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VERTIGE, subst. masc.
A. −
1. Sensation donnant à une personne l'illusion que son corps ou que les objets environnants sont animés d'un mouvement de rotation ou d'oscillation. Synon. éblouissement, étourdissement, tournis (pop., fam.).Léger, petit vertige; vertige de la valse, de la vitesse. Elle s'en alla, dans un vertige qui faisait tourner les meubles autour d'elle; tandis que ces mots prononcés par Mmede Guiraud retentissaient à ses oreilles sonnantes (Zola, Page amour, 1878, p. 1007).
Littér., poét. J'écrivais des silences, des nuits, je notais l'inexprimable. Je fixais des vertiges (Rimbaud, Saison enfer, 1878, p. 228).Ah! cesse de pencher Vers mon front tes cheveux où l'azur étranger D'un ciel de rêve a répandu son bleu vertige (Gide, Corresp.[avec Valéry], 1891, p. 60).
2. Sensation angoissante de perte d'équilibre et de chute éprouvée au-dessus du vide qui semble exercer une attraction irrésistible. Vertige des abîmes, du vide; impression, moment, sensation de vertige; peur du vertige; le vertige prend, saisit, cesse, se dissipe; être pris de vertige; être en proie au vertige. Toi, quand nous sommes montés sur le pont transbordeur, tu n'osais pas regarder en bas, tu avais le vertige, il te semblait que tu allais tomber (Pagnol, Marius, 1931, II, 6, p. 147).Lewis se mit à rire: « Je ne vous ai jamais dit que j'ai un vertige terrible dès que je suis à deux mètres du sol? Je suis monté sans m'en apercevoir, mais je ne pourrai jamais descendre (...) » (Beauvoir, Mandarins, 1954, p. 428).
Donner le vertige. Donner le tournis (par sa hauteur, sa profondeur, son mouvement). Un vieil ours pelé (...) revenait et refaisait trois petits pas et ainsi de suite, indéfiniment, à donner le vertige (Alain-Fournier, Corresp.[avec Rivière], 1906, p. 8).
P. métaph. L'amour, où glissent les âmes, Est un précipice; on a Le vertige au bord des femmes Comme au penchant de l'Etna (Hugo, Chans. rues et bois, 1865, p. 158).
3. Spécialement
a) PATHOL., usuel. Sensation accompagnée de troubles divers (nausée, vomissement, perte d'équilibre, surdité) due à certaines affections du système nerveux central ou à des troubles de l'oreille interne. Vertige auriculaire, laryngé, stomacal; vertige de position; avoir des vertiges au lever. Mon état de santé alla empirant (...), des vertiges m'obligeaient à demeurer longuement étendue dans le jardin (Daniel-Rops, Mort, 1934, p. 241).
b) PATHOL. ANIM. Vertige essentiel. Encéphalite chez le cheval. (Ds Littré-Robin 1855). Synon. vertigo.Vertige abdominal symptomatique. ,,Maladie intestinale du cheval`` (St-Riquier-Delp. 1975).
B. − État d'égarement ou d'étourdissement passager d'une personne dominée par une émotion intense ou placée dans une situation difficile. Vertige amoureux; vertige des sens; être pris de vertige. « Et pour les séductions du doute... Car c'est un reste de romantisme: on tire un peu vanité de son vertige, on se flatte de subir un tourment supérieur... »« Ça, pas du tout, Monsieur l'abbé », s'écria Antoine. « Je ne connais ni ce vertige, ni ce tourment, ni tous ces fumeux états d'âme, dont vous parlez (...) » (Martin du G., Thib., Mort père, 1929, p. 1382).Elle éteignit la lampe, et il était couché dans ces ténèbres comme au fond d'une mer dont il eût senti sur lui le poids énorme. Il cédait à un vertige de solitude et d'angoisse (Mauriac, Myst. Frontenac, 1933, p. 193).
Littér. Vertige de.Ivresse, tentation, aspiration à quelque chose. Vertige de la gloire, de la liberté, de l'orgueil. Tout le charme de l'existence la grisait, lui montait à la tête et l'étourdissait. Elle subissait le vertige du luxe, des toilettes, des bijoux et des réceptions, du théâtre et des soirées (Van der Meersch, Invas. 14, 1935, p. 471).
Expr. et loc. fig.
Vieilli, littér. Esprit de vertige. [D'abord dans la lang. biblique et relig.] Esprit de folie passagère, d'erreur ou d'aveuglement. Quand Dieu prépare (...) une de ces grandes calamités que sa colère envoie sur les peuples, un esprit de vertige les précède, et le sens humain est comme renversé (Lamennais, Religion, 1826, p. 249).Que se passe-t-il donc? quel esprit de vertige s'est emparé de ma paisible ville? Est-ce que nous allons devenir fous? (Morand, New-York, 1930, p. 279).
Donner le vertige. Impressionner fortement, exalter, étourdir. Cette pensée lui donne un peu le vertige. Il a besoin de s'arrêter encore (Romains, Hommes bonne vol.,1932, p. 116).C'était le beau temps des conférences (...), des premières communions sensationnelles, des mariages qui donnaient le vertige à des faubourgs entiers (Fargue, Piéton Paris, 1939, p. 86).Loc. adj. À donner le vertige. Très impressionnant. J'ai devant moi une vie toute neuve, qui me paraît immense, à donner le vertige (Martin du G., J. Barois, 1913, p. 341).C'est à donner le vertige. C'est fou, c'est terrible. Vu l'exposition des Primitifs français. Quelques pièces d'une beauté extraordinaire, mais en quel petit nombre! C'est à donner le vertige de penser qu'il en reste si peu (Bloy, Journal, 1904, p. 235).
Prononc. et Orth.: [vε ʀti:ʒ]. Att. ds Ac. dep. 1694. Étymol. et Hist. 1. 1611 « étourdissement passager où l'on croit voir les objets tourner autour de soi » (Cotgr.); 2. a) 1681 esprit de vertige « folie passagère d'inspiration divine » (Bossuet, Hist., III, 7 ds Littré); b) 1688 « trouble passager de l'esprit, égarement » (Miege); 3. 1782 « impression de chute qu'éprouvent certaines personnes au-dessus du vide » (Rousseau, Confessions, 1repart., livre 4 ds Œuvres compl., éd. B. Gagnebin et M. Raymond, t. 1, 1959, p. 173). Empr. au lat.vertigo « mouvement de rotation, tournoiement », « vertige, étourdissement, éblouissement » de vertere « tourner », « retourner, renverser », « changer, convertir, transformer ». Fréq. abs. littér.: 1 404. Fréq. rel. littér.: xixes.: a) 1 061, b) 2 024; xxes.: a) 2 212, b) 2 650.