| TRIAGE, subst. masc. A. − [À propos d'inanimés] Action de trier, de choisir, de répartir; résultat de cette action. Synon. sélection, tri.Triage du linge à laver, de matériaux; triage des cacaos, des graines, des feuilles de tabac, des semences; triage de fiches, de documents, de papiers; triage en catégories; poste, table de triage; opérer un triage. Triage et classement de vieilles lettres. Destruction d'un grand nombre (Bloy, Journal, 1907, p. 355). ♦ P. métaph. [Maupassant] refait souvent la même chose. Nous sommes obligés, nous, de faire le triage. Le néant ne rend rien. Il faut être un grand poète pour le faire sonner (Renard, Journal, 1906, p. 1090). − Spécialement ♦ CH. DE FER. Action de trier les wagons de marchandises selon leur destination pour former des convois. Bosse, butte, faisceau, plaque, voie de triage. Le réseau général comprend, outre les voies « bord à quai », des faisceaux, disposés en arrière de la ligne des hangars et magasins, pour le garage et le triage des rames (M. Benoist, Pettier, Transp. mar., 1961, p. 192).Gare de triage. V. gare1B 2.P. méton. Ensemble des installations où s'effectue ce regroupement. Dans la plaine du triage, noir de wagons, les cornes de manœuvre sonnaient sans cesse (Hamp, Marée, 1908, p. 41). ♦ GÉOL. Classement des éléments sédimentaires d'une formation selon leur granulométrie. Il n'y a pas de triage [des éboulis] dans le sens horizontal, mais selon la ligne de plus grande pente: les plus gros éléments, entraînés par leur poids, sont allés plus loin que les petits (Ch. Pomerol, R. Fouet, Les Roches sédimentaires, 1974, p. 63). ♦ HIST. Droit attribué au seigneur, en vertu de l'ordonnance de 1669, de reprendre un tiers de la forêt ou des pâtis communaux concédés à une communauté d'habitants. La Constituante se borna, le 15 mars 1790, à déclarer nuls les triages autorisés depuis trente ans par le roi sans égard pour l'ordonnance de 1669 (Lefebvre, Révol. fr., 1963, p. 557). ♦ IMPR. ,,Action consistant à séparer les caractères d'imprimerie qui ont été mêlés`` (Peyroux Techn. Métiers 1985). ♦ MINES ET CARR. Action de séparer le minerai de la roche morcelée. Triage à main; triage mécanisé. Mise en wagons [de la houille], après triage et concassage sur le carreau de la mine (E. Schneider, Charbon, 1945, p. 228). ♦
ŒNOL. Triage (des raisins). Opération consistant à éliminer les grains de raisin verts, tachés ou pourris lors de la vendange pour ne pas les mettre en cuve. De nouveaux orages augmentaient sur la grappe la pourriture du rot brun. On manquait de bras, car le triage des grains perdus triplait la besogne (Hamp, Champagne, 1909, p. 133). ♦ PAPET. Action par laquelle on élimine les feuilles de papier tachées ou déchirées. (Dict. xixeet xxes.). ♦ TEXT. ,,Action d'enlever de la laine les pailles et autres corps étrangers`` (Peyroux Techn. Métiers 1985); opération consistant à répartir la laine brute en lots de qualité constante. La première opération, au peignage, est le triage (...). [Les toisons] sont placées sur des claies et le trieur sépare les diverses qualités, estimées à vue (J.-E. Burlet, La Laine et l'industr. lainière, 1972, p. 32). ♦ SYLVIC. ,,Canton de forêt surveillé par un garde`` (Plais.-Caill. 1958). B. − [À propos d'animés] Sélection selon certains critères. Triage des malades à l'entrée de l'hôpital, des blessés dans les hôpitaux de campagne. [Mmede Mortemart] calculait qui elle inviterait et qui elle laisserait de côté. Ce triage, préoccupation dominante des gens qui donnent des fêtes (...), altère aussitôt le regard (Proust, Prisonn., 1922, p. 269).Un camp de triage où les prisonniers, une fois enregistrés et couchés sur les répertoires hitlériens, étaient distribués dans la région selon les besoins de l'Office du travail (Ambrière, Gdes vac., 1946, p. 48). − P. méton. ♦ Lieu, établissement où s'effectue ce choix. Avertie de l'arrivée d'Alban à l'ambulance divisionnaire, elle était parvenue à se faire détacher en surnombre au « triage » de Verberie (Montherl., Songe, 1922, p. 175). ♦ Vx. Ensemble de personnes choisies, triées pour leur appartenance à l'élite. (Dict. xixeet xxes.). C. − Arg. Coup, fois. Pour la troisième fois (...) Pierre Sora s'enferma dans la cabine téléphonique. Comme pour les deux triages précédents, la sonnerie à l'autre bout ne cessa pas (Le Breton, Rififi, 1953, p. 97). Prononc. et Orth.: [tʀija:ʒ]. Att. ds Ac. dep. 1694. Étymol. et Hist. A. 1. a) 1370 « action de trier » (Chartes livrées par la ville et les métiers de Dinant, fol. 13 vods Chartes confisquées aux bonnes villes du pays de Liège et du comté de Looz après la bataille d'Othée [1408], éd. E. Fairon, p. 252); cf. 1415 (Fév., Ord., X, 309 ds Gdf. Compl.); fig. 1580 chois et triage de ses raisons (Montaigne, Essais, I, 26, éd. P. Villey et V.-L. Saulnier, p. 154); b) 1763 « action de jeter au rebut les feuilles de papier tachées et déchirées » (Encyclop., Planches, t. 2, XXI [Cartier], p. 3); c) 1765 métall. (ibid., t. 16); d) 1845 « action d'enlever à la main les corps étrangers restés dans la laine après son battage » (Besch.); e) 1894 ch. de fer gare de triage (Bricka, Cours ch. de fer, t. 2, p. 219); f) 1904 œnol. triage des raisins (Nouv. Lar. ill.); 2. 1693 « personnes choisies » (Anti-menagiana, p. 187 ds Littré); 3. a) 1800 un repoussant à deux trillages « fusil à deux coups » (Les Brigands Chauffeurs ds Sain. Sources Arg. t. 2, p. 92) ,,vx`` ds J.-P. Colin, J.-P. Mével, Dict. de l'arg., Paris, Larousse, 1990; b) 1829 triage « coup, fois » à ce triage-ci (Mém. d'un forban philosophe ds Esn.); 1837 (Le Vocabulaire de Vidocq ds Sain., op. cit., p. 162). B. 1. 1343 « partie de la forêt communale attribuée au seigneur » (Arch. Mthe, H 124 d'apr. Mém. Sté archéol. lorr., t. 34, 1884, p. 305); 2. 1583 « canton, subdivision d'une forêt » (Ragueau, Indice des droicts roiaux et seigneuriaux, Paris, N. Chesneau). Dér. de trier*; suff. -age*. FEW t. 13, 2, p. 305a, note 8 a refusé de suivre DG (> Bl.-W.1-5) et de voir dans B une altér. de l'a. fr. triège « chemin le plus court, passage » 1160-74 (Wace, Rou, II, 612 ds T.-L.) conservé surtout en Franche-Comté et en Bourgogne sous la forme trèje « passage » (FEW t. 13, 2, p. 233b) et très prob. issu d'un lat. de Gaule *trebiu dér. du gaul. *treho « quartier de village; village » (cf. l'irl. treb « habitation », kymr. tref, a. bret. treb « quartier d'un village », FEW t. 13, 2, p. 233 et 234a). A 3 est prob. à rattacher à la famille de trier (FEW t. 13, 2, p. 305a et p. 307b, note 7) et non à celle de trailler « tirer, haler » (ibid., p. 172a dans lequel triage ne figure pas) comme le propose Esn. et à sa suite J.-P. Colin, J.-P. Mével, loc. cit. Fréq. abs. littér.: 68. |