| VERJUS, subst. masc. A. − Suc acide que l'on extrait d'un gros raisin qui mûrit imparfaitement ou de tout autre raisin cueilli avant maturité, employé autrefois dans les sauces, dans la fabrication de sirops et aujourd'hui dans la préparation de la moutarde. Pressoir à verjus; tonneau de verjus; bœuf, venaisons, sauce au verjus; sirop de verjus; vin qui sent le verjus. Germain, il n'y a donc plus d'artichauts à la grecque? Vous savez: de ces petits artichauts au verjus (Toulet, Demois. La Mortagne, 1920, p. 16).Verjus : à l'origine, c'était du jus d'oseille ou d'autres herbes acides (...). Ce ne fut qu'au XVIesiècle qu'on utilisa le jus de raisins verts, moins cher que les précédents et d'un goût plus agréable que le jus d'oseille. Sa fabrication était réservée aux vinaigriers, on en fabriquait aussi avec des pommes sauvages (Gdes heures cuis. fr.,Éluard-Valette,1964, p. 253). − Loc. fig. Aigre comme verjus. La marchesa (...) brocha sur le texte mille moqueries aigres comme verjus (Barb. d'Aurev., Memor. 2, 1838, p. 363). − P. méton., VITIC. Variété de raisin à gros grains qui ne mûrit jamais complètement; raisin encore vert. Des vignes poussant en tout sens avec les plus grands caprices et portant déjà des verjus monstrueux (Fromentin, Été Sahara, 1857, p. 250).Vendange, joie précipitée, urgence de mener au pressoir, en un seul jour, raisin mûr et verjus ensemble (Colette, Naiss. jour, 1928, p. 17).En verjus. Encore vert. Les raisins, qui sont encore en verjus, ont souffert, dans les lieux où la grêle n'est tombée qu'en petite quantité comme chez moi (Maine de Biran, Journal, 1816, p. 217). ♦ P. méton. Grains de raisin vert macérés dans de l'alcool. Une des chiffonnières demanda de l'eau-de-vie. − Tu sais bien que ça t'est défendu! répondit le garçon limonadier. − Eh bien, alors un petit verjus, mon amour de Polyte (...) Sa main tremblante laissa échapper le petit verre plein de grains de verjus à l'eau-de-vie (Nerval, Bohême gal., 1853, p. 156).P. ext. ,,Liqueur obtenue en infusant du raisin de Malaga dans l'eau-de-vie`` (Lar. encyclop.). − P. anal. Vin aigre. Fritz (...) avait le vin singulièrement triste et tendre; même ce petit verjus, qui ferait danser des chèvres, lui tournait les idées à la mélancolie (Erckm.-Chatr., Ami Fritz, 1864, p. 110). B. − Au fig. Ce qui est aigre; aigreur. 1. [À propos de sons ou de couleurs] Ça et là, au milieu d'albums ouverts, (...) lançant au travers de plaines en chromo les délirantes cavalcades de Caldecott, quelques romans français apparaissaient, mêlant à ces verjus de teintes, des vulgarités bénignes (Husymans, À rebours, 1884, p. 173). ♦ Au verjus. Acide comme du verjus. « Où suis-je? Est-ce un prestige, est-ce un rêve enchanté? » comme chantait la grande Anaïs avec sa voix au verjus (Colette, Cl. Paris, 1901, p. 164). − P. méton. Voix aigre. Son verjus mordant vrillait l'épais miroton de clameurs, vaisselles heurtées, bourrades et jurons brassés (Arnoux, Rhône, 1944, p. 198). 2. [À propos d'une pers., de son comportement qui produit une impression déplaisante] Cette patronne symbolique a un œil en verre et l'autre en faïence pour surveiller, en même temps que la morue ou le gruyère, une bécassine sortie de son flanc (...) qu'elle arrose attentivement du verjus de son expérience (Bloy, Journal, 1901, p. 62). ♦ De verjus. Aigre, glaçant. Croyez-vous que vous me ferez trembler avec vos regards de verjus et vos airs de givre! (Balzac, Cous. Pons, 1847, p. 300). REM. Verjuteux, -euse, adj.Aigre comme du verjus. Un verre de vin loyal, savoyard, verjuteux et décapeur (Arnoux, Solde, 1958, p. 51).Au fig. [En parlant d'une pers., de son comportement] MmeKanaris-Petersen existe et (...) elle est digne de son époux (...) Elle m'a paru plutôt briquetée et verjuteuse (Bloy, Lieux communs, 1902, p. 273). Prononc. et Orth.: [vε
ʀ
ʒy]. Att. ds Ac. dep. 1694. Étymol. et Hist. 1. xiiies. « suc acide extrait de certaines espèces de raisin, ou d'un raisin cueilli vert » (Simples médecines, éd. P. Dorveaux,385: un poi d'aisil et de vert jus;1058: aissil et verjus); 1280 (Philippe de Beaumanoir, Jehan et Blonde, éd. S. Lécuyer, 1352: au vert jus de nouvele grape); 1283 (Id., Coutumes Beauvaisis, éd. A. Salmon, § 906: en vendenjant pour fere vin ou pour fere verjus); 1640 expr. (Oudin Ital.-Fr., s.v. tarabara: l'un vaut l'autre, tout est egal: jus ver verjus); 1642 (Oudin Fr.-Ital., s.v. jus: c'est Ius verd verd jus); 1690 (Fur.: c'est verjus ou jus verd); 1749 expr. (Voltaire, Nanine ds
Œuvres compl., t. 5, Paris, 1877, p. 51: sa femme était aigre comme verjus); 2. 1351 vertjus « raisin cueilli incomplètement mûr » (Arch. hospit. de Paris, II, 81 ds Gdf. Compl.); 3. 1718 « variété de raisin acide, à grains longs et gros et à peau dure » (Ac.); 4. 1718 « vin très aigre » (Ac.); 5. 1964 « liqueur obtenue en infusant du raisin de Malaga dans l'eau-de-vie » (Lar. encyclop.). Comp. de vert* et de jus*. Fréq. abs. littér.: 32. DÉR. 1. Verjuté, -ée, adj.a) Cuis. Préparé, assaisonné avec du verjus. Sauce verjutée. (Dict. xixeet xxes.). b) Vin verjuté. ,,Vin acide`` (Ren. Vin 1962). − [vε
ʀ
ʒyte]. Att. ds Ac. dep. 1694. − 1resattest. a) 1612 verjusté « acide comme du verjus » (Des Lauriers, Les Fantaisies de Bruscambille, Premiere Harangue de Midas, p. 10: plus qu'un homme femelle qui feroit des œufs verjustes), 1694 (Ac. : du vin verjuté); b) 1832 verjuté « préparé au verjus » (Raymond: une sauce verjutée); de verjus, suff. -é*. 2. Verjuter, verbe trans.a) Préparer au verjus. Verjuter une sauce, des cerneaux (Lar. 19e). b) P. anal. Rendre acide, aigre. La sonate pour piano et violon de Le Borne, aigrement verjutée par Pennequin (Willy, Mouche des croches, 1894, p. 182).− [vε
ʀ
ʒyte], (il) verjute [-ʒyt]. − 1reattest. 1845-46 « préparer au verjus, assaisonner avec du verjus » (Besch.); de verjus, dés. -er. |