| ULTRA, subst. et adj. A. − Substantif 1. POL. Celui, celle qui professe des opinions extrêmes dans le domaine politique. Synon. extrémiste.La fraction la plus avancée du parti libéral en France se compose d'esprits généreux (...). Ils ont eu de tout temps leurs puritains sincères; mais de tout temps aussi (...) leurs ultras, qui sont leurs plus dangereux ennemis (Feuillet, Camors, 1867, p. 41).L'économie semi-capitaliste contre la critique des « ultra », de droite et de gauche, hostiles pour des raisons contraires au compromis qu'elle constitue (Univers écon. et soc., 1960, p. 22-16). − HISTOIRE ♦ [Sous la Révolution] Révolutionnaire extrémiste. Synon. ultrarévolutionnaire (s.v. ultra-).La logique du vertueux réformateur [Robespierre] le poussait à supprimer les hommes en même temps que les abus: modérés et ultras se liguèrent contre lui; le Peuple laissa faire; c'est le pouvoir qui a perdu les Jacobins (Proudhon, Confess. révol., 1849, p. 89). ♦ [Sous la Restauration] Partisan intransigeant de la monarchie absolue. Synon. ultraroyaliste.Tel est ultra parce qu'il voit seulement les malheurs qu'a soufferts la famille royale et qu'il croit être du parti des gens tranquilles, qui serait libéral si on lui montrait la moindre partie des maux que fait la tyrannie (Michelet, Journal, 1820, p. 77).Dès 1818, quelques doctrinaires commencèrent à (...) poindre, nuance inquiétante. La manière de ceux-là était d'être royalistes et de s'en excuser. Là où les ultras étaient très fiers, les doctrinaires étaient un peu honteux (Hugo, Misér., t. 1, 1862, p. 744). 2. Celui, celle qui défend des idées conservatrices, s'oppose à toute évolution. Sans doute se méfiait-il [le curé] des ultras, toujours informés de ses gestes, et des dévotes à l'affût derrière les rideaux de leurs fenêtres, de ces féroces grenouilles de bénitier (Arnoux, Algorithme, 1948, p. 64).Les « ultras » ce sont bien évidemment les chevaliers de l'au-delà; ceux qui, dans un rayonnement ultra-violent de paroles et d'actes, vont toujours plus outre, outrancièrement, outrageusement (Le Monde, 26 mai 1959ds Gilb. 1971). 3. Celui, celle qui est le partisan acharné, ou extrémiste d'une cause ou d'une idée. Synon. fanatique.Le monde ne vaut que par les extrêmes et ne dure que par les moyens. Il ne vaut que par les ultras et ne dure que par les modérés (Valéry, Tel quel I, 1941, p. 192).Le PS, ce faisant, n'entend emboîter le pas (...) des ultras du nucléaire, qui, sans l'avouer, songent à un retrait progressif de la France de l'Alliance atlantique (Le Point, 5 déc. 1977, p. 88, col. 2). − P. plaisant. Le petit groupe avait aussi ses « ultras ». Et ceux-ci, ignorants des convenances particulières qui détournent souvent les gens de l'attitude extrême qu'on aimerait à leur voir prendre pour ennuyer quelqu'un, auraient souhaité et n'avaient pas obtenu que MmeVerdurin cessât toutes relations avec Odette (Proust, J. filles en fleurs, 1918, p. 600). B. − Adj., HIST., POL. Qui appartient aux ultras, qui est dirigé, qui est fréquenté par les ultras, qui regroupe des ultras. Maison, parti ultra. Lucien répondit d'une façon qui eut le bonheur de plaire au marquis plus qu'à demi ivre, et, à partir de cette matinée, qui se termina par du vin brûlé, dans le café ultra de la ville, Sanréal s'accoutuma tout à fait à Lucien (Stendhal, L. Leuwen, t. 1, 1835, p. 239).Les Henri Rondeaux recevaient Le Triboulet, journal humoristique ultra, créé pour déboulonner Jules Ferry (Gide, Si le grain, 1924, p. 413). − Qui est propre aux ultras. Poret vint, bien moins content de M. Nicolle et fatigué de la conversation ultra qu'il (...) a entendue (Michelet, Journal, 1821, p. 139).Les officiers faisaient danser les dames à sentiments ultras, qui venaient là parées de leurs turbans à plumes (Pourrat, Gaspard, 1925, p. 141). C. − Subst. masc. sing. à valeur de neutre. Ce qui va plus loin, ce qui est au-delà de la norme sur un plan concret ou abstrait. L'homme moderne découvre, au XVIIesiècle, des totalités complexes, ouvertes (...): des éléments positivement innombrables (...), des quantités infinitésimales; de part et d'autre l'ultra et l'infra, enserrant la zone de l'existence moyenne (Jankél., Je-ne-sais-quoi, 1957, p. 38).Quel est l'être passionné, se dit-il, qui a inventé de porter ce parfum et laisse ainsi des traces devant tous les pas que je fais (...). Si cette Marquise caustique (...) avait quarante ans de moins, je dirais que c'est elle. Elle a dû être fort capable, dans sa jeunesse, d'arborer ainsi ce besoin de l'ultra (Giono, Angelo, 1958, p. 114). Prononc.: [yltʀa]. Att. ds Ac. dep. 1878, avec la précision: des ultras. Ex. de plur. sans -s chez Stendhal, Rome, Naples et Flor., t. 1, 1817, p. 50 et ds Univers écon. et soc., supra. Étymol. et Hist. 1794 (Desmoulins ds Vx Cordelier, p. 185: le sexagenaire le plus ultra que j'ai encore vu; p. 203 avec allus. au discours de Robespierre du 8 janv. 1794, opposant des mesures ultra-révolutionnaires et des moyens citra-révolutionnaires, v. Brunot t. 6, p. 851); 1822 plur. ultras (Stendhal, Amour, p. 201). Autonomisation, p. subst., du préf. ultra- (lat. ultra, v. outre) exprimant l'excès, dans ultra-révolutionnaire (att. en 1793: Danton cité ds Ranft, p. 124: Je demande que l'on se défie de ceux qui veulent porter le peuple au-delà des bornes de la révolution et qui proposent des mesures ultra-révolutionnaires; cf. aussi Robespierre, Desmoulins, supra); une infl. du plus anc. ultramontain* est également probable (v. Dub. Pol., p. 142) bien que dans ce terme la valeur de ultra- soit différente. Fréq. abs. littér.: 195. DÉR. Ultracisme, ultraïsme, subst. masc.,pol. Attitude politique, idéologique extrémiste. Tout le monde comprend ici (à Bologne), que le cardinal Consalvi sera remplacé par un ultraïsme furibond (Stendhal, Rome, Naples et Flor., t. 1, 1817, p. 183).[P. Séguin] se défie de l'ultracisme comme de la peste. Il ne croit pas qu'il soit possible de faire table rase de la législation sociale de la gauche (L'Express, 1ermars 1985, p. 79).− [yltʀa(s)ism̭]. − 1resattest. a) 1815 ultracisme (Lettre ds Raban, Marco Saint-Hilaire, Mém. forçat, t. 3, 1828-29, p. 222), b) 1817 ultraïsme (Stendhal, loc. cit.); de ultra, suff. -isme*. BBG. − Blochw.-Runk. 1971, p. 437. − Dub. Pol. 1962, p. 436. − Quem. DDL t. 15; 10, 15 (s.v. ultracisme et ultraïsme). |