| TRAÎNER, verbe I. − Empl. trans. A. − [Le compl. d'obj. désigne un inanimé] Exercer une force physique pour le déplacer derrière soi en se mouvant. 1. [Le compl. d'obj. désigne un véhicule] Le tirer derrière soi pour le faire avancer, glisser, rouler. Traîner une carriole, une charrue; le cheval traîne une charrette. Sur la route, un homme traîne un charreton chargé de matelas (Giono, Gd troupeau, 1931, p. 240).Un interminable convoi de wagons vides que traîne à petite allure une locomotive soufflante, chauffée à blanc (Martin du G., Thib., Été 14, 1936, p. 740). − Fréq. au part. passé. Char traîné par les bœufs; bateau traîné par un remorqueur. Le carrosse ducal apparut. Il était traîné par huit chevaux blancs, couverts de housses, et conduits à la main (Bourges, Crépusc. dieux, 1884, p. 8). 2. [Le compl. d'obj. désigne un objet lourd] Le tirer après soi pour le déplacer. Traîner un fardeau, un fauteuil, un matelas sur le plancher, sur le sol; traîner un poids mort; traîner un cadavre par les pieds. Nous vîmes courir dans les rues un chien effrayé qui traînait à sa queue une casserole attachée (Flaub., Champs et grèves, 1848, p. 351).On peut toujours essayer de traîner le siège près du lit. Philippe s'arc-boute au dossier, pousse de toutes ses forces (Bernanos, M. Ouine, 1943, p. 1541).Au passif. Une chute de cheval: son pied était resté pris dans l'étrier. Harry: Il a été traîné? (Mauriac, Asmodée, 1938, ii, 7, p. 83). ♦ Traîner le boulet*. − Loc. fig. Traîner le boulet, la chaîne de (qqc.) [P. allus. au forçat entravé par une chaîne munie d'un boulet et rivée aux pieds] Cette longue chaîne de crimes et de misères que le genre humain traîne dès sa naissance (Proudhon, Propriété, 1840, p. 198).L'an dernier, il achevait son droit: cela lui prenait deux heures par jour, il traînait le boulet d'un air ennuyé, c'était le dernier morceau de la chaîne universitaire (Taine, Notes Paris, 1867, p. 115).Traîner son boulet. Mener une vie pénible. Fatigué de vivre (...) l'énergie disparue, je crois ne pas traîner mon boulet encore bien longtemps (Amiel, Journal, 1866, p. 306). − BÂT. ,,Exécuter une moulure en plâtre en déplaçant un calibre sur le plâtre encore mou`` (Peyroux Techn. Métiers 1985). Traîner une corniche, une moulure (Peyroux Techn. Métiers 1985). P. anal. [La colonne dorique] a une forme conique très prononcée avec un léger renflement. On y a traîné des cannelures profondes à vives arêtes (Ch. Blanc, Gramm. arts dessin, 1876, p. 152). 3. [Le compl. d'obj. désigne un vêtement, un objet] Porter en tirant ce qui repose sur le sol. Traîner sa robe longue. Elle vint en grand apparat, Traînant avec des airs d'infante Un flot de velours nacarat (Gautier, Émaux, 1852, p. 7). a) Traîner qqc. dans.Tirer quelque chose sur le sol en le salissant, souillant. Traîner un drapeau dans la boue, dans la fange, dans la poussière, dans le sang; traîner son écharpe dans la poussière. L'escalier était rempli de créatures au chignon trop jaune, aux yeux trop cernés, au bas de robe traîné dans la crotte (Bourget, Profils perdus, 1884, p. 264). − Loc. fig. Traîner (qqn, qqc.) dans la boue (v. boue III B 3 b), dans la fange, dans les ruisseaux. Salir, déshonorer. Traîner un blason, une famille dans la boue. Il faut encore que le Figaro, pour les besoins de sa polémique, me traîne dans la fange! (Flaub., Corresp., 1879, p. 219).Vous devriez bien user de votre influence sur lui pour lui faire comprendre le chagrin qu'il cause à sa pauvre mère et à nous tous en traînant notre nom dans la boue (Proust, Guermantes 1, 1921, p. 278). b) Familier − Porter avec soi, transporter un objet gênant, encombrant. Synon. fam. trimbaler.Traîner son parapluie toute la journée. Un professeur sans pitié avait inauguré les devoirs du jeudi; il fallait maintenant traîner avec soi là-bas [à la campagne] des cahiers, des livres (Loti, Rom. enf., 1890, p. 166).À l'entrée du village, Jos-Mari lui rendit l'imperméable et le lainage qu'il avait traînés depuis le matin (Peyré, Matterhorn, 1939, p. 94). − Porter constamment sur soi un vêtement que l'on a usé ou dont on ne se lasse pas. Oh! comme vous êtes belle! − Mais, ma chère, c'est ma vieille robe que j'ai traînée tout l'hiver! (Renard, Journal, 1893, p. 162).Je n'étais qu'une grosse fille brune, passionnée par le travail et le sport, traînant un vieux tailleur (Triolet, Prem. accroc, 1945, p. 301). c) Littér., poét. Être suivi de quelque chose à la manière d'une traîne ou d'une traînée, répandre quelque chose. Traîner une nuée, une rumeur. La nuit traîne son noir velours sur la solitude du monde (Leconte de Lisle, Poèmes barb., 1878, p. 196).Dans les champs où le soir traîne ses voiles bleus Un attelage au pas sûr et lent se balance (Ch. Guérin, Cœur solit., 1904, p. 53).Des coups de vent tiède traînaient des odeurs de source, de verdure, de fraîcheur (Pourrat, Gaspard, 1930, p. 205). 4. [Le compl. d'obj. désigne une partie du corps, en partic. les membres inférieurs, ce qui les chausse] a) Déplacer, faire mouvoir sans soulever sur le sol ou sur une surface et en frottant. Traîner ses mains sur un mur; traîner un membre blessé; traîner ses sabots. Son ombre le suivait comme une aile cassée Que traîne sur le sol la cigogne blessée (Lamart., Chute, 1838, p. 1076).Il traînait ses vieilles pantoufles avec un petit bruit régulier et agaçant (Van der Meersch, Invas. 14, 1935, p. 213). − Empl. pronom. réfl. indir. On s'aperçoit en plus que le chat est une chatte le jour où l'animal commence à bramer son désir en se traînant l'arrière-train sur les tapis (B. Groult, Les Trois quarts du temps, 1984 [1983], p. 424). − Part. passé en empl. adj. Redevenu l'indifférent de Watteau, de son pas traîné et menu, il s'en allait sous la voûte triomphale des bourdons (Péladan, Vice supr., 1884, p. 213). b) Locutions − Traîner la jambe (v. jambe A 1 c), la patte (fam., v. patte1B 4), les pieds (v. pied 1reSection I B 2 c). Marcher difficilement du fait d'un accident, de la fatigue, d'une maladie. Les pauvres blessés qui s'en allaient le bras en écharpe, ou bien traînant la jambe appuyée sur leurs béquilles (Erckm.-Chatr., Conscrit 1813, 1864, p. 152).V. main ex. 32.Au fig. Traîner les pieds. V. pied 1reSection I B 2 c. ♦ Traîner l'aile. [P. allus. à la fable de La Fontaine, Les Deux pigeons, livre IX, fable 2, vers 58, 1679] Avoir l'aile cassée et pendante. Au fig. Être mal en point. Me voici maintenant De retour au logis, moins alerte, traînant L'aile et tirant le pied, comme dit La Fontaine, Confus, et tout brisé de ma course lointaine (M. de Guérin, Poés., 1839, p. 79).V. aile ex. 90. ♦ Traîner les hanches. V. hanche. − Fam. Traîner ses bottes. Marcher longuement, parcourir en tout sens. C'était des paysans dans l'âme... Ils traînaient leurs bottes partout (Céline, Mort à crédit, 1936, p. 648).Traîner ses grolles. V. grolle2.Traîner ses guêtres. V. guêtre.Traîner la savate*. Traîner ses semelles. V. semelle. B. − [Le compl. désigne un animé] Exercer une force physique ou morale pour le faire avancer. 1. Contraindre à aller quelque part, à marcher avec soi avec ou sans violence. Traîner qqn à sa remorque, un chien avec une corde; traîner de force. Les femmes (...) emportaient un ou deux enfants sur leurs épaules, traînaient les autres par la main (Las Cases, Mémor. Ste-Hélène, t. 1, 1823, p. 1083): 1. Au coin de la rue saint-Georges on entourait une femme, une fille à boches, que les gens de son quartier amenaient, tiraient, traînaient par les cheveux, rouaient au passage de coups de pied et de coups de poing...
Van der Meersch, Invas. 14, 1935, p. 411. ♦ Traîner qqn à son char, derrière son char (vieilli). Attacher, enchaîner (un vaincu) à son char. Le héros qui (...) méritait un meilleur sort, fut traîné derrière le char de Marius, au milieu des huées d'une lâche populace (Michelet, Hist. romaine, t. 2, 1831, p. 153).Au fig. Traîner qqn à son char. Mettre quelqu'un sous sa domination. Et l'on n'a pas trente-quatre mois [une fillette] ! Aussi traîne-t-on toute la famille à son char! (Amiel, Journal, 1866, p. 246). − Traîner qqn + prép. à, en...Contraindre par la force ou l'obligation morale à aller, à se présenter en un lieu, une institution. Traîner à l'échafaud, à la cour d'assises, à la guillotine, au supplice, en justice, en prison, devant les juges; femmes, captifs traîné(e)s en esclavage. On ne peut pas traîner les filles à l'autel, et leur faire épouser de force tel ou tel (Ponsard, Honn. et argent, 1853, iii, 5, p. 78).À la tombée de la nuit, un gardien de la paix traîne au poste voisin un voyou qui lui jette d'une voix étouffée toutes les injures (...) qu'il sait (Alain-Fournier, Meaulnes, 1913, p. 336).V. barre ex. 4. 2. P. ext. a) Traîner qqn + prép.Mener avec soi quelque part une personne réticente. Traîner qqn au concert, chez le médecin, en visite, dans les musées. MmeDambreuse, durant tout l'hiver, traîna Frédéric dans le monde (Flaub., Éduc. sent., t. 2, 1869, p. 218). b) Amener avec soi et partout une personne désagréable, importune. Traîner ses gardes du corps. Elle (...) vivait dans un perpétuel renouvellement d'amoureux. On eût dit une maîtresse de pension traînant avec elle ses élèves (Zola, M. Férat, 1868, p. 117). c) Être suivi de, attirer à soi, séduire. Traîner des admirateurs, des soupirants. Victor Hugo, qui a traîné derrière lui des cortèges de fidèles, ne laissera pas un disciple pour reprendre et fonder la religion du maître (Zola, Doc. littér., Hugo, 1881, p. 70). 3. Fam. [Le suj. désigne les membres inférieurs] Porter, faire marcher. Mes pieds ne peuvent plus me traîner. Ah! mon Dieu, c'est la révolution! Et mes jambes qui ne peuvent plus me traîner (Camus, Possédés, 1959, 3epart., 15etabl., p. 1082). C. − Au fig. 1. [Le compl. désigne un inanimé abstr.] Ne pouvoir se libérer de, supporter, subir. a) [Le compl. désigne une épreuve physique persistante] Endurer. Traîner une fatigue, une fièvre, une toux. J'ai traîné tout le long de ce jour orageux un mal de tête humiliant (Gide, Journal, 1914, p. 429). − En partic. [Le compl. désigne la vie et est déterminé par un adj.] Traîner une existence malheureuse, des jours monotones, une vieillesse solitaire. Dans ces pays malheureux, les personnes qui (...) trouvent le moyen d'échapper aux principaux dangers qui les environnent, n'en traînent pas moins habituellement une vie languissante et timide (Cabanis, Rapp. phys. et mor., t. 2, 1808, p. 37). b) Littér. [Le compl. désigne un inanimé rel. à la pers.] Traîner sa douleur, une épreuve morale, sa misère, une peine, des sentiments douloureux, un souci. C'est dans les bois de Combourg que je suis devenu ce que je suis, que j'ai commencé à sentir la première atteinte de cet ennui que j'ai traîné toute ma vie (Chateaubr., Mém., t. 1, 1848, p. 140). − En partic. [Le compl. désigne le vécu, le passé] Supporter les conséquences de. Traîner une erreur de jeunesse. Qui traîne ainsi un lourd passé derrière lui, un monde de souvenirs et de pensées secrètes, et de drames, prend l'habitude du silence (Van der Meersch, Invas. 14, 1935, p. 155). c) Fam. [Le compl. non exprimé signifie la naïveté, la bêtise] Qu'est ce qu'il traîne! Comme il est bête!: 2. Regardez les jeunes gens avec ce qu'ils traînent
La superstition qui s'attache à leurs pas
Comme une branche morte et comme à la carène
D'un bateau démâté le chant de la sirène
Contre quoi rien ne sert boussole ni compas...
Aragon, Rom. inach., 1956, p. 16. 2. [Le compl. désigne un inanimé] Faire durer. a) [Le compl. désigne une action] Accomplir péniblement, prolonger au delà des délais normaux. Traîner une affaire, un procès, un travail. Il y avait un bon mois de travail, des chambres à parqueter, des portes, des fenêtres à consolider un peu partout. Lui, heureux, traîna la besogne six semaines (Zola, Terre, 1887, p. 97). ♦ Vieilli. Traîner la chose, les choses (en longueur). Synon. faire traîner la, les chose(s) (infra II B 1 a).Il n'avait jamais donné de réponse sincère. Il traînait la chose en longueur, se fiant à la patience du duc de Bourgogne (Barante, Hist. ducs Bourg., t. 4, 1821-24, p. 392).Pour amener M. Sarrasin à composition, il fallait un peu traîner les choses afin de ne pas lui laisser connaître que lui, Schultze, était déjà prêt à une transaction (Verne, 500 millions, 1879, p. 55). b) [Le compl. désigne un son] Émettre, prononcer certaines syllabes en les allongeant. Traîner les finales, la voix. Alors je me mis à chanter l'air des forgerons (...) et lui (...) me suivit en grossissant sa voix, ronflant du nez et traînant chaque mot, à la manière plaintive des anciens compagnons (Erckm.-Chatr., Hist. paysan, t. 1, 1870, p. 163).Il traînait lourdement ses phrases (A. France, Lys, 1894, p. 15). − Part. passé en empl. adj. Note traînée; son traîné. Un beau oui, cette fois, net, sec, final. Pas ces oui, traînés et mous, où toutes les craintes peuvent se terrer dans une voyelle qui n'en finit pas (Malègue, Augustin, t. 2, 1933, p. 119). D. − Empl. pronom. 1. [Le suj. désigne un animé] a) Avancer en rampant au ras du sol. Synon. ramper.Se traîner à plat ventre, à quatre pattes, sur les coudes, sur les genoux; l'escargot, le serpent se traîne. Au secours! au secours! on m'a frappée au cœur. Déidamia tombe et sort en se traînant (Musset, Coupe, 1832, v, 3, p. 333).Ce bébé de dix mois qui se traîne et se trémousse sur le tapis (Martin du G., Notes Gide, 1951, p. 1391). ♦ Se traîner aux pieds, aux genoux de qqn. Être dans une attitude de suppliant. Il se serait traîné aux genoux de Mariette pour la remercier de cette délicatesse qu'elle montrait (Champfl., Avent. MlleMariette, 1853, p. 299).Au fig. S'abaisser, s'humilier, quémander. Pardonne! seigneur, supplie-t-il, pardonne... Je ne suis qu'un chien. Je me traîne à tes genoux. Je te baise les pieds (Bernanos, Nuit, 1928, p. 34). b) Avancer difficilement ou péniblement du fait d'une blessure, d'une infirmité, de l'âge. Ne plus pouvoir se traîner; se traîner à (tel endroit). Un général (...) grièvement blessé à la jambe, s'était traîné au lever de l'Empereur (Las Cases, Mémor. Ste-Hélène, t. 2, 1823, p. 364).Le Percepteur: La fièvre, probablement. Il se traînait hier à la poste, en claquant des dents sous le gros soleil (Lenormand, Simoun, 1921, 3etabl., p. 22). ♦ Empl. réciproque. Il semble même qu'il y a plusieurs blessés. On entrevoit ce paquet d'hommes qui se traînent l'un l'autre, et s'en vont (Barbusse, Feu, 1916, p. 344). − Rare. Se traîner dans.Aller à contrecœur quelque part. Ce paysan devenu riche, tombé à l'oisiveté, se traînant, sale et mal tenu, dans des loisirs de monsieur dont il crevait d'ennui (Zola, Terre, 1887, p. 364).À force de se traîner d'entrevue en entrevue, Lili, qui avait déjà vingt-trois ans, finirait bien par se caser (Beauvoir, Mém. j. fille, 1958, p. 220). − P. anal., fam. [Le suj. désigne un véhicule] Ne pas rouler assez vite. Les voitures se traînent sur l'autoroute. Tout le reste de l'après-midi, l'antique véhicule se traînait dans l'humidité chaude qui noie sous d'épaisses vapeurs la plaine assoupie d'Alger (Tharaud, Fête arabe, 1912, p. 6).D'une île à l'autre, sans trêve, sur notre petit bateau, qui se traînait pourtant, j'avais l'impression de bondir, nuit et jour, à la crête des courtes vagues fraîches dans une course pleine d'écume et de rires (Camus, Chute, 1956, p. 1523). c) Au fig. [Suivi d'un compl. de temps] Être mal à l'aise, souffrant, incapable d'une activité normale. Il se traîna une année, ne s'occupant plus de ses affaires (...). Puis, un matin, on le trouva pendu dans un cabinet où étaient encore accrochées les robes d'Ursule (Zola, Fortune Rougon, 1871, p. 132).Je me suis traîné si misérablement ces derniers jours que, même à contre-cœur, je ne fusse parvenu à rien écrire (Gide, Journal, 1912, p. 356). 2. [Le suj. désigne un mot du vocab. du temps] Se passer, s'écouler trop lentement. L'hiver, la journée se traîne; les heures se traînent. Minuit vint, une heure, deux heures. Le temps se traînait désespérément (Van der Meersch, Empreinte dieu, 1936, p. 69).Mes après-midi se traînaient dans une langueur interminable (Gracq, Syrtes, 1951, p. 57). II. − Empl. intrans. A. − [Souvent avec un compl. de lieu] 1. [Le suj. désigne un inanimé concr.] a) [Un vêtement, une matière souple] Pendre verticalement en balayant le sol, une surface. Le rideau traîne; la robe traîne sur le plancher. Il détacha son sabre du crochet et le laissa traîner bruyamment derrière lui (Courteline, Train 8 h. 47, 1888, p. 109).[La vieille redingote] traînait à terre et les manches me couvraient les mains (A. France, Pt Pierre, 1918, p. 221). − Empl. trans. indir., rare. Elles avaient de jolis chapeaux à brides. Une plume blanche leur traînait dans le cou, à toutes les trois (Alain-Fournier, Meaulnes, 1913, p. 74). b) [Une partie du corps, un membre] Frotter le sol, une surface en se mouvant. Le pied traîne, le ventre (d'un animal) traîne à terre; doigts traînant sur le clavier. C'est un garçon du même âge, qui boite et veut toujours courir, de sorte que sa jambe gauche infirme traîne derrière l'autre et ne la rattrape jamais (Renard, Poil carotte, 1894, p. 219).C'est un gosse. Il a des gestes qu'on ne voit faire qu'à des gosses: laisser traîner sa main, en passant, le long d'une grille, d'un étalage... (Montherl., Démon bien, 1937, p. 1246). − Fam. Traîner de.Traîner de l'aile, de la patte. MmeRezeau se tourna vers la gouvernante, tandis que son époux s'éloignait en traînant de la bottine (H. Bazin, Vipère, 1948, p. 49). − Laisser traîner un regard, ses yeux. Regarder distraitement d'un coup d'œil circulaire. La jeune femme laissa traîner sur lui un regard maladif, qu'elle arrêta plus longuement sur Daniel (Martin du G., Thib., Belle sais., 1923, p. 838). c) [Un objet] Être éparpillé çà et là en désordre, ne pas être rangé. Le linge, la vaisselle traîne; laisser tout traîner; laisser traîner ses clefs, ses lettres, ses papiers. Je ne veux pourtant pas qu'aujourd'hui la poussière traîne sur tous les meubles (Huysmans, Là-bas, t. 1, 1891, p. 236).Quel ordre! hein Léo? On ne risque pas d'embrouiller les visites, de laisser traîner une canne, une chemise, un chapeau, des cendres (Cocteau, Parents, 1938, ii, 10, p. 262). − [À la forme impers.] Il traîne sur la table un quartier de brie qui n'est pas fini (Bourget, Physiol. amour mod., 1890, p. 185). d) Souvent littér. Être répandu çà et là, sur de larges espaces; demeurer à l'état de traces. Une odeur, une senteur traîne. Novembre est arrivé. Des brumes traînent au ciel (Pesquidoux, Chez nous, 1921, p. 193).Un relent de pharmacie traînait dans la chambre (Dabit, Hôtel Nord, 1929, p. 156). 2. [Le suj. désigne un inanimé abstr.] a) Être répandu, se trouver partout. Synon. être rebattu.Anecdotes, idées qui traînent partout. M. de Norpois se servait de certaines expressions qui traînaient dans les journaux (Proust, J. filles en fleurs, 1918, p. 459).Dans les rues, aussi, il y a une quantité de bruits louches qui traînent (Sartre, Nausée, 1938, p. 18). b) [À la forme impers.] Subsister. On a vu qu'il traînait dans le droit germanique quelques survivances du droit maternel: en l'absence d'héritiers mâles, la fille pouvait hériter (Beauvoir, Deux. sexe, t. 1, 1949, p. 157). 3. [Le suj. désigne une pers., un animé] a) Aller longtemps sans but çà et là; être là où on ne fait rien d'intéressant ou dans un lieu mal famé; être désœuvré. Synon. errer, lanterner (fam.).
α) [Avec indication de lieu] Traîner dans les bals, dans les cafés, au lit. Des groupes de chômeurs traînent le long de Michigan avenue (Nizan, Chiens garde, 1932, p. 203). − Ne pas traîner (à tel endroit). Ne pas rester longtemps quelque part. Blaise: Vous savez bien que je n'y ai pas traîné [au séminaire]... et qu'au bout de six mois, j'avais déjà pris le large (Mauriac, Asmodée, 1938, i, 4, p. 36). − Fam. [Avec ell. de la prép.] Traîner les cafés. Regardez les pauvres, leur dimanche, ce qu'ils en font. Ils traînent les rues, ils bâillent (Anouilh, Répét., 1950, iv, p. 100).
β) [Sans indication de lieu] [Paul] sortait, il traînait. Il allait voir des films très agréables écouter des musiques très agréables, suivre des filles très agréables (Cocteau, Enfants, 1929, p. 82). − Traîner avec qqn (péj.).Fréquenter quelqu'un. Quand il vous aura assez compromise, il vous enverra promener. (...) L'année prochaine, on dira de vous: « Elle traîne avec tout le monde » (A. France, Lys, 1894, p. 241). b) Avancer, marcher trop lentement. Traîner en chemin. Le bambin aux joues de printemps Qui traîne en allant à l'école (Toulet, Vers inéd., 1920, p. 101).Il recommanda aux cochers de ne pas traîner, mais d'être prudents à la descente, et assura que nous arriverions avant le train (Proust, Sodome, 1922, p. 977). − En partic. Rester en arrière. Des soldats traînent; un coureur cycliste traîne. Dans sa meute, il n'y a pas un chien qui traîne (Ac.1835-1935). B. − Au fig. [Avec un aspect surtout temporel] 1. [Le suj. désigne un inanimé abstr.] a) Se prolonger, durer trop longtemps. Synon. s'éterniser.Le repas, le travail traîne. La conversation traîne et languit (Goncourt, Journal, 1868, p. 462).Cette affaire traîne: il y a huit jours qu'elle devrait être terminée (Sartre, Mains sales, 1948, 5etabl., 1, p. 175). ♦ Faire traîner les choses (en longueur). Retarder volontairement ou par négligence la solution, l'aboutissement, la réalisation de quelque chose. Synon. traîner les choses (supra I C 2 a).Elle nous a menacés si on lanternait davantage... si on faisait traîner les choses, d'aller toute seule s'établir à Saligons comme sage-femme (Céline, Mort à crédit, 1936, p. 588). ♦ Laisser traîner qqc. (en longueur). Ne pas s'occuper de, mettre de côté quelque chose. Dès la première génération, l'institution académique (...) laissa tomber la grammaire, traîner le dictionnaire, alla vers des destinées imprévues (Thibaudet, Réflex. litt., 1936, p. 242).Je te l'ai dit souvent, il ne faut pas laisser traîner les comptes éternellement. L'intérêt alourdit les plus petites dettes (Duhamel, Désert Bièvres, 1937, p. 80). ♦ Fam. Ça ne traîne pas, ça n'a pas traîné, ça ne traînera pas. C'est vite fait, ça a été vite fait, ce sera vite fait. Il ajouta: − Ah bien! ça ne traîne pas. Ils vous envoient ça [un mariage] en quatre mouvements (Zola, Assommoir, 1877, p. 437).M'arrachant à son étreinte (...) je dis: − Ah! bien, tout de même!... Ça ne traîne pas avec vous... (Mirbeau, Journal femme ch., 1900, p. 332).Et que ça ne traîne pas! Dépêchez-vous! Fichez-moi le camp, et que ça ne traîne pas, ou je vais vous faire voir de quel bois je me chauffe (Courteline, Client sér., Commissaire bon enfant, 1900, i, p. 157). b) [Le suj. désigne une maladie] Tarder à guérir. Tant mieux si la maladie traîne. Cela est signe que ce n'est pas très grave (Flaub., Corresp., 1858, p. 286).Une assez forte grippe, qui comme toujours traîne, traîne et dont à peine enfin je viens à bout (Gide, Journal, 1917, p. 626). c) [Le suj. désigne la voix] Prononcer avec trop de lenteur, moduler trop longuement. Sa voix (...) devenait criarde, traînait sur les dernières syllabes (Bernanos, Journal curé camp., 1936, p. 1149).L'accent normand traînait, soulignant les précautions oratoires (Drieu La Roch., Rêv. bourg., 1937, p. 10). 2. [Le suj. désigne une pers.] a) Agir lentement, prendre tout son temps dans une occupation. Sans traîner dans les détails, je lui ai dit ce qui était nécessaire pour qu'elle devinât les faits et se représentât les sentiments (Romains, Hommes bonne vol., 1939, p. 222). b) Prononcer en allongeant une articulation. Il disait « vous » en traînant sur la diphtongue (Duhamel, Terre promise, 1934, p. 123). REM. 1. Traîné, traîner, subst. masc.,rare. Fait, façon de traîner (quelque chose). Il était las à mort. Il n'y avait qu'à voir son traîné de pied, le poids que le bâton pesait dans sa main (Giono, Gd troupeau, 1931, p. 16).Ces syllabes (...) prononcées avec le traîner faubourien (Gide, Journal, 1930, p. 985). 2. Traînotter, verbe intrans.,fam. Synon. de traînailler, traînasser.La Bovary traînotte toujours, mais enfin avance. J'espère d'ici à quinze jours avoir fait un grand pas (Flaub., Corresp., 1853, p. 131). Prononc. et Orth.: [tʀene], [-εne], (il) traîne [tʀ
εn]. Ac. 1694, 1718: traisner; dep. 1740: traîner. Étymol. et Hist. A. Verbe trans. 1. ca 1135 « emmener de force quelqu'un » (Couronnement Louis, éd. Y. Lepage, réd. AB, 1754); 1758 traîner dans la boue (D'Alembert, Lettre à Voltaire, 11 janv. ds Littré); 1849 traîner à la barre (Proudhon, Confess. révol., p. 87); 2. a) 1160-74 « tirer après soi sur le sol » (Wace, Rou, éd. A. J. Holden, III, 6518); b) 1552 traîner les pieds (Est., s.v. reptare); 1934 id. fig. (L. de Vilmorin, Sainte, p. 75); c) 1690 traîner la jambe (Fur.); d) 1739-47 traîner la savatte « courir les rues » (Caylus,
Œuvres badines, X, p. 235); 1866 traîner la savate « être misérable », traîner sa savate « se promener » (Delvau, p. 382); e) 1824 traîner ses guêtres « flâner » (Carmouche et de Courcy, Les Etrennes à la Halle, pp. 10-11 ds Quem. DDL t. 19); f) 1940 traîner les semelles (Cocteau, Fin Potomak, p. 117); 1956 traîner la semelle (Arnoux, Roi, p. 101); 3. 1174-76 « faire lanterner quelqu'un, lui faire attendre la conclusion d'une affaire » (Guernes de Pont-Sainte-Maxence, St Thomas, éd. E. Walberg, 4525); 1508 « faire durer, se prolonger quelque chose » (Éloy D'Amerval, Le Livre de la Deablerie, éd. C. F. Ward, p. 132b); 1549 « émettre lentement les sons de la voix » (Est.); 4. ca 1200 « emmener avec soi quelque chose qui embarrasse » (Aiol, éd. J. Normand et G. Raynaud, 744); 5. xiiies. « entraîner quelque chose » (De l'ermite qui se desespera ds Nouv. rec. de fabliaux, éd. M. Méon, t. 2, p. 213); 1677 « attirer, séduire » (Racine, Phèdre, II, 5); 6. 1461 traîner maladie « subir une chose pénible qui dure » (G. Chastellain, Chronique, éd. Kervyn de Lettenhove, t. 4, p. 231); 1580 absol. (Montaigne, Essais, I, 10, éd. P. Villey et V.-L. Saulnier, p. 40); 1573 « supporter une forme d'existence pénible » (Garnier, Hippolyte, éd. W. Foerster, 427). B. Verbe intrans. 1. ca 1140 « pendre en frottant le sol » (Pélerinage Charlemagne, éd. G. Favati, 269); 1694 « pendre en désordre, des cheveux » (Ac.); 2. a) 1461 « durer trop longtemps, ne pas finir » (G. Chastellain, op. cit., t. 3, p. 434); 1876 Et que ça ne traîne pas! (A. Daudet, Jack, t. 2, p. 31); 1877 ça ne traîne pas (Zola, Assommoir, p. 437); 1902 ça n'a pas traîné (Id., Vérité, p. 68); b) ca 1590 langage traînant (Montaigne, op. cit., II, 17, p. 639); 1861 « en parlant de la voix, s'arrêter sur une syllabe, un mot » (Goncourt, Sœur Philom., p. 21); 3. a) 1508 « agir avec lenteur, s'attarder dans une occupation » (Éloy D'Amerval, op. cit., p. 131a); b) 1718 « rester en arrière d'un groupe qui avance » (Ac.); 4. 1628-30 « aller sans but, vagabonder » (D'Aubigné, Mém., p. 16 ds Littré); 5. 1671 « être à l'abandon, en désordre (de choses) » (Pomey); 1687, 26 févr. laisser traîner « ne pas prendre soin de » (Mmede Sévigné, Corresp., éd. R. Duchêne, t. 3, p. 282); 1727 « se trouver partout, être banal » (Boissy, Français à Lond., sc. 15 ds Littré); 6. 1843 « s'étendre en longueur, comme une traînée » (Gautier, Tra los montes, p. 3); 1888 fig. « subsister » il traîne dans (Bourget, Ét. angl., p. 183); 7. 1964 « pêcher à la traîne » (Lar. encyclop.). C. Verbe pronom. 1. ca 1180 « se déplacer avec peine » (Jeu d'Adam, éd. W. Noomen, p. 475); 2. 1remoit. xves. « avancer en rampant sur le sol » (Monstrelet, Chronique, I, 148 ds Gdf. Compl.); 1830 se traîner aux pieds de qqn (Dumas père, Christine, V, 7, p. 292); 3. 1717 « aller quelque part à contrecœur » (Massillon, Profess. relig., 2 ds Littré); 1807 fig. « s'étirer en longueur dans le temps » (Staël, Corinne, t. 2, p. 105). D'un b. lat. *tragι
̄nare, dér. de *tragere (v. traire), du lat. trahere « tirer », « traîner », « entraîner », « traîner avec soi, derrière soi », « traîner en longueur, prolonger ». Fréq. abs. littér.: 5 080. Fréq. rel. littér.: xixes.: a) 5 102, b) 9 358; xxes.: a) 9 131, b) 6 743. DÉR. 1. Traînement, subst. masc.a) Rare. [Corresp. à supra I A] Action de traîner quelque chose; bruit qui en résulte. Traînement de pantoufles, de pieds, d'un sabre, de savates, de souliers. On entendait dans le Carrousel le traînement des sabres de tous ces soldats extraordinaires de la grande république et du grand empire (Hugo, Misér., t. 2, 1862, p. 516).b) [Corresp. à supra I E 2] Fait de parler avec lenteur. Traînement de voix. Ce don de l'imitation, il le tient de sa mère, qui est inimitable dans les traînements colères de la voix canaille de MmeZola, quand sa mauvaise humeur en fait une harengère (Goncourt, Journal, 1892, p. 234).c) Au fig. [Corresp. à supra I E 1] Traînement d'une affaire. J'ai recommencé toujours à nouveau la série de mes épreuves, et le traînement de mes espérances trompées (Amiel, Journal, 1866, p. 443).d) Arm. ,,Éraflure longitudinale produite dans l'âme d'une bouche à feu par le frottement sur ses parois, de quelque irrégularité à la surface du projectile`` (Lar. encyclop.). − [tʀ
εnmɑ
̃]. − 1resattest. a) 1295 « effort que l'on doit faire » (Arch. J 456, pièce 36 ds Gdf.), b) 1501 « action de traîner un condamné par les rues » (ap. A. Joubert, Misères de l'Anjou, p. 284, ibid.), c) 1538 « action de se traîner, de ramper » (Est., s.v. reptatus), d) 1572 « bruit de chose traînée » (Ronsard, La Franciade, L. IV, 659 ds
Œuvres, éd. P. Laumonier, t. 16, p. 274), e) 1605 « action de traîner quelque chose » (Marnix, Differens, II, I, 3 ds Hug.), f) 1892 traînements colères de la voix (Goncourt, loc. cit.); de traîner, suff. -ment1*. − Fréq. abs. littér.: 16. 2. Traînerie, subst. fém.a) [Corresp. à supra I A] Action de traîner quelque chose; bruit qui en résulte. L'infortuné baron entendit la traînerie des chaussons (...) de l'invalide Marneffe (Balzac, Cous. Bette, 1846, p. 257).b) [Corresp. à supra II A 3] Action d'aller lentement, çà et là, à l'aventure. Synon. traînasserie.Sur le passage du boghey à toute vitesse, les familles parisiennes qui encombrent les routes de campagne de la traînerie de leur dimanche, s'écartaient vivement (A. Daudet, Pte paroisse, 1895, p. 116).c) Au fig. Retard, lenteur. En présence d'une vie si longue (...) il est bien permis d'y mettre quelque longueur, et même un peu de traînerie, comme dirait Montaigne (Sainte-Beuve, Nouv. lundis, t. 2, 1862, p. 91).En partic. [Dans une œuvre d'art littér. ou mus.] Guérin est revenu. Lui ai lu dans Volupté deux pages superbes et vraies, sans mollesse et traînerie (Barb. d'Aurev., Memor. 1, 1836, p. 19).− [tʀ
εnʀi]. − 1resattest. a) 1555 « maladie de langueur » (George de La Bouthière, Des Prodiges, p. 44), b) 1560 trainnerie « pêche à la traîne » (Reg. du bailliage de Mortagne, ms. appartenant à M. Bocquillet ds Gdf.), c) 1601 traînerie de propos « fait de traîner, de durer trop » (P. Charron, Sag., II, 9, p. 413 ds Gdf. Compl.), d) 1616 « action de traîner, de s'attarder » (D'Aubigné, Hist., II, 61 ds Littré), e) 1760 « discours traînant, longueurs de paroles » (J. J. Rousseau, Lett. à Mmede Luxembourg, 12 déc., ibid.), f) 1798 « lenteur dans l'exécution d'un morceau de musique » (Id., Confess., VI, II, 2epart., ibid.); de traîner, suff. -erie*. 3. Traînier, subst. masc.,vx ou région. Celui qui fréquente les lieux mal famés, qui vagabonde. Synon. gueux, rôdeur, vagabond.Un étranger, un traînier sans pays; il avait dû braconner ailleurs, promener ses guêtres ici et là, au hasard des coups à faire (Genevoix, Raboliot, 1925, p. 89).La forme fém. n'est pas relevée; le subst. fém. traînée peut y correspondre partiellement. − [tʀenje], [-εnje]. − 1resattest. a) 1604 adj. « qui se traîne » (Jean de Montlyard, Mythologie, t. I, p. 490), b) fin xixes. subst. masc. « vagabond, qui fréquente des mauvais lieux » (Courteline,
Œuvres, p. 118 ds Rheims 1969); de traîner, suff. -ier*. − Fréq. abs. littér.: 11. BBG. − Quem. DDL t. 9, 16, 19. |