| TURNE, subst. fém. Populaire A. − 1. Maison; en partic., maison mal tenue, logement sale et misérable. Il retardait le plus possible le moment où il réintégrerait sa pauvre turne, entre Brigitte et celle qu'il appelait « sa petite gueularde » (L. Daudet, Ariane, 1936, p. 147).C'est une mère Lantifle comme celles dont nous avons l'habitude. Elle a sa turne à la sortie du village, sur le chemin des bois (Giono, Gds chemins, 1951, p. 173). 2. Bistrot populaire parfois mal fréquenté. Tu connaîtras pas, au pays, une petite turne où on pourrait boire frais, et puis s'entendre tous les deux? (Genevoix, Raboliot, 1925, p. 200).Le Tonneau, qu'elle se nommait, la turne (...) La boîte était le genre habituel. Des flonflons (...), des entraîneuses (Le Breton, Razzia, 1954, p. 138). 3. Péj. Endroit où l'on se rend pour travailler (bureau, usine, école...), jugé généralement déplaisant. Quand il parle de l'atelier où il travaille: « Quelle turne (...) » (Poulot, Sublime, 1872, p. 90).Je l'ai vu (...) les jours où il sortait de sa « turne », comme il appelait son collège (Bourget, Pastels, 1889, p. 138). B. − 1. Usuel Chambre, pièce exiguë et sans confort. Synon. piaule, taule.Pauvre, misérable turne. Pour gagner sa nouvelle turne, elle est forcée de passer par la chambre des parents (ce qui ne fait pas son affaire) (Gide, Faux-monn., 1925, p. 1159).La petite turne avec son lit-cage et un calendrier des Postes et Télégraphes était sinistre à la lueur d'une lampe pigeon (Aragon, Beaux quart., 1936, p. 295). 2. Arg. scol. (notamment à l'École normale supérieure). Chambre d'internat, généralement occupée par deux élèves; pièce réservée à l'étude. En ce moment, je suis si faible (...) que j'aurais besoin qu'on me dise que je les vaux tous, ces fameux normaliens, si fiers de leurs « turnes » (Rivière, Corresp.[avec Alain-Fournier], 1905, p. 161).Chacun se groupait dans les turnes, les chambres de travail, par affinité de nature (Tharaud, Péguy, 1926, p. 64). − En compos. Co-turne. V. co-. Prononc. et Orth.: [tyʀn]. Arg. scol. Var. thurne ds Lar. Lang. fr., Rob. 1985. Étymol. et Hist. 1. 1480-1500 « maison » (Dialogue de Gautier et Martin, 229 ds Trois farces fr. inéd., éd. P. Aebischer, p. 179), attest. isolée; de nouv. 1799 (P. Leclair, Hist. brig. et assass. Orgères, p. 134); 2. 1822 « petite maison, logis sans confort » (d'apr. Esn.); 3. 1882 « chambre d'élève » (d'apr. Esn.); 4. 1910 « salle de travail » (Moch, X-Lex., p. 60). Prob. empr. par l'arg. à l'alsac. Turn « prison », d'où « maison » (corresp. à l'all. Turm « tour », anc. et dialectalement « prison »). Fréq. abs. littér.: 86. Bbg. Arveiller (R.). R. Ling. rom. 1976, t. 40, p. 458. − Chautard Vie étrange Argot 1931, p. 153. − Quem. DDL t. 7. |