| TRIBU, subst. fém. A. − ANTIQUITÉ 1. ANTIQ. GRÉCO-ROMAINE. Division élémentaire de la cité, probablement fondée à l'origine sur la parenté de certaines familles, devenue division territoriale. Les quatre tribus d'Athenes, sous-divisées en trois fratries, suivant la division faite par Cécrops (Dupuis, Orig. cultes, 1796, p. 37).Ce même roi établit une division nouvelle dans la cité. Sans détruire les trois anciennes tribus, où les familles patriciennes et les clients étaient répartis d'après la naissance, il forma vingt et une tribus nouvelles où la population tout entière était distribuée d'après le domicile (Fustel de Coul., Cité antique, 1864, p. 370). 2. ANTIQ. JUDAÏQUE Division du peuple juif suivant la postérité de chacun des fils de Jacob (les patriarches). Les douze tribus d'Israël. Le grand-prêtre des Hébreux, Aron, revêtait pour officier le « rational » ou « pectoral », sorte d'étole à laquelle étaient agrafées les douze pierres dont chacune portait gravé le nom d'une tribu de Jacob (Metta, Pierres préc., 1960, p. 7). B. − 1. ANTHROPOL. Groupe social, généralement composé de familles se rattachant à une souche commune, qui présente une certaine homogénéité (physique, linguistique, culturelle...) − [À propos des sociétés primitives vivant actuell.] Durant une nuit d'hiver brille une solitude où des tribus canadiennes célèbrent la fête de leurs génies (Chateaubr., Natchez, 1826, p. 125).Il semble que les tribus indiennes [de l'Amérique du Nord] les aient utilisés [les vertébrés fossiles] comme « remèdes » (Hist. gén. sc., t. 3, vol. 1, 1961, p. 513). − [À propos de sociétés anc., auj. disparues] Il manquait à Clovis d'être aussi puissant dans son pays d'origine que dans ses domaines nouveaux. Les tribus franques, restées païennes, avaient des chefs qui n'étaient pas disposés à obéir au parvenu converti (Bainville, Hist. Fr., t. 1, 1924, p. 24).Si un ouvrier des tribus magdaléniennes, pour découper ses pointes d'os, avait disposé d'une scie mécanique, ses camarades en auraient usé comme lui (M. Bloch, Apol. pour hist., 1944, p. 54). − Dans les sociétés primitives, groupe social sur un territoire se réclamant de la même souche, composé d'unités autonomes plus petites généralement fondées sur la parenté, qui bénéficie d'une autorité politique. Synon. clan1, ethnie, peuplade.Tribus africaines, australiennes, arabes, bédouines, errantes, germaniques, indiennes, primitives, sauvages; autres, nombreuses, certaines tribus; membres de la tribu. La tribu est formée par un agrégat de hordes ou de clans; la nation (la nation juive par exemple) et la cité par un agrégat de tribus (Durkheim, Divis. trav., 1893, p. 242): Les anthropologues désignent habituellement par le terme de « tribu » deux réalités, deux domaines de faits différents mais liés. D'une part, presque tous s'en servent pour distinguer un type de société parmi d'autres, un mode d'organisation sociale spécifique (...). Ce point, cependant, ne fait pas l'unanimité parmi eux par suite de l'imprécision, du flou des critères sélectionnés pour définir et isoler ces divers types de société. Mais le désaccord est encore plus profond à propos du second usage du terme tribu, lorsqu'il sert à désigner un stade de l'évolution de la société humaine.
M. Godelier, Horizon, trajets marxistes en anthropol., 1973, pp. 93-94. 2. Groupe familial nombreux. Synon. fam. smala.Ce qui a achevé de donner à ce coin perdu un caractère étrange, c'est l'élection de domicile que, par un usage traditionnel, y font les bohémiens de passage. Dès qu'une de ces maisons roulantes, qui contiennent une tribu entière, arrive à Plassans, elle va se remiser au fond de l'air Saint-Mittre (Zola, Fortune Rougon, 1871, p. 8).Jean-Jacques (...) faible et plus attaché qu'il ne le dit à sa Thérèse, bon gré mal gré, entrait dans les soucis de la tribu Le Vasseur comme d'une belle-famille. Toute la tribu appelait Thérèse « ma tante ». Il fallut bien que lui-même devînt « l'oncle » (Guéhenno, Jean-Jacques, 1948, p. 236). 3. Groupe de personnes partageant les mêmes intérêts, les mêmes opinions. Synon. clan1, coterie.Toute la tribu innombrable des comédiennes trop plâtrées et des comédiens à menton bleu s'occupaient de mon œuvre! (A. Daudet, Trente ans Paris, 1888, p. 183). 4. Groupe d'animaux qui vivent en société. Un jeune singe qui a la plus profonde affection pour le vieux mâle de la tribu voit celui-ci glisser sur une pelure de banane (Maurois, Sil. Bramble, 1918, p. 56).Je pense... je pense cependant: « Ils tirent trop haut! » et renverse la tête pour voir basculer vers l'arrière, comme à regret, une tribu d'aigles (Saint-Exup., Pilote guerre, 1942, p. 344). 5. P. anal. ou au fig. Groupe. a) [À propos de pers.] Une sorte de tribu farouche, de sept ou huit drôles mal vêtus, remplissait l'intérieur de la salle basse (Nerval, Voy. Orient, t. 1, 1851, p. 114).Cette tribu des femmes où vous refusiez de passer, vous y êtes (Giraudoux, Lucrèce, 1944, iii, 4, p. 172). b) [À propos d'inanimés concr. ou abstr.] Il est irrécusable que la vie s'interrompt, que le fleuve des joies secrètes suspend sa course pour livrer passage à des tribus d'amertumes et de désolations inconnues (M. de Guérin, Journal, 1834, p. 223).Calme, ni frais ni lourd, le vent agitait la dense tribu des feuilles (Maran, Batouala, 1921, p. 51). C. − SC. NAT. Subdivision d'une famille d'animaux ou de végétaux correspondant à un groupe supérieur au genre. Des échantillons de la tribu des chicoracées, dont la graine même pouvait fournir par la pression une huile excellente (Verne, Île myst., 1874, p. 288). Prononc. et Orth.: [tʀiby]. Homon. tribut. Att. ds Ac. dep. 1694. Étymol. et Hist. 1. a) 1355 « division topographique du peuple romain » [(Bersuire, Tite-Live, fo21, verso ds Littré: Lignies, c'est tribus en latin)]; 1538 tribu (Est.); b) 1680 « chacune des subdivisions des quatre nations dans l'université » (Rich.); 2. ca 1450 les douze tribuz d'Israel (Arnoul Greban, Mystere de la Passion, éd. O. Jodogne, 29613); ca 1478 tribu de Juda (Jean Molinet, Les Faictz et Dictz, éd. N. Dupire, t. 1, p. 115); 1691 tribu sainte (Racine, Athalie, III, 7); 1798 tribu sacrée (Ac.); 3. 1671, 3 sept. « grande et nombreuse famille » (Mmede Sévigné, Lettres, éd. R. Duchêne, t. 1, p. 338); 4. 1734 « groupe social et politique fondé sur une parenté ethnique » (J.-B. Dubos, Hist. Crit. Monarchie Franc., p. 149); 5. 1784 sc. nat. tribus du règne végétal (Bern. de St-P., Ét. nature, t. 2, p. 476). Empr. au lat.tribus « division politique du peuple romain », terme utilisé par la Vulgate pour désigner les lignages patriarcaux (d'où le sens 2; en a. et m. fr. le terme tribus du lat. biblique fut trad. par lignee ou lignage, v. Trenel, p. 216). Fréq. abs. littér.: 1 331. Fréq. rel. littér.: xixes.: a) 2 616, b) 2 691; xxes.: a) 1 074, b) 1 340. Bbg. Quem. DDL t. 40. |