| VALEUR, subst. fém. I. A. − Caractère mesurable prêté à un objet en fonction de sa capacité à être échangé ou vendu; prix correspondant à l'estimation faite d'un objet. Valeur approximative; valeur d'un bien, d'un bijou, d'un terrain; objet estimé au-dessus, en-dessous de sa valeur; objet de peu de valeur; déterminer, estimer la valeur de qqc.; perdre, rapporter le centuple de sa valeur; prendre de la valeur; donner de la valeur à qqc.; doubler, tripler de valeur. Une œuvre d'art (digne de ce nom et faite avec conscience) est inappréciable, n'a pas de valeur commerciale, ne peut pas se payer (Flaub., Corresp., 1872, p. 458): 1. ... quand on dit que le gouvernement emprunte, on dit mal: le gouvernement n'emprunte pas de fonds; il vend des rentes. Ces rentes augmentent-elles de valeur sur la place, comme marchandises, tant mieux pour moi. Diminuent-elles de valeur vénale, tant pis pour moi.
Chateaubr., Mém., t. 3, 1848, p. 236. ♦ Valeur locative. V. locatif1.Valeur marchande*. Valeur vénale*. − [En fonction de déterm.] ♦ De valeur. Estimé à un prix élevé, qui vaut cher. Bijou de grande valeur. Il nous est arrivé vingt fois de laisser dans nos tentes, à la campagne, une foule d'effets et de choses de valeur (Gobineau, Corresp.[avec Tocqueville], 1856, p. 253).Madame mère, ayant décrété la réquisition de nos bourses, saisit également tous objets de valeur en notre possession: timbales d'argent de nos baptêmes, chaînes de cou à médailles d'or, stylos offerts par le protonotaire, épingles de cravate (H. Bazin, Vipère, 1948, p. 58). ♦ Sans valeur. Qui n'est pas d'un grand prix. Bibelot sans valeur. Bientôt les jours de courrier firent événement pour la comtesse; ces courriers apportaient des fleurs, des fruits, de petits cadeaux sans valeur, mais qui l'amusaient (Stendhal, Chartreuse, 1839, p. 98).Notre attention s'est portée simultanément sur un exemplaire très frais des
Œuvres Complètes de Rimbaud, perdu dans un très mince étalage de chiffons, de photographies jaunies du siècle dernier, de livres sans valeur et de cuillers en fer (Breton, Nadja, 1928, p. 50). B. − ÉCON. Évaluation d'une chose en fonction de son utilité sociale, de la quantité de travail nécessaire à sa production, du rapport de l'offre et de la demande. Les espaces libres deviennent de plus en plus rares et onéreux. La valeur des hangars, des resserres, que nécessite l'entrepôt des objets en sommeil a subitement dépassé la valeur de ces objets (J.-R. Bloch, Dest. du S., 1931, p. 141): 2. Il n'en est pas d'une dette publique comme des denrées de première nécessité: moins il y a de ces denrées, plus elles ont de valeur. C'est qu'elles ont une valeur intrinsèque, et que leur valeur relative s'accroît par leur rareté. La valeur d'une dette au contraire ne dépend que de la fidélité du débiteur.
Constant, Princ. pol., 1815, p. 121. ♦ Valeur ajoutée. Différence entre la valeur finale d'un produit au prix du marché et la valeur initiale des matériaux et des services utilisés pour sa production. La valeur, calculée aux prix du marché des produits et services achetés est inférieure à la valeur, calculée selon les mêmes critères, des produits et services vendus. L'écart constitue la valeur ajoutée (Univers écon. et soc., 1960, p. 24-11).Taxe à la valeur ajoutée (T.V.A.*). La taxe à la production est remplacée par une taxe à la valeur ajoutée, comportant deux taux (Industr. fr. engrais chim., 1954, p. 27). ♦ Valeur d'échange. Rapport quantitatif établi entre des marchandises qui, ayant une valeur d'usage différente, entrent dans le circuit commercial. Le prix de revient à la vente ou valeur d'échange du produit est égal au prix de revient à la production augmenté des frais commerciaux (...) et, d'une part de frais administratifs (Brunerie, Industr. alim., 1949, p. 221). ♦ Valeur d'usage. Qualité qu'a une marchandise ou un produit de satisfaire un besoin social donné. La valeur (...) présente deux faces: l'une, que les économistes appellent valeur d'usage, ou valeur en soi; l'autre, valeur en échange, ou d'opinion (Proudhon, Syst. contrad. écon., t. 1, 1846, p. 59).Des produits de divers ordres dont la valeur d'usage et la valeur d'échange ne (...) [dépendent] que fort peu de ce qu'ils sont (Valéry, Variété IV, 1938, p. 261). − En valeur. En l'état d'une chose qui a de la valeur. Les fermes bâties et les cultures en pleine valeur (Balzac, Lys, 1836, p. 134). ♦ Mettre en valeur. Faire valoir, faire fructifier. Synon. valoriser.Mettre un bien, un capital en valeur; mettre un pays, une région en valeur. La terre (...) est assez bien mise en valeur, et la culture est intense (A. France, Pierre bl., 1905, p. 263).Au fig. Faire valoir, mettre en évidence, à son avantage, en relief une personne, une qualité, un objet. Savoir se mettre en valeur; mettre en valeur ses dons. [Swann] s'efforçait à discerner, à aimer en eux [les gens qu'il recevait] les qualités que tout être humain révèle (..); il mettait en valeur les mérites de MmeBontemps comme autrefois ceux de la princesse de Parme (Proust, J. filles en fleurs, 1918, p. 514).Une belle lumière mettait en valeur les toilettes, faisait étinceler les bijoux et donnait à la chair une tonalité chaude (Peisson, Parti Liverpool, 1932, p. 166). ♦ Mise en valeur. Action de faire valoir, de faire fructifier; résultat de cette action. Synon. valorisation.L'économie mondiale entendue comme la mise en valeur, dans le dessein de satisfaire les besoins de tous, de toutes les ressources humaines et matérielles de la planète (Perroux, Écon. XXes., 1964, p. 281).Au fig. Action de mettre en évidence, en relief (une personne, une qualité, un objet); résultat de cette action. Mise en valeur d'une toilette, d'un bijou. Que de forces isolées, perdues! Quelle ne serait pas la grandeur de notre pays, le rayonnement des œuvres, la mise en valeur de chacun, si ces forces étaient ordonnées (...)! (Gide, Faux-monn., 1925, p. 1210). − FIN., MONNAIE. Valeur officielle d'une monnaie; monnaie sans valeur; rapport de valeurs entre les monnaies; maintenir, protéger la valeur d'une monnaie. Billets de banque dont la valeur se mesure à l'or qu'ils représentent (Mauriac, Journal 2, 1937, p. 149).Variation de la valeur du franc par rapport à une période de référence donnée (Industr. fr. engrais chim., 1954, p. 26).Valeur or* d'une monnaie. ♦ Valeur intrinsèque, métallique d'une monnaie. Valeur du métal utilisé pour la fabrication d'une pièce de monnaie. Il y a une impression singulière dans le maniement direct de 5 à 600 napoléons. Les valeurs métalliques sont plus parlantes que les chiffres ou les chiffons (Amiel, Journal, 1866, p. 317).Jusque vers 1870, la monnaie était essentiellement représentée par des pièces d'or et d'argent, dont la valeur de frappe correspondait à la valeur métallique (Baudhuin, Crédit et banque, 1945, p. 34). ♦ Valeur de frappe d'une monnaie. Valeur gravée sur une pièce. Supra ex. de Baudhuin. ♦ Valeur conventionnelle, extrinsèque, monétaire, nominale de la monnaie. Ces lingots n'ont pas, dans les sociétés archaïques, une valeur monétaire comparable à notre monnaie moderne: ils ont une fonction symbolique et ne sauraient servir d'instrument d'acquisition (Traité sociol., 1968, p. 216). C. − BOURSE, FIN. 1. Valeur mobilière ou, p. ell. du déterm., valeur. Titre négociable coté ou non en Bourse. Il laissait le domaine de la Fortelle, trois manufactures en Picardie, le bois de Crancé dans l'Yonne, une ferme près d'Orléans, des valeurs mobilières considérables (Flaub., Éduc. sent., t. 2, 1869, p. 225).La Dame: (...) j'ai acheté un tas d'actions de charbonnages. Docteur, que pensez-vous des charbonnages? Knock: Ce sont, en général, d'excellentes valeurs, un peu spéculatives peut-être, sujettes à des hausses inconsidérées suivies de baisses inexplicables (Romains, Knock, 1923, ii, 5, p. 13). SYNT. Valeur de bourse; valeur admise à la cote, négociable en banque; valeur indexée; valeur sûre; valeur refuge; valeur étrangère; valeur d'état; valeur de placement; valeur de père de famille; cours, baisse, hausse, marché des valeurs; portefeuille de valeurs; spéculer, trafiquer sur les valeurs. 2. Effet de commerce. Valeur commerciale; escompte d'une valeur. Le service des cartes-lettres remboursement (...) complète celui des valeurs à recouvrer et consiste à faire livrer des envois de marchandises contre paiement par le destinataire de la somme indiquée par l'expéditeur (Admin. P. et T., 1964, p. 37). − Au fig. ou p. métaph. Un phénomène de ce temps, c'est que la valeur la plus positive, la plus réalisable est la curiosité, l'objet d'art. C'est devenu une valeur plus sûre que la rente, que la terre, que la maison (Goncourt, Journal, 1865, p. 168). II. A. − Mesure d'une grandeur, d'une quantité variable. On rencontre (...) de bonne heure le calcul des valeurs d'une fonction à partir de leurs différences, employé comme procédé pratique d'intégration, et même, peut-on dire, d'intégration d'équation différentielle (Bourbaki, Hist. math., 1960, p. 203).La plupart des appareils de mesure indiquent la valeur d'une grandeur physique par la position d'un index se déplaçant le long d'un segment de droite, ou d'un arc de cercle (Couffignal, Mach. penser, 1964, p. 51). ♦ Valeur absolue*. − P. ext. La valeur de. Quantité approximative. La valeur d'un litre, de deux cuillers; la valeur d'un chapitre. La notion du temps étant supprimée, la nuit entière n'a-t-elle eu pour moi à peine que la valeur d'une seconde? (Baudel., Paradis artif., 1860, p. 340).Généralement, leur panier contient la valeur d'un sou de pain pour eux quatre (Frapié, Maternelle, 1904, p. 258).Un litre de vin rouge était entamé; il en mit le goulot à sa bouche, en but la valeur d'un verre (Montherl., Célibataires, 1934, p. 750). SYNT. Valeur algébrique, arithmétique, mathématique, numérique; valeur approchée, intermédiaire, limite, moyenne, théorique; valeur minimale, maximale, extrême; valeur de crête; valeur d'une expression algébrique, d'un nombre, d'une grandeur, d'un paramètre, d'une variable, d'une inconnue; expression d'une valeur. B. − 1. Mesure conventionnelle attachée à un élément appartenant à une série hiérarchisée. Valeur d'un jeton, d'un pion; valeurs des cartes. Les dominos « classiques » (...) But du jeu: se débarrasser de ses dominos en réalisant une suite de manière que les points portés sur les demi-dominos accolés soient de même valeur (Jeux et stratégies, avr. 1980, p. 33). 2. Durée relative d'une note de musique. Chaque note prend, en raison de ses rapports avec les autres, une valeur à laquelle elle doit sa signification et son effet esthétique (D'Indy, Compos. mus., t. 1, 1897-1900, p. 94).Délimiter les mesures par des lignes verticales et la durée des attitudes par la représentation des valeurs musicales habituelles: ronde, blanche, noire, croche, etc. (Bourgat, Techn. danse, 1959, p. 122). C. − 1. LING. Sens d'une unité linguistique déterminée par son appartenance à un système. Connaître la valeur d'un mot. La valeur propre du mot que est de marquer la dépendance où une proposition est d'une autre (Destutt de Tr., Idéol. 2, 1803, p. 145): 3. Quand on parle de la valeur d'un mot, on pense généralement et avant tout à la propriété qu'il a de représenter une idée, et c'est là en effet un des aspects de la valeur linguistique. Mais s'il en est ainsi, en quoi cette valeur diffère-t-elle de ce qu'on appelle la signification? Ces deux mots seraient-ils synonymes? Nous ne le croyons pas, bien que la confusion soit facile, d'autant qu'elle est provoquée, moins par l'analogie des termes que par la délicatesse de la distinction qu'ils marquent.
Sauss.1916, p. 158. 2. STYL. Sens, signification que prend un mot dans un contexte donné; effet littéraire, effet de sens produit par un mot dans un contexte donné. Valeur effective, expressive, métaphorique d'un mot. Il faut discerner avec une extrême lucidité toutes les modifications de la valeur d'un mot suivant la place qu'il occupe (Maupass., Pierre et Jean, 1888, p. 282). 3. [À l'oral] Sens, effet produit par une intonation. Il me fit remarquer (...) avec quelle intelligence, quelle justesse imprévue l'actrice disait à Œnone: « Tu le savais! » Il avait raison: cette intonation-là, du moins, avait une valeur vraiment intelligible et aurait dû par là satisfaire à mon désir de trouver des raisons irréfutables d'admirer la Berma (Proust, J. filles en fleurs, 1918, p. 567). D. − PEINT. Intensité relative d'une couleur, d'un ton. Cette tache blanche au milieu du tableau [la Vierge au lapin] est la note dominante sur laquelle se règlent les valeurs du coloris (Gautier, Guide Louvre, 1872, p. 76).Le paysage est dans les valeurs d'un camaïeu gris (Claudel, Soulier, 1944, 1repart., 1rejournée, 2, p. 946).Il faudra toute une évolution pour que l'on songe à demander à la gravure, puis à la photogravure le rendu des valeurs (Huyghe, Dialog. avec visible, 1955, p. 14). III. A. − Qualité physique, intellectuelle, morale d'une personne qui la rend digne d'estime. Homme d'une haute valeur morale; apprécier, estimer, juger qqn à sa juste valeur. Je dirai quelques mots sur toi, mais je ne te gênerai point en insistant avec lourdeur sur ton courage ou sur ta valeur professionnelle (Saint-Exup., Terre hommes, 1939, p. 160): 4. Je voudrais pouvoir suivre des yeux cet enfant dans sa carrière. Si peu encombré de sentiments et de scrupules, ne manquant certes pas de valeur personnelle, prêt à fouler aux pieds tout ce qui ne peut pas lui servir, âpre au gain et poursuivant à travers n'importe quoi son profit, il ne laissera pas de réussir.
Gide, Journal, 1943, p. 218. − [En fonction de déterm.] De peu de valeur. On imprime Merrill, Regnier, Verhaëren, Jammes, des poètes de valeur certes, mais enfin dont pas un n'aurait pu coller debout ces trois strophes, et on refuse Murmures dans la Nuit (Miomandre, Écrit sur eau, 1908, p. 156).Un architecte de grande valeur a pourtant mal terminé une église gothique de Rouen (Alain, Beaux-arts, 1920, p. 176). − P. méton. Personne qui a de la valeur. P. anal. Dès l'instant où Cyrano imaginait le pépin-soleil, il avait la conviction que le pépin était un centre de vie et de feu, bref, une valeur (Bachelard, Poét. espace, 1957, p. 143). B. − Vieilli. Bravoure au combat, courage, hardiesse. Valeur guerrière; indomptable valeur. La bataille fut perdue, malgré les prodiges de valeur des chevaliers de France et d'Écosse, qui vendirent chèrement la victoire aux Anglais (Barante, Hist. ducs. Bourg., t. 4, 1821-24, p. 433).Fils du comte Amaury, je connais ton courage; Ma nièce a dû la vie à ta jeune valeur; Mais celui que tu viens combattre est, par malheur, Vaillant autant que fort et rude à la bataille (Bornier, Fille Rol., 1875, iii, 4, p. 73). Rem. Le vers de Corneille La valeur n'attend pas le nombre des années (Le Cid, II, 2) est devenu proverbial. IV. A. − Qualité intrinsèque d'une chose qui, possédant les caractères idéaux de son type, est objectivement digne d'estime. Originalité et valeur d'une œuvre. Quiconque, liseuse ou seulement curieuse, a regardé attentivement cette liste de quelques livres donnés ici par nous chaque quinzaine, a pu s'apercevoir qu'il n'y apparaissait que les titres d'ouvrages remarquables avant tout par leur haute valeur littéraire (Mallarmé, Dern. mode, 1874, p. 840).Un de ces romans aux personnages si ressemblants et aux intrigues si passionnantes, se trouve être écrit dans un style plat et lâché, ils [les critiques] parlent de ce défaut avec indulgence, comme d'une imperfection regrettable (...) qui n'entame en rien la valeur véritable de l'œuvre (Sarraute, Ère soupçon, 1956, p. 150). − [En fonction de déterm.] Enseignement de valeur. Courtial avait publié vers 1893 un véritable traité « De la Traction Verticale » (...) C'était un ouvrage de valeur, absolument irréfutable, mais pourtant qui ne constituait dans l'ensemble de son œuvre qu'un modeste et frêle apport (Céline, Mort à crédit, 1936, p. 416). B. − Qualité, importance estimée par un jugement subjectif. Accorder beaucoup de valeur; juger à sa juste valeur; apprécier qqc. à sa valeur véritable; prêter une valeur excessive à qqc. Mais ne trouvez-vous pas vous-même, Aurelle, reprit le major Parker, que l'intelligence soit estimée chez vous [en France] au-dessus de sa valeur réelle? (Maurois, Sil. Bramble, 1918, p. 14).Il redoutait d'avoir perdu le discernement de l'injuste et du juste, et n'en revenait pas d'hésiter sur la valeur de ses actes (Mauriac, Baiser Lépreux, 1922, p. 203). − N'avoir qu'une valeur relative. La forme étant la seule réalité, toutes les différences réelles étant des différences de forme, tous les autres mots du vocabulaire philosophique n'ont plus qu'une valeur relative (Ruyer, Esq. philos. struct., 1930, p. 105). − PHILOS. Jugement de valeur. V. jugement D 3. C. − Qualité objective correspondant à un effet souhaité, à un but donné; efficacité, validité d'une chose. Raisons qui paraissent sans valeur; valeur d'un argument, d'un raisonnement, d'une théorie. Une petite bibliothèque scolaire, précieuse par la valeur de l'enseignement autant que par l'attrait du format (Mallarmé, Dern. mode, 1874, p. 744).Des dispositions de ce genre sont, maintenant, adoptées en Middle-East et j'ai la satisfaction de constater que la valeur militaire des éléments français d'aviation en est devenue meilleure (De Gaulle, Mém. guerre, 1954, p. 613). − DR., JUST. Valeur (légale). Qualité qui donne effet à un acte, à un titre, qui détermine l'efficacité d'un droit, d'une preuve. Valeur d'un témoignage; loi sans valeur. J'ai retrouvé dans les papiers de maman une lettre que lui écrivit en 1916 M. d'Aumagne, lui disant: « Ne parlons plus de cela ». Mais il paraît que ça n'a pas de valeur légale (Montherl., Célibataires, 1934, p. 746). D. − Importance, portée d'une chose. Il y a des paroles sans valeur jetées dans une conversation qui, à de certains moments, entrent en vous, vous pénètrent, des paroles qu'on ne peut chasser de sa mémoire (Goncourt, Journal, 1888, p. 812).Plus nous percevons directement les choses, ou les événements, ou les êtres, sans traduire aussitôt nos impressions en clichés, en formules toutes faites, et plus ces perceptions ont de valeur (Valéry, Variété III, 1936, p. 282). E. − Loc. Avoir (la) valeur, une valeur de. Équivaloir, avoir la même fonction, la même fin que. Avoir valeur d'exemple. Dire qu'un objet est beau, c'est lui donner valeur d'énigme (Valéry, Variété IV, 1938, p. 247). V. A. − Caractère, qualité de ce qui est désiré, estimé parce que donné et jugé comme objectivement désirable ou estimable. Concept, notion de valeur; valeur de la morale, du beau, du bien, du juste; valeur de la science, du progrès scientifique; valeur morale de l'action; valeur de l'individu, de la personne humaine. Martin, avant de se faire justice d'une quatrième balle [il venait de tuer trois personnes], s'accorda un moment de réflexion et considéra les trois corps affalés, mais malgré ses efforts, il ne put s'intéresser à ce spectacle de mort, ni à la valeur de son acte (Aymé, Derr. chez Martin, 1938, p. 137): 5. Toute valeur, quelle qu'elle soit, est indivisiblement l'objet d'un désir et l'objet d'un jugement; le désir est le moteur, mais le jugement en est l'arbitre. Et les théories de la valeur s'opposent entre elles par la prééminence qu'elles accordent soit au désir, soit au jugement dans la constitution de la valeur. Mais la valeur réside dans leur union et, si l'un ou l'autre de ces facteurs manquent la valeur s'écroule.
L. Lavelle, Tr. des val., I, 196 ds Foulq.-St-Jean1969. B. − P. méton. Chose ayant ce caractère; ce qui est beau, bien, vrai, juste. Valeurs esthétiques, morales, sociales; valeurs absolues, relatives; valeurs communes, humaines, individuelles, universelles; valeurs d'un milieu, d'une société, d'une époque; valeurs de (la) gauche; hiérarchie, changement, crise, effondrement, transmutation des valeurs; système de valeurs; avoir des valeurs; avoir les mêmes valeurs. Devant le charnier des valeurs mortes, nous découvrons que les valeurs vivent et meurent en liaison avec le destin. Comme les types humains qui expriment les plus hautes d'entre elles, les valeurs suprêmes sont des défenses de l'homme (Malraux, Voix sil., 1951, p. 631). ♦ Échelle des valeurs. V. échelle C 2 b. Prononc. et Orth.: [valœ:ʀ]. Att. ds Ac. dep. 1694. Étymol. et Hist. 1. Ca 1100 valor « ce qu'une personne est estimée pour son mérite, ses qualités » (Roland, éd. J. Bédier, 534); ca 1175 valor « bravoure, vaillance » (Benoît de Ste-Maure, Ducs Normandie, éd. C. Fahlin, 1234); 1578-83 une valleur « une personne qui a de la valeur » (D'Aubigné, Le Printemps ds
Œuvres, éd. E. Réaume et De Caussade, t. 3, p. 192); 2. a) α) ca 1100 aveir valor « être propre à un certain usage » (Roland, 1362); ca 1260 valeur « ce que vaut une chose pécuniairement » (Ménestrel Reims, éd. N. de Wailly,300);
β) 1690 (objet) de valeur « très précieux » (Fur.); 1705 écon. valeur « toutes sortes de titres de rente, actions » (Regnard, Les Ménechmes, V, 5 ds Littré); 1740 mus. « valeur que doit avoir chaque note » (Ac.); 1792 peint. « degré de clarté ou d'obscurité propre à chaque couleur » (Watelet, Lévesque, Dict. des arts de peint., t. 1, p. 521); 1845 math. « expression numérique ou algébrique d'une valeur » (Besch.);
γ) ca 1690 « signification des termes suivant l'usage reçu » (Pélisson ds Trév. 1771); b) ca 1480 mettre en vailleur « mettre dans une haute position » (Le Mistere du Viel Testament, éd. J. de Rothschild, t. 6, 47524); 1690 mettre en valeur (une terre) « donner les soins nécessaires à (pour en tirer un bon produit » (Fur.)). Du lat. valorem, acc. de valor « valeur ». Fréq. abs. littér.: 9 469. Fréq. rel. littér.: xixes.: a) 13 430, b) 6 334; xxes.: a) 9 252, b) 19 854. Bbg. Amacker (R.). Sur la notion de valeur. In: [Mél. Godel (R.)]. Bologna, 1974, pp. 7-43. − Auroux (S.). Deux hyp. sur l'orig. de la conception saussurienne de la valeur ling. Trav. Ling. Litt. Strasbourg. 1985, t. 23, no1, pp. 295-299. − Goug. Mots t. 1, 1962, pp. 115-118. − Malmberg (B.). Langue-forme-valeur: réflexions sur trois concepts saussuriens. Semiotica. 1976, t. 18, no3, pp. 195-200. - Quem. DDL t. 22 (s.v. valeur-refuge), 30. − Schuchard (B.). Valor... Bonn, 1970, 220 p. − Swiggers (P.). De Girard à Saussure: sur l'hist. du terme valeur en ling. Trav. Ling. Litt. Strasbourg. 1982, t. 20, no1, pp. 325-331. − Siertsema (B.). Le Concept de valeur chez F. Saussure. In : [Mél. Geschiere (L.)]. Amsterdam, 1975, passim. |