| VERMEIL, -EILLE, adj. et subst. I. − Adjectif A. − [En parlant de couleur] Vieilli ou littér. 1. D'un rouge éclatant, légèrement plus foncé que l'incarnat et tirant sur le rouge cerise. a) [En parlant d'un inanimé concr., d'un élément de la nature, d'une matière première transformée, etc.] Fruit, horizon, poivron vermeil; aurore, brique, fleur, rose vermeille; teinte vermeille. Qu'était-ce que ce faune? On l'ignorait (...) On avait beau parler à l'églantier vermeil, Interroger le nid, questionner le souffle, Personne ne savait le nom de ce maroufle (Hugo, Légende, t. 2, 1859, p. 571).Inégalable, sans pareil, C'est lui [le fruit de la vigne] qui, pressé dans la tonne, Nous donne, au retour de l'automne, Le breuvage le plus vermeil, Le Vin! (Ponchon, Muse cabaret, 1920, p. 48).[Qualifie la couleur rouge] Des rameaux de houx, aux feuilles d'un vert intense, parmi quoi saignait le rouge vermeil des baies, reposent au pied de la croix (Genevoix, Seuil guitounes, 1918, p. 21). − En partic. [En parlant du sang] Le sang s'échappe en jet vermeil et saccadé (Nélaton, Pathol. chir., t. 1, 1844, p. 28). ♦ P. méton. [En parlant d'un inanimé concr., d'une pers.] Rougi par le sang. Durandal (...) Avait jonché de morts la terre, et fait ce champ Plus vermeil qu'un nuage où le soleil se couche (Hugo, Légende, t. 1, 1859, p. 301).Vermeil de sang. L'épée au dur tranchant, belle et de sang vermeille (Banville, Cariat., 1842, p. 165). b) [En parlant d'une pers.] − Ô toi qu'on venait jadis voir Comme un homme de pourpre errer devant nos portes, Toi, le seigneur vermeil, d'où vient donc que tu portes Cet habit noir, qui semble avec de l'ombre teint? (Hugo, Légende, t. 6, 1883, p. 179).Voici l'enfant vermeil, l'enfant dionysiaque de Boucher et de Bouchardon (Faure, Hist. art, 1921, p. 89). ♦ Empl. subst. Les vermeils, les bien emmanchés d'apparence, les carrés à biceps, ça déçoit. Tout à l'étalage, et la balayette en dentelle (Arnoux, Algorithme, 1948, p. 232).
α) [de ses vêtements] Robe vermeille. Un avait une cotte de velours incarnat, et les deux autres des cottes vermeilles aussi, mais de satin (Hugo, Homme qui rit, t. 3, 1869, p. 111).
β) [de son aspect physique, de sa peau; en partic., de son teint] − [Naturellement] Bouche vermeille, lèvres vermeilles (Ac.). − [Sous l'effet d'une cause phys. ou physiol. (effort violent, élément atmosphérique, maladie, etc.)] Des cochers à trognes vermeilles en grande livrée (Gautier, Fracasse, 1863, p. 293). ♦ Vermeil au/de + subst. désignant la cause de cette rougeur.Tes mains et ton visage Sont devenus vermeils au froid souffle du vent (Musset, Rolla, 1833, p. 13).Elle frotta son nez vernissé, vermeil de couperose, du dos de l'index (Colette, Fin Chéri, 1926, p. 140). − [Sous l'effet d'une cause psychol., d'une vive émotion, d'un sentiment de pudeur, de honte ou de colère, etc.] Notre jeune maîtresse est devenue vermeille dès que le nom de Vincent a été prononcé (Lamart., Cours litt., 1859, p. 276). ♦ Vermeil de/par + subst. désignant l'émotion, le sentiment qui a provoqué la rougeur.− Moi! je suis froide! s'écria la jeune Espagnole stupéfaite et vermeille d'indignation (Sand, Consuelo, t. 1, 1842-43, p. 105).Son visage était devenu tout vermeil par le feu de son cœur (Pourrat, Gaspard, 1925, p. 189). ♦ [P. méton.] [En parlant d'une émotion, d'un sentiment intense] Qui se traduit par la rougeur du teint. Colère vermeille. L'amour que je sens (...) C'est l'amour puissant. C'est l'amour vermeil (Richepin, Caresses, 1877, p. 4).[En parlant du cœur] Empli d'émotions, de sentiments intenses. Et, si je pouvais (...) Lancer au ciel froid et blême Mon cœur brûlant et vermeil Je crois que dans la seconde Il réchaufferait le monde Autant comme le soleil! (Ponchon, Muse cabaret, 1920, p. 93). 2. P. anal. (de couleur avec le vermeil (infra II A 1 a)). Qui a l'éclat ou la couleur du vermeil; qui est d'un ton d'or chaud, orangé ou jaune doré. a) [En parlant d'un inanimé concr.] Raisin vermeil. Le vieillard, de la main leur montrant ces merveilles, Leur cueillait tour à tour la pêche aux chairs vermeilles (Lamart., Chute, 1838, p. 923).Dans ce grand verre de vin vieux Pleure une immortelle maîtresse, (...) Et, comme un ballet magnifique, Je vois, dans le flacon vermeil, Couleur de lune et de soleil, Des rhythmes danser en musique! (Banville, Stalact., 1846, p. 152). − Empl. subst. masc. sing. à valeur de neutre. L'or, le cuivre, le vermeil aussi, − car le pâle colza s'y mêle, − enflamment ces landes pauvres d'une insoutenable lumière (Colette, Vagab., 1910, p. 300).Angélo (...) apercevait, du haut des levées de terre, au-delà des arbres, le vert noir du trèfle, le vermeil du blé en herbe, le violet des labours (Giono, Bonheur fou, 1957, p. 258). b) [En parlant de la peau, du teint d'une pers.; p. méton., en parlant d'une pers.; l'accent est mis sur l'éclat plus que sur la couleur; vermeil connote la bonne santé, la fraîcheur, la jeunesse] [Une petite fille] aimait à l'ombre des feuillages Fouler le sable d'or, chercher des coquillages (...) Ou bien encor partir, folle et légère tête (...) Au risque de brunir un teint frais et vermeil, Livrer sa joue en fleur aux baisers du soleil! (Gautier, Prem. poés., 1830-45, p. 139).De certains êtres ont de la clarté. Cette femme, comme Dea, avait sa lueur à elle, mais autre. Dea était pâle, cette femme était vermeille. Dea était l'aube, cette femme était l'aurore (Hugo, Homme qui rit, t. 2, 1869, p. 141). − [P. méton.] ♦ [En parlant de la qualité du teint] La fraîcheur vermeille de son teint, d'un blanc un peu doré par le hâle (...) comble le regard (Genevoix, Seuil guitounes, 1918, p. 153). ♦ [En parlant d'un âge, d'une époque de la vie] Sous votre vieillesse vermeille La caresse se cache et rit, Comme une chatte qui sommeille Sur les griffes de son esprit (Nouveau, Valentines, 1886, p. 144).Ses quarante ans [de M. Reboudin] étaient vermeils. Son visage, noble et gracieux, comme les pensées qui l'animaient généralement était reposé (Aymé, Brûlebois, 1926, p. 11). c) P. métaph. Ou plutôt, car la mort n'est pas un lourd sommeil, Envolez-vous tous deux dans l'abîme vermeil, Dans les profonds gouffres de joie, Où le juste qui meurt semble un soleil levant, Où la morte au front pâle est comme un lys vivant, Où l'ange frissonnant flamboie! (Hugo, Contempl., t. 2, 1856, p. 423). B. − Au fig. 1. Vieilli ou littér. a) Rire, sourire vermeil. Rire, sourire éclatant, radieux. Chacun de son côté, malice ou maladresse, M'applique son sabot sur mon plus frêle orteil, Sans cesser de me rire un gros rire vermeil (Sainte-Beuve, Livre d'am., 1843, p. 139).Je coulais doucement ma jeunesse éternelle; Les sourires vermeils sur mes lèvres flottaient (Leconte de Lisle, Poèmes ant., 1852, p. 19). b) [En parlant d'un bruit, d'un son] Éclatant, cristallin, vif. Se peut-il que j'évoque avec des cris vermeils Autant que des arbouses, La splendeur des matins, la chaleur des soleils, La gaîté des pelouses? (Noailles, Éblouiss., 1907, p. 27).Et je dis que − n'est-ce pas, Soleil? Le seul devoir d'un coq est d'être un cri vermeil! (Rostand, Chantecler, 1910, iii, 4, p. 169). − Empl. subst. masc. sing. à valeur de neutre. Éclat cristallin d'un son. Dans ces terres hautes, les rossignols nichaient tard (...). Dans la nuit creuse, leurs roulades étaient d'un vermeil extraordinaire (Giono, Hussard, 1951, p. 65). c) [Parfois par attraction de merveille] Rare. Admirable, magnifique. [Le Dieu Porteur de lyre] était beau à voir debout dans le soleil, Touchant sa lyre d'or d'un grand geste vermeil (Alain-Fournier, Corresp.[avec Rivière], 1906, p. 252). 2. Mod. [P. réf. à la médaille de vermeil, infra II] Carte vermeil. Carte réservée, en France, aux personnes âgées et donnant droit à un tarif réduit sur le réseau des chemins de fer de la SNCF. Si vous avez madame 60 ans et vous monsieur 65 ans vous avez droit à la carte vermeil (L'Aurore, 6 mars 1970, p. 16).En appos. à valeur d'adj., rare, au fém. [En parlant d'une pers.] Qui possède ou est en âge de posséder une carte vermeil. Dame carte vermeille, (...) aimant gaîté, théâtre, voyages, etc. souh. compagnie agréable, désintéressée (Le Nouvel Observateur, 10 oct. 1977, p. 99, col. 6). − [P. méton., en parlant d'un moment, d'une époque] Réservé aux personnes en droit de posséder une carte vermeil, c'est-à-dire aux personnes du troisième âge. Samedi « vermeils » au Carré Thorigny (...). MmeSilvia Monfort, directrice du Carré Thorigny, a décidé d'ouvrir son théâtre le samedi après-midi aux retraités (Le Monde, 30 nov. 1973, p. 19, col. 4).Vacances vermeil. Séjour de 15 jours en pension complète à Bat-Yam au sud de Tel-Aviv. (...) (Programme réservé aux membres des caisses de retraite) (Le Point, 23 févr. 1976, p. 87, col. 1). II. − Substantif A. − Subst. masc. 1. a) ORFÈVR. ou cour.
α) Vermeil doré, ou absol., vermeil. Argent (autrefois cuivre), recouvert d'une dorure tirant sur le rouge. Vermeil dédoré; assiette, couvert, plat, vaisselle, vase en/de vermeil. Les mots dits par les grands hommes sont comme les cuillers de vermeil que l'usage dédore; à force d'être répétés, ils perdent tout leur brillant (Balzac, Comédiens, 1846, p. 313).Il est fait une différence entre les ouvrages « d'argent doré » et ceux « de vermeil doré ». Cette dernière qualification n'était accordée, en effet, qu'aux pièces dorées avec de l'or rouge, et non pas avec du « bas or » mélangé d'argent ou avec de l'or vert (Havard1890). ♦ Médaille de vermeil. Médaille du travail en vermeil accordée aux personnes ayant effectué de longues années de travail. Grande manifestation de remise de médailles du travail mardi à la SNCF. Le chef de la circonscription de Nancy-ouest, (...) et les chefs de gare concernés, ont remis des médailles de vermeil, pour 35 ans de service et d'argent, pour 25 ans, à 23 agents (L'Est Républicain, 18 nov. 1993, p. 611, col. 1). ♦ En appos. à valeur d'adj., vx. Argent vermeil. Une lampe d'argent vermeil suspendue à la voûte de la chapelle, devant un autel magnifiquement orné, jetait sa pâle lumière sur le livre d'Heures que tenait la dame (Balzac, MeCornélius, 1831, p. 202). − P. méton. Couverts, vaisselle de vermeil. La porcelaine suit l'Empereur en exil à Sainte-Hélène, tandis que le vermeil seul tombe aux mains de Louis XVIII avec une partie, fort réduite, de l'opulente argenterie napoléonienne (Grandjean, Orfèvr. XIXes., 1962, p. 92).
β) Dorure en or moulu, qui se fait par l'application de l'or sur l'argent. Ce que ton miroir te vend pour de l'or massif, n'est qu'une mince et légère feuille de vermeil (Dumas père, Intrigue et amour, 1847, iv, 2, p. 280). b) PEINT. [En appos. à valeur d'adj.] Vernis vermeil. ,,Vernis rouge composé soit de gomme et de cinabre mêlés et broyés dans de l'essence de térébenthine, soit de résine gutte, de résine laque et de sang-dragon dissous dans l'alcool, et qui sert pour donner de l'éclat aux ouvrages dorés ou en détrempe`` (Jossier 1881). c) [Corresp. à supra II A 1 a et I A 2] P. anal. (avec la couleur du vermeil), littér. Le ciel blond rouge comme du vermeil usé (Flaub., Corresp., 1850, p. 154). − Couleur de/du vermeil. Des rideaux de brume tamisaient une sorte de lumière couleur d'argent doré, de vermeil pâli (Loti, Maroc, 1889, p. 28).Mieux vaut que vous entamiez seul ma dernière bouteille de porto (...) Lorsque vous porterez le verre à la bouche, vos yeux si pâles prendront exactement la couleur du vieux vermeil dédoré (Bernanos, M. Ouine, 1943, p. 1548). − En vermeil. Deux Suédois (...) tout en vermeil pâle des chevilles aux cheveux (Colette, Naiss. jour, 1928, p. 61). 2. Arg. ,,Sang`` (France 1907). B. − Subst. fém., JOAILL. ,,On donne ce nom à l'Hyacinthe, lorsque sa couleur, naturellement jaune orangé, se trouve mêlée d'une teinte rouge. La Vermeille orientale est un Corindon de couleur rouge écarlate; la Vermeille commune ou occidentale est un Grenat de couleur rouge orangé`` (Bouillet 1859). REM. 1. Vermeillé, -ée, adj.,vieilli ou littér. [Corresp. à supra I A et B] De couleur vermeille, rouge à orangé ou jaune doré. L'étui de pipe [japonais] est en une imitation de peau de serpent (...) décoré d'une libellule de métal avec des parties bronzées et vermeillées (E. de Goncourt, Mais. artiste, t. 2, 1881, p. 336).Cette drogue [l'eau-de-vie de pommes] était un philtre érotique, qu'il ne pouvait jamais sucer sans voir, dans ses lueurs, surgir une tête vermeillée, et rosissante, et consentante (La Varende, Roi d'Écosse, 1941, p. 192). 2. Vermeillet, -ette, adj.,vieilli ou littér. [Corresp. à supra I A et B] Légèrement vermeil, légèrement rouge, orangé ou jaune doré. Cerises, roses vermeillettes. La vermeillette gerbe dont il [le jeune prince] devait faire plus tard son glorieux chapeau de laurier (D'Esparbès, Roi, 1901, p. 65). 3. Vermois, subst. masc.,rare. [Corresp. à supra II A 2] Sang. Les Athéniennes (...) offraient aux meurtriers leurs poitrines rondes (...) d'autres, mégères et amazones, se précipitaient, brandissaient des dards (...) visant la figure, la bouche, l'œil, creusant ainsi des blessures horribles, d'où le vermois ruisselait à bouillons (L. Daudet, Sylla, 1922, p. 46). Prononc. et Orth.: [vε
ʀmεj]. Ac. 1694-1740: ,,vermeil doré, ou absolument, vermeil``; dep. 1762: vermeil. Étymol. et Hist. 1. a) Ca 1100 adj. « d'un rouge vif et léger » (Roland, éd. J. Bédier, 968: vermeill sanc; 386: une vermeille pume); b) 1969 tour. carte vermeil (Avis général T., no50, 24 déc.,4 [doc. SNCF]); 1970 (Le Monde, 3 mars, p. 26); 2. ca 1100 subst. « couleur rouge vif » (Roland, 1299: tut li trenchet le vermeill e le blanc); 3. 1213 « étoffe rouge » (Faits des Romains, éd. L. F. Flutre et K. Sneyders de Vogel, p. 654, 28: mantel [...] [t]eissuz a or de porpre et [de] vermaill); 1389 (Registre criminel du Châtelet, éd. H. Duplès-Agier, t. 1, p. 54: une houppellande longue d'un fin vermeil d'Engleterre); 4. 1490 orfèvr. (Inventaire d'Anne de Bretagne ds Havard 1890: six bouestes à mettre confitures, argent vermailles doréez dedans et dehors); 1532 (Invent. de Florimond Robertet, p. 31 ds Gay, s.v. buffet: un buffet de cérémonie, d'argent vermeil doré); 1573 (V. de Beauvillé, Rec. de doc. inéd. concernant la Picardie, t. 3, p. 545: ung basin vermail doré); 1610 (Invent. de Jérôme Franck, peintre ds Havard 1890: une couppe vermeil dorée); 1634 (Gazette de France, 15 avr., ibid.: un beau buffet de vermeil doré); 1653 (P. Le Moyne, Saint-Louys ou le Héros chrestien, p. 84: une Aigle de vermeil); 5. 1676 peint. « vernis rouge dont on se sert pour donner de l'éclat aux ouvrages dorés ou en détrempe » (Félibien, p. 290: ce Vermeil est composé de Gomme gutte, de Vermillon, d'un peu de Brun rouge). Du lat. vermiculus (dimin. de vermis « ver ») « petit ver, vermisseau », b. lat., lat. chrét. « cochenille; couleur écarlate produite par la cochenille » (Vulgate Exode 35, 25), pris comme adj. au vies.: palla vermicula ds Diez, s.v. vermiglio. Fréq. abs. littér.: 849. Fréq. rel. littér.: xixes.: a) 1 549, b) 2 278; xxes.: a) 1 003, b) 463. Bbg. Esnault (G.). Lois de l'arg. R. de Philol. fr. 1929, t. 41, p. 127. − Goug. Mots. t. 1. 1962, p. 279. − Thomas (A.). Nouv. Essais 1904, p. 272. |