| VESTIGE, subst. masc. A. − Vieilli ou littér. Empreinte que laisse sur le sol le pied de l'homme ou de l'animal. Synon. trace.Il fallait qu'elle supportât le poids du pied et cependant qu'elle en retînt l'empreinte: juste comme une sente des bois garde le vestige errant d'une bête sauvage, l'ongle à peine marqué (Pesquidoux, Livre raison, 1928, p. 141). ♦ [Dans un cont. métaph.] Chacune [de ces vérités] a mis solidement le pied dans le vestige laissé par la précédente. Chacune prend possession à son tour de la position présidente (Claudel, Visages radieux, 1947, p. 773). − P. anal. Qui sait où tu ne serais pas exposé, un jour, à rencontrer le vestige de ta main et le sceau de ton pouce, si, chaque nuit, avant de t'endormir, tu prenais soin d'enduire tes doigts d'une encre grasse et noire? (Claudel, Connaiss. Est, 1907, p. 66). − Expr. fig., vieilli. Suivre les vestiges de qqn. Imiter sa conduite. Il a suivi les vestiges de ses aïeux (Ac. 1798-1878). Jusqu'à quand suivrons-nous les coupables vestiges De nos maîtres pervers? (Fontanes,
Œuvres, t. 1, Odes et poèmes, 1821, p. 151). B. − P. ext. 1. Trace laissée par quelqu'un ou par quelque chose. Aucun vestige; pas le moindre vestige de. On voyait même, affreux vestige, une trace de balle dans un mur à Mittenwald (Giraudoux, Siegfried et Lim., 1922, p. 123).Il voulait, à tout prix, trouver quelque chose de Suzanne, une trace, un vestige, un souvenir indiscutable. Il finit par découvrir (...) une longue épingle à cheveux (Duhamel, Suzanne, 1941, p. 281). − Au fig. Marque, sceau. Toutes choses, par cela seul qu'elles existent, qu'elles obéissent à une loi, qu'elles concourent à un ordre déterminé, portent comme un vestige du Père, du Verbe, et de l'Esprit. Dans les créatures intelligentes, ce vestige, dont elles ont conscience, est plus reconnaissable, et devient image (Ozanam, Philos. Dante, 1838, p. 249).À la qualité de vestige divin, que Schubert a reconnue au rêve, s'ajoute un aspect tout opposé, qui le fait apparaître comme inférieur à la veille (Béguin, Âme romant., 1939, p. 116). ♦ THÉOL. Sceau, empreinte de Dieu dans chacune de ses créatures (d'apr. Foi t. 1 1968). Depuis S. Augustin, la théologie présente comme vestiges universels de la Trinité: la substance, la forme et l'ordre que l'on trouve en chaque chose, ou bien encore la mesure, le nombre et le poids que l'on trouve également en chaque chose (Foit. 11968). 2. Le plus souvent au plur. a) Ce qui reste d'une chose disparue ou qui a été détruite. Il existe (...) à l'est et à l'ouest de Castelnaudary des vestiges d'étangs, des nappes de sable et des graviers presque à fleur de sol, indiquant une ancienne stagnation (Vidal de La Bl., Tabl. géogr. Fr., 1908, p. 354).Abeille, or bourdonnant qui dans l'azur trébuches, Ils [les Allemands] ne sont pas vainqueurs si tu flottes encor, Dernier petit vestige ailé de l'âge d'or! (Rostand, Vol Marseill., 1918, p. 41). − En partic. Restes plus ou moins reconnaissables de monuments, d'une activité humaine. Synon. ruines (v. ruine), traces (v. trace).Vestiges d'un château, d'une ancienne abbaye; vestiges d'un mur. Il reste encore des vestiges de camps romains en cet endroit (Littré). On découvre toute la ville assise sur un socle de roche, derrière les vestiges de ses vieux remparts (T'Serstevens, Itinér. esp., 1963, p. 255).V. plaid1B 1 a ex. de Proudhon. b) Ce qui reste d'un groupe d'hommes, d'une société. Il dénicha deux hommes, puis trois hommes, puis quatre autres dont un sergent (...) et qui représentaient les vestiges qui d'une escouade, qui d'une demi-section (Romains, Hommes bonne vol., 1938, p. 64). c) Ce qui reste d'une chose abstraite. Synon. souvenir2.Vestiges de grandeur, de magnificence; vestiges d'un amour éteint. Les derniers vestiges de cette révolution sont effacés (Ac.1935).C'est Sienne surtout, l'école mystique, qui (...) alluma le foyer vénitien destiné pourtant à dévorer le dernier vestige du mysticisme en Italie (Faure, Hist. art, 1914, p. 428). − P. plaisant., fam. [Chez une femme] De beaux vestiges. Des restes de beauté. Synon. de beaux restes (v. reste II B 3).C'est drôle! comme demoiselle, je lui trouve de moins beaux vestiges (Labiche, Suites 1erlit, 1852, 12, p. 440). C. − Arg., au plur. Légumes secs, pois, haricots (d'apr. Esn. 1966). On vous sert une galtose [« gamelle »] où quat' vestiges s' battent en duel (Bruant1901, s.v. légumes). Prononc.: [vεsti:ʒ]. Att. ds Ac. dep. 1694. Étymol. et Hist. 1. a) 1377 vestige « marque, reste d'une entité, d'une action » (Oresme, Livre du Ciel et du Monde, éd. A. D. Menut et A. J. Denomy, p. 56); b) 1488 [éd.] vestiges plur. « reste d'une chose détruite, disparue; ruine » (La Mer des Histoires, I, fo186 vo); 2. 1441 vestigies plur. « traces de pas » (Traité d'Emm. Piloti ds Chevalier au Cygne, I, 319 ds Gdf. Compl.); ca 1488 vestiges (Sottie des Coppieurs et Lardeurs, 341 ds Rec. Trepperel, p. 174). Empr. au lat.vestigium, propr. « trace du pied », d'où en gén. « trace ». Fréq. abs. littér.: 541. Fréq. rel. littér.: xixes.: a) 1 126, b) 484; xxes.: a) 572, b) 735. Bbg. Barb. Misc. 28 1944-52, pp. 356-357. |