| VENTRE, subst. masc. I. − [Désigne la partie du tronc opposée au dos] A. − [Chez l'être hum.] 1. a) Partie antérieure du corps qui s'étend de la taille aux cuisses et qui comprend la paroi et la cavité abdominales. J'ai reposé la nuque sur son ventre nu (sensation exquise), j'ai entendu, la joue sur son ventre, le gargouillement de ses intestins, comme le petit bruit de la neige qui dégèle (Montherl., Pitié femmes, 1936, p. 1103). ♦ Danse du ventre. Danse orientale féminine caractérisée par des mouvements rythmés du ventre. Parmi les danseuses de la danse du ventre, j'en remarque une tout à fait extraordinaire, qui, lorsqu'on l'applaudit, dans la complète immobilité de son corps, a l'air de vous faire de petits saluts avec son nombril (Goncourt, Journal, 1889, p. 1027).P. méton. Musique qui accompagne cette danse. Les flonflons d'une danse du ventre venaient, du café-concert voisin (Rolland, J.-Chr., Foire, 1908, p. 681). − MÉD. Ventre en bateau. ,,Aspect particulier du ventre qui présente une dépression centrale encadrée par les dernières côtes et les os iliaques`` (Garnier-Del. 1972). Ventre de bois. Contracture permanente et douloureuse de la musculation abdominale, caractéristique de la péritonite. On ne retrouve pas de grandes contractures et de ventre de bois comme dans les péritonites (Quillet Méd.1965, p. 155). − Loc. fam. ♦ Marcher, passer sur le ventre de/à qqn.[Dans un cont. guerrier] Passer sur le ventre d'une armée. Culbuter, mettre en déroute l'adversaire et poursuivre plus avant l'offensive. Ce que Paris attendait (...) c'était (...) la victoire, la délivrance. Cela (...) ne faisait aucun doute: on culbuterait les Prussiens, on leur passerait sur le ventre (Zola, Débâcle, 1892, p. 573).Au fig. Marcher, passer sur le ventre de/à qqn. Employer tous les moyens, même les plus déloyaux, pour éliminer une personne, pour arriver à ses fins. Rougon n'était plus qu'un vil ambitieux qui passait sur le ventre de son pauvre frère et s'en servait comme d'un marchepied pour monter à la fortune (Zola, Fortune Rougon, 1871, p. 257).Dubreuilh avait des alliés, des disciples, des instruments; pas un ami. Comme il écoutait bien! avec quel abandon il parlait! et il était prêt à vous marcher sur le ventre, à la première occasion (Beauvoir, Mandarins, 1954, p. 238). ♦ Taper sur le ventre de/à qqn. Traiter quelqu'un avec une grande familiarité. Comment Lambert-Thiboust et Delacour font recevoir un vaudeville. − Ils vont chez Carpier (...). Lambert-Thiboust lit très bien et imite tous les acteurs (...). On tape sur le ventre à Carpier, et le tour est fait (Goncourt, Journal, 1853, p. 105). ♦ (Être, se mettre) à plat ventre devant qqn. Adopter une attitude servile. Synon. s'aplatir* devant qqn.Être à plat ventre devant la noblesse, un grand nom. Ce Paris à plat ventre, ces hommages qu'il recevait d'habitude avec une bonhomie de despote familier, l'emplissaient de mépris, ce jour-là (Zola, Argent, 1891, p. 252). ♦ P. méton., vieilli. [Ventre désigne les habits qui le recouvrent] (Manger, parler, rire) à ventre déboutonné. (Manger, parler, rire) sans contrainte, en toute liberté. Buffon leur parle [à ses amis de jeunesse] à ventre déboutonné, comme on dit; c'est franc, naturel, mais nullement distingué (Sainte-Beuve, Caus. lundi, t. 14, 1860, p. 323).Les sept burent et mangèrent à ventre déboutonné, se vengèrent d'une abstinence de quatre ans, quatre ans sans viande, ni pommes de terre, ni vin, ni alcool (Van der Meersch, Invas. 14, 1935, p. 435). − Loc. proverbiale, vieilli. (Avoir) le dos au feu, le ventre à table. (Être) confortablement installé; prendre tous ses aises. Buvez et faites brindisi à sa santé (...), mes bons amis, le ventre à table et le dos au feu (Courier, Lettres Fr. et Ital., 1806, p. 701). − [Dans de nombreux jurons vieillis] Par le ventre! Truand! je suis truand, ventre de Christ! Versez-moi à boire! (Hugo, N.-D. Paris, 1832, p. 458).MmePrudence: (...) Elle est au lit (...) avec un homme qui la pelote. M. Ledaim, éclatant (...) : Ça y est!... ah! sang du Christ! ventre du pape! faut-il que les femmes soient canailles (Courteline, Vie de ménage, Extralucide, 1897, p. 246).Ventre (de) Dieu. V. ventredieu rem. s.v. ventrebleu ex. de Rolland. − P. méton. Personne, individu. C'est l'Internationale noire, les ventres dorés, les requins, les tyrans. « Rouspétez les morts! on vous a » (...) dix millions d'hommes qui se bouzillent les uns, les autres, à leur santé! (Genevoix, Boue, 1921, p. 281). b) Partie antérieure du tronc au-dessous de la taille considérée du point de vue de sa proéminence plus ou moins grande, de sa musculature. Synon. fam., pop. bedaine, bide1, bidon1, panse.Avoir le ventre plat, rond; avoir du ventre; perdre son ventre. Il était vraiment encore bel homme, bien que tout gris. Haut, svelte, élégant, sans ventre (Maupass., Contes et nouv., t. 1, Fini, 1885, p. 1015): 1. Laurent regardait son frère de côté, d'un air perplexe et intéressé. Il dit en souriant: − Tu prends un peu de ventre. − Oui, dit Joseph en hochant la tête, cela prouve que je ne suis pas un vrai riche. Les vrais riches, ça mange, ça boit, ça dévore, ça n'a pas mal à l'estomac et ça reste maigre.
Duhamel, Combat ombres, 1939, p. 30. SYNT. Ventre aplati, arrondi, ballonné, bedonnant, bombé, charnu, dur, creusé, déformé, effondré, enflé, énorme, flasque, gonflé, gros, hydropique, large, lisse, maigre, mou, nu, plein, proéminent, rebondi, repu, tendu; ventre étroit, musclé, musculeux, obèse, protubérant, renflé; côtés, milieu, tour du ventre; opulence, rondeur du ventre; ventre en ballon, en creux, en œuf, en pointe; ventre à l'air; s'allonger, se coucher, s'étendre, se jeter, ramper à plat ventre, ventre contre terre; dormir, s'étendre, se mettre, être vautré sur le ventre; frapper, taper sur le ventre de qqn; crever, ouvrir, palper le ventre de qqn; donner, envoyer, flanquer, recevoir des coups de baïonnette, d'épée, de fusil, de genou, de pied, de tête dans le ventre; s'enfoncer, entrer dans l'eau jusqu'au ventre; être mouillé jusqu'au ventre; se prendre, se tenir le ventre à deux mains; rentrer le ventre; paroi, peau, poil du ventre. ♦ Ventre de bourgeois, de curé, de financier, de poussah, de prélat, de propriétaire. Gros ventre d'homme bien nourri. Jaurès, un homme gros, vieilli, déjà poussif, sanguin, avec sa barbe sel et moutarde, son torse de lutteur, et son ventre de bourgeois, son écharpe tricolore et son cœur rouge, ses erreurs et sa grande inspiration (Aragon, Beaux quart., 1936, p. 341). 2. a) [Considéré comme le siège de la digestion et en partic. comme contenant l'estomac et les intestins] Viscères du ventre; flux de ventre; avoir une descente, un relâchement de ventre; avoir le ventre paresseux, serré, rempli; avoir la faim au ventre; avoir, se mettre qqc. de chaud dans le ventre. La question du ventre revenait, impérieuse, décisive. Des héros peut-être, mais des ventres avant tout. Manger, c'était l'unique affaire (Zola, Débâcle, 1892, p. 228). − Locutions ♦ Avoir mal au ventre. Avoir des douleurs stomacales ou intestinales. La petite Joséphine a eu mal au ventre pour avoir mangé trop de confitures (A. France, Dieux ont soif, 1912, p. 228).Au fig., fam. [Accompagnant une réaction de refus, de rejet de la part du locuteur] Faire mal au ventre. Dégoûter, écœurer profondément. « (...) Il est un petit peu trop tard pour se battre; s'il voulait du badaboum, il n'avait qu'à s'en prendre aux Allemands. » Le blond hausse les épaules (...) « Tiens! Tu me fais mal au ventre! » dit-il (Sartre, Mort ds âme, 1949, p. 212). ♦ (Avoir) le ventre creux, le ventre vide. (Avoir) l'estomac vide; (ressentir) une forte sensation de faim. Il se sentait le ventre vide, n'ayant pas dîné (Zola, Bête hum., 1890, p. 212).Je sais pas si vous avez déjà eu le ventre creux vous autres et que vous êtes passé par un restaurant d'iousque qu'y a des volailles qui rôtissent à petit feu su une broche? (Roy, Bonheur occas., 1945, p. 69). ♦ Avoir le ventre plein. Être rassasié, ne plus rien pouvoir avaler. Nos princes chassent; on danse à la cour; le peuple est heureux, la canaille a le ventre plein (Sandeau, Mllede La Seiglière, 1848, p. 243). ♦ Avoir le ventre dans les talons. Être extrêmement las, fatigué. Madame qui n'avait pu dormir de toute la nuit, fatiguée par les courses de la veille (...) le front plissé, haletante, trépidante et si lasse qu'elle avait, disait-elle, le ventre dans les talons, (...) passa la dernière revue de l'hôtel (Mirbeau, Journal femme ch., 1900, p. 197). ♦ Avoir la reconnaissance du ventre. Avoir de la reconnaissance pour les personnes qui vous ont bien nourri ou, p. ext., aidé matériellement. Ces Argentins avaient la reconnaissance du ventre, ils vouaient à nos grands chefs une de ces admirations qui n'était pas dans une musette (Céline, Voyage, 1932, p. 100). ♦ Avoir les yeux plus gros, plus grands que le ventre. Être incapable de manger autant qu'on se le promettait; au fig., voir trop grand, surestimer ses capacités. J'ai toujours, comme nous disons, les yeux plus grands que le ventre. Quand je m'attaque à un sujet, je voudrais y faire entrer le monde entier (Zola, Corresp.[avec J. van Santen Kolff], t. 2, 1891, p. 737).On alla chercher un taxi pour conduire le bouillant impatient, qui avait eu les yeux plus gros que le ventre et qui commençait à avoir mal au cœur, à son hôtel (Cendrars, Bourlinguer, 1948, p. 311). ♦ Bouder contre son ventre. Refuser ce dont on a envie, notamment de la nourriture. Si les délicats n'avaient rien tortillé de trois jours, nous verrions un peu s'ils bouderaient contre leur ventre; ils se mettraient à quatre pattes et mangeraient aux ordures comme les camarades (Zola, Assommoir, 1877, p. 752). ♦ Se remplir le ventre. Boire et manger jusqu'à satiété. Lorsqu'il est cuit à point [un rôti], on le laisse refroidir (les Grecs ne tiennent pas à manger chaud), et l'on attend, pour se remplir le ventre, que le Christ soit ressuscité. Les sept dixièmes des sujets du roi Othon ne mangent de la viande que ce jour-là (About, Grèce, 1854, p. 149). ♦ Se brosser, se frotter le ventre (pop.). Se priver de manger par obligation; p. ext., se priver de quelque chose. Ça tournait à la dégringolade lente (...), avec des hauts et des bas cependant, des soirs où l'on se frottait le ventre devant le buffet vide, et d'autres où l'on mangeait du veau à crever (Zola, Assommoir, 1877, p. 644). ♦ Se serrer le ventre (pop.). Se priver de nourriture, réduire l'importance des repas par souci d'économie; p. ext., faire des économies. Synon. se serrer la ceinture*.La Compagnie, atteinte par la crise, était bien forcée de réduire ses frais (...) et, naturellement, ce seraient les ouvriers qui devraient se serrer le ventre, elle rognerait leurs salaires (Zola, Germinal, 1885, p. 1284). ♦ (Nourriture) qui tient au ventre. (Nourriture) qui remplit l'estomac sans qu'il soit besoin d'en consommer de grandes quantités. Cette bonne soupe de choux et de pommes de terre qui tient au ventre et fait du bon sang net (Giono, Colline, 1929, p. 75). ♦ Manger, boire à plein ventre. Manger, boire en grande quantité. Il y a deux jours qu'elle grelottait malgré la touffeur immobile de l'air. Elle a dû boire à plein ventre de l'eau de la citerne qui sert seulement pour les bêtes (Giono, Colline, 1929, p. 103). ♦ Tout fait ventre. Tout peut être source de profit. Gabrielle haussa affectueusement les épaules et recompta les points de son tricot − on acceptait des commandes de pull-overs − tout fait ventre (La Varende, Indulg. plén., 1951, p. 257). − Proverbe. Ventre affamé n'a pas d'oreilles. Il est impossible de discuter avec quelqu'un qui a faim. Asseyons-nous. Létumier, vous ferez votre discours au dessert... Ventre affamé n'a pas d'oreilles (Erckm.-Chatr., Hist. paysan, t. 1, 1870, p. 173). b) [Considéré comme le siège des organes génitaux internes et, chez la femme, comme le siège de la gestation] Ventre de femme enceinte, mal de ventre. Les simagrées de cette dame, ses attaques de nerfs revêtaient pour lui des explications très simples, qui le rendaient assez grossier envers le ventre d'où il était sorti (Aragon, Beaux quart., 1936, p. 201). − DROIT ♦ Curateur au ventre. Curateur nommé pour s'occuper d'un enfant qui naît après le décès du père. Si, lors du décès du mari, la femme est enceinte, il sera nommé un curateur au ventre par le conseil de famille (Code civil, 1804, art. 393, p. 73). ♦ Vx. Le ventre anoblit. La noblesse se transmet par la mère. La dernière (...) était, contrairement à la loi salique, héritière du nom, des armes et des fiefs. Le roi de France avait approuvé la charte du comte de Champagne en vertu de laquelle, dans cette famille, le ventre anoblissait et succédait (Balzac, Tén. affaire1841, p. 71). 3. Vieux a) Grande cavité du corps. Ventre inférieur, moyen, supérieur. (Dict. xixeet xxes.). b) Petit ventre. Synon. vieilli de bas-ventre. − (...) on ne doit pas manger si l'on ne travaille pas.− Oh bien! en ce cas, je travaillerai tous les jours, disait vivement l'enfant. − Voilà bien l'influence du petit ventre, disait l'Empereur, en tapant sur celui de Tristan; c'est la faim, c'est le petit ventre qui fait mouvoir le monde (Las Cases, Mémor. Ste-Hélène, t. 1, 1823, p. 874). 4. Loc. fig. a) [En tant que support physiol. des manifestations affectives] ♦ Avoir la peur, la rage au ventre. Être saisi par une rage, une peur violente. Le soir je me suis couché à une heure, et encore par raison. J'avais une rage de style au ventre à me faire aller ainsi le double de temps encore (Flaub., Corresp., 1852, p. 467). ♦ Avoir, se sentir le diable au ventre. Déployer une activité intense; en partic., se laisser aller à ses passions, ne pas être maître de ses passions. Synon. avoir le diable au corps*.Ce matin, je me sens le diable dans le ventre, je ne puis tenir en place (Stendhal, Corresp., t. 1, 1813, p. 397).Tu te rappelles encore comme j'avais le diable au ventre, maintenant je suis comme un ange (Ambrière, Gdes vac., 1946, p. 98). ♦ Tenir au ventre. Avoir une grande importance. Synon. tenir au cœur*.Ces encyclopédistes qui avaient organisé « la ruée contre la croix », auraient reconnu dans Rousseau leur plus véritable ennemi, une sorte d'homme de Dieu, et ils auraient été dans cette affaire « les spadassins d'une cause qui les tient au ventre » (Guéhenno, Jean-Jacques, 1950, p. 222). b) [Dans des loc. exprimant le courage, l'énergie, la volonté] Connaître, savoir, voir ce que qqn a dans le ventre. Savoir ce que quelqu'un pense réellement, quelles intentions il a; savoir ce dont quelqu'un est capable. Lucien (...) déploya son esprit comme s'il n'en faisait pas commerce, et fut proclamé homme fort (...). − Oh! il faudra voir ce qu'il a dans le ventre, dit Théodore Gaillard (Balzac, Illus. perdues, 1839, p. 417).Brunet se sent froid et calme: la colère des autres, ça le calme toujours. Il attend; il va savoir ce que Schneider a dans le ventre. Schneider fait un violent effort (Sartre, Mort ds âme, 1949, p. 265).Avoir qqc. dans le ventre/ne rien avoir dans le ventre. Avoir/ne pas avoir du courage, de l'énergie, de la volonté; avoir/ne pas avoir quelque chose d'important, d'essentiel dans la vie. À voir cette facile production d'œuvres si diverses [de M. Clésinger], on devine (...) un homme qui a l'amour de la sculpture dans le ventre (Baudel., Curios. esthét., 1859, p. 277).Ce curé-là n'avait rien dans le ventre, et tout compte fait, mieux valait qu'il fût expulsé de La Belle Angerie (H. Bazin, Vipère, 1948, p. 95). c) Ventre mou. Point faible d'une personne, d'une organisation, d'une société. Les Syriens se sont montrés en effet intransigeants. Pour eux, tenir Zahlé, c'est protéger « le ventre mou de la Syrie » contre toute agression israélienne (Le Point, 18 avr. 1981, p. 67, col. 3). B. − [Chez les animaux; p. oppos. à dos] Partie du corps comprenant la paroi de l'abdomen et les viscères de la cavité abdominale, fréquemment tournée vers le sol. Une bête est venue jouer dans la prairie. Ce devait être une femelle de blaireau. Elle s'est mise sur le dos, le ventre en l'air, un beau ventre large et velouté comme la nuit et qui était plein et lourd (Giono, Regain, 1930, p. 107): 2. ... Quenu (...), une longue cuiller à la main, arrosait dévotement les ventres dorés des oies rondes et des grandes dindes. Il restait des heures (...), un peu abêti (...) et (...) ne se réveillait que lorsqu'on débrochait. Les volailles tombaient dans les plats; les broches sortaient des ventres (...); les ventres se vidaient, laissant couler le jus par les trous du derrière et de la gorge...
Zola, Ventre Paris, 1873, p. 643. ♦ [À propos d'un cheval] Ventre de vache; ventre avalé, tombant. Ventre trop volumineux dépassant les côtes. (Dict. xixeet xxes.). ♦ [À propos d'un quadrupède, gén. un cheval] Ventre à terre. Très rapidement, avec célérité. Arriver, courir ventre à terre; pousser un cheval ventre à terre. Un pur sang en liberté, qui (...) part au galop, la crinière au vent, à longues foulées souples et gracieuses, puis ventre à terre (Cendrars, Bourlinguer, 1948, p. 210).P. anal. [À propos d'une pers.] J'ai des fourmis dans les jarrets, je me tortille (...): il est de toute importance que je me remette à courir. Je saute sur mes pieds, je file ventre à terre (Sartre, Mots, 1964, p. 205). − P. méton. Fourrure du ventre de certains animaux. Une houppelande de velours noir fourrée de quinze cents ventres de menu vair (A. France, J. d'Arc, t. 1, 1908, p. 492).En compos. [Sido] n'a jamais su qu'à chaque retour l'odeur de sa pelisse en ventre-de-gris, pénétrée d'un parfum châtain-clair (...) m'ôtait la parole (Colette, Sido, 1929, p. 11). − En partic. [Chez les poissons] Partie inférieure du corps qui s'étend des ouïes à l'anus. Les fleuves rouloient pêle-mêle, les argiles détrempées, les troncs des arbres, les corps des animaux, et les poissons morts, dont on voyoit le ventre argenté flotter à la surface (Chateaubr., Génie, t. 2, 1803, p. 224). − Vieilli. [Dans de nombreux jurons] Ventre de loup! ventre de bœuf! Ah! ventre de biche! la nuit a été bonne et bien employée! (...) Voilà comme il faut passer la vie! (Kock, Compagn. Truffe, 1861, p. 273). II. − [Désigne tout ou partie de qqc.] A. − P. anal. (avec le ventre de l'être hum.) 1. P. anal. (avec la forme parfois rebondie du ventre hum. et en insistant sur l'idée de cavité). a) Partie renflée d'un objet creux destiné à recevoir, à contenir quelque chose. Ventre d'une aiguière, d'une amphore, d'une carafe, d'une corbeille, d'une cruche, d'une marmite, d'une potiche, d'une théière; ventre d'un bidon, d'un flacon, d'un pot. Une vieille commode hollandaise à gros ventre et à massives poignées de cuivre (A. France, Livre ami, 1885, p. 216).Le soleil (...) entrait dans les pièces de la maison (...), jouant avec les surfaces polies, se reposant complaisamment aux ventres des bouteilles, aux panses des soupières (Pergaud, De Goupil, 1910, p. 233). − MAR. [À propos d'un navire] Partie bombée des œuvres vives d'un navire. Ventre d'une barque, d'un chalutier, d'un navire, d'un paquebot. La nuit s'est fermée, réduisant la mer à son langage de clapotis, claquements de gueule, mâchouillement obscur entre les ventres des bateaux amarrés (Colette, Naiss. jour, 1928, p. 60). b) Partie bombée, renflée de quelque chose. Ventre d'une contrebasse, d'une guitare, d'une viole. C'était la seconde [répétition] de Zénobie, et elle alla si bien, que les musiciens de l'orchestre applaudirent, selon l'usage, avec leurs archets sur le ventre de leurs violons (Sand, Consuelo, t. 3, 1842-43, p. 252). − Spécialement ♦ MAR. Vx. Ventre d'une voile. Arrondi d'une voile gonflée par le vent. (Dict. xxes.). Mod. ,,Courbe prise vers l'avant par un mât tenu seulement par la tête`` (Merrien 1958). Une martingale empêche les mâts (...) de prendre du ventre, de faire ventre (Merrien1958). ♦ CONSTR. Arrondi pris par une construction sous l'effet d'un poids important, d'une trop forte pression. [La vieille maison] a comme un ventre produit par le renflement que décrit son premier étage affaissé sous le poids du second et du troisième (Balzac, Interd., 1836, p. 115).Faire ventre. [Le suj. désigne un mur, un enduit, un plafond] Sortir de l'aplomb d'un des parements. Synon. boucler2.Les maisons horribles qui font face au Capitole [à Toulouse] font ventre sur la place (Stendhal, Mém. touriste, t. 3, 1838, p. 71). ♦ MÉTALL. Partie la plus large d'un haut fourneau, située à la jonction de la cuve et des étalages. La masse noire du haut fourneau se dressa (...) La cuve, en dessous, dressait son cône noir, et c'était ensuite, dès le ventre jusqu'au bas des étalages, une puissante armature de métal soutenant le corps de briques (Zola, Travail, t. 1, 1901, p. 154). c) Partie intérieure de quelque chose, les parois extérieures pouvant éventuellement être renflées, arrondies. Ventre d'un fiacre. Les mauvaises odeurs semblaient sortir du ventre des maisons (Maupass., Pierre et Jean, 1888, p. 246).Nous glissons, nous roulons, nous tombons vivants dans le ventre de la tranchée (Barbusse, Feu, 1916, p. 275). 2. [À propos de qqc. de plein] a) P. anal. (avec la forme arrondie du ventre hum.). Partie large, évasée de quelque chose; partie arrondie ou légèrement incurvée. Des arbres à gros ventre et à toute petite tête (Renard, Journal, 1897, p. 417).À chaque va-et-vient du bras d'Antoine, le ventre poli de la lampe de cuivre reflète une main monstrueuse, le bout d'un nez fantastique (Colette, Ingénue libert., 1909, p. 242). − Spécialement ♦ ANAT. Partie renflée de certains muscles allongés. La plupart d'entre eux [les muscles striés] présentent une partie moyenne, corps ou ventre, et deux extrémités (G. Gérard, Anat. hum., 1912, p. 13). ♦ PHYS. (acoust.). [Dans les ondes stationnaires; p. oppos. à nœud] Région de l'espace où l'amplitude des vibrations est maximale. [Les] positions [du pont mobile sur les deux fils de concentration du champ hertzien] correspondent aux ventres ou aux nœuds du champ (Turpain, Applic. prat. ondes électr., 1902, p. 23). b) P. anal. (de position avec le ventre, partie centrale du corps hum.). Partie centrale. Il savait comment (...), en faisant passer un boulevard sur le ventre d'un vieux quartier, on jongle (...) avec les maisons à six étages (Zola, Curée, 1872, p. 387).Un petit tour avec Monsieur Teste, dont j'ai le début, et on en ferait le ventre avec des morceaux de mes notes (Valéry, Corresp. [avec Gide], 1912, p. 427). c) P. anal. (avec le ventre en tant que siège des viscères de la cavité abdominale).
α) Intérieur, partie la plus profonde de quelque chose qui généralement est pénétrée. Ventre de la terre. P. métaph. Un réseau de racines allait chercher Au ventre du péché Quelque pepsine (Péguy, Quatrains, 1914, p. 536).Un soufflé brûlant dont le ventre cachait une glace acide et rouge (Colette, Chéri, 1920, p. 141).
β) Intérieur de quelque chose, qui est formé d'éléments complexes et essentiels. Avez-vous seulement regardé la bagnole du major Sugden? 150.000 milles dans le ventre, de bons vieux pistons qui cognent, une ferraille qui brinqueballe de partout (Genevoix, E. Charlebois, 1944, p. 193). B. − P. anal. (avec le ventre de l'animal) 1. P. anal. (de position avec le ventre de l'animal dirigé vers le sol). Ventre d'un avion, d'un char; hauteur sous ventre. La voiture pareille à un insecte géant retourné sur le dos montrait son ventre de vernis noir, de ferraille et de cambouis (Bernanos, M. Ouine,1943, p. 1411). 2. P. anal. (de couleur). Ventre de + subst. désignant un animal, en appos. avec valeur d'adj.De la couleur du ventre de l'animal concerné. Blanc ventre de poisson. Une collection d'habits du XVIIIesiècle: habits fleur de soufre, gorge de pigeon, pluie de rose, caca dauphin, et couleur désespoir d'opale et ventre de puce en fièvre de lait (Goncourt, Journal, 1857, p. 341).Ta main a-t-elle peint ce nuage couleur de ventre d'ourse blanche, aux contours irisés? (Arnoux, Juif Errant, 1931, p. 60). 3. Région. (Québec). Ventre de bœuf. Fondrière. Évidemment, il faudra enlever toute la terre noire... Mais oui, autrement la gelée fera travailler l'asphalte et vous aurez des ventres de bœuf le printemps prochain (A. Giroux, 14 rue de Galais, 1954, p. 7 ds Richesses Québec 1982, p. 2409). REM. Ventrailles, subst. fém. plur.,vieilli ou région. (Centre). Viscères d'un animal. (Dict. xxes.). Jeter des ventrailles de lapin (Lar. Lang. fr.). Prononc. et Orth.: [vɑ
̃:tʀ
̭]. Att. ds Ac. dep. 1694. Étymol. et Hist. A. 1. a) Ca 1050 « chez la femme, le siège de la gestation » (Alexis, éd. Chr. Storey, 453); b) 1614 c'est le ventre de ma mère je n'y retourne plus « se dit d'une chose dont on est peu satisfait et qu'on ne veut pas recommencer » (La Resjouissance des harangeres et poissonnières des Halles, 10 ds Quem. DDL t. 19); c) av. 1615 dès le ventre de sa mère « dès sa naissance » (Pasquier, Recherches de la France, p. 562); d) 1685 curateur au ventre (Sorel, Francion, éd. Colombey, 264); 1690 avoir qqc. dans le ventre (Sorel, Francion, éd. Colombey, 264); 1690 avoir qqc. dans le ventre (Fur.); 2. ca 1100 « partie antérieure du tronc » (Roland, éd. J. Bédier, 3922); 1452 passer par dessuz le ventre de qqn (Jean de Bueil, Jouvencel, éd. L. Lecestre, II, p. 131); 1585 passer sur le ventre à qqn (N. Du Fail, Contes d'Eutrapel, éd. J. Assézat, II, p. 318); 1685 (demander pardon) ventre à terre (Fur.); 1853 taper sur le ventre à qqn (Hugo, Châtim., Paris, Hachette, 1932, p. 287); 1880 danse du ventre (Zola, Nana, p. 237); 3. a) 1remoit. xiies. « l'abdomen en tant que siège de la digestion » (Psautier Cambridge, éd. F. Michel, XXI, 15, p. 26); ca 1165 « estomac » (Benoît de Ste-Maure, Troie, éd. L. Constans, 29290); 1552 remplir son ventre (Est.); 1798 se remplir le ventre (Ac.); b) 1640 tout fait ventre (Oudin Curiositez, p. 565); c) 1680 (rire) à ventre déboutonné (Rich.); 1694 avoir mal au ventre (Ac.); d) 1808 se serrer le ventre (Hautel); 1861 se brosser le ventre « ne pas trouver un emploi lucratif de ses forces ou de son talent » (Larch., p. 263); 1881 se brosser le ventre « ne pas avoir à manger » (Rigaud, Dict. arg. mod.); e) 1837 prendre du ventre (Balzac, Employés, p. 110); 1840 avoir du ventre (Id.,
Œuvres div., t. 2, p. 18); 1844 avoir un ventre de député ministériel (Id., Gaudissart II, p. 286); f) 1680 ventre à planer « planchette que le tourneur appuyait contre son ventre quand il planait une pièce de bois » (Rich.); 4. 1452 avoir du cœur au ventre (Jean de Bueil, op. cit., p. 179); 1611 mettre le cœur au ventre (Cotgr.); 1618 faire connaître ce que l'on a dans le ventre (Comte de Cramail, Coméd. des Prov., II, 3 ds Livet Molière t. 3, p. 770); 1623 voir ce que qqn a dans le ventre (Sorel, Francion, éd. Colombey, 264); 1690 avoir qqc. dans le ventre (Fur.); 1718 faire rentrer les paroles dans le ventre (Ac.). B. 1. 1314 ventre du doi « partie charnue du doigt » (Chirurgie Henri de Mondeville, éd. A. Bos, 945, t. 1, p. 226); 1575 « partie centrale d'un muscle » (Paré,
Œuvres, I, 9, éd. J.-Fr. Malgaigne, t. 1, p. 126); 2. a) 1327 « partie creuse et renflée d'un objet » (Palgrave, The ancient Kalendars and Inventories, III, 168); 1616 ventre du navire (D'Aubigné, Hist., II, 81 ds Littré); 1690 ventre d'un luth (Fur.); 1928 ventre (d'un avion) (Saint-Exup., Courr. Sud, p. 5); b) 1552 faire ventre « se bomber (d'un mur) » (Est.); 3. 1754 phys. (Diderot, De l'interprétation de la nature, XXXVI ds
Œuvres philos., éd. P. Vernière, 1964, p. 205); 4. 1932 « partie inférieure d'une voiture » (Romains, Hommes bonne vol., t. 3, p. 159); 5. 1967 « partie centrale d'une page d'un journal » (Voyenne). Du lat. venter, ventris « ventre », « sein de la mère », « intestins », « renflement, flancs d'un objet ». Fréq. abs. littér.: 4 770. Fréq. rel. littér.: xixes.: a) 3 209, b) 8 581; xxes.: a) 10 156, b) 6 840. Bbg. Quem. DDL t. 8, 14, 15, 16, 17, 19, 28. |