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TRAGIQUE, adj. et subst. masc.
I. − Adjectif
A. − HIST. LITTÉR.
1. Qui appartient, qui est propre à la tragédie. Anton. comique.Genre, sujet, masque, rôle, ton, vers tragiques. L'ample geste tragique d'un conspirateur d'opéra qui jure la mort du tyran (Courteline, Ronds-de-cuir, 1893, p. 155).Vilar est fait pour porter la robe tragique: tunique longue ou toge, plis et surplis (Serrière, T.N.P., 1959, p. 115).
[En parlant d'une pers.]
Auteur, poète tragique. Auteur, poète qui écrit des tragédies. (Dict. xixeet xxes.).
Acteur tragique. Acteur qui joue des tragédies. L'acteur tragique articule sur un rythme plus large et moins familier que l'acteur comique (Arts et litt., 1936, p. 60-6).
2. Propre à la tragédie, à une situation conflictuelle, dramatique, douloureuse, dans laquelle une personne est prise comme dans un piège dont elle ne peut s'échapper. Si ce mythe est tragique, c'est que son héros est conscient. Où serait en effet sa peine, si à chaque pas l'espoir de réussir le soutenait? (...) Sisyphe, prolétaire des dieux, impuissant et révolté, connaît toute l'étendue de sa misérable condition (Camus, Sisyphe, 1942, p. 165).
P. anal. [En parlant d'une pers.] Sur qui s'acharne le destin; qui choisit un destin contraire à ses propres désirs. L'homme tragique est un être séparé, qui refuse le monde, que sa passion ou son exigence de pureté entraîne hors de la réalité (J.-M. Domenach, Le Retour du tragique, 1967, p. 289).
B. −
1. Qui est marqué par quelque événement effroyable, désastreux; qui émeut, qui bouleverse par son caractère effroyable, désastreux. Accident, duel, fin, mort tragique; enfance, sort tragique. Un destin presque continûment tragique où les prisons, les déportations, les évasions, servent d'intermèdes à un interminable exil (Mauriac, Mém. intér., 1959, p. 135).
[P. méton.] Forêt, mer, paysage, plaine, ville tragique; date, lettre tragique. Marc sentit passer le vent tragique, dans l'obscurité du drame, comme si une affreuse nuit s'était faite tout d'un coup (Zola, Vérité, 1902, p. 17).Gomez pensa aux matins secs et tragiques de Madrid (Sartre, Mort ds âme, 1949, p. 10).
[Sens affaibli] Ce qui est tragique chez les anxieux, c'est qu'ils ont toujours raison de l'être (Montherl., Célibataires, 1934, p. 786).
C'est tragique, ce n'est pas tragique. En disant: « C'est tragique », fût-ce à propos d'un incident anodin, je mets en branle une métaphysique: la manière dont les événements arrivent, dont l'homme conçoit son existence et son rapport avec les autres, avec lui-même, avec Dieu (J.-M. Domenach, Le Retour du tragique, 1967, p. 25).
2. Qui exprime la terreur, l'angoisse, une émotion violente. Air, regard, ton tragique. Hier, à la terrasse d'un café, j'aperçois S... Figure tragique et résolue. Quelle damnation il fait de sa vie (Green, Journal, 1952, p. 172).
II. − Subst. masc.
A. − HIST. LITTÉR.
1.
a) Le tragique. Le genre de la tragédie. Cultiver le tragique; exceller dans le tragique. Le tragique est-il plus difficile que le comique? (Ac.).Que dire de l'Arioste, qui est toute perfection, qui réunit tous les tons, toutes les images, le gai, le tragique, le convenable, le tendre? (Delacroix, Journal, 1854, p. 258).
b) Auteur de tragédies. Les grands tragiques grecs; Corneille et Racine sont nos grands tragiques. Il restait, en effet à ce moment, au grand tragique [Racine] à composer les vers d'une tragédie dont le plan était complètement achevé (Arts et litt., 1936, p. 88-10).
c) Acteur qui joue la tragédie. Synon. tragédien.Les plus grands Italiens (...) sont de faibles acteurs, quand on les compare aux redoutables tragiques de Castille et d'Aragon (Suarès, Voy. Condottière, t. 3, 1932, p. 147).
2. Ce qui présente le caractère, l'atmosphère de la tragédie. V. tragi-comique A ex. de G. Marcel :
Avec Shakespeare, le tragique secoue l'encombrante et vétuste fatalité. Le mal y apparaît pour la première fois sous sa forme moderne, qui est (...) la politique (...); les hommes (...) y nourrissent un destin fait de mensonges, de violences et de meurtres, ce que nos contemporains appelleront l'Histoire. J.-M. Domenach, Le Retour du tragique, 1967, p. 63.
Tragique + adj.Il y a un tragique révolutionnaire: celui des Jacobins qui, pour faire le bonheur et la liberté du peuple, recourent à la terreur (...). Il y a un tragique colonial (J.-M. Domenach, Le Retour du tragique, 1967, p. 71).
B. − Au fig. Ce qu'il y a de malheureux, de terrible dans un événement, une situation. Le tragique de la guerre, de la mort, de la/d'une vie. Le tragique de la passion c'est qu'elle soit essentielle, et commande la vie, la mort, du héros soumis (La Varende, Roi d'Écosse, 1941, p. 187).Je fus saisi d'une pitié violente pour mon père. D'un seul coup, je compris le tragique de sa profession et de sa vie. Il luttait contre une mort dont il ne pouvait admettre l'existence (C. G. Jung, Ma vie, 1973, p. 76).
Expressions
Être au tragique. Être dans une situation de désastre. Même au moment final, l'impitoyable lutin, quasi hors de propos et quand tout est au tragique dans la maison, abuse de la circonstance (Sainte-Beuve, Port-Royal, t. 3, 1848, p. 231).
Faire du tragique. Ajouter des difficultés à une situation déjà difficile. Vous croyez que nous nous amusons à faire du tragique à vide, dit Pierre; mais je vous assure que non (Beauvoir, Invitée, 1943, p. 242).
Pousser ses sentiments au tragique. Imaginer le pire. Quand je poussais mes sentiments au tragique, je me disais que si Jacques mourait, je me tuerais, mais que si elle disparaissait [ma sœur], je n'aurais pas même besoin de me tuer pour mourir (Beauvoir, Mém. j. fille, 1958, p. 297).
(Ne pas) prendre qqc. au tragique. (Ne pas) accorder une importance excessive à quelque chose. N'exagérons pas, mon enfant! Gardons-nous de prendre les choses au tragique... L'aventure est plus banale que tu penses (Bernanos, Joie, 1929, p. 592).
Se prendre au tragique. Se voir destiné à quelque malheur. Ne te prends pas au tragique, mon petit vieux. Ton père est un distillateur pourri de fric et ton type aura une clientèle toute en or (Magnane, Bête à concours, 1941, p. 284).
Tourner au tragique. Menacer d'avoir une issue funeste; prendre une tournure très grave. Les choses ont tourné au tragique quand (...) a eu lieu l'avènement du monde industriel et mercantile, lorsque la société s'est trouvée divisée en deux classes (Maritain, Human. intégr., 1936, p. 124).
REM.
Tragisme, subst. masc.Caractère tragique de quelque chose. Cette contradiction intestine est en effet le « tragisme » fondamental de l'éthique. Pourquoi fallait-il que l'existence-propre, condition sine qua non de l'action, y fît du même coup obstacle? Mais surtout pourquoi faut-il à rebours, que l'obstacle soit précisément la condition? (Jankél., Traité des vertus, t. 1, 1968, p. 15).
Prononc. et Orth.: [tʀaʒik]. Att. ds Ac. dep. 1694. Étymol. et Hist. A. Adj. 1. 1414 « qui appartient, qui est propre à la tragédie » (Laurent de Premierfait, trad. des Cent Nouvelles, préf. ds H. Hauvette, De Laurentio de Primofato, Paris, 1903, p. 65: fables des poetes, soient comiques ou tragiques qui seulement servent aux delitz ou prouffis des personnes populaires); 1546 (Rabelais, Tiers-Livre, chap. 26, éd. M. A. Screech, p. 189, 56: c[ouillon] tragicque); 2. 1569 p. ext. « funeste, dramatique, terrible » (Ronsard, Œuvres compl., éd. P. Laumonier, t. 15, p. 112, 46: une tragique histoire); 1580 (Montaigne, Essais, II, 11, éd. P. Villey et V.-L. Saulnier, p. 425: sa mort est plus tragique). B. Subst. 1. 1550 « auteur de tragédies » (Ronsard, op. cit., t. 1, p. 130, 30: tragiques Grés); 2. 1623 « le genre de la tragédie » (J. Chapelain, Lettre sur le poème d'Adonis, p. XIV: le Suject tient de l'Heroïque et du Tragique); 3. av. 1679 « caractère de ce qui est tragique, terrible » (Retz, Mém., éd. A. Feillet, t. 4, p. 481: le tragique de cette mort); 1747 expr. prendre qqc. au tragique (J. B. Gresset, Le Méchant, II, 1, éd. 1830, p. 153); 1798 expr. tourner au tragique (Ac.). Empr. au lat.tragicus « de tragédie; véhément, pathétique, terrible, horrible »; subst. « poète tragique, acteur tragique », lui-même empr. au gr. τ ρ α γ ι κ ο ́ ς « de bouc; qui concerne la tragédie ou les tragédiens; qui a les allures de la tragédie, grave, majestueux, pathétique »; subst. ο ι ̔ τ ρ α γ ι κ ο ι ́ « les poètes tragiques »; dér. de τ ρ α ́ γ ο ς « bouc », v. tragédie. Fréq. abs. littér.: 2 298. Fréq. rel. littér.: xixes.: a) 1 878, b) 2 238; xxes.: a) 4 163, b) 4 467. Bbg. Quem. DDL t. 15.