| TROMBE, subst. fém. A. − 1. CLIMATOL. Phénomène orageux qui se manifeste sous la forme d'une colonne nuageuse (ou liquide) animée d'un violent mouvement tourbillonnaire. Synon. cyclone, siphon (vieilli), tornade, typhon.Trombe effroyable, énorme, épouvantable, furieuse, hurlante, rageuse. Un coup de vent, qu'on l'appelle trombe, comme en Europe, ou typhon, comme en Chine, est de tous les temps (Hugo, Rhin, 1842, p. 443).Des grenouilles, minuscules, vivantes, au moins trente grenouilles apportées à travers les airs par un caprice du Sud, par une trombe chaude, une de ces tornades dont le pied en pas de vis ramasse et porte à cent lieues un panache de sable, de graines, d'insectes (Colette, Sido, 1929, p. 58). ♦ Trombe (marine). Trombe qui se développe au-dessus de la mer. Le 13 décembre, une trombe, phénomène assez fréquent dans ces mers, s'avança vers les navires. Colomb et ses équipages en avaient vu précédemment dans les mers du nouveau monde et peut-être aussi sur les côtes Nord et Ouest d'Espagne (Charcot, Chr. Colomb, 1928, p. 287). − P. compar. Comme une trombe, en trombe. Brusquement, soudainement, violemment; à une très grande vitesse. Arriver, partir, passer, survenir comme une trombe, en trombe; départ en trombe. Elle ajustait son voile et se précipitait hors de sa porte, comme une trombe, secouant les bras en l'air et poussant ce cri: − Musulmanes! on égorge nos enfants! (Gobineau, Nouv. asiat., 1876, p. 132).Cependant l'auto, traversant en trombe les hameaux et les bourgs, écrasait sous ses pneus insatiables poules, oies, dindons, canards, pintades, chats, chiens, cochons, enfants, laboureurs et paysannes (A. France, Île ping., 1908, p. 209). 2. P. ext. Trombe (de).Grande quantité (de quelque chose) qui s'abat brutalement, qui se déchaîne ou qui est entraîné violemment et bruyamment. a) [Le déterm. désigne un phénomène météor.] Trombe de grêle, de pluie, de sable, de vent. À chaque instant une nouvelle trombe de poussière passait sur l'oasis et venait s'abattre sur la ville (Fromentin, Été Sahara, 1857, p. 194). ♦ Trombe d'eau. Averse torrentielle. Synon. cataracte1, déluge.Une trombe d'eau s'abattait sur le quartier; à toutes les fenêtres on relevait les stores; les garçons de café, leur serviette sur la tête, roulaient les larges tentes des terrasses (Martin du G., Thib., Cah. gr., 1922, p. 638). b) [Le déterm. désigne une quantité d'objets d'une autre nature] Trombe de graviers, de feu, de pierres. ♦ [L'accent est mis sur la grande quantité] Et tout cela, ensuite, dégorgeait à plein jet des trombes de blé d'Amérique dans une flotte de péniches et de bateaux pressés à l'entour (Van der Meersch, Empreinte dieu, 1936, p. 95). ♦ [L'accent est mis sur la violence, sur l'aspect destructeur et incoercible du phénomène] Sous la trombe des panzer-divisionen, la grande nation s'était comme contractée, elle s'était rétrécie (Mauriac, Bâillon dén., 1945, p. 410). c) [Le déterm. désigne une chose abstr.] Trombe de paroles. Il se sentit emporté dans une trombe de pitié (La Varende, Sorcière, 1954, p. 225). d) [Le déterm. désigne un coll.] Sur le quai (...), se précipite, se bouscule une cohue inouïe, une gigantesque trombe humaine, qui suit son héros, le pousse, l'empêche de monter dans le train en partance (Chincholle, Général Boulanger, 1889ds Rec. textes hist., p. 88).« Debout, mes gars! Hardi! en avant! » Alors c'est la ruée, la trombe hurlante. À toute vitesse cent mètres. Quelques secondes (Bourget, Sens mort, 1915, p. 196). B. − P. anal. Personne, animal, chose qui, par son comportement ou ses caractéristiques, fait penser à ce phénomène. Une auto semblable a traversé la place tandis qu'il prenait sa bouche, et le rythme de la voiture a rythmé leur baiser: il se souvient que la trombe a passé sous leur fenêtre, tandis que leurs dents se heurtaient (Martin du G., Devenir, 1909, p. 119).Cette grande bête [le chien] (...) il ne la craignait pas du tout. La première fois peut-être, lorsque cette trombe velue avait déferlé sur lui (Genevoix, Rroû, 1931, p. 17). Prononc. et Orth.: [tʀ
ɔ
̃:b]. Att. ds Ac. dep. 1718. Étymol. et Hist. 1. 1549 trombes de feu (Rabelais, La Sciomachie ds
Œuvres, éd. Ch. Marty-Laveaux, t. 3, p. 409: Lors pour empescher l'assaut des forains [...] furent iettees dix trombes de feu, canons de fusees [...] et potz à feu); 1642 trombe (Oudin Fr.-Ital.: trombe, tromba; cf. 1640 Id. Ital.-Fr. : trombe di fuoco, trombes de feu); 2. 1665-1666 trombe « colonne nébuleuse tourbillonnante qui soulève la surface de la mer » (Thévenot, Suite du Voyage du Levant, p. 359 d'apr. R. Monnot ds Fr. mod. t. 21, p. 294); 1821 au fig. (J. de Maistre, Soirées St-Pétersb., t. 1, p. 167: Je ne songe jamais sans admiration à cette trombe politique qui est venue arracher de leurs places des milliers d'hommes destinés à ne jamais se connaître, pour les faire tournoyer ensemble comme la poussière des champs); 3. 1833 p. ext. « déversement abondant et brutal (de pluie, de neige, etc.) » (M. de Guérin, Journal, p. 149: Le 8. Jour de neige. Un vent de sud-ouest la roule en tourbillons, en grandes trombes d'une éblouissante blancheur); 1833 au fig. « grande quantité » (Chênedollé, Journal, p. 162: Des trombes de réquisitoires tombent sur la presse); 4. p. compar. a) 1835 comme une trombe « avec une grande soudaineté et brutalité » (Balzac, Contrat mar., p. 289: Ces réflexions si cruellement justes tombèrent sur madame Evangélista comme une trombe, et lui fendirent la cervelle); 1837 s'élancer avec la violence d'une trombe (d'une personne) (Id., C. Birotteau, p. 266); b) 1895 en trombe « très rapidement » (Lorrain, Sens. et souv., p. 284). Empr. à l'ital.tromba, propr. « trompette » (dep. 1308-48, G. Villani ds Tomm.-Bell.; lat. médiév. tromba en 1259 à Plaisance ds Du Cange), puis aussi, p. anal. de forme « sorte de feu d'artifice » (dep. 2emoit. xves., Canti carnaslialeschi ds Tomm.-Bell.), « sorte de fusée utilisée dans l'artillerie » (1567, Cataneo d'apr. Jal.1; d'où 1), et au sens 2 dep. 1607 (B. Crescenzio, ibid.); au sens 1, trombe (de feu) a été francisé en trompe (à feu, de feu) att. de 1547-50 (Fennis Stolon. p. 525) à 1872 (Littré). L'ital. tromba est empr., d'apr. FEW t. 17, p. 380b, à l'a. prov. tromba « trompette » (dep. xiiies., Flamenca d'apr. Levy Prov.) à côté de trompa, de même orig. que trompe*. Fréq. abs. littér.: 254. Fréq. rel. littér.: xixes.: a) 149, b) 555; xxes.: a) 417, b) 404. |