| UTILITARISME, subst. masc. A. − PHILOS. Doctrine qui fait de l'utile, de ce qui sert à la vie ou au bonheur, le principe de toutes les valeurs dans le domaine de la connaissance comme dans celui de l'action. On appelle utilitarisme le système qui consiste à ramener la notion du juste à celle de l'utile, par conséquent à faire de l'intérêt le principe du droit et de la morale (Proudhon, Justiceds Lal.1968). − En partic. Doctrine morale et politique de Bentham et de John Stuart Mill fondée sur la notion d'utilité ou de « principe du plus grand bonheur » permettant de diviser les actions ou les choses en bonnes ou mauvaises selon qu'elles tendent à augmenter ou non le bonheur et à diminuer la souffrance. John Stuart Mill (...) remarque que la règle suprême de son utilitarisme se confond avec le précepte de l'Évangile: « Aime ton prochain comme toi-même » (Lévy-Bruhl, Mor. et sc. mœurs, 1903, p. 37).Dans une précieuse contribution, Wesley C. Mitchell a montré que la tentative faite par Bentham pour préciser et quantifier l'utilitarisme régnant en Angleterre à l'époque où il écrivait, (...) a eu le mérite de briser de trop confortables généralités concernant l'organisation des sociétés (Perroux, Écon. XXes., 1964, p. 469). B. − Souvent péj. 1. Esprit utilitaire; attitude d'une personne qui ne se préoccupe que de l'utile. Passe pour l'utilitarisme, quoiqu'il soit peu noble; mais l'utilitarisme faisant la chattemite, le bon apôtre, le faux bonhomme, et démolissant sournoisement tout ce qui ne lui sert pas, ne m'inspire aucune sympathie particulière (Amiel, Journal, 1866, p. 191).L'œuvre d'art, fin absolue, s'oppose par essence à l'utilitarisme bourgeois. Croit-on qu'elle peut s'accommoder de l'utilitarisme communiste? (Sartre, Sit. II, 1948, p. 286). 2. Caractère de ce qui a une fin utilitaire, intérêt matériel, personnel. J'ai un rendez-vous avec A. R. que je vois par utilitarisme, car sa conversation n'a pas le moindre intérêt pour moi (Barb. d'Aurev., Memor. 1, 1838, p. 198).Quant à Bergotte, il se rendait bien compte de cet utilitarisme des visites de M. de Charlus, mais ne lui en voulait pas (Proust, Prisonn., 1922, p. 222). Prononc. et Orth.: [ytilitaʀism̭]. Att. ds Ac. 1935. Étymol. et Hist. 1. 1831 philos. utilitarisme (Le Semeur, p. 36, 60, 78 d'apr. Mack. t. 1, p. 216); 1840 utilitairisme (P. Leroux, Humanité, p. 50); 2. 1838 « caractère de ce qui est dicté par l'utilité; recherche de l'utilité » (Barb. d'Aurev., loc. cit.). Dér. de utilitaire*; suff. -isme*, d'apr. l'angl. utilitarianism (1827, NED; dér. de utilitarian, v. utilitaire); de là, utilitairianisme (1845, Besch.). Fréq. abs. littér.: 26. DÉR. Utilitariste, adj. et subst.a) Philos.
α) Adj. Qui relève de l'utilitarisme, qui professe l'utilitarisme. Philosophie, théorie utilitariste; philosophe utilitariste. Smith, Comte, Sutherland, les solidaristes et Sorokin arrivaient à une morale altruiste; Bentham et Mill à une morale utilitariste (Traité sociol., 1968, p. 139).
β) Subst. Personne qui professe l'utilitarisme. Le « principe de réalité » (...) n'est (...) qu'un principe du plaisir amélioré, une arithmétique de la jouissance. Les utilitaristes anglais l'avaient déjà parfaitement définie (Mounier, Traité caract., 1946, p. 336).b) P. ext., adj. Qui recherche, qui est essentiellement tourné vers l'utile. Sa psychologie utilitariste le conduit [le Juif] à chercher derrière les témoignages de sympathie que certains lui prodiguent le jeu des intérêts, le calcul, la comédie de la tolérance (Sartre, Réflex. quest. juive, 1946, p. 170).− [ytilitaʀist]. − 1resattest. a) 1922 philos. subst. et adj. théories utilitaristes (A. Lalande, Vocab. philos. ds B. Soc. fr. philos. t. 22, p. 48), b) 1946 adj., p. ext. (Sartre, loc. cit.); de utilitarisme par substitution du suff. -iste*; cf. l'angl. utilitarianist, sens 1, subst. 1882, NED. |