| TUYAU, subst. masc. A. − 1. Canalisation destinée à l'écoulement d'un liquide, au passage d'un gaz ou d'un produit pulvérulent; conduite d'eau, de gaz. Tuyau de caoutchouc, de cuivre, de plomb, de plastique; tuyau rigide, souple; aboucher, ajointer, embrancher des tuyaux; tuyau d'arrosage, d'échappement, d'incendie; tuyau d'égout; tuyau de descente. Assis sur une chaise, adossé au tuyau d'aération des lieux qui traversait la pièce dans toute sa hauteur, il raclait ses jambes velues (Courteline, Ronds-de-cuir, 1893, p. 123).Vous n'étiez pas encore ici quand on a fait cette fontaine: le tuyau file tout droit, un peu en pente, jusque par là-haut (Giono, Colline, 1929, p. 77). − En partic., vieilli. ,,Ouverture et canal d'une fosse d'aisances`` (Littré). 2. Conduit en brique, poterie, pierre, destiné au passage de la fumée, depuis le manteau de la cheminée jusqu'à la sortie. Un seul tuyau de fumée peut servir de même à un nombre illimité de cheminées adossées et superposées, à la condition que ce tuyau ait une section suffisante en raison du nombre des foyers (Viollet-Le-Duc, Archit., 1872, p. 330): Ce que je n'ai pas oublié, c'est la croyance absolue que j'avais à la descente par le tuyau de la cheminée du petit père Noël, bon vieillard à barbe blanche, qui, à l'heure de minuit, devait venir déposer dans mon petit soulier un cadeau que j'y trouvais à mon réveil.
Sand, Hist. vie, t. 2, 1855, p. 155. − En partic. Partie visible de ce conduit à partir des combles et s'élevant au-dessus du toit. À Paris la hauteur prodigieuse des maisons ajoute aux dangers qui résultent partout de la construction des tuyaux extérieurs de cheminées (Jouy, Hermite, t. 1, 1811, p. 12). ♦ Tuyau dévoyé. ,,Tuyau de cheminée qui est détourné de la direction verticale`` (Ac. 1798-1878). 3. Tuyau (de/du poêle). Ensemble de tuyaux métalliques s'emboîtant les uns dans les autres et raccordant le poêle à la cheminée. C'est cet après-midi que le père Debas viendra ramoner le tuyau du poêle de la salle à manger (A. France, Pt Pierre, 1918, p. 161).Un vieux poêle de faïence, surmonté d'une niche (....) ne sert plus. Et l'on a installé, par devant, un petit poêle rond, sur trois pieds, dont le tuyau va se raccorder à la cheminée, vers le sommet de la niche (Romains, Hommes bonne vol., 1932, p. 57). ♦ Pop. Famille tuyau de poêle. Dans une famille, personnes apparentées ou couples ayant des relations sexuelles considérées comme équivoques ou complexes. Je l'entendais (...) le joyeux bouche à oreille du canton: « Vous savez? (...) La mère après la fille et peut-être en même temps (...) Comme famille tuyau de poêle, on ne fait pas mieux! » (H. Bazin, Qui j'ose aimer, 1956, p. 204). − P. anal. (de forme). Chapeau en tuyau de poêle, ou absol., tuyau de poêle. Synon. pop., fam. de chapeau haut-de-forme*.Derrière lui marchait le secrétaire Schwân, le chapeau en tuyau de poêle tout droit sur sa grosse figure bourgeonnée (Erckm.-Chatr., Ami Fritz, 1864, p. 136).Il était en redingote, tuyau de poêle et gants noirs comme qui reviendrait de baptême ou d'enterrement (Gide, Faux-monn., 1925, p. 1128). ♦ En appos. Son chapeau tuyau de poêle, qu'il ne quitte pas chez lui (Goncourt, Journal, 1875, p. 1052). B. − 1. Base tubulaire creuse de la plume des oiseaux qui est fixée à la peau. Les cierges (...) n'étaient guère plus gros qu'un tuyau de plume, et n'avaient pas un pied de long (Stendhal, Chartreuse, 1839, p. 197). 2. Tuyau (de tige). Tige creuse du blé et de certaines céréales, qui porte l'épi. En face de ces fleurs chétives et des superbes tuyaux de blé, un rayon de lumière (...) faisait ressortir la poussière (Balzac, Ferragus, 1833, p. 106).Nous distribuons (...) des tuyaux de paille coupés menu, de la dimension d'un grain de blé, et des bouts de fil (Frapié, Maternelle, 1904, p. 178). 3. Familier a) Tuyau de l'oreille. Conduit auditif de l'oreille. P. plaisant. Tu dis que je ne te confie plus rien, mais je n'ai rien à confier si ce n'est dans le tuyau de ta gentille oreille que je t'aime et t'aimerai toujours (Balzac, Corresp., 1823, p. 221). ♦ Dans le tuyau de l'oreille. À voix basse et en secret. Parler dans le tuyau de l'oreille; raconter qqc. dans le tuyau de l'oreille. Un ovale préparé par un élève et qui n'a pas demandé, me dit Giraud dans le tuyau de l'oreille, plus d'une journée de retouches! (Goncourt, Journal,, 1874, p. 1014). b)
α) Renseignement confidentiel de bonne source sur l'état, la valeur d'un cheval, le gagnant probable d'une course de chevaux; p. ext., pronostic sur le résultat d'une opération financière ou de hasard, information confidentielle dont on a, ou croit avoir, la primeur. Avoir, donner un tuyau; avoir, obtenir un bon tuyau aux courses, à la Bourse. Il en imposa à l'homme de Bourse. Pour commettre une pareille folie et rester aussi calme, il fallait certainement que cet étrange client eût des tuyaux secrets, et combinât un coup de maître (Martin du G., Thib., Été 14, 1936, p. 382).Pouvez-vous me dire de qui vous tenez les tuyaux touchant la ruine de M. Joseph? (Duhamel, Maîtres, 1937, p. 70). ♦ Tuyau crevé. Information fausse ou ayant perdu tout caractère confidentiel. Il y a des tuyaux qui sont bons; il y a des tuyaux qui sont crevés. Moi, je vais t'apprendre comment on fait du lard avec du cochon (Cendrars, Or, 1925, p. 35).
β) Renseignement, information quelconque. Devant elle-même passer le même examen, elle désirait beaucoup avoir l'avis d'Andrée, beaucoup plus forte qu'elles toutes et qui pouvait lui donner de bons tuyaux (Proust, J. filles en fleurs, 1918, p. 912).Qu'est-ce qui pourrait me donner un tuyau sur le diagnostic des fractures du pied? (Aragon, Beaux quart., 1936, p. 325). 4. Pop., vieilli. Gosier, estomac. Ce que je me demande, c'est ce que sont devenus les cent grammes de beurre, les cent grammes de confiture et les deux cent cinquante grammes de farine qu'on lui a fourrés dans le tuyau (Aymé, Mouche, 1957, p. 139). C. − 1. Tube, généralement cylindrique et de faible diamètre. Un compagnon (...) dormait (...) tenant encore (...) le tuyau cassé d'une pipe, dont le fourneau avait roulé à terre tout bourré d'un pétun qu'en son ivresse il avait oublié d'allumer (Gautier, Fracasse, 1863, p. 306). 2. Tube de hauteur et de diamètre variables servant à la production de sons. Tuyaux sonores; tuyaux d'orgue. Avant l'introduction du téléphone, pour les courtes distances on utilisait les tuyaux acoustiques (Bouasse, Acoust. gén., 1926, p. 263).Il y a deux sortes de tuyaux: 1oà anche, où la colonne d'air est ébranlée sous l'influence d'une lame vibrante quelconque: 2 à bouche, où les vibrations sont produites par le choc d'une colonne d'air se brisant contre l'angle d'une paroi fixe (BrenetMus.1926, p. 460). − Fam. À pleins tuyaux. [P. réf. aux tuyaux d'orgue] Avec le maximum d'intensité, de force, de volume sonore. Synon. à pleins tubes (v. tube B 2 j).[La ronflerie de Sylvestre] jaillit du silence, et brutalement (...) à pleins tuyaux dès la première attaque (Arnoux, Zulma, 1960, p. 202). ♦ Au fig. Complètement; au maximum; autant que faire se peut. Synon. à pleins tubes (v. tube B 2 d).[La fièvre me reprenait.] Durant cinq minutes j'ai déconné à pleins tuyaux (Simonin, Touchez pas au grisbi, 1953, p. 74).− Tu te rabaisses à pleins tuyaux, lui disait la Marquise [à l'Abbé]; − mais rappelle-toi que le peuple de France est emphatique sans qu'il s'en aperçoive (La Varende, Amour sacré, 1959, p. 213). 3. LINGERIE. Pli cylindrique que l'on donne au linge empesé ou à des garnitures, des dentelles, des coiffes. Synon. godron.Fraise à tuyaux; robe à tuyaux. Ce boudoir était tendu d'une étoffe rouge, sur laquelle était posée une mousseline des Indes cannelée comme l'est une colonne corinthienne, par des tuyaux alternativement creux et ronds (Balzac, Fille yeux d'or, 1835, p. 381).Vous portiez une robe de soie noire avec un col en petits tuyaux blancs (Chardonne, Épithal., 1921, p. 422). Prononc. et Orth. : [tɥijo]. Pour tous les mots de la famille, Littré conserve la prononc. [tyj-]: tuyautage ,,tu-io-ta-j'``, tuyauter ,,tu-io-té``, tuyauterie ,,tu-i-o-te-rie``, tuyère ,,tu-iè-r'`` mais il note s.v. tuyau et tuyère: ,,plusieurs disent tui-iô, tui-iè-r'``. Auj. seul tuyère, mot techn. garde les deux prononc. [tɥijε:ʀ] ou [tyjε:ʀ] ds Lar. Lang. fr. et Rob. 1985. Pour la prononc. de y entre deux voy., v. G. Straka ds Trav. Ling. Litt. Strasbourg t. 19 no1 1981, p. 231. Att. ds Ac. dep. 1694. Étymol. et Hist. 1. Fin du xies. tudel « tige creuse du blé et de certaines plantes » (Raschi, Gl., éd. A. Darmesteter et D. S. Blondheim, t. 1, p. 143); 1174 tueil (Guernes de Pont-Ste-Maxence, S. Thomas, 1223 ds T.-L.); 2. a) 1176-81 « canal fermé, conduit à section circulaire ou arrondie, destiné à faire passer un liquide, un gaz » (Chrétien de Troyes, Chevalier Charrette, éd. M. Roques, 6995); 1868 tuyau d'arrosage (Goncourt, Journal, p. 448); b) fin du xiiies. « partie extérieure du conduit de cheminée » (Sone de Nansai, 4392 ds T.-L.); c) 1308 tuyau de cheminée (doc. ap. E. Coyecque, Comptes du XIVes. concernant neuf terres situées en Artois, 51); d) 1832 chapeau en tuyau de poêle « chapeau haut de forme » (Borel, Rhaps., p. 14); 1926 la famille tuyau de poêle (d'apr. Chautard Vie étrange Argot, p. 671); 3. xiiies. [ms.] « extrémité creuse de la plume des oiseaux » (Renart, éd. E. Martin, II, 1000); 4. 1480 « pli cylindrique fait à du linge empesé, à l'aide d'un fer à tuyauter » (G. Coquillart, Les Droitz nouveaulx, 662 ds
Œuvres, éd. M. J. Freeman, p. 162), attest. isolée; de nouv. 1827 (MmeCelnart, Man. des dames ou L'Art de la toilette, p. 110 ds Quem. DDL t. 16); 5. 1505 mus. « tuyau d'un instrument de musique » (Nouv. archives de l'art fr., 1887, 111); 6. 1653 « gosier, estomac » (Scarron, Le Virgile travesti, VII, 280b ds Richardson); 7. 1748 dans le tuyau de l'oreille « en secret » (Caylus, Mém. de l'Ac. des colporteurs ds
Œuvres badines, t. 10, p. 298); 8. 1872 « renseignement donné confidentiellement à quelqu'un » (Pearson). Dér., à l'aide du suff. -eau*, d'un mot non att. qui est issu de l'a. b. frq. *thūta « tuyau », cf. l'a. b. all. theuta « tuyau, conduite d'eau », l'ags.
þēote « id. », le got.
þut-haúrn « trompette ». Fréq. abs. littér.: 797. Fréq. rel. littér.: xixes.: a) 1 061, b) 1 436; xxes.: a) 1 152, b) 1 021. Bbg. Archit. 1972, p. 117 (s.v. tuyau de descente). − Baldinger (K.). Z. rom. Philol. 1983, t. 99, p. 204. − Ball (R. V.). Nouv. dat. pour le vocab. de l'automob. Fr. mod. 1975, t. 43, p. 57. − Blochw.-Runk. 1971, p. 355. − Guinet 1982, p. 106. − Quem. DDL t. 3, 9, 14 (s.v. tuyau d'échappement), 16, 27 (s.v. tuyaux d'orgue). |