| VERBE, subst. masc. I. A. − 1. Vx ou littér. Parole ou suite de paroles. Aime-moi! Ces deux mots sont mes verbes suprêmes (Verlaine,
Œuvres compl., t. 1, Sagesse, 1881, p. 238).Nous ne savons que trop ce que deviennent dans la violence des débats (...) ces valeurs idéales, toutes ces créatures supérieures de la parole abstraite et de la pensée la plus détachée, − l'Ordre, la Raison, la Justice (...) −, quand enfin ces augustes verbes (...) sont vociférés sur la voie publique (Valéry, Variété IV, 1938, p. 167). 2. Ton de la voix. Avoir le verbe sonore. Elles avaient le verbe rauque, des pommettes et des yeux de fillettes qu'on a saoulées (Colette, Mais. Cl., 1922, p. 34).Sénac, en toute liberté, pouvait s'acharner sur sa victime. Il haussait le verbe d'un ton (Duhamel, Désert Bièvres, 1937, p. 169). ♦ Avoir le verbe haut. Parler avec hauteur, autorité, présomption; parler fort. Il avait le verbe haut, et le bruit de ses paroles s'élevait au-dessus du diapason des conversations particulières (Theuriet, Mariage Gérard, 1875, p. 144).Il avait adopté deux ou trois garçons plutôt humbles, de caractère faible, vers lesquels il allait, sitôt qu'il les avait aperçus, avec des gestes qui commandaient; et il se mettait à discourir en maître parmi eux, le verbe haut et assuré (Lacretelle, Silbermann, 1922, p. 26). 3. a) Expression verbale de la pensée (à l'oral ou par écrit). Synon. discours, langage, langue.Verbe poétique. Joseph m'a démontré cent fois, par le geste et par le verbe, que les richesses du monde appartiennent effectivement à ceux qui ont l'audace de s'en déclarer possesseurs (Duhamel, Jard. bêtes sauv., 1934, p. 182). b) Manière de s'exprimer. Verbe ardent, enflammé, imagé, truculent. J'ai le cœur tendre et le verbe sec. Je n'ai jamais pu dire à personne: « Je vous aime » (Feuillet, Pte ctesse, 1857, p. 29).Christophe entendit, dans la chambre voisine, une voix maussade qui grognait; le verbe tranchant de la petite bonne lui répliquait (Rolland, J.-Chr., Révolte, 1907, p. 542). B. − THÉOL. CHRÉT. [Gén. avec une majuscule] 1. Parole de Dieu adressée aux hommes. Le Verbe de Dieu, le Verbe éternel. Dieu, par l'effusion de son verbe continué dans le nôtre, ne cesse de promulger l'évangile de la raison, et tout homme, quoi qu'il fasse, est l'organe et le missionnaire de cet évangile (Lacord., Conf. N.-D., 1848, p. 153).« Au commencement était le Verbe, et le Verbe était avec Dieu, et le Verbe était Dieu... » Harassé, Léonard s'arrêta à ce début de saint Jean, trop souvent récité aux fins de messe et dont il n'avait jamais pénétré la singulière obscurité (Estaunié, Empreinte, 1896, p. 232). 2. Dieu lui-même, incarné en Jésus-Christ, seconde personne de la Trinité. Le Verbe s'est fait chair, s'est incarné. Dès son entrée en ce monde, le Verbe incarné a prévu et accepté les supplices de sa Passion, il ne les a pas subis (Bremond, Hist. sent. relig., t. 3, 1921, p. 575).Ce qui les a scandalisés [les sages du monde, les philosophes platoniciens], c'est la suite de cet Évangile: Le Verbe a été fait homme: et ce qui paraît encore plus faible , « le Verbe a été fait chair »: ils n'ont pu souffrir que ce Verbe, dont on leur donnait une si grande idée, fût descendu si bas. La parole de la croix leur a été une folie encore plus grande. Le Verbe né d'une femme, le Verbe né dans une crèche, pour en venir enfin à la dernière humiliation du Verbe expirant sur une croix: c'est ce qui a révolté ces esprits superbes (Du Bos, Journal, 1927, p. 379). II. − GRAMM. Mot exprimant un procès, un état ou un devenir, variant, dans de nombreuse langues, en nombre, en personne et en temps et ayant pour fonction syntaxique de structurer les termes constitutifs de l'énoncé. Le verbe, ange du mouvement (...) donne le branle à la phrase (Baudel., Paradis artif., 1860, p. 376).La théorie du verbe m'occupe donc ces jours-ci, et il me semble en tenir le principe. Il faut voir dans les grammaires les définitions qu'on donne du verbe! Cela me rappelle la définition de la ligne droite (Valéry, Corresp.[avec Gide], 1900, p. 370).V. conjugaison ex. de Adam, conjugué ex. 1 et phrase ex. 12. SYNT. Verbe transitif, intransitif; verbe actif, passif; verbe pronominal, réfléchi, réciproque ou passif; verbe personnel, impersonnel; verbe auxiliaire; verbe neutre; verbe objectif, subjectif; verbe déclaratif, fréquentatif, inchoatif, intensif, perfectif, imperfectif, performatif; verbe régulier, irrégulier, défectif; verbe d'action, d'état, de mouvement, de perception; conjugaison, désinence, radical d'un verbe; forme adjective, nominale du verbe; sujet, complément d'un verbe; accord du verbe avec le sujet. Prononc. et Orth.: [vε
ʀb]. Att. ds Ac. dep. 1694. Étymol. et Hist. A. 1. Ca 1050 « parole, mot ou suite de mots prononcés » (Alexis, éd. Chr. Storey, 625); 1740 (Ac.: On dit famil. De quelqu'un qui décide avec hauteur, qui parle avec présomption, qu'Il a le verbe haut); 2. déb. xiies. la Deu verbe « la parole de Dieu » (St Brendan, éd. E. G. R. Waters, 532), supplanté dès le xviies. par parole*; 3. 1594-1603 « Dieu, comme seconde personne de la Trinité » (Desportes,
Œuvres chrestiennes, Sonnets, 16 ds Littré). B. 1174-76 gramm. (Guernes de Pont-Sainte-Maxence, St Thomas, éd. E. Walberg, 2259: Tel qui fist personel del verbe impersonal). Empr. au lat.verbum, -i « mot », « parole », également att. comme terme de gramm., trad. du gr. ρ
̔
η
̃
μ
α propr. « parole », « verbe » p. oppos. à ο
́
ν
ο
μ
α « nom »; aux sens 2 et 3 empr. au lat. eccl. verbum de mêmes sens (av. 430 ds Blaise Lat. chrét.), le dernier sens étant repris au gr. λ
ο
́
γ
ο
ς « verbe divin », « raison divine ». Fréq. abs. littér.: 1 703. Fréq. rel. littér.: xixes.: a) 3 832, b) 1 151; xxes.: a) 1 816, b) 2 263. Bbg. Bastin (J.). Le Verbe et les principaux adv. ds la lang. fr. Saint-Petersbourg, 1896, 208 p. − Beaurepaire (P. A.), Guinard (M.). Dict. pratique de conj. 10 000 verbes. Paris, 1978. − Burney (P.). Les Verbes fr. Paris, 1972, 189 p. − Delesalle (S.), Désirat (Cl.). Le Pouvoir du verbe. Hist. Épistémol. Lang. 1982, t. 4, no1, pp. 35-45. − Dubois (J.). Gramm. struct. du fr. 2. Le Verbe. Paris, 1967, 224 p. − Fouché (P.). Le Verbe fr.: ét. morphol. Paris, 1931, 441 p. − Gross (M.). Gramm. transformationnelle du fr., synt. du verbe. Paris, 1968, 183 p. − Guillaume (G.). Temps et verbe. Paris, 1965, xxi-134-67 p. − Jacob (A.). Genèse de la pensée ling. Paris, 1973, p. 103, 116, 128. − Koch (P.). Verb, Valenz, Verfügung. Heidelberg, 1981, 400 p. − Lanly (A.). Morphol. hist. des verbes fr. Paris, 1977, 360 p. − Pinchon (J.), Conté (B.). Le Syst. verbal fr. Paris, 1980, 255 p. − Quem. DDL t. 39. − Schogt (H. G.). Le Syst. verbal du fr. contemp. The Hague. Paris, 1968, 74 p. |