| VAMPIRE, subst. masc. I. A. − FOLKLORE 1. [Du xveau xviiies., plus partic., en Europe centrale et orientale] Mort qui sort la nuit de sa tombe pour aller sucer le sang des vivants. Nosferatu, le vampire. Rentre, c'est le moment où la lune réveille Le vampire blafard sur sa couche vermeille (Gautier, Comédie mort, 1838, p. 36). ♦ En appos. Quelque chose (...) qui laisse douter si le poète a voulu finir par un trait de satire, ou si cette belle morte que Lautrec a tirée du linceul n'était pas une sorte de femme vampire, comme les légendes nous en présentent souvent (Nerval, Filles feu, Chans. et lég. du Valois, 1854, p. 632).P. métaph. Elle le voyait (...) dans quelque salon aristocratique du faubourg Saint-Germain, où des femmes vampires buvaient tout le sang de son cœur (A. Daudet, Jack, t. 1, 1876, p. 124). − Loc. adj. De vampire. Qui possède des caractéristiques attribuées aux vampires. Ses lèvres rouges ressortaient plus étrangement encore sur son visage pâle. On eût dit une bouche de vampire empourprée de sang (Gautier, Fracasse, 1863, p. 17).La barbe noire du passant, son cheval rouge comme guigne, sa pâleur de vampire distingué ne déplurent pas à la jeune fille (Colette, Mais. Cl., 1922, p. 18). 2. Synon. de goule.Elle confessa qu'elle était un vampire qui rassasiait d'amour les beaux jeunes hommes, afin de pouvoir se nourrir de leur chair, parce que rien en effet n'est plus sain pour ces sortes de fantômes que le sang des amoureux (Flaub., Tentation, 1849, p. 300). B. − P. anal. 1. Personne qui s'enrichit aux dépens du travail ou du bien d'au- trui, en l'épuisant ou en le ruinant. Synon. rapace, sangsue.L'espoir d'une liquidation heureuse s'affaiblissait en moi. J'étais à bout d'expédients; je ne savais plus comment satisfaire la légion de vampires qui m'entourait (Reybaud, J. Paturot, 1842, p. 399).J'étais la croix sur la terre! J'aurais jamais la conscience!... J'étais seulement que des instincts et puis du creux pour tout bouffer la pauvre pitance et les sacrifices des familles. J'étais un vampire dans un sens (Céline, Mort à crédit, 1936, p. 340). 2. Personne possessive, qui tire son bien-être, son plaisir, son épanouissement de la domination affective et psychologique qu'elle exerce sur ses proches. En compos. Ce livre [le Géranium sur la fenêtre], qui raconte l'histoire d'une année scolaire, s'adresse aux grandes personnes, et ces « parents intelligents » ont fait couler beaucoup d'encre et de venin. Croyant que ce livre était destiné en priorité aux enfants, le DrDolto a conclu: « Il s'agit d'une maîtresse d'école, mais, pour l'enfant, c'est une mère-vampire (...) » (Réalités, déc. 1973, p. 49). C. − Spécialement 1. CIN., vieilli. Synon. rare de vamp (v. ce mot A).La femme fatale, qu'ils [les Américains] appellent vampire, est brune, étrange et décolletée (Diamant-Berger, Le Cin., 1919, p. 197). 2. CRIMINOL., PSYCH. Criminel ou aliéné qui commet de nombreux crimes sadiques ou des violations de sépultures avec, en général, des intentions lubriques. Le vampire de Düsseldorf (Lexis1975). II. − ZOOL. Grande chauve-souris d'Amérique tropicale et subtropicale qui suce le sang des animaux, voire des hommes, pendant leur sommeil. Venus des forêts, les vampires aux larges ailes, rôdant près des pêcheurs endormis, à leurs pieds nus, à leurs lèvres, suçaient la vie et les accablaient de sommeil au palpitement silencieux de leurs ailes (Gide, Voy. Urien, 1893, p. 29). − En appos. Les grandes chauves-souris vampires passent silencieusement devant la lune sur leurs ailes de velours (Cendrars, Du monde entier, 1924, p. 154). REM. Vampirologue, subst. masc.,hapax. Vampirologue. J'aimerais vous entendre parler du papa, car je suis friand de détails inédits et votre père s'est tracé une belle carrière dans l'activité que j'ai donnée comme objet à mon érudition (Queneau, Journ. intime, in Les Œuvres complètes de Sally Mara, 1950, p. 173 ds Quem. DDL t. 28). Prononc. et Orth.: [vɑ
̃pi:ʀ]. Att. ds Ac. dep. 1762. Étymol. et Hist. 1. a) 1738 « être imaginaire qui sortirait du tombeau, la nuit, pour sucer le sang des vivants » (D'Argens, Lettres juives, t. 4, p. 150); b) 1756 au fig. « personne qui s'enrichit aux dépens des autres en les ruinant sans vergogne » (Mirabeau, L'Ami des hommes, t. 1, p. 227); c) 1835 « criminel ou aliéné qui commet des assassinats ou des violations de sépulture » (Gautier, Préf. de Mllede Maupin, éd. G. Matoré, p. 20); 2. 1763 zool. (Buffon, Hist. nat., t. 10, p. 57). Empr., au sens 1, à l'all.Vampir, att. dep. 1732 (Kluge20), lui-même empr. au serbo-cr. vāmpι
̄r. FEW t. 20, p. 51b. Fréq. abs. littér.: 146. DÉR. 1. Vampirique, adj.,littér. Qui a rapport aux vampires. a) [Corresp. à supra I A 1]
α) [En parlant d'une pers., de son aspect physique] Qui ressemble à un vampire. Pour un artiste, qu'y a-t-il de plus tentant que de lutter avec ces femmes pâles, frêles, délicates, vampiriques? (Balzac,
Œuvres div., t. 2, 1832, p. 571).Je découvrais (...) à chaque jour quelque détail aimable à la vampirique laideur de mon ami Pinamonte (Milosz, Amour. init., 1910, p. 101).
β) [En parlant d'un inanimé abstr.] Qui a trait aux actions des vampires; qui a la cruauté des vampires. Ce Quercinois à l'imagination vampirique, affirmant des choses énormes, affirmant que N. avait tué un enfant qu'elle avait eu de Silvestre, en lui perçant le cœur avec une épingle d'or (Goncourt, Journal, 1892, p. 285).b) [Corresp. à supra I B]
α) [En parlant d'une pers., d'une entité considérée comme une pers.] Qui a l'avidité du vampire. Synon. rapace.Nous n'avons jamais été riches en numéraire; pourquoi? c'est qu'un gouvernement vampirique a, depuis plus d'un siècle, sucé le sang des peuples (Mirabeau, Coll. compl. des travaux, 1792 [1790]Paris, t. 4, p. 131).
β) [En parlant d'un sentiment] Dominateur, possessif. Adolescent traumatisé par l'amour vampirique de sa mère et l'ambiance étouffante d'une petite ville anglaise (Elle, 21 avr. 1966, p. 52, col. 2).− [vɑ
̃piʀik]. − 1resattest. a) 1790 « qui a le caractère, la cruauté, l'avidité des vampires » (Mirabeau, loc. cit.), b) 1832 « qui a le caractère du vampire, être imaginaire » (Balzac, loc. cit.); de vampire, suff. -ique*. 2. Vampiriser, verbe trans.a) Rare [Le suj. désigne un vampire] Sucer le sang de sa victime. L'atroce histoire du Boucher de Hanovre, le Gille de Rais de la République de Weimar. Dracula des quais de gare, il vampirisait les adolescents; une fois qu'il les avait bien saignés, il fourguait leur viande au marché noir (Le Nouvel Observateur, 30 juin 1975, p. 60, col. 3).Au passif. Être victime d'un vampire. L'acteur de films d'horreur, qui, grand spécialiste de vampires, se retrouve vampirisé à son corps défendant et de la manière la plus inattendue (Télérama, 11 déc. 1974, p. 69, col. 3).b) Au fig., fam. [Le suj. désigne une pers.] Dominer affectivement et psychologiquement quelqu'un de manière à lui retirer progressivement toute volonté. Vampiriser la foule. Gina n'était pas une voleuse d'énergie comme les autres, les trop donneuses, les trop preneuses, les cérébrales, les maternelles, les masculines (...). Je me sentais moins vampirisé (comme je l'eusse été par les autres) que mystifié (Abellio, Pacifiques, 1946, p. 162).− [vɑ
̃piʀize], (il) vampirise [-ʀi:z]. − 1reattest. 1795 « absorber la substance, la force vitale de quelqu'un » (ap. Brunot t. 10, 1, p. 57, note 6); de vampire, suff. -iser*. BBG. − Behrens D. 1923, pp. 37-38. − Dub. Pol. 1962, p. 442. − Gohin 1903, p. 348. |