| TRANSIGER, verbe intrans. [Le suj. désigne un animé] A. − Faire des concessions pour obtenir un arrangement ou mettre fin à un litige, terminer ou prévenir une contestation, sans intervention de la justice ou de l'arbitrage. Transiger sous seing privé; transiger par-devant notaire. Las de plaider, ils transigèrent (Ac.). Acceptation des dons et legs faits au département, sauf si le Conseil général décide de transiger avec les héritiers de l'auteur de la libéralité (Bacquias, Cons. gén. et cons. arrondiss., 1934, p. 56). − Transiger sur qqc.Si celui qui avait transigé sur un droit qu'il avait de son chef, acquiert ensuite un droit semblable du chef d'une autre personne, il n'est point, quant au droit nouvellement acquis, lié par la transaction antérieure (Code civil, 1804, art. 2050, p. 368).Le danger des petits séminaires, c'est que leurs chefs transigent avec les parents sur le prix de la pension (Stendhal, Mém. touriste, t. 2, 1838, p. 476). − Rare. Transiger de qqc.Des nations, absorbées dans leurs jouissances, seraient lentes à résister: elles abandonneraient une portion de leurs droits pour conserver le reste; elles espéreraient sauver leur repos en transigeant de leur liberté (Constant, Esprit conquête, 1813, p. 165). − Transiger à + subst. désignant une quantité, une somme.Le colonel Rudeanu déclara que ces quantités leur étaient nécessaires non par mois, mais par jour. Et, à sa note, il ajoutait: du cuivre, du laiton, du maillechort. On transigea à 20 tonnes de poudre et 500 tonnes d'acier en barre par mois (Joffre, Mém., t. 2, 1931, p. 311).J'allais transiger à quatre mille cinq; seulement, puisque Laurent s'inscrit pour mille francs, je resterai donc à cinq mille (Duhamel, Terre promise, 1934, p. 20). B. − Au fig. [Le compl. désigne un principe, une règle morale, une vertu] Négliger, trahir par faiblesse, par intérêt. Transiger avec l'honneur; transiger avec son devoir, avec sa conscience. Les hommes voudraient transiger avec la justice, sortir de son cercle pour un jour, pour un obstacle, et rentrer ensuite dans l'ordre. Ils voudraient la garantie de la règle et le succès de l'exception (Constant, Esprit conquête, 1813, p. 225).En passant à l'exécution, le chef d'entreprise est souvent appelé à transiger avec les principes de l'organisation (Villemer, Organ. industr., 1947, p. 11). − [P. méton.] Il n'y a pas d'antagonismes qui ne puissent être résolus par des arrangements diplomatiques, par de réciproques concessions. Les intérêts transigent plus facilement que les sentiments (Martin du G., Thib., Été 14, 1936, p. 486). − [À la forme nég.] Ne pas transiger avec qqc.Se montrer ferme, demeurer inflexible relativement à quelque chose. L'honneur le voulait, et l'on ne transigeait pas avec l'honneur (Zola,Pot-Bouille,1882,p. 312).« (...) Je songe à la Colombe d'Alain-Fournier, qui se jeta dans un étang pour ne pas transiger avec la pureté. Mais peut-être est-ce de l'orgueil? » Évidemment, je ne prétendais pas qu'on dût s'entêter indéfiniment dans la virginité (Beauvoir, Mém. j. fille, 1958, p. 289). − Rare. Transiger entre qqc. et qqc.Hésiter entre quelque chose et quelque chose. L'histoire jugera s'il était digne de la cour des pairs de transiger entre la conscience et la peur (M. de Guérin, Corresp., 1830, p. 40). REM. 1. Transigeance, subst. fém.,rare. Fait de transiger, de faire un compromis, des concessions. Toute hésitation, tout contre-balancement, toute nuance même devient indice de transigeance (Gide, Journal, 1929, p. 931). 2. Transigeant, -ante, part. prés. en empl. adj.,rare. [Corresp. à supra B] Qui transige. Il n'y a nullement lieu de chercher à « excuser » Claudel. Je l'aime et le veux ainsi, faisant la leçon aux catholiques transigeants, tièdes, et qui cherchent à pactiser (Gide, Journal, 1931, p. 1096). Prononc. et Orth.: [tʀ
ɑ
̃ziʒe], (il) transige [-zi:ʒ]. Att. ds Ac. dep. 1694. Étymol. et Hist. a) 1342 « conclure un arrangement, en faisant de part et d'autre des concessions sur ce qui est en litige » (A.N. JJ 74, fo289 rods Gdf. Compl.); b) 1780 p. ext. (Mirabeau, Lettres écrites du donjon, p. 262: transiger aveuglément sur l'honneur); c) 1812 transiger avec la vérité (Jouy, Hermite, t. 2, p. 251). Empr. au lat.transigere (de trans « à travers » et agere « faire avancer ») « pousser à travers » d'où « mener à terme, achever » et « arranger, conclure, régler une affaire ». Fréq. abs. littér.: 181. Bbg. François (A.). La Désinence -ance ds le vocab. fr. Genève-Lille, 1950, p. 75 (s.v. transigeance). |