| TRANSCENDANT, -ANTE, adj. A. − Qui s'élève au-dessus d'une limite, d'un niveau donnés; qui s'élève au-dessus du niveau moyen. Synon. excellent, supérieur.Esprit, intelligence, mérite, pensée, talent, virtuosité transcendant(e); connaissances, études, recherches transcendantes. Que Bonaparte fût un homme d'un génie transcendant à beaucoup d'égards, qui pourrait le nier? (Staël, Consid. Révol. fr., t. 2, 1817, p. 103).Le besoin métaphysique serait comme une curiosité transcendante; c'est plutôt un appétit, l'appétit de l'être. Il vise à la possession de l'être par la pensée (G. Marcel, Journal, 1922, p. 279). ♦ En partic. Tout à fait remarquable. Synon. exceptionnel.Le plus ingénieux piégeur, le plus subtil braconnier d'un pays qui en possède de transcendants (La Varende, Pays d'Ouche, 1934, p. 180). − Par litote, fam. ♦ [En parlant d'une pers.] Il n'est pas transcendant, il n'a rien de transcendant. Synon.fam. ce n'est pas un aigle*, ce n'est pas une lumière*. ♦ [En parlant d'une chose] Le village lui-même n'est pas d'un pittoresque excessivement transcendant (Verlaine, Corresp., t. 1, 1862, p. 7). − Vieilli. Supérieur, distant. Genre, sourire transcendant. Il a un petit air transcendant et sûr de lui, qui est extraordinaire. Pourtant il a l'air intelligent (Rivière, Corresp.[avec Alain-Fournier], 1907, p. 134). − PSYCHOL. Fonction transcendante. Ce que Jung a appelé la « fonction transcendante », cette faculté qu'a la psyché inconsciente de guider l'être humain arrêté dans une certaine situation vers une situation nouvelle, en la transformant (M.-L. von Franz, L'Ombre et le mal dans les contes de fées, 1980, p. 325). − Empl. subst. masc. sing. à valeur de neutre. Ces jeunes gens (...) avaient réellement faim d'autre chose, ils brûlaient d'accéder à une vision plus élevée des êtres et du monde (...). En fait, ils étaient en quête de ce que l'on pourrait appeler le transcendant. La Californie m'apparaît comme le symbole de cette recherche, de cette faim, de ce désir (Question de, 1988, no75, p. 60). B. − PHILOSOPHIE 1. Qui se situe au-delà du domaine pris comme référence; en partic., qui est au-dessus et d'une nature radicalement supérieure. Anton. immanent.Être, principe transcendant; idéalisme transcendant. Le cogito en tant qu'invérifiable se pose comme transcendant par rapport à toute communication possible (G. Marcel,Journal,1914,p. 62).La volonté est (...) transcendante en tant qu'elle transforme le caractère empirique et sculpte de ses propres mains (...) la figure de son être propre (Jankél., Je-ne-sais-quoi, 1957, p. 214). ♦ [En parlant de Dieu] Les immanentistes dans les objections qu'ils font à l'existence d'un Dieu transcendant paraissent toujours impliquer que transcendance exclue immanence (Du Bos, Journal, 1928, p. 78). − Transcendant à.Transcendant à l'espace et au temps, à la logique, à la raison; l'esprit est transcendant à la matière. Aristote ne parle-t-il pas d'une essence souverainement réelle, transcendante à l'ordre des choses physiques, située par conséquent au-delà de la nature, et qui serait Dieu? (Gilson, Espr. philos. médiév., 1931, p. 53).Le langage étant transcendant à l'homme parce que « sa fonction est de franchir la vie et de nous la faire franchir » (Benda, Fr. byz., 1945, p. 126). 2. [Chez Kant, en parlant de réalités d'êtres ou de principes de connaisance, p. oppos. à transcendantal] Qui se situe au-delà de toute expérience possible. Synon. nouménal.Un principe transcendantal (...) ne peut avoir qu'un usage immanent, c'est-à-dire en rapport avec les objets de l'expérience (...). Un principe transcendant (...) prétend s'élever au-dessus du champ de l'expérience (G. Pascal, La Pensée de Kant, 1966, p. 40). − Empl. subst. masc. sing. à valeur de neutre. Les philosophies du XIXesiècle sont fort souvent des doctrines qui se donnent pour immanentistes mais qui réintroduisent subrepticement le transcendant; la sainteté ou le vouloir-vivre, le surhomme ou le retour éternel, l'évolution des espèces, l'histoire ou le devenir de l'Esprit sont autant de réalités impersonnelles, extérieures et supérieures à l'expérience individuelle (Encyclop. univ.t. 81970, p. 742, s.v. immanence). 3. PHÉNOMÉNOL. Transcendant à.Qui est en dehors du domaine de la conscience et vers lequel la conscience se dirige. Sont dits transcendants à la conscience le monde et ses objets (physiques, culturels, etc.), en tant qu'ils sont, par définition, hors de la conscience, et l'Autre absolu pour elle (Sartre, La Transcendance de l'ego, 1966, p. 21, note). C. − LING. Linguistique transcendante. ,,En glossématique, la linguistique est dite transcendante quand elle s'occupe de ce qui est extérieur à son objet propre (la langue)`` (Ling. 1972). Pour L. Hjelmslev, toute linguistique antérieure à F. de Saussure est transcendante. La glossématique, au contraire, est une linguistique immanente (Ling.1972). D. − MATH. Qui n'est pas algébrique. Équation, courbe transcendante. Nombre transcendant. Nombre irrationnel qui n'est racine d'aucune équation algébrique à coefficients entiers. π
est un nombre transcendant. Nombre transcendant, comme disent les géomètres, et qu'on ne peut définir ou exprimer exactement en chiffres (Cournot, Fond. connaiss., 1851, p. 329).Fonction transcendante. Fonction dont la définition fait intervenir des opérations non algébriques (par exemple fonctions trigonométriques et logarithmiques). (Dict. xixeet xxes.). Prononc. et Orth.: [tʀ
ɑ
̃sɑ
̃dɑ
̃], fém. [-ɑ
̃:t]. Att. ds Ac. dep. 1694. Étymol. et Hist. 1. a) 1405 « dont la qualité propre est de dépasser le naturel ou l'ordinaire » (Christine de Pisan, Charles V, III, 4, éd. S. Solente, t. 2, p. 18); b) 1520 « susceptible de la plus grande généralité » (La Roche, Larithmétique, fo1 ro: Et dient les logiciens que ung est lung des six principes transcendans); c) déb. xviies. « qui tend à s'élever au-dessus de la condition humaine » (Charron, Sagesse, I, 15 ds Littré); 2. a) 1740 géométrie transcendante (Ac.); 1762 courbe transcendante (Ac.); 1765 équation transcendante (Encyclop.); b) 1765 nombre transcendant « qui ne peut être exprimé par la racine d'une équation algébrique formé d'un nombre fini de termes à coefficients rationnels » (Leibniz, Nouv. Essais sur l'entendement humain, livre II, XVI, § 4). Empr. au lat. scholastiquetranscendens, part. prés. de transcendere « franchir en montant, surpasser » (transcender*). Fréq. abs. littér.: 507. Fréq. rel. littér.: xixes.: a) 249, b) 293; xxes.: a) 551, b) 1 454. Bbg. Quem. DDL t. 12, 40. |