| TRIBUN, subst. masc. A. − HIST. ROMAINE 1. Représentant élu de la plèbe chargé de la défense des droits et des intérêts des plébéiens contre les patriciens et les consuls et dont le pouvoir, très important, était limité à Rome et à sa banlieue. Tribun de la plèbe, du peuple. La loi disait: On ne fera rien à l'encontre d'un tribun; donc si ce tribun convoquait la plèbe, la plèbe se réunissait, et nul ne pouvait dissoudre cette assemblée, que la présence du tribun mettait hors de l'atteinte du patriciat et des lois. Si le tribun entrait au Sénat, nul ne pouvait l'en faire sortir (Fustel de Coul., Cité antique, 1864, p. 385). 2. Chef exerçant, seul à l'origine, le commandement d'une légion, puis, par la suite, à tour de rôle avec cinq autres tribuns. Tribun militaire; tribun des soldats, des légions. Eudore (...) jadis tribun de la légion britannique, maître de la cavalerie, préfet des Gaules, paroîtra demain au tribunal de Festus (Chateaubr., Martyrs, t. 3, 1810, p. 146). − En partic. Tribun des soldats jouissant des pouvoirs consulaires aux veet ives. avant J.-C. et dont l'institution disparut lorsque le consulat fut accessible aux plébéiens. Pour le consulat, plutôt que de le partager, ils aimèrent mieux qu'il n'y eût plus de consuls, et que le commandement des troupes restât entre les mains des tribuns militaires qui étaient tirés des deux ordres, et qui n'avaient point le droit de prendre les auspices. Je soupçonne fort ces tribuns militaires de n'avoir été autres que les tribuns des légions (Michelet, Hist. romaine, t. 1, 1831, p. 132). B. − P. anal. 1. Vieilli, péj. Factieux cherchant à soulever le peuple en feignant de défendre ses intérêts. [Bonaparte] fut réduit à se refaire tribun du peuple, à courtiser la faveur des faubourgs, à parodier l'enfance révolutionnaire, à bégayer un vieux langage de liberté (Chateaubr., Mém., t. 2, 1848, p. 595). 2. Orateur à l'éloquence puissante, directe et sachant s'adresser à la foule. Thiers dit au tribun de la République: « Gambetta, vous avez été imprudent. Oui, vous avez été imprudent!... » (Goncourt, Journal, 1875, p. 1097).Le socialisme doctrinaire a eu en France quelques bons journalistes. Il n'en a eu qu'un de premier plan, qui était, en même temps, un tribun remarquablement doué, Jaurès. Il avait l'image prompte, le geste large, la voix sonore et, à l'occasion, de la bonhomie (L. Daudet, Brév. journ., 1936, p. 126). 3. Celui qui se fait le défenseur actif et vibrant d'une cause, d'une idée. Il était peut-être nécessaire de modérer leur autorité par l'érection d'un magistrat qui fût comme le tribun des Indiens, et eût assez d'autorité pour les garantir des vexations (Voy. La Pérouse, t. 2, 1797, p. 265).[Drouot] prenait hardiment l'intérêt du soldat trop souvent sacrifié, il méritait que l'Empereur l'appelât le tribun du soldat aussi justement qu'il l'avait appelé le Sage de la grande armée (Lacord., Éloge fun. Drouot, 1847, p. 45). C. − HIST. MOD. [Corresp. à tribunat B] En France, sous le Consulat, membre du Tribunat. La première réunion des tribuns fut pour lui une superbe occasion d'invectiver (Las Cases, Mémor. Ste-Hélène, t. 1, 1823, p. 1035). D. − Arg. des métiers. [Corresp. à tribune I A 2 a p. anal.] Employé aux factures d'une maison de commerce, travaillant généralement dans une tribune. Quand j'étais « tribun » chez le gantier Berr, c'est une somme de 16 francs et des centimes, que mon prédécesseur avait laissée dans le pupitre (Léautaud, Journal littér., 4, 1924, p. 254). Prononc. et Orth.: [tʀibœ
̃]. Att. ds Ac. dep. 1694. Étymol. et Hist. 1. 1213-14 antiq. romaine tribuns tresoriers (Faits des Romains, éd. L.-F. Flutre et K. Sneyders de Vogel, p. 714); 1352-56 tribun de plebe (Bersuire, fo3 ds Littré); 1559 tribuns du peuple (Amyot, Vies, Cicéron, éd. J. Normand, p. 60); 1636 tribun militaire (Monet); 2. a) 2emoit. xviies. « démagogue, factieux » (Cardinal de Retz, Mémoires, éd. . A. Feillet, t. 2, p. 554); b) 1817 « orateur populaire » (Staël, Consid. Révol. fr., t. 1, p. 206: M. Necker a dit de lui dans un de ses ouvrages qu'il était tribun par calcul et aristocrate par goût); 3. hist. de la révol. a) 1790 (Marat, Pamphlets, Appel à la Nation, p. 159: la censure publique, un tribunal d'État et un tribun du peuple, un dictateur momentané, pouvaient seuls terminer nos malheurs); b) 1800 « membre du Tribunat » (ds Brunot t. 9, p. 796). Empr. au lat.tribunus, tribunus (magistratus) « magistrat de la tribu », titre qui s'est étendu à différents magistrats ou fonctionnaires, civils ou militaires, dér. de tribus (v. tribu). Fréq. abs. littér.: 292. Fréq. rel. littér.: xixes.: a) 627, b) 682; xxes.: a) 346, b) 131. Bbg. Dub. Pol. 1962, p. 435. |