| VEAU, subst. masc. A. − 1. ZOOL. Petit de la vache (mâle ou femelle) avant son sevrage à un an. Le veau beugle, meugle, tète sa mère; veau mort-né. Quatre veaux broutaient l'herbe bien verte sous l'abri des arbres (Maupass., Contes et nouv., t. 2, Abandonné, 1884, p. 470).V. bœuf ex. 1. Rem. Après un an le veau femelle s'appelle génisse et le mâle, bouvillon ou taurillon. − ÉLEV. Veau de boucherie, d'élevage; veau fermier; veau (élevé) sous la mère; veau de rivière (v. ce mot II A 1). Veau de lait. Veau élevé principalement au lait de vache. La petite fille, une main au cou d'un veau de lait attaché au râtelier, ignorant s'il tétait encore ou non, lui offrait de l'autre une poignée d'herbe (Pesquidoux, Livre raison, 1932, p. 173). 2. Expr. et loc. a) P. compar., fam. ♦ Pleurer* comme un veau. Var. brailler (pop.), chialer comme un veau (fam.). ♦ Être étendu comme un veau. Être vautré. Synon. être avachi.Il est étendu comme un veau sur son lit, et pleure comme une Madeleine (Balzac, E. Grandet, 1834, p. 113). ♦ Saigner comme un veau. Saigner abondamment (comme un veau à l'abattoir). L'embêtant, c'est que je saigne comme un veau (Malraux, Conquér., 1928, p. 141). b) Loc. nom., fam. ♦ Yeux de veau. Gros yeux globuleux et inexpressifs. Les paupières de Lucien battirent trois fois sur ses bons yeux de veau (H. Bazin, Huile sur feu, 1954, p. 200). ♦ Tête, air, figure... de veau. [Pour qualifier un visage épais aux traits inexpressifs] C'est une tête de veau sur un corps de porc (Balzac, Goriot, 1835, p. 198).P. méton. « Pourquoi, le savez-vous, m'a-t-elle amené sa tête de veau? » Elle parlait du mari, qui a de très grandes prétentions physiques (Goncourt, Journal, 1878, p. 1261).En interj. [Terme d'injure] Le Cocher: Paquet!... Outil!... Tête de veau! La Brige, qui, en effet est chauve: J'ai la tête d'un veau, mais vous en avez l'âme (Courteline, Client sér., Mauv. cocher, 1893, p. 217). c) Loc. verb. fig. Prendre la vache* et le veau. d) P. allus. littér. ou biblique ♦ Adieu, veau, vache*, cochon, couvée. ♦ Tuer le veau gras. [P. réf. à la parabole de l'enfant prodigue (Luc, 15)] Faire un festin en l'honneur d'une personne qui revient après une longue absence, ou simplement à l'occasion d'une réunion familiale ou amicale. Il s'était dit qu'il tuerait le veau gras le jour de mon retour: en effet, son déjeuner fut splendide (Reybaud, J. Paturot, 1842, p. 148). ♦ Le veau d'or. [P. réf. à la statue érigée par les Hébreux au pied du Mont Sinaï et qu'ils vénéraient comme une idole (Exode, 32)] Puissance de l'argent, des richesses. L'oncle Charles révisa ces catéchismes d'avarice et d'usure. On n'avait jamais vu cela, un banquier contre le veau d'or (Giraudoux, Bella, 1926, p. 28).Adorer, sacrifier, rendre un culte au veau d'or. S'abaisser devant un personnage puissant ou riche; céder aux puissances de l'argent. Tout en convoitant les millions, il ne s'était pas abaissé à les courtiser; s'il avait, lui aussi, sacrifié au veau d'or, il l'avait fait sans incliner le front ni ployer le genou (Sandeau, Sacs, 1851, p. 38). 3. P. méton. a) BOUCH., ART CULIN. Viande de cet animal, pouvant être accommodée de nombreuses manières. Manger du veau. Côte, côtelette, épaule, escalope, jarret, longe, noix, ris, rouelle, tendron de veau; veau rôti; veau marengo; blanquette, paupiettes, sauté de veau. Grandcassis: Qu'est-ce que vous avez?... Le Traiteur, avec volubilité: Tête de veau, foie de veau, poitrine de veau, oreilles de veau, mou de veau, pieds de veau, queue de veau... Bouchencœur: Mais c'est un veau complet! (Labiche, Noces Bouchencœur, 1857, I, 2, p. 138).Il fallait à Beethoven son rôti de veau tous les mardis, faute de quoi il se mettait dans une colère noire (Abellio, Pacifiques, 1946, p. 364).V. bœuf ex. 7. ♦ Bouillon de veau, eau de veau. Eau dans laquelle on a fait bouillir une pièce de veau et à laquelle on attribuait naguère des vertus curatives. Tant qu'il y aura de la fièvre, on ne donnera que des bouillons de veau ou de poulet (Geoffroy, Méd. prat., 1800, p. 411). ♦ Tête* de veau. b) MAROQ., PEAUSS., TANN. Peau d'un jeune bovin (veau ou génisse) tannée et corroyée et dont la surface est lisse et brillante. Veau granité, marbré, poli, teinté, velours; peau de veau tannée au chrome. On me vit arriver, à sept heures du matin, avec ma très-petite valise en veau fauve sous mon bras (Jouy, Hermite, t. 4, 1813, p. 7).Il marchait si difficilement qu'il gardait des souliers en veau d'Orléans par toutes les saisons (Balzac, U. Mirouët, 1841, p. 33). − RELIURE. Synon. vélin.Volume relié en veau (fauve, jaune, plein). Aujourd'hui une reliure pleine en maroquin, en chagrin ou en veau est une reliure de luxe, c'est un travail de maroquinerie (Civilis. écr., 1939, p. 12-3). B. − P. anal. 1. ZOOL. Veau (marin). Mammifère marin des régions tempérées dont la tête évoque celle d'un veau. Synon. phoque.V. ce mot A 1 rem. et ex. de Verne. − PEAUSS. Peau de phoque tannée utilisée dans la fabrication de vêtements, chapeaux ou chaussures. Deux casaques, l'une de peau de cygne, l'autre de peau de veau marin, enveloppoient leur corps (Chateaubr., Natchez, 1826, p. 418). 2. CHARPENT. Résidu ou partie ventrue qui se détache d'une pièce de bois lorsqu'on la cintre. Pour l'exécution des baies cintrées, les cintres se composent de pièces rendues courbes à l'extérieur par une levée qui s'appelle un veau (E. Robinot, Vérif., métré et prat. trav. bât., t. 2, 1928, p. 30). 3. GLACIOL. ,,Fragment de glace flottant sur une masse d'eau à la suite d'un vêlage, d'un banc de glace ou d'un iceberg`` (Villen. 1974). C. − P. anal., fam., péj. 1. Personne paresseuse, sans énergie et souvent stupide. Un grand veau. Pourquoi fallait-il précisément ce gros veau plein de sale bière et d'alcool pour que ce miracle s'accomplît? (Sartre, Nausée, 1938, p. 221). − Empl. adj. Paresseux, nonchalant. Sur ce, bonsoir. − Dieu, que je suis veau! Je te laisse [à Flaubert] le titre de vache, que tu t'attribues dans tes jours de lassitude (Sand, Corresp., t. 5, 1867, p. 183). − En interj. [Terme d'injure] Synon. vache, cochon, salaud.Il se mit à brûler tout ce qu'il avait adoré, tout ce qu'il nous avait fait adorer, reniant ses amis, ses maîtres, ses dieux, bredouillant, ânonnant des imprécations nébuleuses: « Tous des veaux! Tous des cochons! Vous aimez ça, vous? Ça vous juge! Quelle misère! » (Duhamel, Terre promise, 1934, p. 100). 2. Cheval de course qui réalise de mauvaises performances. Synon. canasson, tocard.On admettait bien d'entendre un homme parler de son cheval comme d'un « veau », d'une « rosse » (...); mais, s'il arrivait jamais qu'il prononçât « ma bête », il se disqualifiait jusqu'à la fin de ses jours (La Varende, Centaure de Dieu, 1938, p. 51). 3. Moyen de transport lourd, peu performant; en partic., automobile poussive, aux reprises lentes. Tiens, la nouvelle M. − Peuh! un veau! Elle ne monte même pas à 200! (H. Kubnick, Les Forçats du week-end, 1967ds Gilb. 1980). REM. Viauper, verbe intrans.,arg., vx. Crier, pleurer comme un veau. Le refrain recommença, plus ralenti et plus larmoyant, tous se lâchèrent, tous viaupèrent dans leurs assiettes, se déboutonnant le ventre, crevant d'attendrissement (Zola, Assommoir, 1877, p. 590).V. cocarder ex. de Zola. Prononc. et Orth.: [vo]. Homon. val (sous la forme plur. vaux), valoir (prés. de l'ind. 1, 2, 3 pers.), vos. Att. ds Ac. dep. 1694. Étymol. et Hist. 1. Ca 1120 vedel « petit de la vache jusqu'à un an » (Psautier Oxford, éd. Fr. Michel, XLIX, 10); 1remoit. xiies. veel « id. » (Psautier Cambridge, éd. Fr. Michel, XXI, 12); fin xiies. veau (Conon de BÉthune d'apr. Lar. Lang. fr. cette attest. n'a pu être vérifiée); mil. xves. (Evangile des quenouilles, éd. M. Jeay, 1841, p. 128); d'où a) ca 1170 veel d'or « idole en or, représentant un veau, adorée par les Hébreux, alors que Moïse était sur le mont Sinaï » (Rois, éd. E. Curtius, III, XII, 29, p. 142); 1485 veau d'or (Myst. Vieux Testament, XXIX, 25482, éd. J. de Rothschild, t. 3, p. 355); 1690 id. « symbole de richesse » (Fur.); b) ca 1225 cras veel « veau engraissé pour être mangé » occire le cras veel « faire un régal pour fêter le retour de quelqu'un » (Gautier de Coinci, Mir. de N.D., éd. V. F. Kœnig, I Mir 10, 1616); 1640 faire tuer le veau gras « id. » (Oudin Curiositez); c) 1396 viaul de lait « veau qui tête encore sa mère » (10 mars, Invent. de meubles de la mairie de Dijon, A. Côte-d'Or ds Gdf. Compl.); 1660 veau de lait (Oudin Esp.-Fr.); d) fin xves. hurler comme ung veau (Le « Mystère de la Passion » de Troyes, éd. J. Cl. Bibolet, t. 1, 3905); 1531 rire comme un veau (Rabelais, Pantagruel, éd. V.-L. Saulnier, III, 27); 1606 pleurer comme un veau (La Rencontre merveilleuse de Piedaigrete avec maistre Guillaume, 6 (s.l.) ds Quem. DDL t. 19); e) 1532 veaul de disme « gros lourdeau » (Rabelais, op. cit., IX bis, 92); 1872 veau de dîme « veau très gras, qui était choisi de préférence pour payer la dîme aux églises » (Littré); 2. a) 1205-50 parchemin de veel « parchemin fait avec la peau tannée et corroyée du veau ou de la génisse » (Renart, éd. E. Martin, XXIII, 1141); b) 1462 peau de veau (Villon, Testament, éd. L. Thuasne, 698); 1537 en veau (B. Des Périers, Cymbalum mundi, Dialogue Premier ds
Œuvres françoises, éd. L. Lacour, t. 1, p. 318); 3. 1480-90 « viande de cet animal utilisée pour l'alimentation » un beau pasté de veau (Guillaume Coquillart, Monologue des Perrucques, 69 ds
Œuvres, éd. M. J. Freeman, p. 321); cf. 1585 un grand plat garny de bœuf, mouton, veau, et Lard (N. Du Fail, Contes et discours d'Eutrapel, XXII ds
Œuvres facétieuses, éd. J. Assézat, t. 2, p. 162); 4. 1480 fig. et fam. « personne niaise, paresseuse ou encore indolente et veule » ung sot ou ung veau! (Guillaume Coquillart, Nouveaulx Droitz, 154, p. 136); cf. 1485 A! que tu es veau (Myst. Vieux Testament, XLIII, 46332, t. 6, p. 89); 1654 étendu comme un veau (Scarron, Virgile travesti, éd. V. Fournel, III, p. 143); 5. 1538 zool. veau de mer (Est.); 1562 veau marin (Du Pinet, trad. Hist. du monde de C. Pline Second, Lyon, Cl. Serreton, livre IX, chap. 13, t. I, p. 346; livre XI, chap. 37, t. I, p. 446); 6. a) 1551 « partie d'un champ labouré que le soc de la charrue n'a point atteint » les mottes ou veaus et lieus non labourés (Cotereau, Colum., II, 4 ds Gdf. Compl.); d'où 1842 « partie d'un champ où le blé n'a pas poussé » (Ac. Compl.); actuellement région. (FEW t. 14, p. 546a); b) 1701 « chute, déchet de bois qu'on enlève » (Fur.); 7. a) 1901 arg. « cheval qui court très mal » (arg. de Saint Cyr et des turfistes d'apr. Esn. 1966); b) 1919 « hydravion, c'est-à-dire lourd et massif appareil » (E. Vedel, Quatre ans de guerre sous marine, Paris, Plon Nourrit, p. 302); d'où 1935 « voiture qui manque de reprise; moteur poussif » (Simonin, J. Bazin, Voilà taxi! p. 223). Du lat. class. *vĭtellus « petit veau » moins usuel que vĭtŭlus « veau ». Fréq. abs. littér.: 808. Fréq. rel. littér.: xixes.: a) 822, b) 1 397; xxes.: a) 1 703, b) 961. Bbg. Quem. DDL t. 5, 9, 17, 19, 38. |