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TRANSFIGURER, verbe trans.
A. − Vieilli. Transformer totalement, métamorphoser. À ce moment, se produit une mue après laquelle l'embryon, devenu une véritable larve, est complètement transfiguré (E. Perrier, Zool., t. 1, 1893, p. 971).
B. − [L'obj. désigne une pers., un attribut de la pers.]
1.
a) [Le suj. désigne un inanimé] Transformer en donnant à une personne humaine, à son visage et à son expression un éclat inhabituel. Transfigurer un visage; l'amour, le bonheur, un sourire transfigure. Elle était au milieu du salon, debout près de son mari, dans cette tenue éblouissante qui la transfigurait (Fromentin, Dominique, 1863, p. 119).Elle me disait: « Soit, tu n'es pas jolie. Mais qu'est-ce que la beauté? Un rayon d'intelligence peut transfigurer un visage imparfait et le rendre digne d'être adoré » (Montherl., Celles qu'on prend, 1950, II, 1, p. 792).
Au passif. Être transfiguré par un sentiment. [Christophe] était transfiguré par l'amitié; il avait une expression de joie, de confiance, de jeunesse, qu'on ne lui avait jamais vue (Rolland, J.-Chr., Maison, 1909, p. 938).
Fréq. au part. passé. [Il] se redressait avec lenteur, l'expression transfigurée, les yeux rayonnants (Châteaubriant, Lourdines, 1911, p. 282).
Empl. pronom. La physionomie, le visage se transfigure. La face épaisse et suante de l'abbé Godard se transfigurait d'une bonté exquise (Zola, Terre, 1887, p. 59).Je vis dans son regard briller une lueur d'orgueil. Et son corps se redressait, se transfigurait presque (Mirbeau, Journal femme ch., 1900, p. 306).
b) RELIG. CHRÉT. Transformer en donnant un aspect glorieux et éclatant.
Au part. passé. [En parlant du Christ] Revêtu d'un éclat surnaturel et glorieux. C'est Jésus transfiguré qui vient de quitter Élie sur le Thabor (Psichari, Voy. centur., 1914, p. 217).
Empl. subst. Celui qui a subi la transfiguration. Est-ce un transfiguré qui part et ressuscite, Qui monte, délivré de la terre, emporté Sur un char volant fait d'extase et de clarté (Hugo, Légende, t. 2, 1859, p. 812).
Empl. pronom. Notre seigneur se transfigura sur le mont Thabor (Ac.1798-1935).P. anal. Le chevalier de Vimy cessait de paraître humain pour se transfigurer dans la soudaine magnificence de sa voix prophétique (Adam, Enf. Aust., 1902, p. 269).
2. Au fig. Changer le caractère, la nature d'une personne en lui donnant de l'éclat, une dignité nouvelle ou hors du commun. Il fera de son deuil le point de départ d'une ascension spirituelle (...) non pas, comme Nerval, pour transfigurer la femme aimée et lui donner figure d'ange intercesseur (Béguin, Âme romant., 1939, p. 352).Je me sens un tel feu et une telle âme en moi, une si haute passion enfin me transfigure que je m'estime assez haut pour mériter Julia (Camus, Dév. croix, 1953, 1rejournée, p. 533).
Au part. passé. L'Europe, en quelques heures, désorganisée, aussitôt réorganisée; transfigurée, équipée, ordonnée à la guerre (Valéry, Variété IV, 1938, p. 69).
Empl. pronom. Montrer au monde comment l'homme pouvait se transfigurer par la foi et l'amour (Montalembert, Ste Élisabeth, 1836, p. XXIX).Depuis la Révolution, la femme a encore grandi; elle s'est transfigurée, idéalisée (Goncourt, Ch. Demailly, 1860, p. 251).
C. − [L'obj. désigne un inanimé]
1. Changer l'aspect d'une chose en lui donnant de l'éclat, un merveilleux inhabituel ou étrange. La lumière transfigure; transfigurer le monde, l'univers. Qu'est-ce qui transfigure ainsi le boulevard? L'allure des passants n'est presque pas physique; ce ne sont plus des mouvements, ce sont des rythmes (Romains, Vie unan., 1908, p. 39).Une magie poétique transfigure tout, dans une extase qui s'accroît jusqu'à l'éclosion des suprêmes clartés (Béguin, Âme romant., 1939, p. 175).
Au part. passé. Tout ce paysage paisible lui apparut transfiguré dans la lumière immobile (Bernanos, Joie, 1929, p. 604).
Empl. pronom. Tout ce paysage d'or pâlit, se transfigure, s'évapore, se féerise et se pastellise comme dans un feu de Bengale vague et s'évanouissant dans un rêve (Goncourt, Journal, 1864, p. 103).
2. Au fig. Changer le caractère, la nature de quelque chose en exaltant, en sublimant. Transfigurer l'existence, le réel; transfigurer la souffrance en joie. C'est tout, en lui, que j'aime. (...) Il rehausse la vie de tous les jours, la transfigure, comme il transfigure tout (Van der Meersch, Empreinte dieu, 1936, p. 134).Il suffit d'une grâce toute simple et d'un tout simple enchantement pour transfigurer soudain la malveillance en bienveillance (Jankél., Je-ne-sais-quoi, 1957, p. 198).
Au part. passé. Réalité transfigurée. Ces rêves qui ne sont que les souvenirs déformés ou transfigurés des obsessions d'une journée laborieuse (Baudel., Paradis artif., 1860, p. 391).
Empl. pronom. Un chez soi, un foyer, une femme... Oh! La vie s'est transfigurée (Michelet, Peuple, 1846, p. 99).
REM. 1.
Transfigurant, -ante, part. prés. en empl. adj.Qui transfigure. Armand faillit passer sans le reconnaître dans cette féerie transfigurante le vieux vantail branlant qui était rose en plein jour (Aragon, Beaux quart., 1936, p. 169).
2.
Transfiguratif, -ive, adj.,rare. Qui transfigure. Synon. transfigurateur.Communications émotives et transfiguratives à travers l'expression des arts (Bremond, Poés. pure, 1926, p. 109).
Prononc. et Orth.: [tʀ ɑ ̃sfigyʀe], (il) transfigure [-figy:ʀ]. Att. ds Ac. dep. 1694. Étymol. et Hist. 1. a) Ca 1165 trans. « transformer, métamorphoser » (Benoît de Ste-Maure, Troie, éd. L. Constans, 29976); b) ca 1245 spéc. se transfigurer (du Christ au Mont Thabor) (Philippe Mousket, Chron., 10963 ds T.-L.); 2. a) 1610 p. ext. (P. de Deimier, L'Académie de l'Art poétique, p. 103: transfigurer ainsi les dialectes d'un langage); b) 1615 pronom. (A. de Montchrestien, Traicté d'œconomie politique, p. 47). Empr. au lat.transfigurare « transformer, métamorphoser, changer une chose en une autre » (de trans « au-delà, par delà » et figura « figure »). Fréq. abs. littér. Transfigurer: 322. Transfiguré: 270. Fréq. rel. littér.: xixes.: a) 104, b) 404; xxes.: a) 466, b) 782. Transfiguré : xixes.: a) 179, b) 388; xxes.: a) 424, b) 531. Bbg. Renson 1962, pp. 381-383.