| VERDIR, verbe A. − Empl. intrans. 1. a) [Le suj. désigne une source lumineuse, une couleur] Prendre, présenter une teinte verte. Le ciel verdit. [La Pêche miraculeuse de Rubens] une vaste coulée du même brun, qui brunit en haut, verdit en bas (...), se dore où la mer se creuse (Fromentin, Maîtres autrefois, 1876, p. 64).V. brisant2ex. 2. b)
α) [Le suj. désigne un végétal ou un organe végétatif] Entrer en végétation, devenir/être vert sous l'effet de la pigmentation chlorophyllienne. Synon. verdoyer.La journée de mai était splendide (...), les jeunes feuillages verdissaient tendrement, dans le bleu sans tache (Zola, L'Œuvre, 1886, p. 154).J'imagine ces buissons, à présent secs (...), verdissant au printemps, fleurissant, s'emplissant de nids (Gide, Voy. Congo, 1927, p. 828).V. autour2ex. 3.
β) [P. méton.; le suj. désigne un lieu] Se couvrir de verdure ou prendre une coloration verte par suite de la présence de végétaux. Les verdures reflétées dans l'eau pâlissent (...). Les profondeurs de l'eau verdissent et prennent des tons sourds (Goncourt, Ch. Demailly, 1860, p. 293). c) [Le suj. désigne une chose concr.] Se colorer de vert. Un fleuve (...) d'acier bleu, qui verdit à l'occasion et tourne au glauque (Arnoux, Visite Mathus., 1961, p. 28). 2. Péj. Devenir verdâtre. a) [Le suj. désigne une chose concr., sous l'effet de l'humidité] Se couvrir de vert-de-gris, de moisissure. Ces ponts, dont les toits verdissaient à l'œil, moisis avant l'âge par les vapeurs de l'eau (Hugo, N.-D. Paris, 1832, p. 144). − P. métaph. [Le suj. désigne une pers.] Synon. moisir, végéter.Le chevalier déclara que si c'était pour verdir en prison, il se tuerait (La Varende, Pays d'Ouche, 1934, p. 12). b) [Le suj. désigne une pers., (une partie de) son visage] Devenir blafard, prendre un ton gris vert. Synon. blêmir. − [Sous l'effet du froid, d'une dégradation physique] J'ai la santé versatile. Je verdis, je rougis, je tremble et je me fige (L. de Vilmorin, Lettre ds taxi, 1958, p. 49). − [Sous l'effet de l'émotion ou d'un affect] Verdir de colère, de peur. Jason continuait à verdir de jalousie: ses joues étaient pareilles à des émeraudes de grande taille (Toulet, Comme une fantaisie, 1918, p. 175).Ses yeux, de rage, ont verdi, ont pris la teinte livide de la mer en colère (Montherl., Bestiaires, 1926, p. 423). B. − Empl. trans. 1. a) [Le compl. d'obj. désigne un objet éclairé, une couleur] Donner une teinte verte. Si ajouter du noir (..) au jaune, c'est y ajouter du bleu obscur, il est évident que c'est (...) verdir le jaune (Chevreul, Moyen déf. et nommer coul., 1861, p. 53).Le soleil se couche, et l'azur pâlissant devient si limpide qu'une teinte imperceptible d'émeraude verdit son cristal (Taine, Voy. Ital., t. 2, 1866, p. 4). b)
α) [Le compl. d'obj. désigne un lieu] Couvrir, garnir de verdure. Le terrain de la cour ondule, (...) heurté de plans inégaux que les ronces et les lierres verdissent de leur verdure inégale (Flaub., Champs et grèves, 1848, p. 324).
β) [Le compl. d'obj. désigne une pers., sa toilette] Tacher de traces de verdure. Une robe blanche déchirée et verdie par l'herbe (Dumas père, Don Juan, 1836, IV, 7etabl., 2, p. 84).Empr. pronom. MlleSergent (...) et son Aimée (...) s'asseyent sur le talus, les jupes relevées par crainte de se verdir (Colette, Cl. école, 1900, p. 291). c) [Le compl. d'obj. désigne une chose concr.] Colorer, peindre en vert. Purée de pois secs (...) au moment de servir, vous la verdirez avec un vert d'épinards (Viard, Cuisin. impérial, 1814, p. 60). 2. Péj. Rendre verdâtre. a) [Le compl. d'obj. désigne un tissu, un vêtement, sous l'effet de la vétusté, des intempéries] Décolorer en faisant tirer sur le vert. Verdi par le temps. Il était vêtu d'une veste de panne verdie par de longs usages (...), coiffé d'un vieux feutre (Châteaubriant, Lourdines, 1911, p. 8). b) [Le compl. d'obj. désigne une chose concr., sous l'effet de l'humidité] Couvrir de vert-de-gris, de moisissure. Synon. vert-de-griser (dér. s.v. vert(-)de(-)gris).La cloche a été verdie par la pluie et a revêtu une robe couleur d'olive (Arnoux, Abisag, 1919, p. 238). c) [Le compl. d'obj. désigne une pers., son visage, sous l'effet d'une cause pathol., d'une émotion] Faire pâlir, rendre livide. Si les émotions violentes ont le pouvoir (...) de verdir les figures lymphatiques, ne faut-il pas accorder au désir, à la joie, à l'espérance, la faculté d'éclaircir le teint (Balzac, Secrets Cadignan, 1839, p. 324).Harassés par les longues moussons (...) verdis par les ressacs de la bile, ils attendaient [à Marseille] le train de Paris (...) L'équipe de retour (...) défripée, rose et l'œil clair, arrivait à Marseille (Morand, Routes Indes, 1936, p. 24). REM. 1. Verdi, -ie, part. passé en empl. adj.a)
α) [En parlant d'une source lumineuse, d'une couleur] Qui a pris, qui présente une teinte verte. Bleu verdi. Dans l'Esther de Véronèse, la charmante suite des jaunes qui, vaguement (...) rougis, verdis, teintés d'améthyste (...) se fondent (Taine, Philos. art, t. 2, 1865, p. 336).Entre deux ondées, il [le soleil] surnage, blafard, verdi (Zola, Nouv. Contes Ninon, 1874, p. 129).
β) [En parlant d'un lieu] Couvert, garni de verdure ou coloré en vert par suite de la présence de végétaux. Eau verdie; pierres verdies. Piliers verdis et moussus (Hugo, Misér., t. 2, 1862, p. 78).Des lézards couraient sur les murs chauds, depuis le renflement verdi du pied, dans les herbes (Pourrat, Gaspard, 1930, p. 96).[En parlant d'une pers., de sa toilette] Taché de traces de verdure. Si maman voyait ma robe verdie, elle me ferait un raffut! (Colette, Cl. école, 1900, p. 162).
γ) [En parlant d'une chose concr.] Coloré de vert. Le vent ne lâcha pas la presqu'île. Autour, se ruaient les courants verdis, les ophidiens glauques (La Varende, Homme aux gants, 1943, p. 189).b) Péj.
α) [En parlant d'un vêtement, sous l'effet de la vétusté, des intempéries] Qui est décoloré et tire sur le vert. Deux vieilles soutanes, aussi verdies et sordides (Adam, Enf. Aust., 1902, p. 200).
β) [En parlant d'une chose concr., sous l'effet de l'humidité] Couvert de vert-de-gris, de moisissure. Synon. moisi, vert-de-grisé (dér. s.v. vert(-)de(-)gris).Cadavre verdi; murs verdis. Une maison délabrée, moisie, à l'ombre de la cathédrale, comme le témoignaient ses vitres verdies et les lézardes salpêtrées de ses murs (A. Daudet, Rois en exil, 1879, p. 59).Le cuivre verdi qui restait adhérent au cuir décoloré (Maupass., Contes et nouv., t. 2, MlleCocotte, 1883, p. 814).V. abyssal ex. 8.P. métaph. Le style pourtant blet et déjà verdi des historiens (Huysmans, À rebours, 1884, p. 45).
γ) [En parlant d'une pers., de son visage, sous l'effet d'une cause pathol. ou d'une émotion] Qui est devenu blafard. Synon. blême, livide, pâle.L'épuisement d'un homme encore vigoureux se trahit par un teint cuivré, verdi (Balzac, Rabouill., 1842, p. 495). 2. Verdissage, subst. masc.,rare. Action, fait de devenir vert. De toutes les couleurs d'aniline, le noir est la plus stable (...) Malheureusement (...), les pièces imprimées, au contact des vapeurs acides (...), verdissent à la longue (...). On a fait de nombreuses recherches pour empêcher ce verdissage (Wurtz, Dict. chim., 1ersuppl., t. 1, 1880, p. 166 (s.v. aniline)).Conchyliol. Pigmentation des huîtres. Synon. de verdissement (v. ce mot A 2).Pratiquer le verdissage des huîtres (Nouv. Lar. ill.). Prononc. et Orth.: [vε
ʀdi:ʀ], (il) verdit [-di]. Att. ds Ac. dep. 1694. Étymol. et Hist. 1. Ca 1180 sei verdir « devenir vert » (Jordan Fantosme, La Guerre d'Ecosse, éd. Ph. A. Becker, 1099 ds Z. rom. Philol. t. 64, p. 509); fin xiie-déb. xiiies. verdir (Chansons attribuées au Chastelain de Couci, éd. A. Lerond, p. 111); spéc. 1694 « devenir vert (en parlant du cuivre qui se couvre de vert-de-gris) » (Ac.); 2. 1680 terme de relieur « couvrir de vert-de-gris (la tranche d'un livre) » (Rich.); 3. 1690 verbe trans. « colorer en vert » (Fur.); 4. 1893 « devenir vert sous l'effet de la peur » (Courteline, Boubouroche, II, 3, p. 71). Dér. de vert*; dés. -ir. Fréq. abs. littér.: 281. Fréq. rel. littér.: xixes.: a) 288, b) 602; xxes.: a) 600, b) 263. |