| TRUAND, -ANDE, subst. A. − 1. HIST. [Au Moy. Âge et sous l'Ancien Régime] Membre d'une communauté de voleurs, de mendiants professionnels. Synon. argotier (v. ce mot A).Roi des truands. Il faut que tu épouses une truande ou la corde. (...) holà! femmes, femelles, y a-t-il parmi vous, depuis la sorcière jusqu'à sa chatte, une ribaude qui veuille de ce ribaud? (Hugo, N.-D. Paris, 1832, p. 110).Ce Willette, une tête moyenâgeuse, une tête de mauvais truand de la Cour des Miracles (Goncourt, Journal, 1895, p. 734).V. aigrefin ex. 2. − Empl. adj. Propre à ce type de communauté, qui en fait partie. Nous devons dire à l'honneur de la discipline truande que les ordres de Clopin furent exécutés en silence et avec une admirable précision (Hugo, N.-D. Paris, 1832, p. 469).Je ne sais quelle pouillasserie de ville du moyen âge, initiée aux bienfaits du suffrage universel, mais qui ne peut se défaire de son vieux fond truand (Rolland, J.-Chr., Foire, 1908, p. 650).V. cagou B ex. de Hugo, gueuserie ex. 1. 2. P. ext., pop., vieilli. Personne qui vit de mendicité. Synon. gueux, mendiant, mendigot (pop.), vagabond.C'est une grosse truande (Ac.). Le Louvre est encombré tout l'hiver par des bandes de truands qui assiègent les bouches de chaleur et donnent au Salon Carré l'aspect déplaisant d'un Asile de nuit (Réau, Archives, bibl., musées, 1909, p. 20). B. − Subst. masc. 1. a) Homme du milieu, voleur, voyou. Truands du quartier. C'est l'écoute téléphonique d'un trafiquant qui, voici deux ans, a mis la puce à l'oreille du contrôleur général François Le Mouël (...). Le truand branché fait état de relations bien placées qui lui évitent de se laisser piéger (L'Express, 12 févr. 1982, p. 66, col. 2). − Au fém., rare. Avant d'être truande, j'ai été Guide de France (A. Sarrazin, La Cavale, 1962, p. 313 ds Rob. 1985). − En compos. Selon lui [l'inspecteur Roux], le téléphone de Guy Simoné, ce policier-truand organisateur de l'assassinat de Jean de Broglie, était, avant le meurtre, tout comme celui de Bernard André − le premier tueur pressenti par les assassins −, sur table d'écoute (Le Nouvel Observateur, 19 juill. 1980, p. 30, col. 1).Le fusil, c'est celui qui devait permettre au truand-indicateur de police Serge Gehrling de tuer Pierre de Varga, considéré comme l'un des instigateurs de l'assassinat de Jean de Broglie (Le Nouvel Observateur, 3 oct. 1981, p. 52, col. 2). b) P. ext. Personne sans scrupules qui abuse de la confiance ou de la naïveté d'autrui; en partic., commerçant malhonnête. Synon. arnaqueur, bandit (v. ce mot B), escroc.Comportement, mentalité de truand; être un vrai truand. Le vrai [chauffeur] truand considère l'arnaque comme étant l'armature du métier (...) De plus, notre truand met une brillante émulation à fronder la police (Simonin, J. Bazin, Voilà taxi!1935, p. 106). 2. Plais., fam. [Avec une nuance affectueuse ou admirative] Personne débrouillarde, qui sait profiter de la vie. Synon. bandit (v. ce mot C 2), chenapan, vaurien.Vous êtes de fameux truands tous les deux. À onze heures moins vingt, vous vous balladez [sic] encore en liquette et en calbard (Fallet, Banl. Sud-Est, 1947, p. 28). − Ce truand de + subst. ou nom propre.Et ce formidable truand de Philippe Bridau, avec son regard bleu d'acier « qui plombe les imbéciles » (Coppée, Vingt contes nouv., 1883, p. 47). Prononc. et Orth.: [tʀyɑ
̃], fém. [-ɑ
̃:d]. Att. ds Ac. dep. 1694. Étymol. et Hist. a) Ca 1165 trüant, trüande « celui (celle) qui vagabonde, qui mendie » ([Chrétien de Troyes], Guillaume d'Angleterre, éd. M. Wilmotte, 575 et 648); ca 1250 trüant « homme de rien » (terme d'injure) (Doon de Mayence, éd. A. Pey, 6176); b) 1188 adj. « misérable, méprisable » (Florimont, 2613 ds T.-L.). D'un gaul. *trūganto « mendiant, vagabond » que l'on restitue d'apr. l'irl. trôgán, dimin. de truag « malheureux », gall. tru (d'où aussi a. prov. truan « celui qui vagabonde, qui mendie » (xiie-xiiies. ds Rayn. et Levy Prov.), esp. truhán « bateleur », port. truão « id. »). Fréq. abs. littér.: 111. DÉR. 1. Truandaille, subst. fém.a) Pop., vieilli. Synon. de truanderie (v. ce mot A 2 a).Un ramassis qui ne compte pas, gens de métier, artisans ou truandaille (Cendrars, Homme foudr., 1945, p. 241).P. ext., péj. Ramassis de gens méprisables ou considérés comme tels. Synon. canaille, racaille.Quelques gifles retentissantes, sur les faces de quelques gourmets d'étrons, n'expliquent pas assez l'unanime détestation de la truandaille (Bloy, Journal, 1893, p. 88).P. méton. Canaillerie, débauche grossière. V. godaille ex. de Barrès.b) Pop. Synon. de truanderie (v. ce mot B 1 b).La crise du logement, personne n'en souffre plus que la truandaille (...). Le fatal meublé le guette [le truand en fuite] (Simonin, Touchez pas au grisbi, 1953, p. 81).c) Littér. Caractère fourbe de quelqu'un. La lumière jette une sorte de pourpre sur la truandaille des hommes (Suarès, Voy. Condottière, t. 2, 1932, p. 35).− [tʀyɑ
̃dɑ:j]. Att. ds Ac. dep. 1694. − 1reattest. xiiies. « gens qui mendient la plus vile populace » (La Riote du monde, ms. Berne 113, fo201b ds Gdf.); de truand, suff. -aille*. 2. Truander, verbe.a) Empl. intrans.
α) Vieilli. Vivre de mendicité; p. ext., se comporter en mendiant. Synon. gueuser.Aussi demandai-je au roi Louis de m'armer chevalier et de me donner une épée, car il ne m'était point séant de truander (Arnoux, Abisag, 1919, p. 228).
β) Fam. Enfreindre une règle, un usage; tricher. Soldat qui essaie toujours de truander pour échapper aux corvées. Élève qui truande en composition (Lar. Lang. fr.). b) Empl. trans., fam.
α) Tromper quelqu'un en abusant de sa confiance ou de sa naïveté. Il nous a truandés avec ses boniments (Lexis1975).
β) En partic. Voler, escroquer. Se faire truander. Ce commerçant truande ses clients (Rob. 1985). − [tʀyɑ
̃de], (il) truande [-ɑ
̃:d]. Att. ds Ac. dep. 1694. − 1reattest. ca 1165 « gueuser, vagabonder, mendier » ([Chrétien de Troyes], Guillaume d'Angleterre, éd. M. Wilmotte, 598); de truand, dés. -er. |