| TRANCHE1, subst. fém. A. − 1. Morceau, d'épaisseur variable, prélevé avec un instrument tranchant, à la surface ou dans l'épaisseur d'une matière comestible. Tranche de jambon, de saucisson, de veau; tranche de melon; tranche de pain; cake vendu en tranches; tranche épaisse, mince; couper en tranches fines. Des restes de bœuf bouilli achetés chez un rôtisseur (...) et fricassés au beurre avec des oignons coupés en tranches minces (Balzac, Cous. Pons, 1847, p. 49).Un gâteau au chocolat, épais de cinq doigts, contenant des tranches d'ananas et des mangues écrasées (Cendrars, Bourlinguer, 1948, p. 197). − ART CULIN. Tranche napolitaine. V. napolitain B 1 a. 2. P. ext. a) Morceau coupé dans un corps dur selon deux surfaces planes parallèles. Tranche de pierre. La fameuse table de marbre, si longue, si large et si épaisse que jamais on ne vit (...) pareille tranche de marbre au monde (Hugo, N.-D. Paris, 1832, p. 18).Pour étudier les cellules des organismes supérieurs, on débite les organes du corps en tranches suffisamment minces pour être translucides, et, après avoir traité ces « coupes » (...), on les examine sous le microscope (J. Rostand, La Vie et ses probl., 1939, p. 18). b) Surface que présente un objet, une chose, coupé(e) dans le sens de l'épaisseur. Tranche d'un rondin; tranche d'une planche, d'une table. J'ai découpé et enlevé un jour, au centre d'un rayon, à un endroit où il y avait à la fois du couvain et des cellules pleines de miel, un disque de la grandeur d'une pièce de cent sous. Coupant ensuite le disque par le milieu de sa tranche ou de l'épaisseur de sa circonférence (Maeterl., Vie abeilles, 1901, p. 143).En râtelant on trouvait des pommes entamées par la faux, montrant leur tranche couleur de feuille morte (Pourrat, Gaspard, 1931, p. 263). c) Section de certains objets, de certaines choses. Si l'ombre n'est pas épaisse ni l'obscurité profonde sous ces dômes de verdure, cela tient à ce que les arbres présentent une anomalie curieuse dans la disposition de leurs feuilles. Aucune n'offre sa face au soleil, mais bien sa tranche acérée (Verne, Enf. cap. Grant, 1868, p. 159).Et ne gâtez pas cette feuille de papier à tranche dorée, s'il vous plaît, la dernière qui me reste (Claudel, Pain dur, 1918, iii, 1, p. 457). d) Partie, portion d'une chose qui est plus large que haute. Façade peinte par tranches horizontales. Louis le Débonnaire (...) [avait] déjà laissé reprendre aux sarrasins leur part, c'est-à-dire toute la tranche de l'Espagne comprise entre l'Èbre et le Llobregat (Hugo, Rhin, 1842, p. 123).La maison était mon domaine. Quand je dis la maison, j'entends une partie de la tranche de bâtisse formée par le quatrième étage (Duhamel, Jard. bêtes sauv., 1934, p. 56). 3. Spécialement a) AGRIC. Terre que la charrue soulève et qu'elle déverse sur le côté en traçant le sillon (d'apr. Fén. 1970). b) ARTILL. Section perpendiculaire à l'axe d'une bouche à feu et qui termine la volée (d'apr. Littré). Tranche de la bouche d'un canon (Rob. 1985). c) BOUCH. Partie moyenne de la cuisse située au-dessus du gîte. Tranche grasse. Morceau de bœuf situé en avant de la cuisse et formé par les muscles cruraux antérieurs. La tranche grasse fournit aussi des morceaux à brochettes ou à fondue bourguignonne, ainsi que de la viande hachée (CourtineGastr.1984).Tende(-)de(-)tranche. Morceau de bœuf constitué par le muscle de la partie interne de la cuisse. On traite aussi le tende-de-tranche en rôti, sous le nom de rosbif (CourtineGastr.1984). d) ÉLECTRON. Plaque de très faible épaisseur d'un monocristal sur laquelle sont réalisés des semiconducteurs (transistors, circuits intégrés, etc.) (d'apr. Industries 1986). e) MÉTÉOR. Tranche (de précipitation). Couche d'eau liquide précipitée en un point du sol et mesurée au pluviomètre. (Dict. xxes.). f) MINES ET CARR. Portion de gisement constituant une unité d'exploitation. Tranches montantes, descendantes. Après l'exploitation d'une tranche, une sole artificielle est laissée pour servir de couronne à la tranche suivante (Industries1986). g) RELIURE. Surface unie qu'offre l'ensemble des feuillets d'un livre relié lorsqu'ils ont été rognés. Tranche de tête (partie supérieure); tranche de pied ou de queue (partie inférieure); tranche de côté ou tranche de gouttière (partie opposée au dos); tranche cramoisie, jaspée, marbrée; livre doré sur tranche (sur la tranche de tête). Barbet regarda les livres en en examinant les tranches et les couvertures avec soin (Balzac, Illus. perdues, 1839, p. 282): Guillaume Apollinaire (...) attrapait un bouquin comme un prestidigitateur, faisait courir la tranche entre le pouce et l'index comme un Grec un jeu de cartes biseautées, ne le feuilletait pas, le posait à plat devant soi...
Cendrars, Bourlinguer, 1948, p. 392. − Au fig., fam., vieilli. [En parlant d'une pers.] Doré sur tranche. Très riche. Et puis, il y a la célèbre mystification par la continuité révolutionnaire. Comme chacun sait, les maréchaux dorés sur tranche sont les héritiers légitimes des compagnons de Lénine aux vestes de cuir (Malraux, Conquér., 1949, postf., p. 173). h) Surface que présente l'épaisseur du flan d'une pièce de monnaie sur tout son pourtour. Tranche cannelée, striée; inscription en creux, en relief sur la tranche d'une pièce. Le Dieu protège la France inscrit sur la tranche de nos défuntes pièces de cinq francs (L'Hist. et ses méth., 1961, p. 356). B. − Au fig. Partie d'un ensemble. 1. a) Chacune des phases successives d'une opération de longue haleine. Deuxième tranche de travaux; tranche d'un programme d'études; tranches de livraison de fournitures. C'était la nuit que Saint-Avit aimait à me conter par le menu sa prestigieuse histoire. Il me la débitait en petites tranches, rigoureuses et chronologiques (Benoit, Atlant., 1919, p. 222).Hier, il pensait que quatre années à vivre, c'était le temps d'achever au moins la tranche de travail où il est engagé actuellement (Montherl., Lépreuses, 1939, p. 1483). b) Durée, plage de temps comprise entre des limites données. Enfants répartis par tranches d'âges; tranche horaire d'un programme de radio. Cette journée était pour lui une journée essentielle, une charnière; la porte retombait sur toute une tranche pénible de sa vie, s'ouvrait sur un avenir prestigieux (Druon, Gdes fam., t. 1, 1948, p. 55).Nous avons retenu l'habitude, du temps où nous ignorions la paléontologie humaine, d'isoler dans une tranche spéciale les quelque six mille ans pour lesquels nous possédons des documents écrits ou datés (Teilhard de Ch., Phénom. hum., 1955, p. 229). c) Partie d'une collectivité. Première tranche d'un contingent de soldats; candidats convoqués par tranches successives. La tranche principale de la population de l'île [la Sicile] est elle circonscrite entre 300 et 800 mètres (Vidal de La Bl., Princ. géogr. hum., 1921, p. 87).La construction (...) d'une équipe organique et dogmatique, d'une tranche compacte de public, par M. Maurras, représente une œuvre de journalisme réel bien supérieure à un article isolé (Thibaudet, Réflex. litt., 1936, p. 221). d) Partie d'une émission financière, d'une loterie. Tranche de Pâques de la loterie nationale; crédits débloqués par tranches. Nous devions, comme vous le savez, toucher cet argent à la fin de l'année dernière (...). J'ai reçu, ce matin même, une première tranche, la moitié (Duhamel, Terre promise, 1934, p. 12).Le roi de Jérusalem comprit en effet que son entreprise était manquée. Il chercha seulement à se faire acheter sa retraite au prix d'une bonne indemnité de guerre. Dès le versement de la première tranche, il évacua le pays et rentra en Palestine (Grousset, Croisades, 1939, p. 202). 2. Spécialement a) CH. DE FER. ,,Sous-ensemble d'un train, composé d'une ou de plusieurs voitures ayant une même destination`` (Tourisme Loisirs 1982). b) DR. FISCAL. ,,Chacune des différentes strates du revenu des personnes physiques, soumises à des taux d'imposition différents, sur la base de la progressivité`` (GDEL). Les praticiens d'études de marché stratifient la population de préférence par tranches de revenu (Univers écon. et soc., 1960, p. 52-4). c) MATH. Série de chiffres consécutifs dans l'écriture d'un nombre. Tranches de trois chiffres séparées par des points ou par des blancs. S'il se présente des points et des virgules séparant les tranches de chiffres et les décimales et qu'ils ne soient pas fondus sur demi-cadratin (...) on sera forcé de prendre une justification en conséquence (É. Leclerc, Nouv. manuel typogr., 1897, p. 396).Il est pratique de séparer les nombres binaires en tranches de 3 chiffres à partir de la droite (Berkeley, Cerveaux géants, 1957, p. 247). 3. Locutions a) Une tranche de. Une certaine part de. S'offrir une tranche de pittoresque. Le soir, tam-tam, d'abord très distant, puis dont les sons se rapprochent. Après une bonne tranche des affinités et ma leçon de lecture à Adoum, nous nous y rendons (Gide, Voy. Congo, 1927, p. 787).Nous avons insisté exceptionnellement sur ce tableau d'une psychose parce qu'il éclaire dans ses moindres structures une large tranche de faits psychologiques situés dans la sphère du normal ou sur ses abords immédiats (Mounier, Traité caract., 1946, p. 363). b) Pop. S'en payer une (bonne) tranche. V. payer I A 3 b. c) [P. allus. littér. aux scènes réalistes du Théâtre libre d'Antoine] Tranche de vie.
Œuvre de fiction d'un réalisme strict, s'en tenant à une reproduction fidèle de la réalité quotidienne. Un monsieur, auteur dramatique du pays, nous dit que c'était une belle tranche de vie, qu'il connaissait ça, que c'était du bon théâtre libre, mais que ça ne prendrait pas (Renard, Journal, 1895, p. 259).[Il] faudrait (...) sauver l'expression de tranche de vie, compromise par le pauvre usage qu'en firent les naturalistes français, et montrer que cette indicible sensation vitale donnée par Tchekhov réside dans le très lent écoulement étale de la vie elle-même (Du Bos, Journal, 1924, p. 127). C. − 1. Ce qui tranche ou marque une coupure. a) AGRIC. Pioche, houe à large côté aéré (d'apr. Fén. 1970). Dans un bois, espace séparant les coupes (d'apr. Fén. 1970). Dans toute l'Europe occidentale et centrale, la forêt est de toutes parts limitée par d'énormes bandes, tranches ou îlots de déboisements (Brunhes, Géogr. hum., 1942, p. 50). b) FOND. Instrument utilisé par les fondeurs pour tailler et réparer les moules en sable. (Dict. xixeet xxes.). c) INDUSTR. DES MÉTAUX. Ciseau emmanché utilisé pour sectionner ou entailler les barres métalliques. Tranche à chaud, à froid. (Dict. xixes.). d) INDUSTR. DU BOIS. Synon. de trancheuse (v. trancheur B 2).V. trancheur ex. de Campredon. 2. CARR. Entaille étroite et profonde, pratiquée dans la masse des pierres à extraire, pour délimiter les blocs que l'on veut en tirer (d'apr. Noël 1968). Prononc. et Orth.: [tʀ
ɑ
̃:ʃ]. Att. ds Ac. dep. 1694. Homon. tranche2. Étymol. et Hist. I. A. Sens concr. 1. 1213 « partie, subdivision d'un tout » (Faits des Romains, éd. L. F. Flutre et K. Sneyders de Vogel, p. 490, 3: chascune de ces ongles fu forchiee [d'un cheval] et devisee en .V. trenches); 2. a) 1394 « mince morceau prélevé avec un instrument tranchant » (Bibl. nat. ms. 5190 [anc. cote], fol. 110 rods Du Cange, s.v. trenchia); 1507, sept. une trenque de fromage (Coutume de Ficheux, I, 8 ds Nouv. Coutumier gén., t. 1, éd. Bourdot de Richebourg, p. 423); b) 1680 tranche de bœuf (Rich.); 1690 tranches maigres; grasses; à l'os ( Fur.); c) 1694 « corps dur, peu épais, ayant 2 surfaces planes parallèles » tranche de marbre (Corneille); 3. a) 1455 [livre] doré sur tranche (ds de Laborde, Notice des émaux [...] Louvre, Paris, 1853, p. 520); b) 1690 « circonférence d'une monnaie » (Fr. Le Blanc, Traité hist. des monnaies d'apr. Trév. 1752); c) 1749 « bord mince d'un objet » (Buffon, Théor. terre, Œuvres, t. 9, p. 195 ds Littré: l'anneau [de Saturne] ne nous présente [...] que sa tranche). B. Sens abstr. 1. a) xiiies. a trenche « en ligne, en file » (Chrétien de Troyes, Chevalier de la charrette, éd. W. Foerster, 2728, var. ms. T: estoient trestuit a trenche Venu); 1285 [ms.] a trence « l'un après l'autre, d'affilée » (Comput, ms. Bibl. nat. fr. 412, vers 19 ds B. Soc. anc. textes t. 9, 1883, p. 80: Dis jors entierins a trence); b) 1288 tout a tranche « l'un après l'autre, systématiquement » (doc. Arch. Indre-et-Loire ds Gdf.); 2. a) 1306 a droites tranches « par parties successives » (Guillaume Guiart, Royaux lignages, éd. N. de Wailly et L. Delisle, Prol., 469: par ordre ramènerai L'un après l'autre, a droites tranches, Tous les faiz des guerres flamanches); b) 1771 « série de chiffres » tranche des unités; des mille (Trév.); c) 1871, août larges tranches de temps (Rimbaud, Lettre à Paul Demeny ds
Œuvres, Paris, éd. A. Adam, 1972, p. 259); d) 1880 fam. s'en promettre une rude tranche (V. Richard, Lettre à Vallès, 5 mai, p. 340 ds Quem. DDL t. 6, s.v. flapasse). II. a) 1416 « espèce de couteau » (Arch. nat. JJ 96, pièce 148 ds Du Cange, s.v. tranchetus); b) id. « espèce de bêche » trenque (doc. Arch. Mons ds Gdf.). Déverbal de trancher*. Bbg. Quem. DDL t. 5, 36, 39, 40. |