| VEULE, adj. Littéraire A. − 1. [En parlant d'une pers.] Qui manque de force, d'énergie (physique ou morale); qui n'a aucune volonté. Synon. amorphe, apathique, faible, lâche, mou; anton. décidé, énergique, ferme1, volontaire.Personne veule. Elles (...) s'abattaient fourbues et veules sur les divans (Huysmans, Marthe, 1876, p. 124).Comment je l'explique, sa désertion? Mais parce que c'est le type le plus lâche, le plus veule qu'on puisse imaginer! (Vercel, Cap. Conan, 1934, p. 158). − [P. méton. du déterminé] Votre dix-neuvième siècle est veule. Il manque d'excès. Il ignore le riche, il ignore le noble. En toute chose, il est tondu ras (Hugo, Misér., t. 2, 1862, p. 615). − P. anal. [En parlant d'un animal] Ce voyageur ailé, comme il est gauche et veule! (Baudel., Fl. du Mal, 1859, p. 15). − Empl. subst. « Je ne m'appartiens pas! » soupirent les veules. Mais moi, justement, je veux m'appartenir sans cesse (Montherl., Démon bien, 1937, p. 1339).Goût du risque et de l'aventure poussé jusqu'à l'amour de l'art, mépris pour les veules et les indifférents (De Gaulle, Mém. guerre, 1954, p. 79). 2. Qui témoigne de ce défaut, de cette faiblesse. Air, bouche, visage veule. Je ne veux plus voir ce regard terne et veule dans son œil (Giraudoux, Électre,1937,II, 8, p. 200).Qu'elle vienne donc, la guerre, qu'elle vienne mater mes yeux, les enfoncer dans leurs orbites, qu'elle leur montre enfin des corps souillés saignants, désarticulés, qu'elle m'arrache à l'éternel, aux veules petits désirs éternels (Sartre, Sursis, 1945, p. 105). B. − [En parlant d'une chose] 1. a) Qui manque de rigueur. Relever les quelques défauts d'exécution de ce marbre, un peu trop de mollesse, une absence de fermeté [dans une statue de Bartolini] ; bref, certaines parties veules et des bras un peu grêles (Baudel., Salon, 1845, p. 79).C'est l'herbier du botaniste où ce qui fut la fleur vivante et colorée, souple et baignée d'air fluide, n'est plus qu'une pauvre chose aplatie et grise, séchée et veule (Bourget, Ét. angl., 1888, p. 164). b) Qui est mou, sans tranchant, imprécis. Comme ces grands paysages qui s'étalent derrière sont veules et mous! (Castagnary, Salons, t. 1, 1869, p. 363).À travers les rameaux écartés et la résille des branches nues ils apercevaient toujours les espaces fades, les formes veules de cette montagne échinée et lugubre sous le ciel blanc (Giono, Hussard, 1951, p. 277). − Au fig. Sans caractère saillant. Mais eux (...) la trouvaient falote [la chanteuse], et, tout au plus, drôle... Drôle! cette épithète veule, inconsistante et molle qu'ils appliquent à tout maintenant (Lorrain, Phocas, 1901, p. 74).Elle connaissait l'écriture veule et négligente de François (L. Daudet, Mésentente, 1911, p. 202). 2. Spécialement a) AGRICULTURE − [En parlant de végétaux] Qui est chétif, grêle, qui s'affaisse. Arbre, tige veule. Branches veules (Ac.). − [En parlant du sol] Terre veule. ,,Terre manquant de maintien, trop légère ou meuble, où les plantes ne peuvent prendre racine`` (Plais.-Caill. 1958). b) PEAUSS. Poils veules. Poils qui n'ont pas la propriété de se feutrer d'eux-mêmes. (Dict. xixeet xxes.). c) TEXT. [En parlant d'un tissu, d'une étoffe] Qui est insuffisamment drapé, peu fourni en laine (Dict. xixeet xxes.). REM. Veulement, adv.D'une manière veule, sans énergie. Veulement adossé, il la couve d'un regard allumé (Colette, Vagab., 1910, p. 289).V. bêtot dér. s.v. bête2ex. de Goncourt. Prononc. et Orth.: [vø:l], [vœl]. Att. ds Ac. dep. 1740. Étymol. et Hist. 1. 1202 veule « volage, frivole » (Jean Bodel, Congés, 134 ds Les Congés d'Arras, éd. P. Ruelle, p. 90: Anuis, qui m'estoupes la gueule Qui tant fu anuieuse et veule); 2. a) 1567 terroir veule « terre trop légère » (J. Gohory, Les Occultes merveilles et secretz de nature, p. 188: Des terroirs dont l'un est [...] veule, et dont la terre s'esmie comme poudre); 1570 terre veule (Estienne-Liébault, Maison rustique, 85a ds Fonds Barbier: si la terre demeure veule); 1701 branche veule (Fur.); 1767 arbre veule (R. Schabol, Dict. pour la théorie et la pratique du jard. et de l'agric., p. 526 ds FEW t. 14, p. 617a); b) 1723 se dit des étoffes mal fabriquées, insuffisamment frappées, ou trop peu fournies de laine (Savary t. 2, p. 1896: un drap, une serge veules); 1723 castor veule (ibid., t. 1, p. 588); 1806 peauss. (Tenon, Mém. sur les causes de quelques maladies qui affectent les chapeliers ds Mém. de la classe des sc. math. et phys. de l'Inst. nat. de France, juill., p. 113: ces poils de nature feutrante [...] que l'on appelle veules ou souples); 3. a) 1611 « faible, chétif » (Cotgr.); 1660 (Oudin Esp.-Fr., s.v. flóxo); b) 1824 adj. et subst. (F. A. Le Mière de Corvey, Liste alphabétique de quelques mots en usage à Rennes ds Mém. de la Sté des Antiquaires de France, t. 6, p. 272: Veule, pour fatigué, mou, énervé. On dit: les bains me rendent veûle; ou bien, regardez ce grand veûle, pour ce grand homme mou); 1844 subst. « homme mou, sans énergie » (Balzac, Paysans, p. 238: vous êtes des veules et des drogues); 1850 adj. « qui n'a aucune énergie, aucune volonté » (Id., Pts bourg., p. 24: elle lui reprocha bientôt d'être veule); 1876 se dit de ce qui témoigne de ce défaut (Richepin, Chans. gueux, p. 240: voix veule). Orig. obsc. Prob. d'un lat. pop *volus « volant, léger » (cf. Thomas (A.) Mél. Étymol.2, pp. 214-215; FEW t. 14, pp. 617-618) issu de volare (voler1*). Une autre étymol., tirée du lat. et b. lat. volvola, vulvula, volvulus « liseron », a été proposée par J. Chaurand (Romania t. 85, pp. 116-126). Fréq. abs. littér.: 88. Bbg. Spitzer (L.). French veule. Language. Baltimore 1944, t. 20, pp. 242-245. |