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TOURNURE, subst. fém.
A. −
1.
a) Vieilli. Aspect physique d'une personne. Tournure jeune, robuste. Après la musique arrivaient les captifs barbares, à tournures étranges, à masque bestial, à peau noire, à chevelure crépue, ressemblant autant au singe qu'à l'homme, et vêtus du costume de leur pays (Gautier, Rom. momie, 1858, p. 217).M. Delcambre est un géant de tournure flamande (Duhamel, Nuit St-Jean, 1935, p. 151).
En partic. Manière dont une personne se tient, se présente. Synon. allure.Tournure délurée, désinvolte, élégante, singulière, suspecte. Deux personnages de tournure universitaire entrèrent dans la salle (Verne, 500 millions, 1879, p. 102).Quelquefois, un homme qui avait un visage intelligent et sympathique, on voit tout d'un coup son visage devenir idiot, son sourire à la fois niais et fat, sa tournure à la fois embarrassée et maniérée. Que s'est-il passé? C'est qu'il vient de rencontrer une femme qui lui plaît (Montherl., J. filles, 1936, p. 1033).
Absol., vx. Élégance, distinction. Synon. chic.Il y avait des moments où elle se sentait prête à se jeter à la tête du premier venu, pourvu qu'il eût un peu de fortune et de tournure (Theuriet, Mais. deux barbeaux, 1879, p. 41).Ainsi vêtue, ses nattes roulées en chignon à la mode, avec sa figure nette et calme de sainte Vierge, elle avait plus de tournure que pas une demoiselle du pays (Pourrat, Gaspard, 1922, p. 189).
b) Vieilli. Aspect, apparence, allure d'une chose. Le Rhône [à Lyon] (...) peut être large comme deux fois la Seine au Pont-Neuf, mais il a une tout autre tournure (Stendhal, Mém. touriste, t. 1, 1838, p. 210).[La princesse des Ursins] écrit d'un grand style, sa phrase a grande tournure (Sainte-Beuve, Caus. lundi, t. 14, 1859, p. 277).
[Avec déterm. évoquant un aspect spécifique] C'était un pavillon de tournure flamande, élevé, étroit, percé de rares fenêtres irrégulières et flanqué de tourelles à pignons d'ardoise (Fromentin, Dominique, 1863, p. 8).J'aperçois, dans un éclair, une construction à la tournure féodale (Goncourt, Journal, 1880, p. 68).
En partic. Aspect que présente une chose ou une situation selon la manière dont elle se fait, se crée ou évolue. Synon. allure, tour3.Tournure des événements. Il ne faut pas que la procuration soit à mon nom. Comme l'a dit le vieux Héron, ça prendrait trop la tournure d'un vol (Balzac, Rabouill., 1842, p. 520):
1. Une chose aussi simple paraissait très difficile à ces messieurs. Alors, Roch a dit qu'il connaissait M. Lépine et qu'il allait téléphoner. Les choses ont changé de tournure. On nous a donné deux agents et un flic en civil. Duhamel, Maîtres, 1937, p. 262.
Prendre tournure. Prendre forme, évoluer dans un sens attendu ou souhaité. Projet qui prend tournure. Allons, allons, tout cela prend une assez bonne tournure (Erckm.-Chatr., Ami Fritz, 1864, p. 168).La chose prend tournure, oui, ça devient décidément possible (Claudel, Poète regarde Croix, 1938, p. 33).
Prendre (une) mauvaise/vilaine tournure. Tourner mal. Une pneumonie qui prend une vilaine tournure (Barbusse, Feu, 1916, p. 252).Incident imprévu qui prend mauvaise tournure (Gracq, Syrtes, 1951, p. 335).
c) Littér. Forme (d'esprit); manière de juger, d'envisager les choses, caractéristique d'un certain esprit. Mon compagnon était Élie de Kertanguy, Bas-Breton, grand et beau jeune homme accompli de tout point. C'est avec lui que je cause ici, car nous avons à peu près la même tournure d'idées (M. de Guérin, Corresp., 1833, p. 89).Singulière tournure d'esprit, ce besoin de répartir les chances, de tout remettre en question sans cesse, de recommencer le monde (Duhamel, Journal Salav., 1927, p. 32).
2.
a) Manière de s'exprimer, forme donnée à un énoncé dans sa construction, sa syntaxe. Synon. formule, tour3.Tournure impersonnelle, négative; tournure élégante. Tout en elle s'harmoniait, depuis le plus petit geste jusqu'à la tournure particulière de ses phrases (Balzac, Langeais, 1834, p. 245).Goiran est de ceux qui paraissent spirituels sans vraiment rien dire qui le soit. Par une certaine élocution, insistance sur les finales, par certains déplacements de voix, certaines mimiques amusantes, certaines tournures elliptiques, sibyllines (Martin du G., Thib., Épil., 1940, p. 966).
b) P. méton. Groupe de mots dont la construction est figée ou déterminée. Tournure idiomatique, archaïque, populaire. La langue de la politique elle-même prit alors quelque chose de celle que parlaient les auteurs; elle se remplit d'expressions générales, de termes abstraits, de mots ambitieux, de tournures littéraires (Tocqueville, Anc. Régime et Révol.,1856,p. 240).Les coupables étaient « passés au fil de l'épée ». J'aimais cette jolie tournure: j'imaginais cet éclair droit et blanc, la lame; elle s'enfonçait comme dans du beurre et ressortait par le dos du hors-la-loi, qui s'écroulait sans perdre une goutte de sang (Sartre, Mots, 1964, p. 59).
Tournure de style. Certaines tournures de style qui reviennent sans cesse: « m'écriai-je! » « ô ciel! » (Flaub., Corresp., 1858, p. 291).
3. COST. [De 1867 à 1890 environ] Rembourrage porté sous la robe, en bas du dos, afin de lui donner plus d'ampleur. Synon. faux cul*.Caroline marche à la Elssler, en agitant sa tournure de la façon la plus andalouse (Balzac, Ptes mis., 1846, p. 102).La femme apparaît aplatie par devant, l'ampleur rejetée en arrière sur une « tournure », qui n'est plus qu'un coussin baleiné, posé sur la croupe et prolongée avec des cercles, entraînant le mouvement de traîne de la jupe (Villard, Hist. cost., 1956, p. 98).
B. − TECHNOLOGIE
1. Vx. Forme de ce qui est façonné au tour. (Dict. xixeet xxes.).
2. Déchet, fragment métallique détaché d'une pièce pendant le tournage. Tournure de cuivre, de fer. La matière à la limaille de fer, ou à la tournure de fonte se prépare très soigneusement: on arrose ces résidus métalliques de vapeur, ou mieux d'eau ammoniacale (Quéret, Industr. gaz, 1923, p. 146).On constate, après un séjour prolongé aux intempéries, une tendance à s'agglomérer qui est plus particulière encore aux tournures et copeaux d'ateliers d'usinage (Barnerias, Aciéries, 1934, p. 84).
3. CUIS. Lamelle, bande continue d'écorce ou de peau d'un fruit ou d'un légume détachée lorsqu'on le pèle. (Dict. xixeet xxes.).
Prononc. et Orth.: [tuʀny:ʀ]. Att. ds Ac. dep. 1740. Étymol. et Hist. 1. 1324 tourneure « mécanisme qui fait tourner » (Arch. Nord, B 4026, fol. 81), en a. et m. fr. tournure est att. dans différents sens issus de tourner, comme « objet tourné », « roue faisant tourner la meule », « mouvement de la roue », « rouleau de pâtissier », « ce qui fait tourner le lait, caillette » (v. Gdf. et FEW t. 13, 2, pp. 59-60); 2. a) 1472 « action de donner forme » (Grandmaison, Mém. de la Soc. archéol. de Touraine, XX, p. 19 ds Gay: ordonner faire certaines histoires, tourneure et enlumineure d'or et d'azur en unes heures); b) 1509 (J. Lemaire de Belges, Légende des Venitiens, prol., éd. J. Stecher, t. 3, p. 364: Plaise aux lecteurs supporter benignement la grosse tornure du langage peu elegant); c) 1512 « aspect extérieur, allure » (Id., Illustrations, t. 1, p. 216: [le] buffet, duquel toute la riche vaisselle avoit prins tournure, merveilleuse et supernelle, par ses propres mains [de Vulcain]; p. 246: Remire la faîtisse tournure de ma venuste corpulence); d) 1692 (F. de Callières, Des Mots à la mode, p. 60: les jeunes gens de la Cour donnent à tout ce qu'ils disent des tournures admirables. Des tournures admirables [...] cela veut dire qu'ils ont l'esprit d'une bonne tournure, qu'ils tournent bien ce qu'ils disent); e) 1724 (Marivaux, Surprise de l'amour, p. 201: grâce à la tournure grotesque de l'esprit de l'homme); f) 1734 (Id., Paysan parvenu, p. 21: la tournure que j'avais donnée à la chose); g) 1774 (en parlant d'une affaire) prendre une mauvaise tournure (Beaumarchais, Mém. Goëzman, p. 23); 3. 1767 « bande de peau détachée de fruits ou de légumes » (Dict. port. de cuis., 15 ds Quem. DDL t. 1); 4. 1828 mode (Pain, Nouv. tableaux de Paris, p. 34, ibid., t. 2); 5. 1832 « fragment de métal » (Mém. [lu en 1827] ds Mém. de l'Ac. des Sc. t. 11, p. 193). Dér. de tourner*; suff. -ure*. Fréq. abs. littér.: 951. Fréq. rel. littér.: xixes.: a) 1 779, b) 2 278; xxes.: a) 961, b) 727. Bbg. Gohin 1903, p. 301. − Quem. DDL t. 2, 4.