia avait d'abord conçu le costume en violet, dans le ton épiscopal actuel. L'Archevêque apparut donc en violet dans la cathédrale du Vieux Colombier (Serrière, T.N.P., 1959, p. 111). 2. Spécialement a) BOT. Violet (d'évêque, pourpre). Champignon au chapeau violet, du genre cortinaire. Le violet est un champignon délicat (Colette, Képi, 1943, p. 92).Violet de Rennes. ,,Variété de topinambour, de haut rendement à l'hectare`` (Vauge 1980). Pour épargner à ce turbercule new look la désastreuse image de marque du topinambour de grand-papa, on a même pris soin de le rebaptiser: on parlera désormais du « violet de Rennes » (Le Nouvel Observateur, 21 janv. 1980, p. 48, col. 1). b) ÉBÉN. Synon. de bois de violette*. (Dict. xixeet xxes.). c) ZOOL. Variété de mollusque gastéropode comestible. J'ai signalé mon goût pour les fruits de mer. (...) le « violet » (...) ressemble extérieurement à une truffe, mais son intérieur, d'un rouge sanguinolent, exhale l'âcre arome de toutes les rosées de Neptune (Jammes, Mém., 1923, p. 36). 3. Au fig., littér. [À propos d'un son] Caractère étouffé, obscur, monocorde d'un son. [Le Credo] s'avançait, chanté à l'unisson, déroulait la lente procession des dogmes, en des sons étoffés, rigides, d'un violet presque obscur (Huysmans, En route, t. 2, 1895, p. 218). REM. Violir, verbe,rare, littér. a) Empl. trans., le plus souvent au passif. Des poivrots (...) avec des yeux fripés et des mâchoires violies par le gros vin (Huysmans, Sœurs Vatard, 1879, p. 24).b) Empl. intrans. Devenir violet. Au crépuscule, elle [la cathédrale de Chartres] se bleute, puis paraît s'évaporer à mesure qu'elle violit (Huysmans, Cathédr., 1898, p. 355). Prononc. et Orth.: [vjɔlε], fém. [-εt]. Att. ds Ac. dep. 1694. Étymol. et Hist. A. Adj. 1. 1228 « de la couleur de la variété la plus caractéristique des fleurs appelées violettes » (Jean Renart, G. de Dole, éd. F. Lecoy, 4344: une escarlate violette); 1323 masc. vyolei (Compt. de bijoux, 3ecart. de Hainaut, pièce 132, A. Nord ds Gdf. Compl.); 1456 masc. violet (Antoine de La Sale, Jehan de Saintré, éd. J. Misrahi et Ch. A. Knudson, p. 99); 2. 1643 spéc. « dont la peau a pris des teintes violettes par la congestion » (Tristan L'Hermite, Le Page disgracié, éd. A. Dietrich, p. 74), cf. aussi couleur ... violette (d'une partie du corps blessée) (A. Paré,
Œuvres, IX, II, éd. J.-Fr. Malgaigne, t. 2, p. 145); 3. 1648-52 contes violets (Scarron, Virgile travesti, V ds
Œuvres, J.-F. Bastien, Paris, t. 4, 1786, p. 318; cf. Leroux, Dict. comique, p. 533: On appelle contes violets; des contes qui n'ont point de vraisemblance, des choses qu'on n'a veuës que dans des éblouïssements); 1648-52 feu violet (Scarron, op. cit., IV, p. 199); 1718 voir des anges violets (Leroux, op. cit., p. 539). B. Subst. 1. 1280 violete « couleur de violette » (Clef d'Amour, éd. A. Doutrepont, 2342); 1495 couleurs de blanc et violet (Andrieu de La Vigne, Le Voyage de Naples, éd. A. Slerca, p. 172, vers 1582); 2. 1539 « matière colorante donnant une telle couleur (ici, issue du murex) » (Est.); 3. 1680 porter le violet (Rich.); 1686 spéc. prendre le violet « porter des vêtements violets en signe de deuil » (Ph. de Dangeau, Journal, t. 1, p. 436); 4. 1740 violet d'Évêque (L. B. Castel, L'Optique des couleurs, 89 ds Quem. DDL t. 20); 1829 violet-évêque (J. dames et modes, p. 475); 5. 1913 « couleur du ruban des palmes académiques » (Péguy, loc. cit.); 6. 1870 « coloration sous l'effet de la congestion » (Goncourt, Journal, p. 568). C. P. méton. 1. 1768 « monsignore » (Voltaire, La Princesse de Babylone ds Contes et romans, éd. Van Tieghem, p. 165); 1836 arg. « évêque » (Vidocq, Voleurs, t. 2, p. 290); 2. 1876 conchyliol. (Lar. 19e). Formé sur violette*. Fréq. abs. littér.: 659. Fréq. rel. littér.: xixes.: a) 428, b) 1 270; xxes.: a) 1 300, b) 974. Bbg. Gohin 1903, p. 251 (s.v. violir). − Quem. DDL t. 16, 20, 21, 33. |