| * Dans l'article "TRIPOTER,, verbe" TRIPOTER, verbe Familier A. − Empl. trans. 1. Toucher avec insistance, manipuler sans relâche (une chose ou une personne). a) Manier sans soin, retourner (quelque chose) en tous sens, toucher à tort et à travers en mettant du désordre. Tripoter des affaires, des papiers, un objet, sa cigarette, sa cravate, son stylo. Un vieux tripote un chou. La marchande l'attrape; en effet, les mains du vieux doivent mettre des limaces au chou (Renard, Journal, 1906, p. 1079).Brodsky paraissait rarement, se jetait alors sur le divan qui, aussitôt se recouvrait d'objets (...) tout ce que dans la journée il avait ramassé un peu partout, tripoté et fourré machinalement dans ses poches (Morand, Champions du monde, 1930, p. 99). − Tripoter l'eau. Remuer, agiter l'eau par jeu en provoquant des éclaboussures. Elle marche vers le baquet où je me prélasse, heureuse de tripoter l'eau, se penche, me regarde avec un petit lorgnon d'or (Gyp, Souv. pte fille, 1927, p. 11). b)
α) Faire une tâche en amateur, sans grand soin ni savoir réel. Synon. bricoler.Tripoter le moteur d'une voiture. J'avais conservé le goût de tripoter la terre, et (...) je passais une partie des récréations à brouetter du gazon (Sand, Hist. vie, t. 3, 1855, p. 210).Elle tripotait son piano, toute la journée, par désœuvrement, par pose, par volupté (Rolland, J.-Chr., Foire, 1908, p. 733).
β) En partic. − Arg. des joueurs. Tripoter les cartes, le carton. Jouer aux cartes. Son plus grand mérite, à cette dame-là, c'était de tripoter les cartes fort habilement (A. Daudet, Pt Chose, 1868, p. 221).Axel ne retrouvait un peu de vie qu'en tripotant « le carton » (A. Daudet, Rois en exil, 1879, p. 175). − Arg. des peintres. Tripoter les couleurs. Mélanger les couleurs sur la palette avant de les appliquer sur le support (v. tripotage A 1 b γ). Une petite fille tripotait des couleurs sans poison (...) coloriait laborieusement une image d'un sou (Huysmans, En mén., 1881, p. 65).La joie barbouilleuse d'enfants qui tripotent le blanc, le rouge, le bleu et s'en salissent jusqu'aux oreilles (Colette, Pays. et portr., 1954, p. 102). − Tripoter une œuvre (littéraire, artistique). Lui faire subir des retouches, des remaniements, souvent en la défigurant. Synon. tripatouiller.Au Louvre, on a si bien restauré, gratté et tripoté toutes les toiles, que, dans dix ans, peut-être pas une ne restera (Flaub., Éduc. sent., t. 1, 1869, p. 177): ... toujours ce qu'on a écrit dispersé au dehors chez les uns et chez les autres, et souvent on ne se rappelle même plus chez qui; toujours ce qui vous environne menacé d'être saisi à l'improviste, mis sous scellés et perdu à jamais, après avoir été tripoté, trituré, pressuré, dénaturé...
Montherl., Port-Royal, 1954, p. 1002. c) [Le compl. désigne un animé]
α) [Le compl. désigne une pers. ou un animal] Toucher sans relâche à divers endroits du corps. Synon. palper, manipuler.Madame Lorilleux lui arracha le bébé en se fâchant: ça suffisait pour donner tous les vices à une créature, de la tripoter ainsi, quand elle avait le crâne si tendre (Zola, Assommoir, 1877, p. 469).− Il s'appelle Chien (...). − Chien... À la bonne heure! ça, c'est un nom! Alban tripote l'animal, lui soulève l'arrière-train par la queue, lui met les doigts dans la gueule, lui tord une patte, lui tire la moustache, lui retourne une oreille, lui fait tout ce qu'un chien aime qu'on lui fasse (Montherl., Songe, 1922, p. 107). − En partic., fam. Administrer une correction à quelqu'un. Pour comble, la grosse prenait le dessus, et elle vous tripotait Mélie de la belle façon (Maupass., Contes et nouv., t. 1, Trou, 1886, p. 581).
β) [Le compl. désigne une partie du corps] Toucher d'une manière répétée et souvent machinale. Tripoter sa barbe, sa moustache, ses favoris. Élisa (...) prenait dans ses mains ces cheveux de flammes, longuement les maniait, les tripotait, les assouplissait (E. de Goncourt, Élisa, 1877, p. 133).
γ) [Le compl. désigne une femme] La peloter, la caresser d'une manière osée et sensuelle. Tu me dégoûtes, tiens! jeta-t-elle âprement. Comment peux-tu te laisser tripoter, toi, par un type que tu n'aimes pas? (Magnane, Bête à concours, 1941, p. 360). − Empl. abs. Mademoiselle Andriot: Tripoter, c'est très mal! Mais câliner, c'est très bien! (Montherl., Celles qu'on prend, 1950, ii, 4, p. 797). d) P. méton. Tripoter les entrailles. Tuer, éventrer. Il saurait bien vous tripoter les entrailles, à tous tant que vous êtes, tas de gueux du Grand-I-Vert (Balzac, Paysans, 1850, p. 314). 2. a) Gérer (des fonds, des biens, une affaire) de manière à en tirer un profit par des opérations souvent frauduleuses et illicites (v. infra B 2 et tripotage B). Tripoter un budget. Tout le monde fait valoir son argent et le tripote de son mieux (Balzac, Cous. Bette, 1846, p. 28).Combien n'avait-il pas fait de courses dans les bureaux, aligné de chiffres, tripoté d'affaires, entendu de rapports! (Flaub., Éduc. sent., t. 2, 1869, p. 225). b) Acheter, corrompre, manipuler une personne ou un groupe de personnes. Son acquittement après la guerre m'a donné beaucoup à réfléchir, car je suis payé pour savoir comment on tripote un jury (L. Daudet, Brév. journ., 1936, p. 127). c) Remanier, arranger à son profit. En logique, en morale surtout, c'est là que les journaux officieux sont indépendants. Mon Dieu, cette pauvre morale, comme ils la tripotent! (Veuillot, Odeurs de Paris, 1866, p. 40). 3. Empl. pronom. a) Se toucher, se palper sur tout le corps, se caresser. − Empl. pronom. réfl. La jeune personne (...) se tripotait les seins en le regardant (Aragon, Beaux quart., 1936, p. 225). − Empl. pronom. réciproque. Toujours à se tripoter, à se bécoter (Arnoux, Algorithme, 1948, p. 231). b) Empl. pronom. à sens passif. [Le suj. désigne une affaire louche, une machination] Se préparer, se tramer dans l'ombre. Il se tripote dans les bas-fonds cinquante industries vaseuses que vous ne soupçonnez pas (Augier, Fils Giboyer, 1862, p. 43). B. − Empl. intrans. 1. a) Remuer, fouiller dans des affaires en les mettant en désordre. Synon. trifouiller, tripatouiller.En partic. S'occuper des affaires du ménage, déplacer les objets pour les remettre à leur place. Je l'entends [le domestique] marcher légèrement et tripoter dans ma chambre avec discrétion (X. de Maistre, Voy. autour chambre, 1794, p. 29). b) Tripoter dans.S'amuser avec un élément naturel (eau, terre, boue) en le remuant de manière à en être partiellement recouvert. Synon. barboter, patauger dans.Aussitôt mille cris, toutes les bonnes retroussant leurs robes et tripotant dans la mer (Chateaubr., Mém., t. 1, 1848, p. 53). c) Arg. des peintres. Peindre, étaler, mélanger les couleurs. Cependant notre garçonnet (...) tripotait, lui aussi, de son côté. « J'ai le ton! s'écria-t-il tout à coup (...) » (Fabre, Rom. peintre, 1878, p. 142). 2. Tremper, se compromettre dans des affaires louches, des opérations frauduleuses. Après tout (...) la vie est bien triste, les entrepreneurs chipotent, les rois carottent, les ministres tripotent, les gens riches économisotent (Balzac, Cous. Pons, 1847, p. 254).Un républicain qui dure à Chantilly (...) et tripote, électoralement parlant, avec le duc (Gyp, Mariage civil, 1892, p. 227). ♦ BOURSE. Synon. de spéculer, boursicoter.Il joue à terme, à prime, et tripote, et spécule (Pommier, Colères, 1884, p. 43). − Tripoter à.Il a vendu pour huit cent mille francs de poudrette! Et puis il a tripoté à la Bourse... Pouah! (Goncourt, R. Mauperin, 1864, p. 104). − Tripoter dans.Vous avez joué à la Bourse, mangé votre argent avec des filles, tripoté dans de mauvaises spéculations; enfin vous êtes sur le point de faire une faillite épouvantable (Zola, Curée, 1872, p. 525). − Tripoter sur.Le baron Hulot d'Ervy a envoyé dans la province d'Oran un de ses oncles pour tripoter sur les grains et sur les fourrages (Balzac, Cous. Bette, 1846, p. 305). REM. 1. Tripotailler, verbe,synon. vieilli. et péj.a) Empl. trans. Madeleine Chadeaux (...) va s'appuyer au piano en tripotaillant des fleurs (H. Bataille, Maman Colibri, 1904, I, 7, p. 7).b) Empl. intrans. Tout ce monde tripotaillait plus ou moins, parce que l'appât du gain faisait oublier les fatigues et les ennuis (Le Journal amusant, 10 avr. 1875, p. 3c ds Quem. DDL t. 17). 2. Tripotant, -ante, part. prés. en empl. adj.Qui tripote. Les tripotantes mains des vendeurs de jus (Bloy, Désesp., 1886, p. 320). 3. Tripotement, subst. masc.Action de tripoter ou d'être tripoté. Synon. usuel tripotage.Je regarde le causeur, ses yeux d'un bleu clair (...), le tripotement entre ses doigts d'une pomme noueuse de canne (Goncourt, Journal, 1889, p. 1000). 4. Tripoterie, subst. fém.Synon. peu usité de tripotage B.Je saute donc à pieds joints sur ces dix-huit ou vingt jours d'indignes tripoteries et de pêche en eau trouble (Sainte-Beuve, Nouv. lundis, t. 3, 1862, p. 177). 5. Tripotis, subst. masc.Ensemble de choses mêlées entre elles. a) Mus. Mélange de sons. La savoureuse pâte harmonique et le très amusant tripotis orchestral (Willy, Entre deux airs, 1895, p. 55).b) Peint. Mélange de couleurs; résultat de ce mélange. Dans ce tripotis de tons, où jamais une chose n'est peinte de sa couleur même (...), grande ressemblance avec la méthode de peindre de Chardin (Goncourt, Journal, 1861, p. 925). Prononc. et Orth.: [tʀipɔte], (il) tripote [-pɔt]. Att. ds Ac. dep. 1694. Étymol. et Hist. A. Intrans. 1. 1546 « jouer à la paume » (Rabelais, Tiers livre, éd. M. A. Screech, Prologue, 106, p. 11); 2. a) 1694 « s'occuper à remuer, à manipuler diverses choses plus ou moins propres » (Ac.); b) 1883 « toucher, déplacer avec insistance et sans précaution des choses qu'on dérange » (Delvau); 3. 1837 « se livrer à des opérations financières plus ou moins louches pour en tirer profit » (Balzac, C. Birotteau, p. 99). B. Trans. 1. a) 1581 « organiser, combiner d'une manière plus ou moins malhonnête » (N. de Montand, Miroir des François, p. 168: ventes tripotees); b) 1774 « manipuler, utiliser (de l'argent, des fonds) de manière à en tirer plus ou moins frauduleusement un profit » (Beaumarchais, Mém. contre M. Goëzman ds
Œuvres compl., Paris, 1828, t. 3, p. 183); 2. a) 1611 « manier malproprement ou sans précaution et avec insistance » (Cotgr.); b) 1787 « faire des attouchements à une personne » (Louvet de Couvray, Une Année dans la vie du chevalier de Faublas ds Romanciers du XVIIIes., éd. Etiemble, t. 2, p. 642); c) 1860 « toucher de la main, manipuler quelque chose de manière répétée et sans y attacher d'importance » (Goncourt, Journal, p. 688); 3. a) 1860 tripoter le carton « jouer aux cartes » (Villemessant, Paris au jour le jour ds Larch. 1872, p. 79); b) 1868 tripoter les cartes (A. Daudet, Pt Chose, p. 221); 4. 1866 « gâcher artistiquement (les couleurs), exécuter une œuvre picturale » (Delvau). Dér. de tripot*; dés. -er. Fréq. abs. littér.: 190. Bbg. Dub. Pol. 1962, p. 435. − Henschel (B.). Qq. dat. nouv. du 18es. Fr. mod. 1969, t. 37, pp. 130-131. − Pauli 1921, p. 39. − Quem. DDL t. 17 (s.v. tripotailler); 15 (s.v. tripoterie). |