| TÊTE, subst. fém. I. − [Chez les êtres vivants] A. − [Désigne une partie du corps] 1. [d'un être hum.] a) Partie supérieure du corps humain de forme arrondie qui est rattachée au thorax par le cou, composée de deux parties (le crâne et la face), qui contient l'encéphale, les principaux organes des sens et l'extrémité supérieure des voies respiratoires et digestives. Synon. vx chef; pop., arg. caboche, cafetière, calebasse, carafe, carafon, cassis1, ciboulot, citron, citrouille, coloquinte, margoulette, tirelire.Une des têtes se retourna, et Mariolle (...) aperçut une figure claire, blonde, un peu rousse (...). Le nez fin et retroussé faisait sourire ce visage (Maupass., Notre cœur, 1890, p. 310).C'était effroyable, le sol bouleversé (...), des morts renversés en tous sens, dans d'atroces postures, les bras tordus, les jambes repliées, la tête déjetée, hurlant de leur bouche aux dents blanches, grande ouverte (Zola, Débâcle, 1892, p. 429). ♦ [P. oppos. à voix de poitrine] Voix de tête. Voix de registre aigu produite par la vibration de la partie ligamenteuse des lèvres de la glotte; p. ext., voix aiguë et forte. Synon. voix de fausset (v. fausset1).[Philomène] était délicieusement chatouillée, à vêpres, par une voix de chanteur, élancée, grêle et tendue, une voix de tête, déchirante et tendre (Goncourt, Sœur Philom., 1861, p. 54). ♦ Subst. (désignant gén. un objet en tissu) + de tête.[Pascalon] trouva Tartarin installé sur le divan du petit salon, à l'aise, en caleçon de flanelle, et foulard de tête, comme chez lui à Tarascon (A. Daudet, Port-Tarascon, 1890, p. 236).Tiré de son assoupissement sur le chemin de tête en fausse dentelle, l'occupant du coin (...) fournit au représentant de la compagnie une de ces bandes de papier surchargées de crayon gras (H. Bazin, Vipère, 1948, p. 222).
α) Locutions − [La tête en tant qu'extrémité supérieure d'une pers.] ♦ Avoir la tête sur les épaules. V. épaule I B 1 d.Couper la tête à qqn. V. couper I A 1 e.En avoir par-dessus la tête. V. dessus1I B 2 c.Avoir la tête (enfoncée) dans les épaules. Avoir le cou excessivement court. Son portrait en buste dans la galerie des Illustres, la tête enfoncée dans les épaules, comme Tiraqueau à Poitiers (Michelet, Journal, 1835, p. 214). ♦ Des pieds à la tête; de la tête aux pieds. V. pied 1reSection I C 3 b. ♦ Pop. Faire une grosse tête, une tête au carré à qqn; mettre la tête au carré. Lors d'une bagarre, donner une correction à quelqu'un en frappant de préférence à la tête. Synon. pop. casser la gueule*, passer à tabac*, se faire tabasser*.Il se fout de notre gueule, la lopette. Je vais lui faire une grosse tête (H. Jaouen, La Mariée rouge, 1983 [1979], p. 43 ds Bernet-Rézeau 1989). ♦ Au fig. Donner, en mettre sa tête à couper. Être absolument certain, convaincu de quelque chose. Synon. donner sa main* à couper, mettre sa main* au feu.Je me levai à trois heures et demie du matin, ma tête à couper que le sommeil et moi feraient deux jusqu'au jour quelle que dût être mon obstination à ramer dans la literie (R. Belleto, Le Revenant, 1984 [1981], p. 475). − [Indiquant un mouvement, une position de la tête] ♦ Tête basse. V. bas1I A 3 c.Tête droite. V. droit2I B 2 a β.Tête haute. V. haut1I A 6.Baisser, courber la tête. V. courber I B. ♦ Rouler, tomber cul par-dessus tête. V. cul I A 1.Donner tête baissée, tête basse dans qqc. V. bas1I A 3 c.Se jeter tête baissée contre, sur qqc. V. jeter IV A 2. ♦ Tête (à) droite, tête (à) gauche. Commandement militaire indiquant la position que doit prendre la tête; p. ext., mouvement latéral, répété de la tête. [Le vieil homme] les aimait, ces soldats, non comme guerriers, mais comme pauvres gens, et, devant les marmites où cuisait leur soupe, il semblait dire, par ses multiples et vifs tête-à-droite, tête-à-gauche: − C'est pas ça, c'est pas ça (Renard, Lanterne sourde, 1893, p. 11). ♦ Piquer une tête. Se jeter, partir la tête la première. En partic. Piquer une tête (dans l'eau). Plonger, se précipiter à l'eau. Je piquai une tête pour sauver Modigliani qui naturellement ne savait pas nager (Cendrars, Bourlinguer, 1948, p. 200). ♦ Donner de la tête contre. Se cogner la tête contre quelque chose. Un soir l'électricité s'éteignit: une panne; on m'appela d'une autre pièce, j'avançai les bras écartés et j'allai donner de la tête contre un battant de porte si fort que je me cassai une dent (Sartre, Mots, 1964, p. 194). ♦ Se jeter la tête la première, tête baissée. Se précipiter. D'un seul coup, d'un seul bond, aussi précis et réglé qu'une trajectoire mathématique, elle se jeta la tête la première dans le gouffre (Pergaud, De Goupil, 1910, p. 161).Au fig. Se jeter la tête la première, tête baissée. Faire quelque chose précipitamment, sans réfléchir. Quand il faut que je me livre à l'action, je me jette dedans tête baissée (Flaub., Corresp., 1871, p. 317). ♦ Au fig., fam. Être tombé sur la tête. Être fou, dérangé. C'est vous qui êtes tombée sur la tête, Barbara (Aymé, Mouche, 1957, p. 28).
β) En partic. Tête, une fois qu'elle est séparée du corps. L'agent a essayé la transmission d'une image souvenir: la tête d'un nègre au bout d'une pique, nègre tué pendant la campagne de Madagascar (Warcollier, Télépathie, 1921, p. 272): 1. Tous les étudiants étaient disposés autour des tables d'ardoise et dépeçaient des têtes humaines, pour apprendre l'anatomie de la face. En général, on ne leur donne pas des têtes entières, ce serait du gaspillage. On scie par le milieu des têtes dont on a rasé, au préalable, tout le poil (...). Eh bien, posées à plat, comme des médailles, décolorées par les antiseptiques, détendues par la mort, toutes ces moitiés de têtes se ressemblent affreusement. Ce que j'ai vu là, c'est l'effigie humaine.
Duhamel, Confess. min., 1920, p. 167. ♦ Chasseurs de têtes. Peuplades aux mœurs primitives qui ont coutume de conserver la tête de leurs ancêtres ou d'hommes tués lors d'un combat, d'une expédition. La danse d'hommage aux victimes est déjà, dans le cas des chasseurs de têtes, un hommage aux morts (Cuisinier, Danse sacrée, 1951, p. 80). ♦ Réducteur de tête. V. réducteur II 3. SYNT. Tête aplatie, arrondie, baissée, courbée, inclinée, penchée; tête en poire; côté, derrière, devant, haut, sommet de la tête; artère(s), veine(s) de la tête; muscle(s), squelette, os de la tête; port de tête; avancer, bouger, dresser, hocher, incliner, lever, pencher, relever, remuer, renverser, secouer, (dé)tourner la tête; acquiescer, approuver, branler, dodeliner de la tête; donner un coup sur la tête; avoir les yeux à fleur de tête; marquer la mesure avec sa tête; laisser baller sa tête; se prendre la tête entre les mains; se cogner, appuyer la tête contre qqc.; jeter qqc. à la tête de qqn; branlement, hochement, mouvement de tête. b) P. méton.
α) Boîte crânienne, crâne. Tête casquée, encapuchonnée; avoir la tête écrasée; avoir qqc. sur la tête; tour de tête. Je ne lui marchandais ni mes forces, ni ma vie [à mon chef] (...), et quand les gendarmes lui ont cassé la tête, je me suis trouvé tout d'un coup comme un orphelin (Aymé, Vogue, 1944, p. 166). ♦ Nu-tête; tête nue. Le crâne découvert. Je suis sûr qu'ils l'ont obligé aux deux choses dont il a le plus horreur: se promener dans les rues tête nue et porter des bretelles (Giraudoux, Siegfried, 1928, ii, 1, p. 62). ♦ Coup de tête. Coup donné avec la partie supérieure du crâne, avec la partie qui se trouve au-dessus de l'arcade sourcilière. (Dict. xxes.). SPORTS (footb.). Coup donné dans le ballon avec le front pour le contrôler, le passer à un partenaire ou pour marquer un but. P. ell. Faire une tête (Dict. xxes.). Au fig. V. infra I B 1 a loc. − Loc. fig. ♦ Fendre, rompre la tête de qqn. V. fendre A 2 a β. ♦ Casser la tête de qqn. Fatiguer quelqu'un par un comportement trop bruyant, par des paroles incessantes. Synon. fam. casser* les pieds.Le soir, le gamin cassait la tête de sa mère avec des histoires sur son bon ami Florent. Le bon ami Florent avait dessiné des arbres et des hommes dans des cabanes. Le bon ami Florent avait un geste, comme ça (Zola, Ventre Paris, 1873, p. 726). ♦ (C'est à) se taper, se cogner la tête contre les murs. Se heurter à des difficultés insurmontables, à des situations désespérées, inextricables. − (...) gagner cinq mille francs, après huit années de zèle (...) c'est à désespérer de l'existence. − C'est monstrueux, interrompit la jeune femme, c'est à se casser tout de suite la tête contre un mur (Zola, Fécondité, 1899, p. 31).Dans quoi nous sommes-nous fourrés! C'est à se taper la tête contre les murs! (Triolet, Prem. accroc, 1945, p. 137). − En partic. Cerveau, en tant que siège de sensations, d'impressions physiques. Souffrir d'un mal à la/de tête; avoir des douleurs de tête; serrement de tête. Je travaille maintenant énormément, si bien que j'ai un mal de tête continu, à force de lire (Flaub., Corresp., 1871, p. 285): 2. ... il m'a pris, hier, une de ces fatigues subites, qui me laissent, durant un assez long temps, à peu près incapable d'effort aussi bien physique qu'intellectuel (...). Ce qui me retient de m'alarmer de ces défaillances, c'est que (...) je les ai connues de tout temps. Durant ma jeunesse, elles étaient accompagnées de maux de tête dont, par la suite, je n'ai plus du tout souffert.
Gide, Journal, 1944, p. 261. ♦ Avoir la tête lourde. Ressentir des douleurs dans le cerveau qui donnent une impression de pesanteur. Le poëte, s'éveillant avec la bouche sèche et la tête lourde (...) plongea sa tête dans l'eau fraîche et, comme si cette immersion eût opéré une condensation subite dans son cerveau embrumé de fumées vineuses, tout à coup il se souvint (Theuriet, Mariage Gérard, 1875, p. 158). ♦ Monter, porter à la tête. Être entêtant, grisant. Les plaines étaient couvertes de javelles et de meules de foin, dont l'odeur me portait à la tête sans m'enivrer (Nerval, Filles feu, Sylvie, 1854, p. 610).Ce vin-là ne vous montera jamais à la tête (Erckm.-Chatr., Ami Fritz, 1864, p. 37). ♦ Avoir la tête qui tourne. Avoir des étourdissements, des vertiges. Elle avait merveilleusement chaud, la tête lui tournait de fatigue, d'alcool (Triolet, Prem. accroc, 1945, p. 91).
β) Visage, en tant que les traits reflètent les sentiments, le caractère, l'état d'une personne. Tête bizarre, comique, romantique, sympathique; belle tête. Cet amoureux avait de bien beaux yeux, une barbe épaisse et longue en éventail (...) enfin une véritable tête antique (Balzac, Secrets Cadignan, 1839, p. 315).Il avait une de ces belles têtes « numismatiques », qui semblent faites pour être frappées en médailles (Verne, Île myst., 1874, p. 10). ♦ (Avoir) une bonne tête (fam.). Avoir un visage sympathique, qui inspire confiance. Du Roy le considérait, lui trouvant une bonne tête (Maupass., Bel-Ami, 1885, p. 281). ♦ Avoir une sale tête (fam.) Avoir un visage antipathique qui n'est pas agréable à regarder. Fontan était un vrai singe, avec son grand nez toujours en branle. Une sale tête! (Zola, Nana, 1880, p. 1307).Avoir l'air fatigué, en mauvaise santé. Tu as une sale tête, il paraît que tu bois beaucoup, c'est la rumeur publique qui le dit (Triolet, Prem. accroc, 1945, p. 189). ♦ Avoir une tête qui ne revient pas (à qqn) (fam.). Avoir une tête qui généralement est considérée comme antipathique. Il ne voulait pas que les éloges de Paradis amenassent Petit-Pouce à l'avoir dans le nez, lui Pierrot, et que sa petite tête, à lui Pierrot, finisse par ne plus lui revenir, oh mais plus du tout, à lui Petit-Pouce (Queneau, Pierrot, 1942, p. 9). ♦ Avoir ses têtes. Manifester à quelqu'un de l'amitié, de la bienveillance ou de l'aversion sans raisons objectives, sans motifs précis. Cette femme-là, elle avait ses têtes (G. Chevallier, Clochemerle, 1937 [1934], p. 185 ds Rob. 1985). ♦ Faire une tête d'enterrement*, une tête de six pieds de long (fam.). Être triste, abattu. (Dict. xxes.). ♦ Faire une (drôle de) tête (fam.). Manifester, par son expression, le désappointement, la colère, le mécontentement ressenti. Le facteur des recommandés (...) fit une drôle de tête car je n'avais pas un sou de pourboire à lui donner (Cendrars, Bourlinguer, 1948, p. 201): 3. ... un pape qu'est-ce que c'est
un affreux vieillard
et c'est pour ça que le catholique pratiquant lorsqu'il se rend au cinématographe parlant pour voir documentairement le vrai visage du Vatican... c'est pour ça qu'il fait une drôle de tête le catholique pratiquant
ce qu'il imaginait (...) c'était un pape... un homme de nuages...
Prévert, Paroles, 1946, p. 136. ♦ Faire la tête. Manifester par une expression fermée du visage son mécontentement, sa mauvaise humeur; bouder. Synon. faire la moue*, la gueule* (vulg.).Elle haussait les épaules avec mépris, répétant: − (...) Deviens ministre; et tu pourras faire la tête. Jusque-là, tais-toi (Maupass., Bel-Ami, 1885, p. 291).Alban était encore à l'âge où cela vous impressionne qu'on vous fasse la tête: cela lui passera (Montherl., Bestiaires, 1926, p. 510). ♦ Se payer la tête de qqn (fam.). Se moquer d'une personne, la mystifier. Vous vous êtes payé ma tête, comme vous dites dans votre abominable argot de boulevardier, en me faisant charger à fond ce scélérat de Hefner (Bourget, Cosmopolis, 1893, p. 24).MlleAimée Lanthenay, qui nous donne des leçons, ne parle pas l'anglais avec une pureté excessive, je m'en doute. De sorte que, tout à l'heure, cet imbécile de professeur se paiera ma tête puisque je ne prononce pas mieux, moi! (Colette, Cl. école, 1900, p. 225). − Fam. Avoir une tête à ♦ Avoir une tête à + inf.Avoir une physionomie qui correspond, qui est en harmonie avec telle activité. Avoir une tête à tromper les gens. Y'en avait qu'étaient un peu au-dessus de moi, ils avaient des galons (...) ils me disaient: « Allons! Enlève-toi d'là, avec ta tête à vendre des lacets (...) » (F. Raynaud, Heureux!1976 [1975], p. 205 ds Bernet-Rézeau 1989). ♦ Avoir une tête à + subst. (désignant ce que la tête mérite de recevoir, gén. un coup).Avoir une tête à gifles. Marraine disait que j'avais « une tête à claques », et ça n'est pas impossible. Il y a des visages de gosses qui appellent les coups, cela dépend de l'angle où l'on se trouve (J. Lanzmann, Le Têtard, 1976, p. 80).Avoir une tête à ça. Emma: Oui! mais vous n'en avez pas moins été l'amant de madame Bocardon! (...) Vernouillet, riant: Ce pauvre M. Bocardon!... Du reste, il a bien une tête à ça! (Labiche, Célimare, 1863, iii, 7, p. 118). − Péj. [Formant des expr. dévalorisantes et fréq. injurieuses pour caractériser une pers.] Avoir une tête de + subst. ♦ [Le subst. désigne un animal] Avoir une tête de chèvre, d'oiseau, de perroquet, de rat. Là, tous les types de la force agile ou brute, depuis le gros marchand de vin (...) jusqu'aux types de petits voyous à tête de chat ou de petits maquereaux (Goncourt, Journal, 1860, p. 727).Montparnasse devint le refuge de la révolution sociale. L'esthète bolchevik Lounatcharsky y discutait de la beauté selon les formules de Karl Marx, Trotsky y jouait aux échecs avec sa tête de congre américain (Fargue, Piéton Paris, 1939, p. 169). ♦ [Le subst. désigne une pers. en tant que caractéristique d'une activité connotée négativement; désigne une collectivité, une pers. dont la physionomie reflète la faible capacité intellectuelle] Tête d'assassin, de cocu, d'imbécile, d'ivrogne, de mouchard; tête de boche, de flamand. Chilly, qui porte sur son visage rasé et tiré le masque mou d'un pédéraste sur une tête d'usurier (Goncourt, Journal, 1860, p. 717).Desrais m'interpella d'un ton maussade et, me montrant le buste: − Si tu crois que c'est rigolo, quand on se met au lit, d'être surplombé par cette tête d'abruti (A. France, Vie fleur, 1922, p. 423). ♦ Vulg. [Injure] Tête de nœud. Il ne faudrait tout de même pas nous prendre pour des poires, hé, tête de nœud (Cendrars, Main coupée, 1946, p. 192). − Avoir la tête de l'emploi. Avoir un visage qui correspond tout à fait à la profession, à l'activité exercée. P. plaisant. Alors vous avez vu notre assassin? Comment le trouvez-vous? Tout à fait la tête de l'emploi (Aymé, Tête autres, 1952, p 210). − En partic. Tête grimée, parée de façon à ressembler à quelqu'un de connu, à se faire une physionomie particulière, précise. Bal, dîner de têtes. Pour se faire une tête, il se coupait soigneusement les cheveux à tort et à travers, afin que çà et là une mèche droite et protestante pût indiquer l'excentricité de ses pensées et l'audace de ses intentions (Renard, Journal, 1889, p. 37).On est prié de se costumer ou de se faire « une tête » (Gyp, Province, 1890, p. 173). c) P. méton. Personne, individu. Je me souviens d'une chanoinesse de Clai, que l'on était bien plus sûr de trouver à Spa qu'à son chapitre. Par trente-six printems sur sa tête amassés, ses modestes appas n'étaient point effacés (Jouy, Hermite, t. 4, 1813, p. 119).Aujourd'hui (...) je réunis les plus nobles têtes du pays... des têtes égales à la mienne (Bayard, Fille régim., 1840, ii, 3, p. 331). ♦ Têtes couronnées*. ♦ Tête blonde. Jeune enfant. Au réveil, on embrasse toutes ces chères têtes blondes! − Avec quelle douce mélancolie ne presse-t-on pas contre son cœur ces gais espiègles! (Villiers de L'I.-A., Contes cruels, 1883, p. 238). − Loc. adv. ou subst. masc. inv. ♦ Tête à tête, en tête à tête. [En parlant de deux pers. qui se retrouvent sans témoin] Face à face. Tête à tête amoureux. Je déclare formellement que je ne veux plus d'un mari qui passe ses journées en tête-à-tête avec des demoiselles dans cette tenue-là (A. Daudet, Femmes d'artistes, 1874, p. 169).Il ne m'est guère possible de parler à plus d'une personne à la fois. Je ne m'entends avec les êtres humains que tête à tête. Dès qu'ils sont deux ou en groupe, je ne sais que leur dire (...) La confidence, l'indiscrétion sont le fruit du tête à tête (Green, Journal, 1955, p. 133).P. anal. Je ne connais rien de tous ces gens-là, (...) j'ai une telle habitude du tête-à-tête avec moi-même (Léautaud, Journal littér., 1, 1903, p. 67).Tête à tête avec la mort, avec la vérité, avec le souvenir de qqn. Personne ne s'amuse plus (...) à puiser dans ce tête-à-tête avec l'objet, sans hâte et sans utilité prochaine, une certaine science de soi-même, de la manœuvre combinée de son intellect, de son désir, de sa vue et de sa main à propos d'une chose donnée (...) et le public absent (Valéry, Degas, 1936, p. 105). ♦ Tête(-)bêche*. − Par tête. Par personne. À compter d'aujourd'hui, vous n'aurez qu'une table de quatre personnes, une bouteille de vin par tête (Dumas père, Napoléon, 1831, vi, 22etabl., 2, p. 144).Vous verrez un dîner qui coûterait quarante francs par tête chez Baleine, du Rocher de Cancale, et même à ce prix Baleine ne serait pas sûr de réussir (Stendhal, L. Leuwen, t. 3, 1835, p. 212). ♦ Fam. Par tête de pipe, de veau. Le peuple, à qui fut accordé par les radicaux le privilège exorbitant d'avoir par tête de pipe autant de droits civils et politiques qu'un Rezeau (H. Bazin, Vipère, 1948, p. 113).Mon vieux, lui a dit notre président, si vous faites ça, je vous paie une partie de bowling et un dîner de vingt dollars par tête de veau (Aymé, Mouche, 1957, p. 248). ♦ HIST. Vote par tête. Mais les trois ordres, tels qu'ils sont constitués, pourront-ils se réunir pour voter par têtes? Telle est la véritable question. Non. À consulter les vrais principes, ils ne peuvent voter en commun, ni par têtes, ni par ordres (Sieyès, Tiers état, 1789, p. 50). − Sur la tête de. Sur la personne de. Voilà que tout me retombe sur la tête, parce qu'un vrai personnage de ballets russes s'est avisé de me suivre pas à pas, comme on suit le dompteur, dans l'espérance de le voir mangé (Bernanos, Joie, 1929, p. 668).Au bénéfice de quelqu'un. Mettre de l'argent, prendre une assurance sur la tête de qqn. Ah! si vous vouliez m'aider à me venger, reprit l'ancien négociant, je placerais dix mille francs en viager sur votre tête (Balzac, Cous. Bette, 1846, p. 112).Elle avait réussi à maintenir sur la tête de l'enfant la petite rente mensuelle de trente francs (Zola, Fécondité, 1899, p. 532). − Jeter* qqc., qqn à la tête de qqn. Se jeter* à la tête de qqn. − Arg. Se taper la tête. Faire un bon repas. Synon. se taper la cloche (v. cloche1C 3).Mais dites-moi donc à quoi il peut servir not' député, un gros salaud qu'est déjà millionnaire et qui se tape la tête avec l'argent du Populo? (Aymé, Brûlebois, 1926, p. 125). − DR. [P. oppos. à succession par souche] Succession par tête. Succession individuelle (d'apr. Dupin-Lab. 1846). − P. méton. Vie d'une personne. Jouer, risquer sa tête; répondre de qqn, de qqc. sur sa tête. Vous disiez vrai, l'enjeu Est important, marquis, votre tête est en jeu (Dumas père, Christine, 1830, iii, 1, p. 242).Les époques troublées font perdre beaucoup de temps. La moitié de la vie se passe à sauver sa tête. Autant d'indisponible pour les choses importantes (Montherl., Malatesta, 1946, i, 4, p. 444). ♦ Demander la tête de qqn. Demander la mort, la condamnation à la peine capitale pour un accusé. Ces bonnes gens demandent ma tête, ils me croient sorcier; tous ceux qui disparaissent de la ville, c'est moi, Vésalius, qui les fais enlever pour mes expériences (Borel, Champavert, 1833, p. 70). ♦ Mettre à prix la tête de qqn. Offrir une récompense pour la capture, la mort de quelqu'un. Je le sais, ma tête est à prix, par les coquins qui sont au timon des affaires de l'État; cinq cents espions me cherchent jour et nuit (Marat, Pamphlets, C'en est fait de nous, 1790, p. 201).La tendance communiste se marque chez Anna Seeghers contant l'histoire d'une révolte de pêcheurs, décrivant les manifestations à Berlin contre les ouvriers qu'on pourchasse, qu'on bannit, dont on met la tête à prix (Arts et litt., 1936, p. 48-5). ♦ [Expr. qui atteste de la vérité de qqc., de la certitude d'un fait] Jurer sur la tête de qqn. Je viens de causer avec lui, et je vous jure sur la tête de mon père qu'elle lui est aussi indifférente que s'il ne lui avait jamais parlé (About, Roi mont., 1857, p. 282).Si tu parles, si tu fais un seul pas vers moi, je me jette par cette fenêtre. Je te le jure, Hémon. Je te le jure sur la tête du petit garçon que nous avons eu tous les deux en rêve, du seul petit garçon que j'aurai jamais (Anouilh, Antig., 1946, p. 159). ♦ Tête-Dieu*. d) Partie supérieure de la tête, où poussent les cheveux. Tête chauve, ébouriffée, frisée, tonsurée; tête blanche, blonde; avoir la tête sale, grasse. Quelques têtes soigneusement poudrées, des queues assez bien tressées annonçaient cette espèce de recherche que nous inspire un commencement de fortune ou d'éducation (Balzac, Chouans, 1829, p. 6).Ceux qui se distinguaient dans le combat se faisaient raser la tête, en signe de virilité (Lowie, Anthropol. cult., trad. par E. Métraux, 1936, p. 251). − HIST. [Pendant la Révolution anglaise de 1642] Tête(-)ronde. Partisan de Cromwell, partisan du Parlement qui portait les cheveux coupés court. Pendant vingt-cinq ans, vêtu de l'habit de tête-ronde et serré par le ceinturon de cuir fauve de Mordaunt, il avait reculé, avec une allure de scorpion blessé, devant la colichemarde de d'Artagnan (Coppée, Contes en prose, 1882, p. 314).P. anal. Halifax: (...) oui, je suis un peu protestant. Sir John: Je m'en suis toujours douté, je t'ai toujours soupçonné d'être tête ronde, au fond (Dumas père, Halifax, 1842, ii, 6, p. 56). − Au fig., fam. Laver, savonner la tête de qqn. Faire de violents reproches à quelqu'un. Synon. passer un savon*.− (...) Mais je saurai me défendre, moi et les miens, et je vais de ce pas laver la tête à ces péronelles... − Bonté divine! s'écria l'abbé, ne faites pas d'esclandre, mon ami!... Hélène est ma filleule; laissez-moi mener cette affaire et morigéner la jeune fille (Theuriet, Mariage Gérard, 1875, p. 117).Si elle savait comme ils [les professeurs] sont méprisés par les chefs mêmes (...) qui, quand une mère riche se plaint, répondent: « N'ayez peur: je lui laverai la tête! » (Valles, J. Vingtras, Enf., 1879, p. 173).Lavage de tête. Un lavage de tête, aussi un savon ferme, courtois, bref à un sous-chef (Arnoux, Double chance, 1958, p. 144). − Faire dresser les cheveux sur la tête. V. cheveu I C. 2. Partie du corps de certains animaux. a) Partie antérieure ou supérieure des animaux à station verticale, à symétrie bilatérale, qui porte les principaux organes sensoriels, les cellules nerveuses et généralement la partie supérieure et l'orifice de l'appareil digestif. Tête de bélier, de chat, de chien, de poisson, de sanglier, de singe. Les superbes animaux [des chevaux] (...) relevèrent l'encolure et rejetèrent de côté leurs belles têtes fières, au regard mobile, ombragé de crins (Châteaubriant, Lourdines, 1911, p. 234): 4. ... elle dressait en face du busard sa petite tête fine où brasillaient les diamants de ses yeux, sa tête plate de bête féroce montrant dans sa gueule ouverte pour mordre et pour saigner la double rangée brillante et pointue de ses dents, immobile, les babines troussées, le nez froncé, les pointes des moustaches tendues en avant, terrible...
Pergaud, De Goupil, 1910, p. 112. − Spécialement
α) ART CULIN. Morceau de boucherie, de charcuterie correspondant à la tête de certains animaux d'élevage. Tête de mouton, de porc (roulée), de veau. La belle Lisa resta debout dans son comptoir [de la charcuterie] (...) Devant elle, s'étalaient (...) la tête de cochon noyée de gelée, un pot de rillettes ouvert et une boîte de sardines dont le métal crevé montrait un lac d'huile (Zola, Ventre Paris, 1873, p. 666).La tête de veau doit être échaudée, dégorgée, désossée (...), passée au citron avant d'être cuite, enveloppée d'un linge, dans un blanc, en même temps que la langue (Ac. Gastr.1962).Fromage* de tête. ♦ Région. (Canada). Tête fromagée. V. fromage B rem.
β) MYTH. Aigle à deux têtes; les sept têtes de l'Hydre (de Lerne); tête de furie. Tel je le voyais [l'Empereur], tel le voyait un peuple immense, pétrifié par ce grand visage, comme par la tête de Méduse (A. France, Vie fleur, 1922, p. 341).
γ) HIPP. [À propos d'un cheval] Avoir une pelote, une liste en tête. Avoir une tache, une flamme blanche sur le chanfrein. (Dict. xixeet xxes.). ♦ Tête-à-queue*. Mettre la tête au mur. Tourner la tête du cheval contre le mur du manège, le cheval se déplaçant latéralement dans la direction de son regard (d'apr. Petiot 1982).
δ) FAUCONN. Faire la tête à un oiseau. Habituer un oiseau au chaperon. (Dict. xixeet xxes.).
ε) PÊCHE. Tête de poisson. Plomb, cuiller en forme de tête de poisson dans la pêche au lancer. (Dict. xxes.).
ζ) VÉN. [À propos d'un cervidé, d'un sanglier ou plus gén. d'une bête sauvage] Faire tête. Lutter tête contre tête; p. ext., se retourner contre les chiens, se défendre. Aussitôt des piqueurs effarés arrivèrent à eux en criant confusément que le sanglier avait fait tête et renversé madame Delmare (Sand, Indiana, 1832, p. 140).Le long corps musculeux d'un lézard surpris qui fait tête au bruit de la bêche (Giono, Colline, 1929, p. 50). ♦ P. méton. Bois ou corne des bêtes sauvages. Tête bien, mal brunie; tête chevillée, ouverte, perlée. La deuxième tête [du chevrillard] a une petite meule et le bois est déjà creusé de gouttières, il a aussi deux andouillers (...) − on dit tête parce que l'animal, dont les bois tombent, en change chaque année (Vialar, Fusil, 1960, p. 199).Seconde, troisième, quatrième tête. Bois qui pousse la troisième, quatrième, cinquième année. Notre piqueu dira exactement si c'est un cerf (...) si c'est un faon, un daguet, un cerf à sa deuxième, troisième tête, ou un dix cors (Vialar, Rendez-vous, 1952, p. 245). b) P. méton. Animal considéré par rapport à un troupeau. Nous avons des troupeaux sans cesse renaissants, dont nous ne connaissons même pas le nombre de têtes (Zola, Fécondité, 1899, p. 739).Cet homme charmant, qui avait des centaines de têtes de bétail noble, des centaines d'hectares, et était grand d'Espagne, tira d'un coffret un chiffon noirci de cirage, et donna un petit coup à ses bottines (Montherl., Bestiaires, 1926, p. 443). 3. Partie du corps humain ou animal. a) Représentation d'une tête humaine ou animale. Tête peinte, sculptée; tête d'une médaille, d'une monnaie; tête de marionnette, de poupée; tête de chien, de chat, de cheval, de lion. Vous avez sans doute vu au musée espagnol de Paris le portrait de la fille du Greco, magnifique tête que ne désavouerait aucun maître (Gautier, Tra los montes, 1843, p. 40).Un Bali du Caméroun modèle sur sa pipe évasée en argile une tête de nègre, non point certes pour fumer avec plus de plaisir, mais afin de faire montre de son talent de potier (Lowie, Anthropol. cult., trad. par E. Métraux, 1936, p. 199). − ARCHIT. Tête plate. ,,Tête humaine ou animale de faible relief ornant les portails romans, en particulier en Normandie`` (Vogüé-Neufville 1971). − HÉRALD. Tête humaine ou animale employée comme meuble. Les têtes de profil gardent leur nom de Têtes. De face, elles prennent le nom (masculin) de Rencontre. Les deux termes suffiront à les blasonner. Seuls, le lion et le léopard sont exempts de cette règle: de profil est le Lion; de face, le Léopard (P.-B. Gheusi, Le Blason, 1932, p. 251).Tête de maure*. − En partic. Représentation d'une tête humaine. ♦ Vieilli. Support en forme de tête, sur lequel étaient placées les perruques pour les peigner et les boucler. J'ai assisté à la quatre cent-unième représentation d'une féerie (...) On ne peut imaginer de plus médiocres acteurs (...) Quant aux femmes, elles arrivent à ressembler exactement aux têtes de cire des perruquiers (Veuillot, Odeurs de Paris, 1866, p. 137). ♦ Tête de pipe. Fourneau de pipe représentant une tête humaine, généralement une tête d'homme. Eh bien, mon vieux canard, te voilà populaire (...). On vend ta gueule en têtes de pipe et en bouteilles de liqueur (A. France, Île ping., 1908, p. 227). ♦ Tête de Turc. Dynamomètre sur lequel on essaie sa force, dans les foires, en frappant sur une partie repré-sentant une tête coiffée d'un turban; p. anal., personne prise pour cible de critiques, de plaisanteries ou de railleries. Synon. souffre-douleur.Déjà à la Raspelière, Brichot était devenu pour les Verdurin, du grand homme qu'il leur avait paru être autrefois, sinon une tête de Turc comme Saniette, du moins l'objet de leurs railleries à peine déguisées (Proust, Temps retr., 1922, p. 789): 5. ... avec ces gens sans esprit, prompts à la colère et aux paroles vilaines, il avait beau jeu. C'étaient ses plastrons et ses têtes de Turc. Il les affolait. Il les persécutait. Il leur faisait sentir qu'il avait toujours une chiquenaude à leur disposition dès qu'ils deviendraient grossiers.
Larbaud, F. Marquez, 1911, p. 39. ♦ PEINT., SCULPT. Tête d'étude, d'expression. Visage, figure travaillée sous le rapport de l'expression d'un sentiment, d'une passion. C'est ici [dans l'abus des détails] que les donneurs de touches aisées et spirituelles, les faiseurs de torse et de tête d'expression, trouvent leur confusion dans leur triomphe (Delacroix, Journal, 1854, p. 169).Fondé par le comte de Caylus (...), le concours de la tête d'expression, l'un des deux concours annuels de l'École des Beaux-Arts, avait pour but d'encourager les jeunes gens dans « l'art de rendre l'expression des passions » (La Sculpt. fr. au XIXes., Paris, éd. de la Réunion des musées nationaux, 1986, p. 42). ♦ ÉQUIT. ANC. Tête de carton, de bois que des cavaliers au galop devaient abattre à la lance, à l'épée ou au pistolet dans un exercice de manège. Course de têtes. (Dict. xixeet xxes.). b) Hauteur d'une tête humaine, d'une tête animale utilisée comme unité de mesure. Dépasser qqn d'une tête; gagner d'une tête; avoir une tête de plus que qqn. Sa taille [d'Hercule] (...) s'était accrue d'une demi-tête (Proudhon, Guerre et paix, 1861, p. 16). ♦ SPORTS. Gagner, battre d'une courte tête. Gagner, battre de très peu. P. anal. William Paul, à Londres, avait été battu d'une courte tête par Louis Lumière pour ses premières représentations (Sadoul, Cin., 1949, p. 13). B. − [La tête en tant que siège de l'activité cérébrale, ou considérée du point de vue des activités intellectuelles et du psychisme] 1. a) Faculté intellectuelle, intelligence, esprit, réflexion. Synon. cerveau, cervelle.Pensez-vous que pour quelqu'un qui travaille de tête... qui est obligé de réfléchir... de méditer, ce soit bien agréable d'entendre chanter toute la soirée? (Kock, Cocu, 1831, p. 239). − [P. allus. à Montaigne, Essais, I, 26: Je voudrais aussi qu'on fût soigneux de lui choisir un conducteur qui eût plutôt la tête bien faite que bien pleine] Comme tout se tient dans une tête bien faite, voici que par le même chemin qui le rapproche des humanistes dévots, Pascal rejoint aussi les mystiques (Bremond, Hist. sent. relig., t. 4, 1920, p. 412). − Tête + adj. (précisant la qualité intellectuelle dominante).Tête politique. Donnez-moi une femme au cœur d'artiste et à la tête philosophique, comme MmeKockert, pour converser; et je vous tiens quitte de tous les salons (Amiel, Journal, 1866, p. 256).Elle [Pauline] s'emportait, cherchait des arguments, restait sur le carreau, n'ayant pas la tête métaphysique, comme il le disait (Zola, Joie de vivre, 1884, p. 884). − Locutions ♦ Avoir une petite tête. Être d'une intelligence médiocre, sans idées; ne pas faire preuve de beaucoup de jugement. ♦ Pop., p. plaisant. [Sans jugement péj. concernant les capacités intellectuelles d'une pers.] Petite tête et, en appellatif, petite tête! Hugo: Vous ne fouillerez rien du tout. Slick: Te fatigue pas, petite tête, on a des ordres (Sartre, Mains sales, 1948, 3etabl., 2, p. 86).Marceline et moi, non seulement on est américanophiles, mais en plus de ça, petite tête, et en même temps, t'entends ça, petite tête, en même temps, on est lessivophiles. Hein? ça te la coupe, ça (...) petite tête (Queneau, Zazie, 1959, p. 53). ♦ Avoir une grosse tête (fam.). Être intelligent; p. ext., être intelligent et en tirer vanité, être prétentieux. Je suis une cruche, Jill. Si, si, je suis une cruche. On me le reproche assez, de ne pas lire, et de mal parler. Ça ne me déplaît d'ailleurs pas du tout. C'est reposant de ne pas avoir une grosse tête (R. Fallet, Comment fais-tu l'amour, Cerise?1973 [1969], p. 183).P. méton. Grosse tête. Intellectuel. Suffit les phrases!... C'est très joli de conseiller, de jouer les Gérontes, les Académies, les Grosses Têtes! (Céline, Mort à crédit, 1936, p. 521). ♦ Littér. (Avoir, être) une bonne tête. Être intelligent, doué de capacités intellectuelles certaines. Une sorte de finesse vulgaire (...) s'unissait chez elle à une volonté tenace et en faisait ce qu'on nomme une bonne tête, douée de capacité pour les affaires (Feuillet, Sybille, 1863, p. 7).(Avoir) une forte tête. Être particulièrement intelligent, d'une intelligence brillante. La conscience des opérations de la pensée, qui est la logique méconnue dont j'ai parlé, n'existe que rarement, même dans les plus fortes têtes (Valéry, Variété[I], 1924, p. 232).P. méton. J'ai rêvé alors que les têtes les plus fortes, les inventeurs les plus sagaces, les connaisseurs le plus exactement de la pensée devaient être des inconnus, des avares, des hommes qui meurent sans avouer (Valéry, Soirée avec M. Teste, 1895, p. 17).Être une forte tête. Avoir de grandes capacités intellectuelles. V. fort1III A 1 b. ♦ Avoir la tête vide. Être incapable de réfléchir, de penser à quelque chose. Quand je croyais y penser, il faut croire que je ne pensais rien, j'avais la tête vide, ou tout juste un mot dans la tête (Sartre, Nausée, 1938, p. 162). ♦ Se casser* la tête. Casse-tête*. ♦ Coup de tête. Action rapide irraisonnée, faite sous l'impulsion d'un moment. Eh bien mon ami, puisque c'est tout à fait sérieux, permettez-moi de ne pas vous répondre aujourd'hui (...) Maître est vraiment très malade, je suis moi-même troublée; et vous ne voudriez pas me devoir à une coup de tête (Zola, Dr Pascal, 1893, p. 139).Faire un coup de tête, agir sur un coup de tête. Se conduire de façon irraisonnée, irréfléchie, sans penser aux conséquences. Eh bien, mon enfant, dit-il en l'embrassant au front, il y a donc de la brouille dans le ménage, et nous avons fait un coup de tête? (Balzac, Cous. Bette, 1846, p. 246).Je me suis donné cinq minutes pour réfléchir. Je n'avais pas prêté serment au gouvernement; mais je savais bien qu'en moi-même j'avais accepté de le servir. Ma décision était prise, certes, mais je ne voulais pas, à mon âge, avoir plus tard l'illusion d'avoir agi sur un coup de tête (Malraux, Espoir, 1937, p. 581). ♦ Péj. Avoir une tête sans cervelle, une tête à l'évent (vx), être tête en l'air. Agir inconsidérément, sans réfléchir. − (...) Tant qu'elle était là, on ne s'y reconnaissait plus. − Surtout que cette enfant-là était un peu, comment dire, tête en l'air? (Aymé, Jument, 1933, p. 287). ♦ Fam. Prendre la tête. Empêcher de réfléchir, de penser à autre chose, monopoliser toute l'attention. − Je t'avais parlé de mon roman? (...) − Euh oui, vaguement... − Ouais. Eh bien, j'arrête. Ça me prend trop la tête (Fr. Lasaygues, Bruit blanc, 1987, p. 124).Tu m'prends la tête avec tes gueulantes (Sapho, Ils préféraient la lune, 1987, p. 89). ♦ Tête d'oiseau, de moineau, de linotte. Personne étourdie, superficielle, distraite. Elle est coquette, elle est folle; mais cette tête de linotte est meublée comme celle d'un vieux bibliothécaire (A. France, Vie littér., 1888, p. 171).P. méton. Arnoux avait toujours été sans conduite et sans ordre. − « Une vraie tête de linotte! Il brûlait la chandelle par les deux bouts! Le cotillon l'a perdu! (..) » (Flaub., Éduc. sent., t. 2, 1869, p. 261). ♦ Chasseur de têtes. Personne chargée de recruter des cadres de haut niveau. Jacques Imbert, qui a commencé sa carrière chez ITT à sa sortie de l'X, est le président d'une société en expansion: Transac (télécommunications). Un chasseur de têtes vient lui demander de prendre la direction de la Chapelle-Darblay (Le Point,4 déc. 1978, p. 141, col. 1). − Prép. + tête ♦ Dans la tête, en tête. Avoir une affaire, une idée dans la tête, en tête; ressasser, rouler, tourner qqc. dans sa tête. Une espèce de femme en cire de parfumeur, aux yeux d'améthyste; une douce ruminante qui aurait dans la tête à peu près les idées d'une tulipe. Ennui mortel ici, cette année (Goncourt, Journal, 1865, p. 177).Il a un goût de fumée dans la bouche et, vaguement, vaguement, un fantôme d'air dans la tête (Sartre, Nausée, 1938, p. 220).Faire entrer qqc. dans la tête de qqn. Enseigner, apprendre. Quant à l'arithmétique, trois maîtres d'école avaient successivement renoncé à me faire entrer dans la tête les quatre premières règles (Dumas père, Comment je devins aut. dram., 1833, introd., p. 3).Mettre du plomb* dans la tête. (Ne pas) savoir ce que qqn a dans la tête. (Ne pas) connaître les idées, les intentions de quelqu'un. On ne sait pas ce qui se passe dans la tête d'un agonisant (Bernanos, Crime, 1935, p. 781).Je ne sais pas ce qu'elle a dans la tête, ces temps-ci, dit-il d'une voix découragée (Beauvoir, Mandarins, 1954, p. 191).N'avoir qu'une idée dans la tête, en tête. Ne penser qu'à une seule chose, et agir en fonction de celle-ci. Cette puante rue des Cinq-Diamants m'effraie; le ruisseau est toujours bleu, vert ou noir. J'ai peur qu'il y périsse. Mais quand les jeunes gens ont quelque chose en tête! dit-elle à Césarine en faisant un geste qui expliquait le mot tête par le mot cœur (Balzac, C. Birotteau, 1837, p. 166).Le grand aventurier, qui avait de la branche, de la tradition... C'est fini!... Ou alors, ils se marient!... À peine lancés, ils n'ont plus que cette idée dans la tête: se marier! (Bourdet, Sexe faible, 1931, ii, p. 328).Mettre qqc. dans la tête de qqn. Persuader quelqu'un de quelque chose; influencer quelqu'un. − (...) Je voudrais devenir, s'il y avait moyen, maréchal. − Oui, j'entends, maréchal des logis dans la cavalerie. − Non, ce n'est pas cela. − Quoi? maréchal ferrant? −Non. − Propos séditieux. Tu te gâtes, Francisque. Qui diable te met donc ces idées dans la tête? tu ne sais ce que tu dis (Courier, Pamphlets pol., Lettres partic., 1, 1820, p. 57).Se mettre qqc. en/dans la tête. Se persuader de quelque chose; imaginer quelque chose. Ne me suis-je pas mis en tête de n'épouser qu'un honnête homme? (Augier, Ceint. dorée, 1855, p. 340).Se mettre dans la tête que. Les blessures! on peut les guérir toutes si elles sont bien prises. Gangrène et tétanos. On peut guérir le tétanos; au Val-de-Grâce on le guérit. Il faut bien se mettre dans la tête que les blessés sont faits pour être guéris (Barrès, Cahiers, t. 11, 1914, p. 110). ♦ Dans ma/ta/sa... tête. De façon purement intellectuelle, en imagination, sans concrétiser. Seul, un homme qui n'aime décidément plus sa maîtresse la quitte sans lui écrire. Je fis et refis vingt lettres dans ma tête (Dumas fils, Dame Cam., 1848, p. 148).Tout se passa dans ma tête; enfant imaginaire, je me défendis par l'imagination. Quand je revois ma vie, de six à neuf ans, je suis frappé par la continuité de mes exercices spirituels (Sartre, Mots, 1964, p. 92). ♦ De derrière, par la tête Idée qui passe par la tête. Idée qui surgit brusquement. Air, folie, soupçon qui passe par la tête. J'ai un gros livre où j'écris mes pensées, tout ce qui me passe par la tête, et je veux vous donner à lire ce que j'y ai écrit de vous dans les premiers jours que je vous ai vu (Musset, Confess. enf. s., 1836, p. 224).Ce que je vous raconte, jadis quand j'étais jeune, plus d'une fois il m'a passé par la tête de l'écrire (Fromentin, Dominique, 1863, p. 168).Idée, pensée, combine de derrière la tête. Idée, pensée, combine qui n'est pas avouée, qui est cachée: 6. Il est probable que Henry James avait aussi son « idée de derrière la tête », savoir: que seules la qualité de l'écriture, la forme d'une œuvre d'art la défendent contre les attentats du grossier violateur, comme un vêtement si bien taillé que la main brutale qui veut déshabiller sa proie, tâtonne, cherche les boutons de pression ailleurs que là où le couturier vulgaire les eût mis.
Blanche, Modèles, 1928, p. 168. − De tête ♦ Loc. adv. Mentalement. Calcul fait de tête. Magis, très décontenancé: (...) C'est un calcul (...) Si j'avais là du papier et un crayon... en cinq minutes... Mais vous avez oublié votre carnet! Désambois: C'est juste!... de tête, on ne peut pas! (Labiche, Vivac. cap. Tic, 1861, ii, 7, p. 461).On sait que Piron, par exemple, faisait toutes ses tragédies de tête et qu'il les récitait de mémoire aux comédiens (Sainte-Beuve, Nouv. lundis, t. 10, 1865, p. 61). ♦ [En fonction de déterm.] Femme, homme de tête. Femme, homme doué(e) d'intelligence, de volonté et d'esprit de décision. Il faut à tout prix que M. Mairobert ne soit pas élu. C'est un homme de tête (Stendhal, L. Leuwen, t. 3, 1835, p. 41).Brandès, élégante, me conduit à Trouville. Elle m'a prouvé qu'elle reste (...) une femme de tête et d'ordre. Elle m'éblouit par sa façon de conduire (Renard, Journal, 1901, p. 676). ♦ [P. oppos. à cœur] Raisonné, réfléchi, faisant peu référence aux sentiments. Oh! Modeste (...) tu as tenu moralement la même conduite que Bettina sans avoir l'excuse de la séduction; tu as été coquette à froid, et cette coquetterie-là, c'est l'amour de tête, le vice le plus affreux de la Française (Balzac, Modeste Mignon, 1844, p. 164).Que cette passion pour ce méchant était étrange puisqu'elle était toute de tête, et n'avait pas l'excuse d'être égarée par les sens! (Proust, Plais. et jours, 1896, p. 60). − Où ai-je la tête? [Pour exprimer l'étonnement de ne pas avoir pensé à qqc.] Ah! mon Dieu!... j'ai oublié mes bracelets! Je ne sais où j'ai la tête (Labiche, Edgar, 1852, ii, 1, p. 208). − Ne plus savoir où donner de la tête. Être débordé, avoir trop d'occupations, trop de choses à faire; être assailli par trop de sollicitations. [Cathédrale de Séville] L'on est écrasé de magnificences, rebuté et soûl de chefs-d'œuvre, on ne sait plus où donner de la tête (Gautier, Tra los montes, 1843, p. 330).Les fusils pétaient, des moments, à se croire revenus en guerre!... Alors, les gendarmes, tu comprends, ils ne savent plus où donner de la tête. Ils usent leurs nuits à pédaler: quand ils arrivent, c'est éteindu, mais ça s'est rallumé ailleurs (Genevoix, Raboliot, 1925, p. 240). b) Mémoire. Avoir de la tête; chercher qqc. dans sa tête; jouer de tête. Pour être maître d'hôtel il ne faut pas être un imbécile; pour prendre toutes les commandes, retenir les tables, il en faut une tête! (Proust, Sodome, 1922, p. 1026).Chaque passant inconnu était d'avance un ennemi. Des visages aperçus à peine, il ne se rappelait ni où ni quand, il les retrouvait tout à coup dans sa tête (Genevoix, Raboliot, 1925, p. 171). ♦ Loc., fam. [En parlant d'une pers. ayant oublié qqc., et qui doit retourner la chercher] Quand on n'a pas de tête il faut avoir des jambes. Quand on n'a pas de mémoire il faut déployer une activité physique plus grande, il faut recommencer plusieurs fois la même chose pour ne rien oublier. (Dict. xixeet xxes.). c) [Tête indiquant un état d'esprit, un état affectif] Avoir la tête à ce que l'on fait; examiner qqc. à tête reposée; monter* la tête à qqn; se monter* la tête; tourner* la tête à qqn. ♦ Perdre la tête. Perdre son sang-froid. Steinbock en perd la tête [du décolletage de Valérie] mais le plus ébloui, c'est encore Balzac. « C'était, dit-il, à faire baisser les yeux à tous les hommes âgés de moins de trente-cinq ans » (Colette, Pays connu, 1949, p. 136). ♦ Se mettre martel* en tête. d) [Tête indiquant un état mental] Conserver toute sa tête. Je me rendis en hâte à l'hôtel du gouverneur (...) Tout y était dans la confusion, jusqu'à la tête du maître (Hugo, Bug-Jargal, 1826, p. 68).Tu es heureux de rester froid. Moi, il y a des heures où je sens ma tête qui déménage (Zola, Germinal, 1885, p. 1339). ♦ (Ne plus) avoir (toute) sa tête, sa tête à soi. (Ne plus) avoir toute sa raison, son bon sens. Quand le docteur Minoret n'aura plus sa tête, cette petite sainte nitouche le jettera dans la dévotion (Balzac, U. Mirouët, 1841, p. 10).Mon frère, qui avait vu ma frayeur de la veille à propos de sa fille, et qui m'aimait véritablement quand il avait sa tête, courut ventre à terre pour amener un médecin (Sand, Hist. vie, t. 4, 1855, p. 48). ♦ Perdre la tête. Devenir fou, ne plus avoir de cohérence dans son comportement. [Le malade] perd d'abord la puissance d'associer des jugements, et bientôt après, celle de comparer, d'assembler, de combiner, de joindre ensemble plusieurs idées pour prononcer sur leurs rapports. On dit alors que le malade perd la tête, qu'il déraisonne, qu'il est en délire (Brillat-Sav., Physiol. goût, 1825, p. 254).Oh! marier ma fille et mourir!... dit la malheureuse femme qui perdit la tête (Balzac, Cous. Bette, 1846, p. 15). e) [Tête indiquant un trait de caractère] ♦ Avoir la tête chaude. Se mettre facilement en colère, être d'un naturel emporté. Messieurs, ajouta-t-il, les Blésois ont la tête chaude, les messieurs comme vous autres ne traversent ordinairement la ville que de nuit (Stendhal, L. Leuwen, t. 3, 1835, p. 52). ♦ Fam. Avoir la tête près du bonnet*. Être irascible, coléreux. Il avait la fine fleur de Liverpool, d'excellents matelots, musclés, sculptés dans la chair et les os, des athlètes, bons marins, grognons, la tête près du bonnet (Peisson, Parti Liverpool, 1932, p. 37). ♦ Avoir la tête froide. Garder son sang-froid. Tu fumeras des pipes, tu videras des chopes, et tu seras l'homme le plus heureux du monde. Tâche d'avoir toujours la tête froide, le ventre libre et les pieds chauds: c'est le précepte de la sagesse (Erckm.-Chatr., Ami Fritz, 1864, p. 2).Madame Isotta a autant d'esprit que de vertu, et en outre la tête froide. Avec elle, pas à craindre les lubies ni les poussées de sang de son animal de mari (Montherl., Malatesta, 1946, i, 4, p. 445). ♦ Fam. Avoir la tête dure. Être entêté. Pour en prendre le tour, Amable lui fit recommencer la même opération. À la quatrième fois, Didace s'impatienta: − Bon gueux! Amable, que t'as la tête dure! Ben plus dure que le chat! (Guèvremont, Survenant, 1945, p. 142). ♦ Mauvaise tête. Mauvais caractère, obstiné, querelleur. Faire la mauvaise tête. Elle a du lait à revendre, et du très bon. Seulement, on n'a jamais vu une mauvaise tête pareille, toujours en colère, brutale, insolente (Zola, Fécondité, 1899, p. 303).Le révolté, l'évadé, la mauvaise tête, le voleur d'œufs qui volera un bœuf, « le petit salaud qui a bon cœur » (H. Bazin, Vipère, 1948, p. 40). − Pop., fam. Tête de + subst. (désignant un animal, une matière rigide caractérisée par sa dureté). ♦ Tête de cochon. Entêté, qui a mauvais caractère. Il voulait même plus que j'en cause tellement qu'il est enfoiré quand il a sa tête de cochon! (Céline, Mort à crédit, 1936, p. 552).Triompher par la famine lui était apparu dangereux. Avec une tête de cochon comme la mienne, on pouvait craindre une résistance acharnée (H. Bazin, Vipère, 1948, p. 199).P. méton. À ma manière, j'étais une belle tête de cochon (Genevoix, Assassin, 1948, p. 107). ♦ Tête de lard*. Tête de mule. V. mule1. ♦ Tête de bois, tête de fer. Entêté. Nous avons pourtant également bien élevé toutes nos filles! Les autres se sont mariées comme nous avons voulu (...) Mais l'aînée et la dernière ont des têtes de fer (Sand, Meunier d'Angib., 1845, p. 320). − (...) Tu seras rentrée chez toi avant le jour. Ni vu ni connu (...) Allons! ouste! − Oh! non! fit-elle. Je ne retournerai pas à Campagne ce soir. − Où coucheras-tu, tête de bois? − Ici. Sur la route. N'importe où (Bernanos, Soleil Satan, 1926, p. 78). − [En insistant sur le côté volontaire du caractère; pour signaler la qualité de la volonté d'une pers.] ♦ N'en faire qu'à sa tête. N'agir qu'en fonction de ce que l'on a soi-même décidé, sans se laisser influencer. Si je gouvernais (...) les commissions seraient purement consultatives, et l'homme de mérite qui les présiderait n'en ferait qu'à sa tête après les avoir écoutées (Delacroix, Journal, 1854, p. 152).Jimmy: (...) je ne pouvais pas prévoir que nous allions tomber là-bas sur le Francesco aux aguets! Isabelle: Mais le Francesco n'aurait pas compté si tu étais resté comme je le voulais! Tu n'en fais jamais qu'à ta tête! Tu vois le résultat? (Bourdet, Sexe faible, 1931, i, p. 281). ♦ Faire tête, tenir tête. S'opposer à d'autres personnes, garder ses opinions, les défendre. Il avait de trop bonnes raisons pour ne pas parler! Il entra avec un petit sourire. Je lui fis tête par un autre sourire, je plastronnai! (Mille, Barnavaux, 1908, p. 234).Il peut lui déplaire de se sentir constamment observé, jugé par moi, et jugé très sévèrement. Je suis seul à lui tenir tête. Je suis très seul (Gide, Journal, 1943, p. 178).Faire tête, tenir tête à qqc. Faire face. La baronne, pour essayer de rallier ces diversités mondaines (...) se déplaçait continuellement, tenait tête à dix conversations différentes (A. Daudet, Nabab, 1877, p. 128). ♦ (Faire la) forte tête. (Être une) personne indocile, refusant de se plier à la règle commune et à l'autorité. V. fort1III A 1 b.P. méton. Madame Corilla préparait, dans son boudoir, plusieurs fortes têtes à l'enthousiasme et à l'entraînement de la représentation (Sand, Consuelo, t. 3, 1842-43, p. 231).MmeLoiseau se récriait (...) que les gens qui commettaient les attentats étaient des fortes têtes, des révolutionnaires et qu'on ferait aussi bien d'en débarrasser le pays! (Triolet, Prem. accroc, 1945, p. 219). ♦ P. méton. Tête faible. Personne sans volonté. Qu'un commissaire de police s'introduise dans une salle où quelques têtes faibles et vides échauffent réciproquement leurs passions instinctives, nous jetons les hauts cris, la liberté est violée (Renan, Avenir sc., 1890, p. 356).Tête brûlée*. Tête carrée. V. carré1. 2. P. méton. Personne, instance qui conçoit, dirige, organise, fait agir les autres suivant une direction, pour atteindre un but déterminé. Ce qu'il nous faut avant tout, c'est une aristocratie naturelle, c'est-à-dire légitime. On ne peut rien faire sans tête, et le suffrage universel, tel qu'il existe, est plus stupide que le droit divin (Flaub., Corresp., 1871, p. 287): 7. Les révolutions libérales ou démocratiques de 1830 et de 1848 avaient un but très précis: renverser le pouvoir central et le remplacer. Les coups révolutionnaires de Blanqui étaient toujours calculés pour frapper à la tête et au cœur. Il ne disséminait pas ses forces; il les concentrait au contraire pour les porter en quelques points vitaux du système politique gouvernemental.
Jaurès, Ét. soc., 1901, p. 116. − La tête de. Les meneurs, les organisateurs, les personnes les plus représentatives. Les forces intellectuelles et littéraires de la Restauration émanèrent à la fois de trois foyers (...) du salon de Mmede Staël; de la tête du parti monarchique, représenté par M. de Chateaubriand; et aussi d'une simple école, d'abord obscure, de l'École normale (Sainte-Beuve, Chateaubr., t. 1, 1860, p. 34).Société des Gens de Lettres. Toute la tête du nationalisme est là. Coppée sacristain, Rochefort parcheminé, Lemaître fouinard, Barrès de proie, et l'insignifiant oiseau Vandal (Renard, Journal, 1901, p. 651). − Fam. Les grosses têtes. Les principaux dirigeants. Le mariage fut célébré à Saint Honoré d'Eylau. Y assistaient, pour le principal, sept grosses têtes de l'industrie lourde, cinq personnes nobles, un ministre et deux généraux (Aymé, Travelingue, 1941, p. 7). II. − [À propos de qqc.] A. − P. anal. (de forme et de position) 1. Partie souvent arrondie qui se trouve à l'extrémité supérieure de quelque chose. Tête d'un arbre, d'un épi, d'une fleur; tête d'une montagne; tête d'un mât. À ces pavillons déserts et poudreux commence une magnifique avenue d'ormes centenaires dont les têtes en parasol se penchent les unes sur les autres et forment un long, un majestueux berceau (Balzac, Paysans, 1844, p. 4).Le flot me balançait, la voile blanche du bateau qui passait se recourbait tendrement sur moi et, là-haut, je voyais le ciel, les nuages, je voyais la souple tête des peupliers lorsqu'ils se baissaient sous le vent et je m'endormais bientôt au chant des laveuses et des hirondelles (Éluard, Donner, 1939, p. 36). − Spécialement ♦ MAR. Tête de roche. Roche qui fait saillie sur un fond marin. (Dict. xixeet xxes.). ♦ AUTOMOB. À soupapes en tête. À soupapes inversées placées dans la culasse amovible qui s'ouvre à la partie supérieure du cylindre. La Lancia « Ardennes » se distinguait par son moteur à quatre cylindres en V très étroit, avec culasse et soupapes en tête commandées par culbuteurs (Tinard, Automob., 1951, p. 337). ♦ RELIURE. Tranche supérieure du dos d'un livre. Rogner un livre en tête; tranche de tête. (Dict. xxes.). 2. Partie terminale arrondie et plus grosse que le reste du corps de quelque chose; partie terminale d'un objet rond. Tête d'un clou, d'une épingle; tête de vis; tête d'ail, d'artichaut; tête d'un poireau; clou à tête dorée, à tête large; épingle à tête de couleur, de diamant, de perle; porte-manteau à trois têtes. Au même instant je sentis un élancement, faible et vif, à mon bras gauche (...) deux tortillements de douleur brève, un au poignet, l'autre à la tête de l'humérus (Arnoux, Paris, 1939, p. 175).Croissance fantastique du champignon qui monte en brandissant sur sa tête ronde la feuille qui l'a vu naître (Colette, Gigi, 1944, p. 193). ♦ Tête d'une comète. ,,Partie composée du noyau et du corps de la chevelure d'une comète et qui est suivie par la projection lumineuse`` (Astron. 1980). ♦ Tête d'un marteau. Partie carrée ou ronde opposée à la pointe ou panne du marteau. [Les tonneliers] emploient encore l'attirail d'un métier très ancien (...) des outils naïfs, avec un manche poli par la main et une grosse tête de fer (Chardonne, Dest. sent. I, 1934, p. 13). ♦ Tête d'un instrument de musique. Partie supérieure du manche où se fixent les cordes. Tête de guitare, de viole. Bustavant qui tient sous le bras droit (...) son violoncelle enveloppé d'une housse verte, forme ventrue dont ne dépasse que la petite tête en volute (Arnoux, Solde, 1958, p. 210). − Spécialement ♦ MÉCAN. [Dans un moteur à explosion] Tête de bielle. Extrémité de la bielle qui s'articule sur le vilebrequin. Le vilebrequin comprend des tourillons, portés par les paliers du bloc cylindre, des manetons sur lesquels tourillonnent les têtes de bielle (Chapelain, Techn. automob., 1956, p. 49). ♦ PÊCHE. Tête de scion. Anneau fixé au bout du scion d'une canne à lancer. (Dict. xxes.). ♦ TECHNOL. Tête perdue. Tête de vis, de clou enfoncée dans la matière de façon à ne pas dépasser de celle-ci. (Dict. xxes.). Tête romaine. Tête de vis sphérique percée d'un trou latéral (d'apr. Chabat t. 2 1876). Tête de cornue. Pièce fixée à la partie supérieure d'une cornue. (Dict. xxes.). ♦ VERRERIE. Extrémité d'une glace. (Dict. xixeet xxes.). B. − P. anal. (de position) 1. a) Partie antérieure (d'une chose). Tête de lit. Il la rappela, pour lui montrer trois aunes de guipure qu'il avait trouvées dernièrement « dans une vendue ». − Est-ce beau! disait Lheureux; on s'en sert beaucoup maintenant, comme tête de fauteuils, c'est le genre (Flaub., MmeBovary, t. 2, 1857, p. 138).En tête de la baignoire, sur une chaise longue, à la natte fine comme un porte-cigare de Manille, un peignoir de vieille guipure (...) recouvrait à demi (...) de petites pantoufles (E. de Goncourt, Faustin, 1882, p. 198). − [Désigne l'avant de qqc. de mobile, qui se déplace] (Fusée à) tête chercheuse. (Fusée munie d'un) dispositif qui permet de se déplacer en suivant la modification de la trajectoire de la cible. On sait qu'un des graves inconvénients des engins automatiques avec « tête chercheuse », pour la lutte anti-aérienne, est qu'ils sont toujours susceptibles d'être trompés sur l'identité des objectifs (Ruyer, Cybern., 1954, p. 48).P. anal., plais. [À propos d'une pers.] Pour aider notre expansion (...) nous engageons un chef de service personnel, « un psychologue dans le siècle », un homme de contacts et de relations, bon analyste, une tête chercheuse de cadres et d'employés (Le Point, 27 avr. 1981, p. 137). − [Désigne un élément (d'un ensemble) qui est situé à une extrémité, à la partie ant.] L'arbre à cames possède un pignon entraînant un arbre commandant la pompe à huile et l'arbre de la tête d'allumage ou allumeur (Chapelain, op. cit., p. 148). ♦ Tête d'enregistrement. Inducteur servant à l'enregistrement d'une information sur un support magnétique (d'apr. Ging.-Lauret 1973). Tête de lecture, d'écriture. Organe électromagnétique utilisé pour la lecture ou l'écriture d'enregistrements sur un support d'information magnétique. Pour effectuer une recherche, il faut faire défiler tout le film sous une tête de lecture appropriée, qui détecte les propriétés demandées (Jolley, Trait. inform., 1968, p. 201).Cour. Synon. de cellule.Il y aura donc deux pistes sonores qui seront lues simultanément par le saphir de la tête de lecture (Disque Fr., 1963, p. 9).Tête enregistrement-lecture. Le Magnon double piste. Il permet tous les mixages et surimpressions sonores. Avec une tête enregistrement-lecture garantie pour la durée de vie de l'appareil (Le Point, 30 oct. 1978, p. 186). ♦ Tête d'impression, tête imprimante. ,,Organe de l'imprimante qui assure l'impression`` (Mess. Télém. 1979). − Partie d'une machine-outil, d'un appareil recevant des mécanismes de commande, ou des mécanismes adaptés à des tâches particulières. Tête amovible, mobile, inclinable; changer la tête d'une mortaise, d'une fraiseuse; fraiseuse à tête multiple. L'organe de coupe [de la moissonneuse-lieuse] (...) [comprend] la lame de scie formée de la tringle sur laquelle sont rivées les sections, et la tête de lame (Passelègue, Mach. agric., 1930, p. 223). b) Début (de quelque chose). Afin de garantir de tout dommage les marchandises déposées sur le port, la ville avait construit une espèce de pile en maçonnerie (...) qui préservait le pilotis du port en soutenant à la tête du Terrain les efforts des eaux et des glaces (Balzac, Proscrits, 1831, p. 4).Solitaire... C'est un mot à belle figure, son S en tête dressé comme un serpent protecteur (Colette, Naiss. jour, 1928, p. 34).P. métaph. Coucher du soleil. (...) Impression de solennité de ce passage (...). La tête de ce jour lentement tombe (Valéry, Tel quel I, 1941, p. 132). ♦ Sans queue ni tête. V. queue1II B 1 b. c) Spécialement − IMPR. Tête de page. Début de la page laissé en blanc dans un livre. (Dict. xxes.). −
ŒNOL. Tête (de cuvée(s), de vin). ,,Vin tiré des premières cuvées d'une vendange de qualité (surtout dans les crus de Bourgogne et de Champagne)`` (Fén. 1970). Vin de tête (région. (Sauternais)). Vin provenant du premier pressurage, le meilleur (d'apr. Lich. Vins 1984). − CHIM. Produit de tête (p. oppos. à produit de queue). Substance qui distille la première. (Dict. xxes.). − BÂT. Tête de mur. Face d'extrémité du mur. Une tête de mur est fréquemment constituée par un pilier en pierre, harpé avec la maçonnerie du mur (Noël1968).Tête de chevalement. Pièce horizontale placée sur deux étais. (Dict. xxes.). − CARR. Tête dure. ,,Couche de quelques centimètres à la partie supérieure d'un banc, plus dure que le reste`` (Plais.-Caill. 1958). d) Partie supérieure d'un ensemble. ♦ BILLARD. En tête. Dans la partie supérieure de la boule. Frapper la bille en tête. Au fig. Prendre, faire qqc. bille en tête. Sans hésiter, franchement. Au lieu de prendre bille en tête par la route départementale qui grimpe en lacets, remonter le torrent par le sentier, jusqu'au sommet (Giono, Hussard, 1951, p. 264). 2. a) Premiers éléments (d'un ensemble de véhicules, d'un groupe de personnes qui se déplacent dans la même direction ou qui sont orientés dans le même sens). Tête d'une colonne, d'un convoi, d'un cortège, d'un défilé, d'une escorte. La marche de cette colonne sur Mayenne (...) et les divers sentiments qu'elle exprimait, s'expliquaient assez naturellement par la présence d'une autre troupe formant la tête du détachement. Cent cinquante soldats environ marchaient en avant avec armes et bagages (Balzac, Chouans, 1829, p. 7).Des employés (...) embarquaient, arrimaient à grand fracas de métal, dans les voitures de tête de rame, les coffres lourds (Arnoux, Double chance, 1958, p. 141). ♦ En tête. À l'avant, en se portant sur les éléments les plus avancés. Les Anglais, avertis (...) de la marche des Français, les avaient guettés (...) Maintenant, ils les attaquaient en tête et en queue très âprement (A. France, J. d'Arc, t. 2, 1908, p. 403).V. tenir 1reSection I A 1 ex. de Zola. b) Avant (d'une file de véhicules se déplaçant dans un sens donné). Descendre, monter en tête; voiture, wagon de tête. À un moment notre voiture a pris la tête (Toulet, Tendres mén., 1904, p. 111).Il occupa donc les loisirs de ce voyage souterrain en revisant ses notions de métrologie, vérifiant si à telle gare la sortie se trouvait en tête ou en queue (Queneau, Loin Rueil, 1944, p. 74). c) Première partie de quelque chose composé de plusieurs éléments, qui se déroule dans un ordre précis; première partie de quelque chose qui a un sens. Tête de chapitre. Lisez le même journal d'un bout à l'autre: vous verrez l'article de tête s'indigner contre la réputation de légèreté faite aux femmes françaises; mais un conte de troisième page vous décrira une scène d'adultère parisien avec tous les airs d'approuver et d'envier ces gens qui ne s'ennuient pas (Romains, Hommes bonne vol., 1932, p. 300). ♦ CH. DE FER, TRANSP. Tête de ligne (p. oppos. à terminus). Point de départ de la ligne. Un mardi orageux et stérile (...) vous engage à baguenauder autour des lieux de départ, des têtes de ligne, des caisses vitrées où les provinces lointaines et les nations étrangères dépêchent leurs indigènes (Arnoux, Paris, 1939, p. 150). ♦ ART MILIT. Tête de pont (v. ce mot I B 4 b). Partie d'un pont la plus avancée en territoire ennemi. Pendant qu'on s'acharnait contre la tête du pont de Saint-Martin, trois cents hommes d'armes du roi avaient passé le Tage à la file (Mérimée, Don Pèdre Ier, 1848, p. 179).P. anal. Le monde a frémi d'horreur en apprenant que les gens de Vichy faisaient combattre contre nous et contre les alliés des soldats de l'Empire, en combinaison avec des escadrilles allemandes, dans le but de garder au Levant une tête de pont aux armées du Führer (De Gaulle, Mém. guerre, 1954, p. 422). ♦ Tête de liste. Premier nom sur une liste; p. méton., personne qui figure en premier. Quant à Laprat-Teulet, tête de liste il recevait des injures et des crachats dont la liste entière était éclaboussée (A. France, Bergeret, 1901, p. 263).En appos. Ce dépôt est effectué par le candidat tête de liste ou par un mandataire désigné par lui (Fonteneau, Cons. munic., 1965, p. 30). ♦ Tête d'affiche. Nom qui figure en haut d'une affiche; p. méton., personne qui tient la vedette. L'illustre tragédien Esprit Chaudval (...), rejeton d'une très digne famille de pilotes malouins et que les mystères de la destinée avaient induit à devenir grand premier rôle de province, tête d'affiche à l'étranger et rival (souvent heureux) de notre Frédérick-Lemaître (Villiers de L'I.-A., Contes cruels, 1883, p. 217). 3. [Dans un groupe à l'intérieur duquel est établi un classement, une hiérarchie] Partie qui est au début, qui regroupe les premiers éléments. Sur le fils aîné reposaient toutes les grandes espérances du père. Frédéric tenait toujours la tête de sa classe (Aymé, Jument, 1933, p. 38).P. méton. Je songeai que je serais convié au banquet de la Saint-Charlemagne et que j'y siégerais parmi les grands et les forts au milieu des têtes des classes (A. France, Vie fleur, 1922, p. 364). − SPORTS. Tête de série. ,,Celui, celle que sa valeur désigne pour rencontrer en série des concurrents, qui sur le papier, lui sont inférieurs`` (Petiot 1982). 4. Au fig. À la tête. Place de celui qui commande, dirige. a) ART MILIT. (Être) à la tête de ses armées. Le duc d'Angoulême se préparait à franchir la Bidassoa à la tête de quatre vingt mille hommes (A. France, Vie littér., 1888, p. 211). b) (Être) à la tête de. Exercer des fonctions de direction, diriger une entreprise. On te prêtera vingt mille francs pour acheter son imprimerie, et probablement tu seras à la tête d'un journal (Balzac, Illus. perdues, 1843, p. 683).Maman a tant changé, elle aussi!... Voilà quatre ans qu'elle est à la tête de cet hôpital; quatre ans qu'elle organise, qu'elle décide, qu'elle ne fait pas autre chose que de donner des ordres, de se faire respecter, de se faire obéir (Martin du G., Thib., Épil., 1940, p. 847). − P. anal. Disposer de quelque chose, posséder quelque chose. Le brave compagnon qui un matin, à la tête d'un petit capital d'une cinquantaine de mille francs, devient adjudicataire d'une entreprise quelque peu importante (Viollet-Le-Duc, Archit., 1872, p. 422).L'acte même de préférer semble malaisé à obtenir de moi! (...) De sorte qu'avec Tchekhov, Keats, Pater, James, les Browning et Constant, me voilà à la tête de six livres (Du Bos, Journal, 1924, p. 120). REM. 1. Tétère, subst. fém.,arg. Tête, visage. Il s'attrape la tétère... Il se la tripote à deux mains (...), il se pétrit tout le menton... et les joues, le gras, les plis, le nez aussi, les oreilles (Céline, Mort à crédit, 1936, p. 528). 2. Têtigué, interj.,vx., théâtre class. [Juron proféré par les paysans] (Ds Lar. Lang. fr., Rob. 1985). 3. Têtoir, subst. masc.,technol. Cavité dans laquelle on insère une tête d'épingle pour la frapper. (Dict. xixeet xxes.). Prononc. et Orth.: [tεt]. Homon. tette, formes de téter. Ac. 1694, 1718: teste; dep. 1740: tête. Étymol. et Hist. A. « Partie supérieure du corps de l'homme » 1. tête comme partie du corps, considérée d'un point de vue global a) ca 1050 (Alexis, éd. Chr. Storey, 264: Li serf sum pedre [...], Lur lavadures li getent sur la teste); b) ca 1100 (Roland, éd. J. Bédier, 1956: Trenchet la teste; 2101: En la teste ad e dulor e grant mal; 3727: Desur les espalles ad la teste clinee); c) ca 1170 (Chrétien de Troyes, Erec, éd. M. Roques, 5674: ne tint mie la teste basse, ne fist pas sanblant de coart); d) 1341 à propos de la représentation d'un être humain (Guillaume de Machaut, Remède de Fortune, éd. E. Hoepffner, t. 2, p. 37; Nabugodonosor figure Qu'il vit en songe une estature Grande et haute qui la figure Horrible avoit, Et la teste d'or riche et pure); 2. cette partie du corps, considérée comme siège de la pensée, de la raison, des sentiments, de la mémoire, des organes des sens a) ca 1100 (Roland, 2011: Ansdouz les oilz en la teste li turnent, L'oïe pert e la veüe tute); b) 1160-74 perdre la teste « s'embrouiller » (Wace, Rou, éd. A.-J. Holden, 6241); c) 1176-81 (Chrétien de Troyes, Chevalier Charrette, éd. M. Roques, 2581: Li quex est ce, savoir le vuel, qui tant a folie et orguel, et de cervel la teste vuide, qu'an cest païs vient...?); d) 1176-81 (Id., Yvain, éd. M. Roques, 2945: La dame dist: Or n'aiez soing, que certes [...] li osterons nos de la teste tote la rage et la tempeste); e) 1249 (Rutebeuf, Cordeliers, 80, éd. E. Faral, t. 1, p. 236: Nos ressemblons la taupe, qui erre soz la mote: Nos avons euz es testes, et si n'en veons gote); f) 1263-65 teste fole (Id., Jacobins, p. 325); g) 1376 ouvrer de sa teste « faire ce qu'on veut » (Modus et Ratio, éd. G. Tilander, 1, 15); puis 1461 faire à sa teste (Jean du Bueil, Jouvencel, éd. Lecestre, t. 1, p. 70); h) 1376 avoir en teste (qqc.) « s'en souvenir » (Modus et Ratio, 74, 75); i) fin xives. avoir trop chaude teste « s'emporter facilement » (Froissart, Chron., éd. L. et A. Mirot, t. 13, p. 111); j) fin xives. (Id., ibid., éd. G. T. Diller, p. 189: [les Englés] n'entendent point bien tous les termes dou langage de France; ne on ne lor scet conment bouter en la teste); k) fin xves. laver la teste (à qqn) « réprimander fortement » (Philippe de Commynes, Mém., éd. J. Calmette, t. 3, p. 253); l) mil. xvies. chanter a plaine teste (Mellin de Sainct-Gellais,
Œuvres, éd. P. Blanchemain, t. 1, p. 274), v. tue-tête; m) α) 1580 teste bien faicte (Montaigne, Essais, I, 26, éd. P. Villey et V.-L. Saulnier, p. 150);
β) 1751 examiner (qqc.) à tête reposée (Prévost, Lettres anglaises, t. 1, p. 124); n) α) 1756 (Batteux, Les Beaux-Arts, p. 23: [La Poësie] n'est tenue qu'au vraisemblable; elle invente, elle imagine à son gré; elle peint de tête);
β) 1766 (Voltaire, Le Philosophe ignorant, p. 883: faire de tête et sans papier une division de quinze chiffres); o) 1763 avec toute sa tête (en parlant d'un vieillard) (Barbier, Journal, t. 8, p. 107); 3. en réf. aux cheveux, au visage, au crâne a) ca 1100 (Roland, 2931: Sa barbe blanche cumencet [Charles] a detraire, Ad ambes mains les chevels de sa teste); b) 1176-81 la teste nue (Chrétien de Troyes, Yvain, 5648); c) 1385 à propos de l'expression du visage (E. Deschamps, Miroir de mariage, éd. G. Raynaud, t. 9, p. 109: sa teste faire et atourner); d) α) 1400 (Nicolas de Baye, Journal, éd. A. Tuetey, t. 1, p. 292: et [...] estoit si elevé que [...] n'ostast son chaperon de sa teste, non pas devent le Roy);
β) 1585 se tenir teste decouverte en presence de (qqn) (Montaigne, op. cit., I, 36, p. 227); 4. tête pris pour vie de quelqu'un a) ca 1100 (Roland, 935: Se trois Rollant, n'en porterat la teste); b) ca 1170 (Chrétien de Troyes, Erec, éd. M. Roques, 5863: par ma teste); c) ca 1170 (Id., ibid., 5468: onques nus [...] n'i leissast la teste an gage); d) 1174-76 (Guernes de Pont-Sainte-Maxence, St Thomas, éd. E. Walberg, 2725: Pur les dreiz sa mere [la sainte mere iglise] a li fiz sa teste mise); e) fin xives. (Froissart, Chron., éd. S. Luce, t. 5, p. 57: leur commandèrent, de par le prince et sus le teste, que...); f) 1659 mettre la teste (de qqn) à prix (Boisrobert, Epistres, éd. M. Cauchie, t. 2, p. 127); 5. en réf. à la mesure d'une tête 1176-81 (Chrétien de Troyes, Yvain, 522: Li chevaliers [...] fu sanz dote plus granz de moi la teste tote); 6. en réf. aux extrémités du corps a) 1176-81 (Id., Chevalier Charrette, 2570: Cil [un chevalier] des les piez jusqu'a la teste, sist toz armez, sor son destrier); b) 1507-08 plonger la teste premiere (D'Amerval, Diablerie, éd. Ch.-Fr. Ward, 146b); 7. tête pris pour la personne entière a) ca 1275 (Adenet le Roi, Buevon de Conmarchis, éd. A. Henry, 1239: Secorre nous venront a mainte teste armee); b) 1283 (Philippe de Beaumanoir, Coutumes Beauvaisis, éd. A. Salmon, t. 1, p. 226: il se departent par testes autant a l'un comme a l'autre); c) fin xives. (Froissart, Chron., éd. G. Raynaud, t. 10, p. 217: et il i a tels trente mille testes en ceste ville qui ne mengièrent de pain, passet a quinse jours); d) 1461 (Jean du Bueil, Jouvencel, t. 2, p. 233: Et aussi est-il à penser que plusieurs testes congnoissent plus que une ou que deux); e) 1644 testes couronnees (G. de Scudéry, Arminius, p. 44); f) 1686 (Dangeau, Journal, p. 209: elle a feit mettre sur la tête du Duc de Richemond, son fils, les 3000 pieces de rente qu'elle avoit); g) 1789 têtes exaltées (Le Moniteur, t. 2, p. 401); 8. en réf. à la position de la tête par rapport à l'ensemble du corps, notion de position première, avec, éventuellement surajoutée, notion de commandement ou de supériorité a) 1580 loc. (Montaigne, op. cit., II, 17, p. 640: voir à la teste d'un trouppe marcher un chef de belle et riche taille), v. chef; b) 1790 « personne qui dirige un groupe, un mouvement ou un corps constitué » (Le Moniteur, t. 3, p. 27); c) 1885 tête de liste (L'Illustration, 22 août, p. 119c ds Quem. DDL t. 17); d) 1905 sports tête de série (L'Auto, 17 févr. ds Petiot 1982); e) 1941 tête d'affiche (L'Œuvre, 7 mars); 9. en loc. a) α) 1remoit. xiiies. teste a teste « l'un près de l'autre » (Guillaume de Palerme, 4905 ds T.-L.), rare en a. m. fr.;
β) 1549 id. « seul à seul (dans un affrontement) » (Amyot, Vies, Alex. le Grand ds Gdf. Compl.);
γ) 1549 parler teste a teste ou priveement (Est.); b) α) 1424 rompre sa teste (A. Chartier, Poetical works, éd. J. C. Laidlaw, p. 308);
β) 1549 rompre la teste, avoir la teste rompue (Est.);
γ) 1606 casser et rompre la teste à qqn (Nicot); c) 1611 ne savoir ou donner de la teste (Cotgr.); d) α) 1666 jeter (qqc.) à la tête de (qqn) (Molière, Misanthrope, III, 5);
β) 1671 en parlant d'une femme se jeter à la tête (d'un homme) (Id., Psyché, I, 1). B. P. anal. empl. à propos d'animaux ou de non-animés « partie antérieure ou supérieure » 1. a) ca 1100 (Roland, 2490: A lur chevals unt toleites les seles, Les freins a or e metent jus des testes); b) ca 1180 « ramure d'un cerf » (Hue de Rotelande, Ipomedon, éd. A. J. Holden, 716); c) déb. xves. fromage de teste de sanglier (Taillevent, Viandier, p. 63); 2. a) xiiies. (Li establissement des mestiers de Paris ds E. Boileau, Métiers, éd. Lespinasse et Bonnardot, p. 272: aigrun [désigne l'ensemble des aux, oignons, cives, échalottes...] sans teste); b) 1560 « couronne d'un arbre » (v. Poppe, p. 201); c) 1636 (Monet: le chou fait Téte); 3. a) 1327 (Palgrave, The Antient kalendars and inventories..., t. 3, comptes français, p. 191: une teste d'une croice pour Evesque d'argent surorre); b) xves. teste de clou (Ordonnances relatives aux Métiers de Paris ds Reglemens sur les arts et metiers de Paris, éd. G. B. Depping, p. 371); c) 1489 (Mém. Archeol. Touraine, t. 23, p. 198: chevilles de fert a teste et a goupille); d) 1560 « sommet d'une montagne » (Ronsard,
Œuvres, éd. P. Laumonier, t. 3, p. 70 [var. de feste]); e) 1563 (B. Palissy, Recepte, éd. K. Cameron, p. 129: testes des chapiteaux de colomne); f) 1579 (Larivey, Advertissement ds Anc. Théâtre fr., éd. Viollet Le Duc, t. 5, p. 5: en teste de quelques lignes); g) 1575 « extrémité d'un os » (Paré,
Œuvres, éd. J.-Fr. Malgaigne, t. 2, p. 325); h) 1694 mar. « le ou les premier(s) vaisseau(x) d'une ligne de bataille » (Rapport de J. Bart ds Jal1); i) 1740 (Ac.: on appelle Têtes de vin les premières cuvées des meilleurs vins de Champagne et de Bourgogne); j) 1751 tête à perruque (Crebillon fils, Quel conte, p. 290); k) 1782 jeux « cartes à jouer, représentant les dames, valets et rois » (Encyclop. méthod. Mécan. t. 1, p. 480); 4. loc. 1855 (en parlant d'un cheval) gagner d'une tête (Le Sport, 12 avr. ds Petiot 1982). Du lat. testa littéral. « objet en terre cuite; pot, vase; brique, tuile » d'où « coquille, carapace (des crustacés), v. têt1» (v. OLD), qui a pris à basse époque le sens de « crâne » (att. aux ive-ves., v. Souter Later Latin) d'où le sens de « tête » att. seulement au xes. (dans les gl., mais prob. ant., v. FEW t. 13, 1, p. 281). On admet gén. que testa a été employé dans la lang. pop. à côté de caput, réservé à un niveau de lang. plus élevé, mais le manque d'attest. de testa ne permet pas de trancher la question. Les représentants des 2 mots ont vécu, parallèlement, en France et en Italie pendant plusieurs s. (v. FEW, loc. cit.). Th. D. Crevens (Cross-Language Evidence in Etymology ds Neuphilol. Mitt. t. 83, 1, pp. 53-61) examine les différentes explications justifiant le recours à testa et son passage au sens de « tête »: elles n'apportent pas d'élément décisif pour rejeter l'hyp. de la métaph. (anal. de forme), de laquelle on peut rapprocher l'utilisation dans de nombreuses lang., de noms d'objets usuels, de forme arrondie et gén. creux, pour désigner la tête (parallèles au fr. pop. balle1ou cafetière). Chef et tête étant en partie synon. au Moy. Age, on a cherché à préciser leurs aires d'empl. respectives: P. Le Gentil a conclu à une différence styl. dans la Chanson de Roland (chef serait un mot de valeur gén., dénotant un caractère de « noblesse et grandeur » ou empl. pour désigner la partie supérieure de la tête, tandis que tête, gardant qqc. de sa lointaine orig. pop., aurait une valeur expr., pittoresque), v. Romania t. 71, pp. 49-65; A. Stefenelli reprend en partie les distinctions établies par P. Le Gentil et met en évidence des faits de stéréotypie (p. ex. pour tenir le chief enclin, ou embrunc) ou de prosodie dans qq. textes poét. des xiie-xiiies. (v. A. Stefenelli, Der Synonymenreichtum der altfranzösischen Dichtersprache, pp. 104-109). L'analyse des attest. a. et m. fr. de la docum. permet de préciser: chef et tête fonctionnent comme quasi-synon. dans des cont. où est exprimée une notion de « tête » soit: - au sens global, comme partie du corps (douleur de tête/de chef), qui est à une position extrême (de la tête/du chef aux pieds) et porte les organes de la vue et de l'ouïe (les yeux du chef/de la tête); - au sens de « partie supérieure de la tête, celle qui porte des cheveux » (tête hérissée, blonde... un cheveu de sa tête/son chef) qui peut recevoir une coiffure (heaume, chapeau, couronne...); - soit en réf. à l'attitude (hocher, baisser le chef ou la tête); - soit comme « partie vitale, vie » (fendre, trancher, perdre le chef ou la tête; jurer sur sa tête, cf. les formules de serments par mon chef, par ma tête; également avec métaph. comme dans tête/chef et membres du corps de l'Église); - soit pour les animaux. Mais dans les cont. où l'on réfère à des notions telles que l'intelligence et la raison, l'affectivité ou la mémoire (supra A 2 c, d, e, f, g, h, i, j) c'est le mot tête qui est empl., et ce, de manière régulière, indépendamment du genre des textes ou des particularités styl. individuelles. Fréq. abs. littér.: 49 398. Fréq. rel. littér.: xixes.: a) 62 087, b) 83 838; xxes.: a) 80 469, b) 63 793. DÉR. Têteau, subst. masc.,arboric. a) Extrémité d'une maîtresse branche coupée près du pied. (Dict. xixeet xxes.). b) Région. (notamment Centre). Arbre étêté dont les branches commencent à repousser. Synon. têtard (v. ce mot B 1 a).Têteau de chêne. Deschartres (...) me cria de m'accrocher à un têteau de saules qui se trouvait à ma portée, et de laisser noyer la bête (Sand, Hist. vie, t. 3, 1855, p. 356).− [tεto], [te-]. Littré, Lar. Lang. fr., Rob. 1985: têteau. − 1resattest. 1737 testaux plur. « arbres qu'on étête souvent » (Bail, cité ds Jaub. Suppl., s.v. sevau), 1777 testeaux (ibid.); de tête, suff. -eau*; mot du Centre de la France et de la Saintonge (v. FEW t. 13, 1, p. 277, 279; Jaub.; G. Musset, Gloss. des pat. et des parlers de l'Aunis et de la Saintonge). BBG. − Greimas (A.-J.) Sém. struct. Paris, 1966, pp. 43-49. − Henry (A.). Notules de lexicogr. d'anc. oïl. Z. rom. Philol. 1983, t. 99, pp. 515-516. − Lecoy (F.). Notes de lexicol. fr. Trav. Ling. Litt. Strasbourg. 1970, t. 8, no1, pp. 126-127. − Quem. DDL t. 1, 2, 5, 9, 12, 13, 14, 18, 19, 27, 28, 34, 36, 38, 40. − Renson 1962, pp. 473-475. − Roques (M.). Pour le commentaire de Renart. In: [Mél. Orr (J.)]. Manchester, 1953, pp. 252-257. |