| TON1, TA, TES, adj. poss. [Déterm. du subst. qui a d'une part une fonction d'actualisation comparable à celle de l'art. le et qui, d'autre part, renvoie à la pers. à laquelle qqn dit « tu ». Comme déterm., il s'accorde en genre et en nombre avec le subst. du syntagme nom. Le fém. ta est remplacé par ton devant voy. ou h non aspiré: ton amie, ton humeur] I. − [Marque que l'entité que désigne le subst. déterminé est dans un rapport de dépendance avec la pers. à qui je dit « tu »] A. − [Le poss. détermine un subst. désignant une pers.; le groupe nom. exprime un rapport de parenté ou un rapport soc. relativement à l'interlocuteur] Tes parents, ton cousin, ta voisine, ton patron. Tu trompes ton homme, et tu cours les galants! (Benjamin, Gaspard, 1915, p. 151).Je veux que tu saches, je veux que vous sachiez, toi, ton fils, ta fille, ton gendre, tes petits-enfants, quel était cet homme qui vivait seul en face de votre groupe serré (Mauriac, Nœud vip., 1932, p. 19). − En partic. [Dans la formule annonçant ou constituant la signature d'une lettre: ton mari, ton Max « celui qui est ton mari, qui est Max »] Tu vois que je suis gentil en t'écrivant tous les jours. Fais-en de même de ton côté. Adieu, vieux Loulou. Je t'embrasse très fort. Ton ganachon (Flaub., Corresp., 1865, p. 39). B. − [Le poss. détermine un subst. désignant une chose] 1. [Le subst. désigne une partie du corps, une disposition, une faculté; la relation est celle d'une possession « inaliénable »] Montre-moi tes mains. Ce soir, tu n'es pas dans ton assiette (Hermant, M. de Courpière, 1907, iii, 7, p. 25).Ta barbe!... Que tu es comique avec ta barbe! (Benjamin, Gaspard, 1915, p. 96).Mets ta petite figure contre mon cou, là, à la place que tu aimais (Mauriac, Asmodée, 1938, v, 5, p. 205). − [Le subst. désigne une période de la vie] Depuis ta naissance; dans ta jeunesse; à ton âge. Je sentis quelque chose en moi qui me disait: Reste devant elle jusqu'à la fin de tes jours, et garde-la (Vigny, Serv. et grand. milit., 1835, p. 56).Tu m'as dit, dans tes bons moments, que la Providence m'a chargée de veiller sur toi comme une mère (Musset, Confess. enf. s., 1836, p. 257). 2. [Le subst. désigne des objets, des biens, des lieux; le poss. exprime l'appropriation, la possession] Tu mets une/ta veste, des/tes chaussures; tu t'allonges sur le/ton lit. − Je cherchais mon dé, qui avait roulé. − Ton dé? Le voilà sur la table (Pourrat, Gaspard, 1930, p. 135).Quand tu verras avancer le groupe à ta gauche, tu avanceras (Malraux, Espoir, 1937, p. 486).Ne reste pas comme ça dans ton coin, à te ronger les sangs (Beauvoir, Mandarins, 1954, p. 295). 3. [Le subst. désigne le produit, le résultat de l'activité de la pers. dont il est question] Ton article, ton dernier roman. Oui! eh bien, c'est très intéressant, mais tu nous raconteras tes mémoires une autre fois! (Feydeau, Dame Maxim's, 1914, i, 6, p. 10). C. − En partic. [Ton/ta/tes est la trace d'une relative qui comporte tu: « le... dont tu parles, que tu évoques, que tu proposes » (elle est belle, ta religion! « la religion dont tu te réclames »; tu peux les garder, tes cadeaux « les cadeaux que tu me proposes »)] − Et je voulais t'annoncer une grosse nouvelle. Puisque je suis une idiote, je ne te l'annoncerai pas (...). − Tu peux la garder, ta nouvelle, dit-il. Je m'en fiche pas mal (Cocteau, Enfants, 1929, p. 43). − (...) tu ne me vendrais pas cette peau de lièvre? (...) le gros Sauteiron, celui qui vend des chevaux (...) a crié: − Amène-la, ta peau. Il en a donné six francs. Panturle a dit: − Ça va (Giono, Regain, 1930, p. 139). − [Souvent dans un syntagme introd. par avec] Tu nous ennuies, avec tes citations; arrête, avec tes bêtises. − Pierre, à quoi penses-tu? Parle-moi... Oh! tu ne m'aimes plus. − Fous-moi la paix avec tes boniments. J'ai sommeil (Dabit, Hôtel Nord, 1929, p. 70). − [En parlant d'une pers.] − (...) Elle n'est même pas rentrée, ta Juliette, à huit heures et demie. − Pourquoi, ma Juliette? − Parce qu'elle sait que son père lui passe tout, et qu'elle en profite (Aymé, Jument, 1933, p. 75).Si je les trouve, tes salauds, ça leur coûtera cher. Alors, cache-les bien! (Vercel, Cap. Conan, 1934, p. 102). II. − [Le subst. désigne un procès ou complète un verbe support] A. − [Le poss. est coréférent avec le suj. de la phrase] 1. [Le poss. peut alterner avec un autre déterm.] Tu fais un choix/ton choix; tu as pris une douche/ta douche; tu vas au travail/à ton travail; tu prends de l'élan/ton élan. Et puis tu as piqué ta crise, comme tout à l'heure, pire encore, hein? T'es tombé? (Vercel, Cap. Conan, 1934, p. 176). ♦ Fam. [Le poss. remplace l'art. dans le tour du type tu fais le fier, le malin] Tu passes dans la rue, oh! la jolie montre! et on entre dans le magasin, tu te l'épingles au corsage, tu fais ta mutine, il ne peut pas te l'enlever, ou alors c'est un mufle (Aragon, Beaux quart., 1936, p. 366). − [Avec un verbe comportant un compl. d'obj. indir. ou le pron. corresp.] Tu lui fais des excuses/tes excuses; tu lui apportes de l'aide/ton aide; tu lui accordes le pardon/ton pardon. Je t'ai parlé de ça, Joigneau (...), pour que tu puisses, en passant, lui dire ton mot là-dessus, à la garce (Martin du G., Vieille Fr., 1933, p. 1023). 2. [Le poss. est obligatoire (dans des expr. plus ou moins lexicalisées)] Tu as réussi ton coup; tu caches bien ton jeu; tu as fais de ton mieux, ton possible; prends ton mal en patience. À toi, mon Dieu! à toi seul à le prendre sous ta garde (Toepffer, Nouv. genev., 1839, p. 55).Si tu me nourris dans l'espoir d'une rançon, tu en seras pour tes frais (About, Roi mont., 1857, p. 102).Ton lot est de regretter toujours, de ne désirer jamais. Il faudrait en prendre ton parti, mon cher (Fromentin, Dominique, 1863, p. 132). B. − [Le poss. est coréférent avec le compl. te] 1. [Avec te, obj. dir.; le poss. du compl. prép. est coréférent à te] Elle t'a remis à ta place; on t'a abandonné à ton triste sort; on t'a mis le nez dans ton caca. Il te mène à ta perte, frère (Vogüé, Morts, 1899, p. 395). 2. [Avec te, obj. indir. (« à toi »), le poss. du compl. d'obj. dir. est coréférent au pron. te] Jean te passe tous tes caprices; je t'ai donné ton congé; on va te faire ta fête; il t'a dit tes quatre vérités; je te ferai tes commissions. Allons donne-le: tu vois bien que je t'ai laissé ta chance et que tu n'en as pas profité (Sartre, Mains sales, 1948, 6etabl., 2, p. 231). C. − [Transpose dans le groupe nom. le pron. pers. tu (le subst. est un dér. morphol. de verbe ou le subst. compl. d'un verbe opérateur)] 1. [Comme constituant de la phrase] a) [Le subst. a un sens actif] Tes accusations sont graves; je refuse tes avances, ton aide; ton dégoût n'est pas justifié. C'est bien pour ça que je viens à ton aide, moi! (Martin du G., Taciturne, 1932, III, 8, p. 1340). b) [Le subst. a un sens passif] Ton admission ne saurait tarder. − (...) J'ai pensé que j'étais responsable de ton arrestation... − Mon pauvre ami (...), j'ai été arrêté le même jour que toi (Van der Meersch, Invas. 14, 1935, p. 251). Rem. Voir la liste des princ. subst. à sens passif, s.v. mon/ma/mes I C 2 rem. 2. [Dans des loc. circ. en incise] À ta place, je ne le ferais pas. Un verre de clairet ou de brumeux, à ton gré, te remettra (Cladel, Ompdrailles, 1879, p. 343).Bon à ton avis qu'est-ce qui vaut le plus cher la peau d'un cheval ou la peau d'un soldat (Cl. Simon, La Route des Flandres, Paris, éd. de Minuit, 1960, p. 132). Prononc. et Orth.: [tɔ
̃], [ta], [tε], [te]. Liaison en [n], dans ton allure, ton état p. ex., en [tɔ
̃n] (majoritairement), ou, avec la dénasalisation de la voy., [tɔn] (d'apr. Passy 1914, Martinet-Walter 1973). Warn. 1968, tes, « pfs soutenu [tε] ». Homon. ton2,3,4; tonds, tond (de tondre); té1,2; thé. Att. ds Ac. dep. 1694. Étymol. et Hist. Déterm. poss. atone de la singularité fonctionnant comme un art. A. Masc. 1. sing. a) 2emoit. xes. cas suj. tos forme prov. [v. éd. p. 90] le subst. déterminé est attribut du suj. (St Léger, éd. J. Linskill, 92: Tos consiliers ja non estrai); fin xes. tos id. (Passion, éd. D'Arco Silvio Avalle, 56); ca 1050 tes; agn. tis [Pope,1260] (St Alexis, éd. Chr. Storey, 339; 415); ca 1100 id. tis (Roland, éd. J. Bédier, 223); b) fin xes. cas régime ton; to [infl. prov.] (Passion, 296; 514); ca 1050 agn. tun (St Alexis, 25; 469); ca 1100 id. (Roland, 1984; 3894); 1remoit. xiiies. pic. ten (Aucassin et Nicolette, éd. M. Roques, XXIV, 68); 2. plur. a) fin xes. cas régime tos [forme prov.] (Passion, 63); fin xiies. tes (Sermons de St Bernard, 115, 37 ds T.-L.); b) ca 1100 cas suj. ti (Roland, 3901). B. Fém. 1. sing. a) fin xes. cas régime ta (Passion, 295); ca 1100 élidé devant voy. init. (Roland, 2898: t'anme); xiiies. forme masc. devant voy. init.; lorr. (Dialogus anime conquerentis et rationis consolantis, éd. F. Bonnardot, XXVII, 12: ton ire dot), v. recension de P. Rickard ds Archivum linguisticum, t. 11, 1959, pp. 32-42; b) ca 1050 cas suj. ta (St Alexis, 131); 1erquart xiiies. pic. te [en appos.] (Renclus de Molliens, Miserere, éd. A. G. Van Hamel, CLXXVI, 2: Ch'est te moleste); 2. plur. a) fin xes. cas régime tas [forme prov.] (Passion, 63); ca 1100 tes (Roland, 3493); b) 1remoit. xiies. cas suj. tes (Psautier de Cambridge, éd. Fr. Michel, XXXVII, 2). Tes, ton - ti, tes; ta, tes poss. atones de la singularité sont issus du parad. lat. vulg. atone (proclitique): masc. sing. tus (class. tŭus) < tọs < tes; tum (tŭum) < tọm < ton; plur. < tọs < tes entraînant par réfection anal. le cas suj. ti (sur lequel a été à son tour refait le masc. sing. cas suj. tis, Pope, § 353); fém. sing. ta, plur. tas tes. Cette série atone, de type tus, tum, signalée dans la 2emoit. du vies. par le grammairien toulousain Virgilius Maro (Epitomae, éd. D. Tardi, VI, De Pronomine, p. 81), vient de la contraction des deux u en position enclitique (Vään., 81), et tus a entraîné tos; ta, tas. Pour le maintien du -m final de tum comparé à son amuissement dans tam, v. son1, sa, ses. Ce parad. atone constitue dans la lang. parlée à basse époque, une série distincte du parad. tonique, cf. tien. Fréq. abs. littér.: 22 471. Fréq. rel. littér.: xixes.: a) 34 878, b) 38 859; xxes.: a) 27 430, b) 28 487. Bbg. Godard (D.). Les Déterminants possessifs... Lang. fr. 1986, no72, pp. 102-121. − Gross (G.). Synt. du déterm. poss. Déterm.: synt. et sém.: Colloque internat. de ling. Fac. des lettres et sc. hum. de Metz. Centre d'analyse synt. Paris, 1986, pp. 109-110. − Harris (M.). Demonstratives, articles and third person pronouns in Fr. Z. rom. Philol. 1977, t. 93, pp. 249-261. − Langacker (R. W.). Observations on Fr. possessives. Language. Baltimore, 1968, t. 44, pp. 51-75. − Pinchon (J.). Morphosyntaxe du fr. Paris, 1986, pp. 105-113; les Pron. adv. en et y. Genève, 1972, pp. 152-165. − Rickard (P.). The rivalry of m(a), t(a), s(a) and mon, ton, son before feminine nouns in Old and Middle Fr. Archivum linguisticum. 1959, t. 11, pp. 21-47, 115-147. − Rouget (Ch.). Comment son et le sien mettent de l'ordre dans la synt. nom. Rech. Fr. parlé. 1986, no8, pp. 105-117. − Wunderli (P.). Les Struct. du possessif en m. fr. In: Ét. de synt. de m. fr. Éd. par R. Martin. Paris, 1978, pp. 111-119. |