| TURLUPINER, verbe A. − Empl. trans. 1. Vieilli. Se moquer de. Il a reçu les papiers où on le turlupine, et il les a fait courir lui-même de fort bonne grâce (J. de Maistre, Corresp., t. 2, 1807, p. 421).Pour les hommes mûrs, ils sont condamnés à pâtir quoi qu'ils fassent. On blâme leur célibat et on raille leur désir de se marier. On querelle leur esprit de retraite et on turlupine leur courtoisie (Amiel, Journal, 1866, p. 455). − À la forme passive. Le frère du poëte, le docteur Boileau, avait été très-turlupiné lui-même, dans le numéro de juin 1703 [du journal de Trévoux] (Sainte-Beuve, Port-Royal, t. 5, 1859, p. 354, note). 2. Pop., fam. a) [Le suj. désigne une pers.] Agacer, tourmenter. Encore des fourbis, tout ça!... Je me méfiais... Silence, tas de gouapes! Oui, vous vous fichez de moi. C'est pour me turlupiner que vous buvez et que vous braillez là-dedans avec vos traînées (Zola, Assommoir, 1877, p. 783).Quand il [Maupassant] avait fini de turlupiner ses chers docteurs, il se réfugiait auprès d'une petite dame blonde (L. Daudet, Fant. et viv., 1914, p. 30). − Empl. pronom. Se tourmenter, se faire du souci. [L'amant] se turlupine Donc à tort! Puisque il est l'aimé! (Verlaine,
Œuvres compl., t. 3, Épigr., 1894, p. 226).Je ne vais pas me turlupiner pour des foutaises de la littérature, et la plus facile, qui n'a ni consécration, ni poids, qui ne figure pas même au programme de l'agrégation, que l'Université n'a pas avalisée (Arnoux, Algorithme, 1948, p. 262). b) [Le suj. désigne une chose] Préoccuper, tracasser. Tout à coup je les vois s'arrêter brusquement à la terrasse du café de La Pédale goudronnée. J'étais vexée; nous allions être obligés de passer devant eux; ça m'turlupinait (Lévy, Gosses Paris, 1898, p. 54).Mon père aussi avait débuté dans la vie comme professeur de mathématiques dans un collège; puis il s'était mis à brasser des affaires, à voyager et à boire à cause de ses grandes inventions et de ses plaies d'argent qui lui turlupinaient l'esprit (Cendrars, Bourlinguer, 1948, p. 80). B. − Empl. intrans., rare, vieilli. Faire des plaisanteries de mauvais goût. (Dict. xixeet xxes.). − P. anal. Faire des pitreries. Le pitre suça le bec d'un flageolet qui brandit son cri aigre sur l'explosion des cuivres et l'effondrement de la mailloche sur la caisse, s'interrompant pour turlupiner avec son instrument, se le fourrant dans les yeux, dans le nez, dans la bouche (Huysmans, Sœurs Vatard, 1879, p. 79). Prononc. et Orth.: [tyʀlypine], (il) turlupine [-pin]. Att. ds Ac. dep. 1718. Étymol. et Hist. 1. a) 1615 trans. « se moquer de » (Harangue de Turlupin ds Variétés hist. et littér., t. 6, p. 71: Vrayment, c'est bien turlupiné! il nous la donne là belle!); 1695 (Regnard et Dufresny, La Foire Saint-Germain, I, 7 ds DG: voici le docteur; il faut le turlupiner); b) 1790 « tourmenter, tracasser » (Hébert, Père Duchêne, Br., no10, fasc. III, p. 283, 24 oct. ds Brunot t. 10, p. 217: ce bruit d'enfer [...] me « turlupine » bougrement la tête); 1850 (Flaub., Corresp., p. 254: ce qui me turlupine); 2. 1680 intrans. « faire des plaisanteries de mauvais goût » (Rich.). Dér. de turlupin*; dés. -er. Fréq. abs. littér.: 30. DÉR. Turlupinage, subst. masc.,rare. [Corresp. à supra B] Fait de dire ou d'écrire des plaisanteries grossières. Janin, malgré tout son esprit, et quoi qu'il fasse, est un écrivain qu'il ne faut jamais prendre au sérieux: le fond même de son inspiration est le turlupinage (Sainte-Beuve, Poisons, 1869, p. 34).− [tyʀlypina:ʒ]. − 1resattest. a) ca 1370 « hypocrisie » (J. Lefèvre, Lamentations, éd. A. G. van Hamel, l. II, 1765: au jour d'hui soubs turlupinage), attest. isolée dans ce sens, b) 1779 « action de turlupiner » (Linguet, Annales politiques, civiles et littér., t. 6, p. 275 ds Gohin, p. 238: le turlupinage le plus bas); a) de turlupin*, b) de turlupiner; suff. -age*. BBG. − Gohin 1903, p. 238 (s.v. turlupinage). − Migl. Nome propr. 1968 [1927] p. 98, 181, 327. − Quem. DDL t. 9. |