| TRAÎNE, subst. fém. I. − Ce qui traîne. A. − Partie d'un vêtement long prolongeant le dos et traînant sur le sol derrière la personne qui marche. Synon. queue (v. ce mot II A 2 a).Longue, lourde traîne; traîne de cour; traîne de la mariée; manteau, robe à traîne; porter, relever la traîne. Le frou-frou de sa titubante traîne (Laforgue, Poés., 1887, p. 83): Pour un enfant, ces mots « nouveaux mariés », évoquent une impression de jeunesse et de fête. C'est une jeune fille avec un voile et une longue traîne blanche, et un jeune homme en habit noir et en gants blancs, avec des fleurs et de la musique tout autour.
Gyp, Souv. pte fille, 1928, p. 180. − P. métaph. ou au fig. Le fleuve, moiré d'or, paraissait la longue traîne étalée d'une robe sur la campagne (Guéhenno, Journal homme 40 ans, 1934, p. 176).Une longue traîne de clarté ruissela par-dessus les arbres (Genevoix, Routes avent., 1958, p. 109). B. − Spécialement 1. AGRON. ,,Herse sans dents que l'on traîne sur les labours pour aplanir les sillons`` (Fén. 1970). 2. MAR., vieilli. ,,Tout objet filé à l'arrière du navire à l'aide d'un bout de filin`` (Gruss 1978). 3. MÉTÉOR. [P. anal. de I A] ,,Zone postérieure d'un système nuageux par rapport à la direction de son déplacement`` (Agric. 1977). Le beau temps relatif de ce ciel de « traîne » sera de courte durée (Le Figaro, 11 mars 1967, p. 25, col. 5). 4. PÊCHE. Filet qu'on traîne. Synon. seine, traîneau.Emplis ton brick solide ou ta barque sans ponts De traînes, de filets, de dragues, de harpons (Hugo, Religions et religion, 1880, p. 242). C. − Régional − (Berry). Chemin creux bordé de haies et ombragé; petite vallée resserrée entre des bois. Ils suivaient un de ces petits chemins verts qu'on appelle, en langage villageois, traînes; chemin si étroit, que l'étroite voiture touchait de chaque côté les branches des arbres qui le bordaient (Sand, Valentine, 1832, p. 17).Jonas entra. Le drôle était tout fier d'avoir traversé la bruyère et la traîne sans rencontrer le moindre revenant (Ponson du Terr., Rocambole, t. 1, 1859, p. 587). − (Canada). Traîneau bas. François est parti seul, à raquette, avec ses couvertes et des provisions sur une petite traîne (Hémon, M. Chapdelaine, 1916, p. 140). D. − Menu bois qui forme la lisière d'une forêt (d'apr. Forest. 1946); gros fagot qu'on déplace en le traînant. Les ramasseurs de traînes (Littré). II. − Locutions A. − MAR., PÊCHE 1. De traîne, loc. adj. Que l'on traîne dans l'eau depuis l'arrière du bateau en le filant. Torpille de traîne. Debout, la barre entre les jambes, il grée sa ligne de traîne et me fait un signe du bras: il s'en va pêcher le lieu, son chien à la proue, le museau dressé, l'air important, veillant les fonds (B. Groult, Les Trois quarts du temps, Paris, Le Livre de poche, 1984 [1983], p. 542). 2. À la traîne a) Loc. adj. Pêche à la traîne. Pêche active, pratiquée à bord d'un bateau à voile ou à moteur, qui consiste à traîner une ligne plombée garnie d'un leurre. Et les promenades en « berton » avec Hervé; les pêches aux maquereaux à la traîne; où l'on ramenait (...) ces poissons aux reflets bleus (Vialar, Pt jour, 1947, p. 221). − Loc. adv. (Pêcher) à la traîne. Pêcher au moyen de ce procédé. À ce menu plus que frugal venait s'ajouter le poisson (des belles daurades) que le mousse prenait à la traîne (Cendrars, Bourlinguer, 1948, p. 178). b) Loc. adj. ou adv. (Avoir, mettre) à la traîne. (Avoir, mettre) à l'eau à l'arrière du bateau et en le traînant. Synon. (avoir, mettre) à la remorque.Ancre, embarcation à la traîne; mettre un canot à la traîne; (avoir) un chalut, des lignes à la traîne. Je profitai de notre faible sillage pour mettre la drague à la traîne (Dumont d'Urville, Voy. Pôle Sud, t. 1, 1841, p. 85).À la traîne. En se laissant tirer derrière un bateau. Des bateaux chargés de bois descendaient la rivière, d'autres la remontaient à la voile ou à la traîne (Chateaubr., Mém., t. 4, 1848, p. 301). B. − CHASSE, loc. adv. Perdreau à la traîne, en traîne. Jeunes perdreaux, incapables de voler et suivant leur mère de près. [Les perdreaux] aiment à cheminer de compagnie (...) à prendre l'air en famille, avec leurs petits « en traîne », incapables encore de voler (Pesquidoux, Chez nous, 1923, p. 181). C. − Cour., loc. adj. ou adv. (Être) à la traîne 1. (Être) à l'arrière d'un groupe de personnes en marche, en retard. Coureur à la traîne; demeurer, rester à la traîne. Le V.C.L., Guillier en tête, atteint seulement la septième place et Souliac, Chabert, Solente et Ciesont « à la traîne » (L'Œuvre, 2-3 juin 1941).Gabriel regarde dans le lointain; elles, elles doivent être à la traîne, les femmes c'est toujours à la traîne (Queneau, Zazie, 1959, p. 12). − [P. méton.] Ma mère (...) qui chambardait d'une pièce à l'autre, avec sa guibole à la traîne (Céline, Mort à crédit, 1932, p. 375). 2. Au fig. (Être) incapable de progresser avec son groupe, (être) dépendant. Synon. (être) à la remorque.Entreprise à la traîne. [Les petits personnes] méconnaissant leur génie jusqu'à se mettre à la traîne, avec ce retard ridicule, de la niaiserie américaine et de la vulgarité parisienne (Montherl., Pte Inf. Castille, 1929, p. 670).Ça les énervait ces charognes de me voir à la traîne. Pourquoi que je trouvais pas un boulot? (Céline, Mort à crédit, 1932, p. 369). III. − [Corresp. à traîner II A] A. − Rare, fam. Action de traîner dans les rues, de s'attarder. Par les ruelles, les jeunes gens commençaient la traîne, interpellant les filles qui allaient par bandes (Aragon, Beaux quart., 1932, p. 155). − Loc. adj. À la traîne. Je parlais aux gonzesses à la traîne (Céline, Mort à crédit, 1932, p. 363). B. − Fam., loc. adj. ou adv. [En parlant d'inanimés] (Être) à la traîne. (Être) à l'abandon, en désordre. Il n'aurait pas fallu en laisser une seule boîte [de cassoulet] à la traîne, entamée, elles [les fourmis] auraient fait entrer alors la race entière des fourmis rouges dans la case (Céline, Voyage, 1932, p. 225). Prononc. et Orth.: [tʀ
εn]. Homon. thrêne. Ac. 1718: traisne; dep. 1740: traîne. Étymol. et Hist. A. 1. 1174-76 a träine « en traînées irrégulières », träine « retard » (Guernes de Pont-Sainte-Maxence, St Thomas, éd. E. Walberg, 5808, 4551); 2. 1457 trahynes « sorte de charrette, traîneau pour transporter des fardeaux » (Arch. JJ 187, pièce 291, ap. Duc., Trainare ds Gdf.); 3. 1553 trayne « filet de pêche » (Belon, Singularitez, I, 74, ibid.); 1691 « corde qui traîne derrière un bateau » (Ozanam, p. 307, 44); 4. 1832 « chemin creux dans le Berry » (Sand, loc. cit.); 5. 1843 « bas d'un vêtement qui traîne par terre » (Le Moniteur de la mode, 10 déc., pp. 50-51 ds Quem. DDL t. 16); 6. 1876 « broussailles, menus bois qui forment la lisière d'une forêt » (Lar. 19e); 7. 1881 « traînées » (A. Daudet, N. Roumestan, p. 236); 8. 1964 météorol. « secteur postérieur d'un système nuageux à l'arrière d'un front froid » (Lar. encyclop.). B. 1. 1718 bateau qui est à la traisne « remorqué par un autre » (Ac.); 1842 pêche aux traînes (Ac. Compl.); 1876 pêche à la traîne (Lar. 19e); 2. 1888 être à la traîne « en retard, en arrière d'un groupe de personnes » (Cignerol, Notes Bordachien, p. 124); 3. 1904 à la traîne « en désordre, à l'abandon » (Nouv. Lar. ill.). Déverbal de traîner*. Fréq. abs. littér.: 215. Fréq. rel. littér.: xixes.: a) 254, b) 341; xxes.: a) 332, b) 314. Bbg. Quem. DDL t. 16. |