| TORVE, adj. A. − [En parlant du regard d'une pers.] Qui est oblique et laisse paraître une intention sournoise ou malveillante. Synon. louche1.Il se courrouçait malgré lui, faisant terribles grimaces, horrifiques froncements de sourcils et regards torves (Gautier, Fracasse, 1863, p. 177).Ses yeux torves roulaient des lueurs fauves sous des cheveux en broussailles (A. France, Île ping., 1908, p. 102). − [P. méton.; en parlant d'une pers.] Assez pauvre apparence, en résumé, mais quelle physionomie! Hagard, dévasté, spongieux, torve, funèbre avec sa face livide et crapuleuse, ses épaisses moustaches s'allongeant en pointe (Cladel, Ompdrailles, 1879, p. 263). − Empl. subst. masc. sing. à valeur de neutre. Un nez aux narines ouvertes et reniflantes d'une bête, la bouche aux lèvres toutes plates: une blonde qui a sous la peau des ombres de brune, et du bestial, du torve, du cruel dans la physionomie (Goncourt, Journal, 1884, p. 356). B. − P. ext. Oblique, de travers ou tordu. 1. [En parlant d'une partie du corps humain ou animal] Ces lèvres torves, ces yeux fuyants, sont dans notre cercle de travail les garants de la loyauté, de notre loyauté (Giraudoux, Folle, 1944, I, p. 21).Des boucs bruns aux cornes torves et aux clochettes sonores (Cendrars, Bourlinguer, 1948, p. 213). 2. [En parlant d'une chose] Littér. Et après cela, il restait encore à traîner et rouler sur le sol vers les tas les grosses souches arrachées, à grand renfort de reins et de bras raidis et de mains souillées de terre, aux veines gonflées, qui semblaient lutter rageusement avec le tronc massif et les grosses racines torves (Hémon, M. Chapdelaine, 1916, p. 64). Prononc.: [tɔ
ʀv]. Étymol. et Hist. 1. a) 1532 [éd.] « (de l'œil) qui louche, qui regarde de travers » torve regart (J. Marot, Le Voyage de Gènes, éd. G. Trisolini, fol. 26 ro, p. 112, ligne 47); b) 1540 « fâché, grincheux, mécontent » (G. Michel, Églogues de Virgile, 5vods Delb. Notes mss); 2. 1878 p. ext. « placé de travers, oblique » la tête torve (Goncourt, Journal, p. 1267). Empr. au lat. d'époque impérialetorvus « qui se tourne de côté, qui regarde de travers » épith. des yeux qui s'est appliqué ensuite au visage, au corps ou au caractère, puis à toute une espèce d'objets (Ern.-Meillet); cf. l'hapax a. fr. torvain, fin xiies. (Brut de Munich, 1593 ds T.-L.). Fréq. abs. littér.: 16. |