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TRIBUNE, subst. fém.
I.
A. −
1. ANTIQ. Lieu élevé depuis lequel les orateurs haranguaient la foule. Le peuple athénien délibère sur l'expédition de Sicile. Nicias monte à la tribune et déclare que ses prêtres et son devin annoncent des présages qui s'opposent à l'expédition (Fustel de Coul., Cité antique, 1864, p. 279).La copie d'un Psêphisma que Démosthène a fait lire à la tribune (L'Hist. et ses méth., 1961, p. 507).Tribune aux harangues. V. harangue ex. 1.
2. ARCHITECTURE
a) Hémicycle des basiliques romaines où se tenait l'évêque, ou l'abbé, entouré de son clergé. On voit au bout du Forum l'église de S. Francesca Romana (...) et dans une des cours (...) nous avons reconnu une grande tribune (vous savez que c'est le nom qu'on donne à cette partie du temple opposée à la porte) (Stendhal, Prom. ds Rome, t. 2, 1829, p. 18).L'évêque, assisté de ses prêtres, se place au fond de l'hémicycle qui avait été le tribunal, et qui maintenant s'appelle tribune; et comme cet hémicycle est voûté, d'autres lui donnent le nom d'apside (ou abside), qui, en grec, signifie voûte, et qui a prévalu (Ch. Blanc, Gramm. arts dessin, 1876, p. 266).
P. anal. Autrefois, partie semi-circulaire surélevée d'une boutique faisant face à la porte d'entrée. Raconté à Gourmont mon passage chez Beer, le gantier en gros (...) juché sur une « tribune », au fond du magasin, débitant des gants (Léautaud, Journal littér., 1, 1906, p. 345).
b) ARCHIT. RELIG.
α) [Au Moy. Âge]
Partie du jubé du haut de laquelle on lisait l'Évangile et instruisait les fidèles. Tribune du jubé. L'un des côtés de ce salon s'ouvre sur une tribune à rampe dorée qui forme jubé dans la chapelle (T'Serstevens, Itinér. esp., 1963, p. 311).V. ambon ex. 4.
Galerie haute située au-dessus des bas-côtés et ouvrant sur la nef par le triforium (d'apr. Nér. Hist. Art 1985). Elle le reçut dans une chambre qu'elle occupait souvent et qui communiquait par une porte secrète aux tribunes qui règnent sur les nefs de l'église (Stendhal, Abbesse Castro, 1839, p. 223).
β) Toute partie surélevée soutenue par des colonnes, des arcs en balcons ou en encorbellements. Tribune d'orgue; tribune de la lanterne, du dôme. Devant le chœur, se trouvait une grille (...) [qui] était séparée, à intervalles égaux, par des piliers qui soutenaient une tribune intérieure et les orgues (Balzac, Langeais, 1834, p. 196).Vis-à-vis la porte [du réfectoire des monastères] s'élevait la tribune du lecteur, au-dessous de laquelle était dressée la table des hôtes (Lenoir, Archit. monast., 1856, p. 337).
Tribune sacrée (littér.). ,,Chaire où montent les ecclésiastiques pour parler au peuple`` (Ac. 1798-1935).
γ) Petite pièce élevée, ouvrant sur la nef et à laquelle on accède par un escalier intérieur ou extérieur à l'église; passage pratiqué dans l'épaisseur des murs des édifices gothiques et bordés de balustrades ajourées (d'apr. Adeline, Lex. termes art, 1844). Le lieutenant civil revint le 18 août et ordonna, de la part du roi, de faire boucher la grille ou tribune de Madame de Guemené qui donnait sur l'église de dehors, et particulièrement celle de Madame de Sablé qui répondait au chœur (Sainte-Beuve, Port-Royal, t. 4, 1859, p. 32).Un escalier en vis (...) conduit à une tribune [de Saint-Savin] (...) cette pièce que j'appelle tribune se retrouve dans beaucoup d'églises romanes et même gothiques: il est malaisé d'en déterminer l'usage (Mérimée, Ét. arts Moy. Âge, 1870, pp. 68-69).
c) ARCHIT. CIVILE. Emplacement élevé de certaines salles de réunion dont les places sont réservées aux musiciens, aux personnages de marque, aux dames ou aux auditeurs admis aux séances (Académie, Parlement). Synon. balcon.Au centre la grand' salle des réunions publiques avec son vestibule, sur lequel est une tribune communiquant à une galerie qui fait le tour de cette salle. Sur la cage du grand escalier s'élève le beffroi (Viollet-Le-Duc, Archit., 1872, p. 123):
Mon accusé, lui dit le gendarme assis à sa droite, voyez-vous ces six dames qui occupent ce balcon? Le gendarme lui indiquait une petite tribune en saillie au-dessus de l'amphithéâtre où sont placés les jurés. Stendhal, Rouge et Noir, 1830, p. 480.
P. méton. Public se trouvant dans la (les) tribune(s). [Marat] n'a eu besoin que de quelques mots, et presque d'un signe de tête, pour faire retirer aux tribunes leurs applaudissements (Desmoulinsds Vx Cordelier, 1793-94, p. 56).
3. Estrade réservée à l'orateur dans les salles de délibération des Assemblées, des grands corps de l'État. Tribune de l'Assemblée de la Chambre, du Parlement, du Sénat; monter à la tribune; aborder la tribune; succès de tribune. L'histoire que voici, racontée par lui à la tribune de l'Académie de médecine (Calmette, Infection bacill. et tubercul., 1920, p. 175).Au centre (...) prend place une plateforme, d'environ quinze mètres de long et trois mètres de profondeur, à laquelle on accède par un escalier de neuf marches, disposé à chaque extrémité; c'est la tribune (Lidderdale, Parlement fr., 1954, p. 137).
Éloquence de la tribune. Éloquence propre aux orateurs politiques, aux débats des assemblées publiques, politiques, parlementaires (p. oppos. à éloquence de la chaire, éloquence du barreau). (Dict. xixeet xxes.).
4. Au fig.
a) [Au xixes., p. oppos. à la presse] Expression orale, discours, débat politique et, p. méton., pouvoir politique d'une Chambre, d'un Parlement. Le retentissement perpétuel de la tribune sur la presse et de la presse sur la tribune (Hugo, Feuilles automne, 1831, préf., p. 711).La tribune est rétablie, cette tribune illustrée par tant d'orateurs dont l'histoire a gardé les noms. Un parlement qui discute est un parlement qui travaille (Zola, E. Rougon, 1876, p. 366).
b) Organe servant de moyen d'expression à un homme, à un parti, à une tendance; manière de se faire connaître. La seule tribune d'un poète c'est l'étalage de son libraire (Lamart., Corresp., 1830, p. 88).Soyons surtout la tribune des Alsaciens-Lorrains qui veulent s'adresser à la France (Barrès, Cahiers, t. 9, 1912, p. 258).
c) Emplacement, moment, réservé à l'expression libre et publique, écrite (rubrique de journal) ou orale (débat, lors d'une émission audio-visuelle), d'idées, d'opinions laissées à la responsabilité de ceux qui les émettent. Tribune libre; tribune des lecteurs; organiser une tribune. Programme national: 20 h., « Lakmé », opéra-comique de Léo Delibes (...) 21 h. 8, Tribune des journalistes parlementaires (Le Monde, 19 janv. 1952, p. 8, col. 5).
B. − Construction pourvue de gradins permettant aux spectateurs d'assister à une cérémonie, aux courses, au déroulement d'épreuves sportives,... Tribune officielle; public des tribunes. Dans le pesage [d'une piste vélocipédique], il devra y avoir une tribune, avec sièges et gradins, couverte en cas de pluie (Baudry de Saunier, Cycl., 1892, p. 394).Ils entrèrent enfin dans le stade. Les tribunes étaient pleines de monde (Camus, Peste, 1947, p. 1413).
P. méton. Place de spectateur dans une tribune; public des tribunes. Louer une tribune. Les tribunes applaudissent (Rob. 1985).
II. − Dans un musée, endroit où sont réunies les plus belles pièces (tableaux, statues). Un autre portrait [de la Fernarina] attribué à Raphaël fait l'un des ornements de la tribune de la galerie de Florence (Stendhal, Prom. ds Rome, t. 1, 1829, p. 69).Il a été avantageux de composer une « tribune » où trône la Joconde; il sera nécessaire de multiplier ces zones de recueillement (Arts et litt., 1935, p. 84-11).
Prononc. et Orth.: [tʀibyn]. Att. ds Ac. dep. 1694. Étymol. et Hist. 1. a) Ca 1231 archit. relig. (Les Pelerinaiges por aler en Iherusalem ds Itinéraires à Jérusalem, éd. H. Michelant et G. Raynaud, Genève, 1882, p. 93: Empres la tribune, de costé le maistre autel [du Saint-Sépulcre], dessuz monte Calvaire est la colompne); déb. xves. trebune (Céremonial des consuls, Arch. Montpellier, éd. A. Montel ds R. Lang. rom. t. 6, p. 78), attest. isolées; b) 1667 (doc. ds J.-J. Guiffrey, Comptes des bâtiments du roi sous le règne de Louis XIV, t. 1, p. 134); 2. 1615 tribune aux harangues « lieu élevé d'où les orateurs grecs et romains haranguaient le peuple sur la place publique » (J.-P. Camus, Homélie des trois fléaux ds Homélies des États Généraux, éd. J. Descrains, p. 261); 1694 « lieu élevé d'où un orateur s'adresse à ses auditeurs » (La Bruyère, Les Caractères ds Œuvres, éd. G. Servois, t. 2, p. 171); spéc. 1789 désigne la tribune d'une assemblée législative (Le Moniteur, t. 2, p. 392); id. au plur. désigne les galeries d'où le public peut suivre les débats d'une assemblée législative (règlement de l'Assemblée Constituante, 29 juill. d'apr. Brunot t. 9, p. 768); 3. 1787 [date de l'éd.] au fig. « moyen par lequel on exprime publiquement des idées, des doctrines » (Marmontel, Élémens de littérature et Rhétorique ds Œuvres, t. 10, p. 105: L'éloquence n'a plus de tribune; mais la chaire en est une encore pour cette morale sublime qui rend plus pure et plus touchante la sainteté de ses motifs); 1794 (Condorcet, Esq. tabl. hist., p. 117: On a vu s'établir une nouvelle espèce de tribune [les livres imprimés], d'où se communiquent des impressions moins vives, mais plus profondes). Empr. à l'ital.tribuna, att. au sens 1 dep. la 1remoit. du xvies. (S. Serlio ds Tomm.-Bell.), lui-même empr. au lat. médiév. tribūna « id. » (dep. 914 ds Du Cange; att. dans les domaines ital. et cat.); 1 a représente deux empr. directs à ce lat. médiév. qui est une altér. du lat. tribūnal (tribunal*) par substitution de finale, -ūna étant plus fréq. que -ūnal en lat. Le sens 2 a subi l'infl. sém. du lat. tribūnal. Voir FEW t. 13, 2, pp. 254b-255. Fréq. abs. littér.:1 200. Fréq. rel. littér.: xixes.: a) 2 127, b) 1 905; xxes.: a) 2 374, b) 838. Bbg. Archit. 1972, p. 35, pp. 142-143. − Blochw.-Runk. 1971, p. 262. − Hope 1971, p. 51. − Ranft 1908, pp. 58-59.