| TONNEAU, subst. masc. A. − 1. Grand récipient cylindrique en bois, renflé en son milieu, fait de douves cintrées assemblées et maintenues par des cercles de bois ou de fer et fermé par deux fonds plats. Tonneau de bière, de choucroute, de harengs, de sardines, de vin; fonçage, jaugeage, reliage d'un tonneau; marquer, rouler un tonneau; cercler, décercler, recercler, relier un tonneau; boucher, débonder un tonneau; mettre un tonneau en perce; détartrer, nettoyer, soufrer un tonneau. Un tonnelier à manches retroussées et en tablier de cuir chevillait un gros tonneau. Les douves retentissaient sous le maillet avec ce bruit de bois creux si lugubre pour quiconque a entendu le marteau des fossoyeurs résonner sur un cercueil (Hugo, Rhin, 1842, p. 292).Cadine adorait les salaisons, elle restait en admiration devant les paquets de harengs saurs, les barils d'anchois et de câpres, les tonneaux de cornichons et d'olives (Zola, Ventre Paris, 1873, p. 778). ♦ Vin au tonneau (p. oppos. à vin bouché, en bouteille(s)). Vin tiré directement du tonneau au moment de la vente. (Dict. xixeet xxes.). ♦ Fond de tonneau. Mélange épais de vin et de lie restant au fond du tonneau une fois que le vin a été tiré (Dict. xixeet xxes.). Au fig. Reste, résidu, chose médiocre et sans valeur (Dict. xixeet xxes.). ♦ Rinçure de tonneau. Vin médiocre, piquette. Qu'est-ce que je dirai donc, moi, de cette cochonnerie de piquette que Delhomme me donne pour du vin? Il éleva le verre, le regarda à la chandelle. − Hein? Qu'a-t-il bien pu foutre là dedans? Ce n'est pas même de la rinçure de tonneau (Zola, Terre, 1887, p. 212). − P. méton. Contenu d'un tonneau. Car j'en boirais bien un tonneau, Que c'vin-là, par-dessus tant d'eau, Ça n'f'rait encore que d'l'eau rougie (Dumas père, Noce et enterrement, 1826, I, 5, p. 78). − Tonneau des Danaïdes. [P. allus. myth.; à propos de qqc. qu'il est impossible d'achever, qu'il faut poursuivre sans cesse] Paris est la grande illusion de tout ce qui pense que vivre c'est user la vie. Paris est le tonneau des Danaïdes; on lui jette les illusions de sa jeunesse, les projets de son âge mur, les regrets de ses cheveux blancs; il enfouit tout et ne rend jamais rien (Soulié, Mém. diable, t. 1, 1837, p. 36).C'est mon affection qui succombe, d'anémie, parce qu'elle se sent inutile. Elle ne peut pas se nourrir éternellement d'elle-même. C'est une tâche surhumaine, c'est le tonneau des Danaïdes à recharger jusqu'à ce qu'on s'effondre (Montherl., J. filles, 1936, p. 996). ♦ En partic. [En parlant de qqc. qui cause des dépenses perpétuelles dont on ne voit pas la fin] (Dict. xixeet xxes.).P. méton. Personne qui dépense sans compter. Synon. panier percé*.Je ne vous parlerai pas des habitudes dépensières de M. Arthur; c'est le tonneau des Danaïdes (Augier, MeGuérin, 1865, p. 266). − P. compar. Être gros comme un tonneau. Il était fabuleusement gros, et grand en proportion (...) le dos d'une largeur monstrueuse, le ventre comme un tonneau (Rolland, J.-Chr., Révolte, 1907, p. 575).Avec son bide énorme et son immense képi, encerclé de galons du haut en bas, comme un tonneau (Barbusse, Feu, 1916, p. 261). − Au fig., fam., vieilli. Qualité, valeur, importance d'une chose. Synon. calibre.J'ai lu de lui, cet hiver, des scènes historiques sur la Fronde, genre Vitet, qui sont d'un joli tonneau (Flaub., Corresp., 1878, p. 128).Un insulteur de ce tonneau-là (Goncourt, Journal, 1885, p. 438). ♦ Souvent péj. Du même tonneau. De la même valeur, de la même nature. J'ai entendu les deux actes. Oh! la fin du deux! C'est du même tonneau que Plaisir de rompre, quoique supérieur (Renard, Journal, 1903, p. 815).Belle victoire pour une femme, d'être appelée enfin par un cacochyme! Du même tonneau que la victoire de l'Église, quand l'incroyant dans le coma accepte de voir un prêtre (Montherl., Démon bien, 1937, p. 1238). 2. Récipient en métal, cylindrique monté sur un châssis à roues, destiné au transport de l'eau, du lisier. Synon. tonne.Tonneau d'arrosage. L'atelier d'arrosage comprend généralement deux tonneaux dont l'un sur la chaussée et l'autre au remplissage; chaque tonneau est traîné par son cheval conduit par un homme (Bourde, Trav. publ., 1929, p. 54). 3. Demi-tonneau dans lequel se tenait autrefois un marchand ou une marchande en plein air. (Dict. xixeet xxes.). 4. Voiture à cheval légère et découverte, à deux roues, dans laquelle on pénètre par derrière. Nous étant laissés entraîner trop loin dans une promenade, nous avions été fort heureux de trouver à Maineville deux petits « tonneaux » à deux places qui nous permettraient de revenir pour l'heure du dîner (Proust, J. filles en fleurs, 1918, p. 926).En gilet blanc, veste de tussor écru, canotier, Desca attendait Jean à la station voisine de Joncherolles, son cheval attelé à un tonneau à l'ombre d'un arbre (Chardonne, Pauline, 1934, p. 236). 5. JEUX. Coffre dont le plateau supérieur, le plus souvent décoré d'une grenouille, est percé de trous affectés d'un chiffre correspondant à un nombre de points et dans lesquels les joueurs doivent lancer des palets. Oh! l'argent, les pièces de cent sous, ça ne me représente rien, ce sont comme des palets de jeu de tonneau que j'échange contre des jouissances des yeux (Goncourt, Journal, 1888, p. 858).Une demi-douzaine de convalescents s'ébrouaient autour du vieux jeu de tonneau, et l'on entendait tinter les palets contre la grenouille de bronze (Martin du G., Thib., Épil., 1940, p. 849). − P. méton. Jeu du tonneau. Les boutiquiers causaient, discutaient entre eux en jouant au tonneau, et le mot argent sonnait sec dans ces voix aigres comme les palets qu'on heurtait (A. Daudet, Contes lundi, 1873, p. 255). 6. P. anal. (avec le mouvement du tonneau qui roule) a) AVIAT. Figure de voltige aérienne consistant à faire exécuter à l'appareil un tour complet sur lui-même autour de son axe longitudinal. (En 1913) Pégoud essayait sans le réussir entièrement le « tonneau », retournement latéral de l'appareil (Hist. de l'Aéronautique, 1942ds Petiot 1982). ♦ Tour complet sur elle-même effectué par une automobile autour de son axe longitudinal lors d'un accident. La voiture faisait un double tonneau (L'Auto, 18 avr. 1932ds Petiot 1982). b) SPORTS (natation). Virage effectué par les nageurs de dos crawlé en bout de ligne. Depuis 1958 les nageurs de dos crawlé semblent être revenus à la plus simple formule du virage, appelée « tonneau »: les jambes pivotent à fleur d'eau. La poussée sur le mur renvoie le corps très en surface (Encyclop. des Sports, 1961ds Petiot 1982). B. − MARINE 1. MÉTROL. Unité internationale de volume utilisée pour déterminer le jaugeage des navires et valant 2,83 mètres cubes. Un navire de 100 tonneaux de jauge, portant 140 tonneaux de charge, coûte 17 816 francs à Syra, et 46 000 francs à Marseille (About, Grèce, 1854, p. 166).La construction d'un navire de deux à trois cents tonneaux, c'était une grosse besogne (Verne, Île myst., 1874, p. 542). 2. Tonneau d'affrètement. Quantité d'une marchandise déterminée, qui, multipliée par le taux du fret pour le pays de destination, donne le prix du transport de cette quantité de marchandise pour le pays considéré (d'apr. GDEL). Prononc. et Orth.: [tɔno]. Qq. suj. ds Martinet-Walter 1973 disent [tono]. Att. ds Ac. dep. 1694. Étymol. et Hist. 1. a) Ca 1150 tonel (Wace, St Nicolas, éd. E. Ronsjö, 1140); 1380 tonniou (Roques t. 2, I, 3137); b) 1552 d'un autre tonneau « d'un autre genre » (Rabelais, Quart Livre, éd. R. Marichal, p. 212); c) 1671 tonneau percé (Bouhours, Entretiens d'Ariste et d'Eugène, p. 95); d) 1684 tonneau des Danaïdes (Bernier, Abr. philos. de Gassendi, p. 234); 2. 1615 « mesure de capacité pour le jaugeage d'un navire » (Montchrestien, Traité d'Œconomie pol., p. 311); 3. 1643 des tonneaux de « des masses de » (Tristan l'Hermite, Page disgracié, p. 191); 4. 1835 c'est un tonneau se dit d'un ivrogne (Ac.); 5. 1888 « voiture légère et découverte, à deux roues, tirée par des chevaux » (Villatte, Parisismen d'apr. FEW t. 13, 2, p. 416a); 6. a) 1917 « (pendant la guerre) vrille, acrobatie aérienne » (Stabilo, Guerre aérienne ds Esn. Poilu); b) 1932 (L'Auto, loc. cit.). Dimin. de tonne*; suff. -eau*. Fréq. abs. littér.: 807. Fréq. rel. littér.: xixes.: a) 1 021, b) 1 436; xxes.: a) 1 328, b) 991. Bbg. Ball (R. V.). Nouv. dat. pour le vocab. de l'automob. Fr. mod. 1975, t. 43, p. 56. − Chautard Vie étrange Argot 1931, p. 671. − Quem. DDL t. 16. |