| TRANSPARENT, -ENTE, adj. et subst. masc. I. − Adjectif A. − 1. Qui laisse passer la lumière, qui ne fait pas écran à la vision. Synon. diaphane; anton. opaque.Corps, milieu transparent; eau transparente. [L'herbe] forme à peine un duvet transparent mêlé de quelques brins cotonneux que l'air agite. On y voit jouer la lumière et vibrer la chaleur comme au-dessus d'un poêle (Fromentin, Été Sahara, 1857, p. 73).À ce moment, l'air qui était noir avait commencé à devenir gris, ce gris devenant lui-même de plus en plus transparent et léger autour d'eux, où les choses reprenaient peu à peu leurs propres couleurs (Ramuz, Derborence, 1934, p. 72). − P. anal. [En parlant d'un corps, d'une chose] Qui a perdu son opacité, qui est comme dématérialisé, évanescent. Je m'aperçus que c'étaient des trams et des autos transparents de vitesse (A. France, Pierre bl., 1905, p. 256). − [En parlant d'une pers.] Dont la présence n'est pas remarquée par autrui, qui est comme sans existence. Il répandait sur chacun son indulgente bonté. Moi-même s'il me voyait − mais j'étais transparent à ses regards − je trouverais grâce à ses yeux (Sartre, Nausée, 1938, p. 114). 2. Qui est clair, lumineux. Anton. terne.Monté aux colonnes du Parthénon avec l'aurore, j'ai vu le Cythéron, le mont Hymette, l'Acropolis de Corinthe, les tombeaux, les ruines, baignés dans une rosée de lumière dorée, transparente, volage, que réfléchissaient les mers, que répandaient comme un parfum les zéphyrs de Salamine et de Délos (Chateaubr., Mém., t. 1, 1848, p. 337). 3. PEINTURE a) Couleur transparente. Couleur qui laisse transparaître le support ou la couche de peinture qu'elle recouvre. [On peut pratiquer] des combinaisons soit de deux couleurs transparentes, soit d'une couleur transparente avec une couleur opaque, la seconde ayant été appliquée après séchage de la première (R. Smith, Le Manuel de l'artiste, Paris, Bordas, 1988, p. 157). b) Qui donne une impression de luminosité et de légèreté. Synon. aérien, fluide, léger, lumineux, vaporeux.Quant au ciel, il est bleu et blanc, chose étonnante chez Delacroix; les nuages, délayés et tirés en sens divers comme une gaze qui se déchire, sont d'une grande légèreté; et cette voûte d'azur, profonde et lumineuse, fuit à une prodigieuse hauteur. Les aquarelles de Bonington sont moins transparentes (Baudel., Salon, 1846, p. 126).Ses ombres [de Cézanne], d'opaques qu'elles étaient quand il pratiquait le métier de Delacroix, s'éclairent progressivement et deviennent aussi transparentes que ses lumières, sans cesser de creuser merveilleusement le papier (Lhote, Peint. d'abord, 1942, p. 156). 4. Qui laisse transparaître la lumière, qui est coloré par la lumière. Synon. translucide.Pour rendre les coquillages plus transparents, plus irisés, les décaper en les plongeant plus ou moins longtemps, suivant leur épaisseur, dans un bain d'acide oxalique largement coupé d'eau (Rousset, Trav. pts matér., 1928, p. 172): À quel voyageur princier demeurant ici incognito, pouvaient être destinés ces fruits, des prunes glauques, lumineuses et sphériques comme était à ce moment-là la rotondité de la mer, des raisins transparents suspendus au bois desséché comme une claire journée d'automne, des poires d'un outremer céleste?
Proust, J. filles en fleurs, 1918, p. 698. − P. anal. [En parlant de la peau d'une pers.] Dont la coloration évoque la translucidité de certaines substances. Peau, teint transparent(e). Quand le dernier jupon tombait, elle apparaissait d'une blancheur pâle, de cette neige transparente des blondes anémiques; et il éprouvait une continuelle émotion, à la trouver si blanche (Zola, Germinal, 1885, p. 1272). B. − P. anal. [À propos d'un corps, d'un milieu] Qui laisse passer une radiation, qui ne l'absorbe pas. Anton. opaque.Certains corps comme le soufre sont opaques pour la lumière (...) Ils sont au contraire transparents pour les ondes électriques, parce que ces cristaux étant beaucoup plus petits que la longueur d'onde, vis-à-vis de ces radiations ils doivent être regardés comme homogènes (H. Poincaré, Théorie Maxwell, 1899, p. 73).Le bismuth est transparent aux neutrons mais opaque au rayonnement gamma (Musset-Lloret1964). C. − Au fig. 1. a) [En parlant d'une pers.] Dont les sentiments ou les pensées sont faciles à connaître, à interpréter. Anton. impénétrable, secret1.Le fourbe est transparent, tout regard le pénètre; La trahison devient la chair même du traître (Hugo, Légende, t. 3, 1883, p. 104).Philippe était devenu transparent pour moi. À travers une membrane légère où battait un réseau de vaisseaux délicats, j'apercevais maintenant toutes ses pensées, toutes ses faiblesses (Maurois, Climats, 1928, p. 271). b) [En parlant d'une institution, de son fonctionnement] Où la possibilité de contrôle est totale. Comptabilité transparente. Derrière tout cela, le but est clair: le crédit doit devenir transparent, chaque client doit connaître précisément le prix réel auquel les banques prêtent leur argent − et pouvoir les mettre en concurrence (Le Point, 11 déc. 1979, p. 128, col. 3). 2. [En parlant de formes ling. ou symboliques] Dont le sens est facile à comprendre. Synon. clair, évident; anton. obscur.Et pourtant, comme cette langue transparente et fine, à mi-chemin entre Voltaire et Paul-Louis Courier, récompenserait un traducteur avisé, ayant le goût de son humble et délicat métier! (Thibaudet, Réflex. litt., 1936, p. 52). ♦ Allusion transparente. Allusion dont le référent se laisse facilement deviner. Dans le discours qu'il [le président Roosevelt] prononça le 3 mars, devant le Congrès, pour exposer les résultats de la conférence de Yalta, il fit une allusion transparente à De Gaulle, en évoquant telle « prima donna » à qui son caprice de vedette avait fait manquer un utile rendez-vous (De Gaulle, Mém. guerre, 1959, p. 89). 3. a) INFORMAT. Mode transparent (de transmission). ,,Technique de transmission dans laquelle il n'existe aucune restriction concernant la configuration des données. Cette faculté permet la transmission de caractères ou de configurations de bits sans qu'aucune combinaison codée ne soit considérée comme une commande`` (Delam. Télém. 1979, p. 89). b) INFORMAT., TÉLÉMATIQUE. Qui n'affecte pas le contenu du message. Synon. neutre.Pour la D.G.T., la question ne se posait même pas. Le téléphone, la télématique, la vidéo-communication étaient des médias neutres, « transparents » (Le Monde dimanche, 12 déc. 1982, p. vi). II. − Subst. masc. A. − 1. a) Tissu ou vêtement destiné à être vu par transparence sous un voile de gaze ou sous une dentelle. Il est d'une exquise recherche de placer un transparent de taffetas, assorti de nuance avec la ruche, en dessous de la guipure (Journ. des demoiselles, juin 1849, p. 190b ds Quem. DDL t. 16).Les murs sont tendus de rideaux ajourés, de jetés de lit au crochet sur transparents de couleur (Colette, Cl. école, 1900, p. 247). b) Voile ou vêtement transparent. Sous un transparent bleu ses bras sont nus, et au soleil ils ont la lumière tamisée qu'a le soleil dans un temps d'éclipse (Montherl., Olymp., 1924, p. 281). − P. anal. De là je regardais au fond du jardin, à l'angle du parc, les amandiers, les premiers arbres dont le vent de septembre enlevait les feuilles, et qui formaient un transparent bizarre sur la tenture flamboyante du soleil couchant (Fromentin, Dominique, 1863, p. 49). 2. Feuille de papier réglée que l'on place sous une autre et qui permet d'écrire droit. Synon. guide-âne (s.v. guide-).Il tira de son buvard une autre feuille, ajusta dedans son transparent et recommença l'en-tête (Maupass., Contes et nouv., t. 1, Hérit., 1884, p. 467). 3. a) Vieilli. Panneau coloré ou peint que l'on plaçait sur les vitres pour les orner de lumière. Dans une des nombreuses illuminations qui avaient lieu tous les mois, de 1789 à 1791, un bourgeois mit ce transparent: Vive le Roi ma Femme et Moi (Stendhal, H. Brulard, t. 1, 1836, p. 320).Toutes les fenêtres étaient encadrées de feuillage et décorées de transparents; le plus remarquable, chef-d'œuvre d'un artiste du cru, offrait aux yeux ravis l'auguste tête de Louis XVIII, sur laquelle deux divinités allégoriques courbaient des branches d'olivier (Sandeau, Mllede La Seiglière, 1848, p. 105). b) Panneau décoratif translucide que l'on place sur les parois d'une lampe. Elle découpe des transparents de papier pour les lampes. C'est du luxe économique, mais c'est du luxe tout de même (A. France, Bonnard, 1881, p. 443).Autour de la suspension, des transparents en couleurs, vues du Vésuve et de la Sicile (Vailland, Drôle de jeu, 1945, p. 29). c) Enseigne lumineuse, panneau d'affichage éclairé par transparence. [Son regard] finit par se fixer sur un transparent rouge, et se mit à épeler longuement et une à une les lettres noires: Chambres et cabinets meublés à louer au mois et à la nuit (Goncourt, Ch. Demailly, 1860, p. 342).Puis un ordre individuel succède à ce désordre momentané: les uns s'arrêtent au transparent des journaux où les nouvelles mobiles annoncent que Trotsky va habiter Monte-Carlo, s'attroupent autour des éditions spéciales qui s'amoncellent au coin des rues (Morand, New-York, 1930, p. 62). d) Écran translucide par derrière lequel on projette des ombres. Les formes vagues du fond, à peine entrevues jusqu'à présent, commencent à se discerner dans la brume, mais telles que des ombres chinoises à travers un transparent, plates, sans relief ni couleur (Flaub., Tentation, 1849, p. 222).Mlle Saget, un soir, reconnut de sa lucarne l'ombre de Quenu sur les vitres dépolies de la grande fenêtre du cabinet donnant rue Pirouette. Elle avait trouvé là un poste d'observation excellent, en face de cette sorte de transparent laiteux (Zola, Ventre Paris, 1873, p. 752). e) ARCHIT. Ouvrage sculpté à jour. Le « transparent » de la cathédrale de Tolède (...) illumine depuis 1732 le déambulatoire de l'église primatiale d'Espagne (Hist. de l'art, t. 3, 1965, p. 620 [Encyclop. de la Pléiade]). 4. Feuille transparente portant un texte ou un dessin, destinée à être projetée sur un écran ou à être vue sur une table lumineuse (d'apr. Documentation 1985). 5. a) Feuille transparente que l'on peut surimposer sur un dessin, sur une carte, pour donner des informations complémentaires (d'apr. Métro 1975). b) Synon. de calque.Ce qui existe, dans notre hypothèse (...), ce sont des formes, des mécanismes, et réciproquement la forme d'une chose ne peut en être détachée, comme on prend copie d'un dessin au moyen d'un transparent (Ruyer, Esq. philos. struct., 1930, p. 317). 6. PEINT. ,,Préparation que l'on applique sur les couleurs, lorsqu'on veut leur donner plus d'éclat`` (Jossier 1881). Synon. glacis2. 7. TECHNOL. ,,Composant transparent destiné à protéger l'aiguille et le cadran d'un appareil, et, éventuellement, les dispositifs à fonction(s) de commande`` (Industries 1986). B. − Littér., rare. Synon. de transparence (v. ce mot I A 2).Quand je m'asseyais contre une borne du chemin, je croyais apercevoir des visages me souriant au seuil des distantes cabanes, dans la fumée bleue échappée du toit des chaumières dans la cime des arbres, dans le transparent des nuées, dans les gerbes lumineuses du soleil traînant ses rayons sur les bruyères comme un râteau d'or (Chateaubr., Mém., t. 1, 1848, p. 423). REM. Transparemment, adv.,rare. D'une manière claire. Synon. clairement.Pourquoi ne pas avouer sincèrement − ou le faire entendre assez transparemment − que c'est de soi qu'on parle (Rivière, Corresp.[avec Alain-Fournier], 1905, p. 76). Prononc. et Orth.: [tʀ
ɑ
̃spaʀ
ɑ
̃], fém. [-ɑ
̃:t]. Att. ds Ac. dep. 1694. Étymol. et Hist. A. Adj. 1. a) ca 1375 se dit d'un milieu qui laisse passer la lumière et paraître avec netteté les objets (Oresme, Le Livre du Ciel et du Monde, éd. Menut et Denomy, 84d, p. 336); 1601 robbes transparentes (P. Charron, De la Sagesse, Trois Livres, p. 513); b) 1643 « translucide » pourcelaines transparentes (F. Tristan L'Hermite, Le Page disgracié, p. 125); 2. fig. a) 1747 (Fr. Grafigny, Lettres d'une jeune péruvienne, p. 107: sous le masque transparent de la plaisanterie); b) 1763 « qui laisse voir le sens » (J.-F. Marmontel, Poétique Française, p. 463: cette allégorie [...] simple et transparente); c) 1776 « qui laisse voir clairement la réalité psychologique » (J.-J. Rousseau, Dialogues, p. 202: son cœur transparent comme du cristal); 3. 1781 se dit des couleurs qui en laissent paraître plus ou moins d'autres mises dessous (Ramond de Carbonnières, Lettres de W. Coxe à W. Melmoth, p. 17). B. Subst. 1. 1611 « plaque de verre » (L'Estoile, Mém., 2ep., p. 308 ds Gdf. Compl.), attest. isolée; 2. 1664 « vitrage » (Ch. Robinet, Conversation comique sur les œuvres de M. de Molière, 4eentrée ds Brunot t. 4, p. 551); 3. 1676, 6 nov. « vêtement couvert d'une robe transparente » (Mmede Sévigné, Corresp., éd. R. Duchêne, t. 2, p. 442); 4. 1718 « feuille de papier réglée que l'on met sous une autre feuille pour écrire droit » (Ac.); 5. 1762 illuminations en transparens « motif décoratif destiné à être éclairé par derrière » (Ac.); 6. 1767 peint. « préparation employée pour faire ressortir les couleurs placées dessous » (Diderot, Salon, Œuv., t. XIV, p. 92 ds Littré). Empr. au lat. médiév.transparens (xiiies. ds Latham), comp. de la prép. trans « à travers » et parens, part. prés. de parere « apparaître ». Fréq. abs. littér.: 1 599. Fréq. rel. littér.: xixes.: a) 2 237, b) 2 238; xxes.: a) 2 346, b) 2 280. |